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Décisions

CJUE, gr. ch., 6 octobre 2021, n° C-50/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sigma Alimentos Exterior SL, République fédérale d’Allemagne

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenaerts

Présidents de chambre :

M. Arabadjiev, M. Vilaras, M. Regan, M. Ilešič, M. Kumin

Juges :

M. Šváby, M. Rodin, M. Biltgen, Mme Jürimäe, M. Lycourgos, M. Xuereb, M. Jarukaitis

Avocat général :

M. Pitruzzella

Avocats :

Me Linares-Gil, Me Muñoz Pérez

CJUE n° C-50/19 P

5 octobre 2021

LA COUR (grande chambre),

1 Par son pourvoi, Sigma Alimentos Exterior SL demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 novembre 2018, Sigma Alimentos Exterior/Commission (T‑239/11, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:781), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, et, à titre subsidiaire, de l’article 4 de la décision 2011/282/UE de la Commission, du 12 janvier 2011, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 135, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

Les antécédents du litige

2 Les antécédents du litige, qui ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

3 Le 10 octobre 2007, à la suite de plusieurs questions écrites qui lui avaient été posées au cours des années 2005 et 2006 par des membres du Parlement européen, ainsi que d’une plainte d’un opérateur privé dont elle avait été le destinataire au cours de l’année 2007, la Commission européenne a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard du dispositif prévu à l’article 12, paragraphe 5, introduit dans la Ley del Impuesto sobre Sociedades (loi relative à l’impôt sur les sociétés) par la Ley 24/2001, de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social (loi 24/2001, portant adoption de mesures fiscales, administratives et d’ordre social), du 27 décembre 2001 (BOE no 313, du 31 décembre 2001, p. 50493), et repris par le Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret législatif royal 4/2004, portant approbation du texte remanié de la loi relative à l’impôt sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci-après la « mesure litigieuse »).

4 La mesure litigieuse prévoit que, dans le cas d’une prise de participations d’une entreprise imposable en Espagne dans une « société étrangère », lorsque cette prise de participations est d’au moins 5 % et que la participation en cause est détenue de manière ininterrompue pendant au moins un an, la survaleur financière en résultant peut être déduite, sous forme d’amortissement, de l’assiette imposable de l’impôt sur les sociétés dont l’entreprise est redevable. Cette mesure précise que, pour être qualifiée de « société étrangère », une société doit être assujettie à un impôt identique à l’impôt applicable en Espagne et ses revenus doivent provenir essentiellement de la réalisation d’activités à l’étranger.

5 La Commission a clôturé la procédure, en ce qui concerne les prises de participations réalisées au sein de l’Union européenne, par sa décision 2011/5/CE, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48).

6 Par cette décision, la Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur la mesure litigieuse, consistant en un avantage fiscal permettant aux sociétés espagnoles d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des sociétés non-résidentes, lorsqu’elle s’appliquait à des prises de participations dans des sociétés établies au sein de l’Union.

7 La Commission a cependant maintenu ouverte la procédure en ce qui concerne les prises de participations réalisées en dehors de l’Union, les autorités espagnoles s’étant engagées à fournir des éléments supplémentaires relatifs aux obstacles aux fusions transfrontalières existant en dehors de l’Union dont elles avaient fait état.

8 Le 12 janvier 2011, la Commission a adopté la décision litigieuse. Par cette décision, qui a fait l’objet de correctifs les 3 mars et 26 novembre 2011, la Commission a, notamment, déclaré incompatible avec le marché intérieur la mesure litigieuse, lorsqu’elle s’applique à des prises de participations dans des entreprises établies en dehors de l’Union (article 1er, paragraphe 1), et a enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer les aides accordées (article 4).

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, et, à titre subsidiaire, de l’article 4 de la décision litigieuse.

10 Par ordonnance du 9 septembre 2013, le Tribunal a joint au fond l’exception d’irrecevabilité qui avait été soulevée par la Commission.

11 La procédure a été suspendue du 13 mars au 7 novembre 2014, date à laquelle le Tribunal s’est prononcé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938) et a annulé la décision litigieuse. La procédure a été suspendue de nouveau du 9 mars 2015 au 21 décembre 2016, date à laquelle la Cour s’est prononcée dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, ci-après l’« arrêt WDFG », EU:C:2016:981).

12 Par l’arrêt WDFG, la Cour a annulé les arrêts du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939), ainsi que du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938), renvoyé les affaires devant le Tribunal, réservé pour partie les dépens et condamné la République fédérale d’Allemagne, l’Irlande et le Royaume d’Espagne à supporter leurs propres dépens.

13 Par courrier du 16 janvier 2017, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur l’arrêt WDFG. La Commission a présenté ses observations dans le délai imparti. La requérante n’a pas présenté d’observations.

14 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours introduit par la requérante.

15 Écartant les deux branches du moyen unique soulevé par cette dernière, tirées, pour la première, de l’absence de sélectivité prima facie de la mesure litigieuse (points 64 à 76 de l’arrêt attaqué) et, pour la seconde, de l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers (points 77 à 170 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a jugé qu’il convenait de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il fût besoin de statuer sur la recevabilité de celui-ci, pourtant mise en cause par la Commission (points 27 et 172 de l’arrêt attaqué).

16 S’agissant, plus spécifiquement, de la première branche du moyen unique, le Tribunal a rappelé que, ainsi qu’il découle de l’arrêt WDFG, une mesure fiscale qui accorde un avantage dont l’octroi est conditionné par la réalisation d’une opération économique peut être sélective, y compris lorsque, eu égard aux caractéristiques de l’opération en cause, toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser cette opération (points 64 à 76 de l’arrêt attaqué).

17 Quant à la seconde branche du moyen unique, le Tribunal a examiné la mesure litigieuse à l’aune des trois étapes de la méthode d’analyse de la sélectivité d’une mesure fiscale nationale, présentée aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, à savoir, tout d’abord, l’identification du régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, ensuite, l’appréciation du point de savoir si la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable, et, enfin, l’appréciation du point de savoir si une telle dérogation est justifiée par la nature et l’économie de ce régime.

18 En ce qui concerne la première étape, le Tribunal a indiqué que le cadre de référence défini dans la décision litigieuse, à savoir « le traitement fiscal de la survaleur » (point 79 de l’arrêt attaqué), constituait le système de référence pertinent en l’espèce, dans la mesure notamment où les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes. Selon cette juridiction, l’objectif de ce régime serait de garantir un certain parallélisme entre le traitement comptable et le traitement fiscal de la survaleur résultant pour une entreprise de la prise de participations dans une société (points 103 à 109 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a ainsi rejeté l’idée que la mesure litigieuse constitue un système de référence autonome (points 112 à 126 de l’arrêt attaqué), de telle sorte qu’il a écarté le grief tiré de l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers (points 108, 124 et 127 de l’arrêt attaqué).

19 En ce qui concerne la deuxième étape, le Tribunal a considéré que c’est à bon droit que la Commission avait estimé, dans la décision litigieuse, que la mesure litigieuse avait introduit une dérogation par rapport au régime normal. Il a ainsi rejeté le grief selon lequel la Commission ne s’était pas acquittée de son obligation de démontrer que les prises de participations dans des sociétés résidentes et celles dans des sociétés non-résidentes étaient comparables au regard de l’objectif de neutralité fiscale poursuivi par la mesure litigieuse (points 128 à 134 de l’arrêt attaqué).

20 En ce qui concerne la troisième étape, le Tribunal a souligné qu’aucun des arguments spécifiquement avancés en l’espèce ne permettait de justifier la dérogation établie par cette mesure et ainsi la différence de traitement constatée (points 135 à 170 de l’arrêt attaqué).

Les conclusions des parties

21 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse dès lors que la mesure litigieuse n’est pas une aide d’État illégale ;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse dès lors que cette mesure ne comporte pas d’éléments d’aide d’État lorsqu’elle est appliquée à des acquisitions de participations qui impliquent une prise de contrôle ;

– à titre encore plus subsidiaire, d’annuler l’article 4 de la décision litigieuse dans la mesure où il prévoit la récupération des aides pour les opérations réalisées antérieurement à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens.

22 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la requérante aux dépens.

23 La République fédérale d’Allemagne soutient les conclusions de la requérante.

Sur le pourvoi

24 Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur d’interprétation de l’arrêt WDFG en ce que le Tribunal se serait fondé sur des critères de comparabilité erronés qui, à leur tour, auraient conduit à une appréciation erronée de l’existence d’un avantage sélectif au sens de l’article 107 TFUE. Par son second moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a fait une application erronée de la méthode d’analyse de la sélectivité en trois étapes, en ce qu’il a considéré que l’existence d’éventuels obstacles juridiques aux regroupements transfrontaliers ne permettait pas d’exclure la sélectivité de la mesure litigieuse.

25 La République fédérale d’Allemagne se rallie, en substance, à la position défendue par la requérante en mettant en cause la grille d’analyse de la sélectivité de la mesure litigeuse retenue en l’espèce. La République fédérale d’Allemagne fait notamment valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance que la mesure litigieuse constitue une mesure générale accessible à toute entreprise qui en remplit les conditions matérielles n’est plus un élément pertinent dans le cadre de l’appréciation de la sélectivité.

26 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt WDFG, point 53 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 27).

27 Il est bien établi que des mesures nationales conférant un avantage fiscal qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, placent les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables sont susceptibles de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et constituent, partant, des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt WDFG, point 56, et arrêt du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 21).

28 En ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage, inhérente à la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui fait seule l’objet de l’argumentation avancée dans le cadre du présent pourvoi, il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour que cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 28 et jurisprudence citée).

29 L’examen de la question de savoir si une telle mesure présente un caractère sélectif coïncide ainsi, en substance, avec celui de savoir si cette mesure s’applique à un ensemble d’opérateurs économiques de manière non discriminatoire (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 53).

30 Lorsque la mesure en cause est envisagée comme un régime d’aides et non comme une aide individuelle, il incombe à la Commission d’établir que cette mesure, bien qu’elle prévoie un avantage de portée générale, en confère le bénéfice exclusif à certaines entreprises ou à certains secteurs d’activité (arrêt WDFG, point 55 et jurisprudence citée).

31 Afin de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, à savoir le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un second temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, A‑Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 36 et jurisprudence citée).

32 La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée, en ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (arrêt du 19 décembre 2018, A‑Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 44 et jurisprudence citée).

33 C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les deux moyens du pourvoi de la requérante.

Sur le premier moyen dupourvoi

Argumentation des parties

34 Par son premier moyen, la requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, soutient que le Tribunal a interprété l’arrêt WDFG de manière erronée en affirmant, aux points 69 et 70 de l’arrêt attaqué, que la sélectivité d’une mesure peut être établie en fonction du comportement volontaire des entreprises exclues de l’avantage octroyé par cette mesure, sans tenir compte des circonstances dans lesquelles se trouvent ces entreprises ou de leurs caractéristiques propres.

35 Selon la requérante, il ressort des points 67, 77 ou 79 de l’arrêt WDFG que l’analyse de la sélectivité doit être effectuée sur la base de la situation des entreprises et non du régime applicable aux opérations qu’elles réalisent. Or, le fait que certaines entreprises peuvent choisir d’effectuer certaines opérations et que d’autres ne le peuvent pas impliquerait qu’elles se trouvent dans des situations différentes. Les entreprises investissant dans des sociétés espagnoles seraient libres de décider de procéder à un regroupement et, partant, de bénéficier de l’amortissement de la survaleur prévu par le droit espagnol dans un tel cas. Pour ces entreprises, seul le choix de ne pas procéder à un tel regroupement conduirait à une impossibilité d’amortir la survaleur. En revanche, avant l’entrée en vigueur de la mesure litigieuse, l’impossibilité d’amortissement en cas de prise de participations dans des sociétés étrangères aurait été absolue, en particulier en cas d’acquisitions en dehors de l’Union, et aurait dépendu de la situation de l’entreprise acquéreuse plutôt que de son comportement. Les entreprises acquérant des actions dans des sociétés résidentes seraient donc dans une situation plus avantageuse, puisqu’elles auraient la possibilité de choisir d’effectuer une opération déterminée.

36 La Commission estime que le premier moyen du pourvoi est irrecevable car le recours de la requérante devant le Tribunal ne comportait aucun grief relatif aux critères de comparaison de la situation des entreprises bénéficiaires de la mesure litigieuse avec celle des entreprises exclues de son bénéfice. Selon la Commission, autoriser la requérante à soulever de nouveaux griefs dans le cadre d’un pourvoi reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. En tout état de cause, le premier moyen du pourvoi serait non fondé, puisque la mesure litigieuse s’appliquerait non pas uniquement aux entreprises acquérant des participations dans des sociétés étrangères dans le but de réaliser une fusion mais également à celles qui acquièrent des participations minoritaires.

Appréciation de la Cour

–  Sur la recevabilité

37 Il convient de rappeler que, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

38 Ainsi, en vertu d’une jurisprudence bien établie, la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

39 Cela étant, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant la Cour, des moyens et des arguments nés de l’arrêt contesté lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 17, ainsi que du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 47).

40 En l’occurrence, par son argumentation, la requérante critique, en substance, de manière précise et circonstanciée, les motifs de l’arrêt attaqué, figurant aux points 69 et 70 de celui-ci, par lesquels le Tribunal a fait état de certaines conséquences qui devaient, selon lui, être tirées de l’arrêt WDFG aux fins de l’examen du caractère sélectif de la mesure en cause. Ainsi, en ce qu’il met en cause les conséquences tirées par le Tribunal de la solution légale que celui-ci a lui-même apportée à un moyen débattu devant lui, le premier moyen du pourvoi ne saurait être considéré comme modifiant l’objet du litige devant le Tribunal.

41 Eu égard à ces considérations, le premier moyen du pourvoi est recevable.

–  Sur le fond

42 Par son premier moyen du pourvoi, la requérante critique la lecture faite par le Tribunal de l’arrêt WDFG, telle qu’elle ressort des points 69 et 70 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne les critères de comparabilité devant être appliqués lors de l’examen de la sélectivité d’une mesure telle que la mesure litigieuse.

43 À cet égard, il convient de relever que le Tribunal, faisant application des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt WDFG, a rejeté la première branche du moyen unique du recours de la requérante, par lequel cette dernière faisait valoir l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse dès lors que celle-ci s’appliquait à toutes les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés et ne réservait pas le bénéfice qu’elle prévoyait à un type particulier d’entreprises.

44 Ainsi, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il découlait de la solution retenue par la Cour dans l’arrêt WDFG qu’« un constat de sélectivité ne résulte pas nécessairement d’une impossibilité pour certaines entreprises de bénéficier de l’avantage prévu par la mesure en cause du fait de contraintes juridiques, économiques ou pratiques les empêchant de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de cet avantage, mais peut résulter de la seule constatation qu’il existe une opération qui, alors qu’elle est comparable à celle qui conditionne l’octroi de l’avantage en cause, n’ouvre pas droit à celui-ci ». Le Tribunal en a déduit, à ce même point 69, qu’« une mesure fiscale peut être sélective alors même que toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de l’avantage que prévoit cette mesure ». Au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné, s’agissant de la solution ainsi retenue, que « [l]’accent a ainsi été mis sur une notion de sélectivité fondée sur la distinction entre des entreprises choisissant de réaliser certaines opérations et d’autres entreprises choisissant de ne pas les réaliser et non sur la distinction entre des entreprises au regard de leurs caractéristiques propres ».

45 Contrairement à ce que prétend la requérante, les points 69 et 70 de l’arrêt attaqué ne procèdent ni d’une interprétation erronée de l’arrêt WDFG ni d’une mise en œuvre de critères d’appréciation de la sélectivité de la mesure litigieuse non conformes à ce dernier.

46 Dans ces points, le Tribunal a exposé en quoi la Cour avait retenu une approche de la notion de « sélectivité » différente de celle que lui-même avait adoptée dans ses arrêts du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939), ainsi que du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938), en soulignant que la Cour avait mis l’accent sur une approche de cette notion fondée sur la distinction entre des entreprises choisissant de réaliser certaines opérations et d’autres entreprises choisissant de ne pas les réaliser, et non sur la distinction entre des entreprises au regard de leurs caractéristiques propres. Le Tribunal a fondé ce constat, au point 68 de l’arrêt attaqué, sur la circonstance que la Cour avait jugé, au point 87 de l’arrêt WDFG, que le fait que les entreprises résidentes, lorsqu’elles effectuent des prises de participations dans des sociétés fiscalement domiciliées en Espagne, n’ont pas droit à l’avantage que prévoit la mesure litigieuse pouvait permettre de conclure au caractère sélectif de cette mesure.

47 Or, c’est sans méconnaître ces enseignements de l’arrêt WDFG que le Tribunal a écarté l’argumentation de la requérante, tirée de ce que la mesure litigieuse était une mesure fiscale nationale de portée générale accessible à toutes les entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés en Espagne, c’est-à-dire une mesure prima facie non sélective.

48 En effet, c’est en application des critères rappelés en particulier au point 68 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a conclu, au point 75 de cet arrêt, que la mesure litigieuse, « qui accorde un avantage dont l’octroi est conditionné par la réalisation d’une opération économique, peut être sélective y compris lorsque [...] toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser cette opération », et a, dès lors, rejeté le premier grief du moyen unique du recours de la requérante.

49 Contrairement à ce que la requérante soutient, il ne saurait être déduit des points 69 et 70 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a affirmé que la sélectivité d’une mesure fiscale peut être établie sur la seule base du comportement des entreprises exclues de l’avantage conféré par la mesure en cause, sans tenir compte de la situation dans laquelle se trouvent ces entreprises. En effet, à ces points, le Tribunal a souligné, en substance, qu’une mesure nationale peut être sélective même dans l’hypothèse où le bénéfice de l’avantage qu’elle prévoit dépend non pas des caractéristiques spécifiques de l’entreprise mais de l’opération que celle-ci décide ou non de réaliser. Or, une mesure peut être considérée comme étant sélective même lorsqu’elle n’identifie pas ex ante une catégorie particulière de bénéficiaires et que toutes les entreprises établies sur le territoire de l’État membre concerné, quelles que soient leur taille, leur forme juridique, leur secteur d’activité ou d’autres caractéristiques qui leur sont propres, ont potentiellement accès à l’avantage prévu par cette mesure à condition de procéder à un certain type d’investissement (voir, en ce sens, arrêt WDFG, point 78).

50 Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.

Sur le second moyendupourvoi

51 Par son second moyen du pourvoi, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir considéré que l’existence d’éventuels obstacles aux regroupements transfrontaliers n’infirmait pas la conclusion selon laquelle la mesure litigieuse a un caractère sélectif. Ce moyen est divisé en quatre branches.

Sur la première branche du second moyen

–  Argumentation des parties

52 Par la première branche de son second moyen, la requérante soutient que le Tribunal a, dans l’identification du système fiscal national commun de référence, commis une « grave » erreur de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué. Plus particulièrement, la requérante fait valoir que le Tribunal a, de manière erronée, considéré que la finalité de la mesure litigieuse n’était pas de garantir la neutralité fiscale et d’éviter ainsi des situations de double imposition. À cet égard, le Tribunal aurait à tort conclu que le traitement fiscal de la survaleur n’est pas destiné à compenser l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers d’entreprises ou à assurer un traitement égal des différents types de prises de participations. En effet, il serait notamment clair que les sociétés qui choisissent d’acquérir des participations à l’étranger se trouvent dans des situations juridiques et factuelles différentes qui justifient un traitement fiscal différent.

53 La requérante estime, en premier lieu, que le Tribunal a conclu à tort que l’objectif de la déductibilité fiscale de la survaleur était de rapprocher le traitement fiscal de celle-ci de son traitement comptable, indépendamment du fait que l’entreprise en cause prenne des participations dans des sociétés résidentes ou non-résidentes. Ce faisant, le Tribunal aurait non seulement perdu de vue la finalité réelle du traitement fiscal de la survaleur prévu par le régime juridique litigieux, qui consisterait à promouvoir la neutralité fiscale en éliminant les obstacles aux regroupements transfrontaliers entre entreprises, mais aurait également substitué sa propre motivation à celle de la décision litigieuse, dès lors qu’aucun passage de cette décision ne contiendrait une conclusion en ce sens.

54 La requérante fait valoir, en deuxième lieu, que, en droit espagnol, le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en cas de prise de participations, tout en étant liés, demeurent distincts et suivent des règles et des critères différents.

55 En troisième lieu, elle relève que, aux points 103 et 104 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a lui-même reconnu qu’une survaleur comptable peut apparaître sans fusion, c’est‑à-dire sans qu’une telle comptabilisation ait d’incidence fiscale.

56 En quatrième lieu, la requérante rappelle que, entre les années 2008 et 2015, le droit espagnol ne permettait pas l’amortissement comptable de la survaleur, alors que la déductibilité fiscale de la survaleur résultant d’une fusion était, en tout état de cause, autorisée. Selon la requérante, ce serait en raison de l’appréciation erronée de l’objectif poursuivi par la mesure litigieuse que le Tribunal a confirmé le choix de la Commission d’identifier le système de référence dans le traitement fiscal de la survaleur, en excluant que la mesure litigieuse puisse constituer un tel système.

57 En cinquième et dernier lieu, la requérante fait valoir que les entreprises prenant des participations dans des sociétés espagnoles peuvent non seulement procéder librement à un regroupement en se prévalant de la déduction fiscale de la survaleur, mais bénéficient aussi d’autres avantages, tels que l’accès à un régime d’intégration fiscale, qui ne sont pas ouverts aux entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères. En faisant référence aux opérations d’acquisition qu’elle a réalisées aux États-Unis et au Pérou, la requérante souligne que, même en admettant qu’il n’existe pas d’obstacles juridiques aux regroupements transfrontaliers d’entreprises, le seul fait que les sociétés espagnoles et étrangères aient une forme juridique ou sociale différente constitue en soi un obstacle. Les entreprises prenant des participations dans des sociétés résidentes se trouveraient donc dans une situation juridique et factuelle différente de celle dans laquelle se trouvent les entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères, en particulier dans le cas où, comme pour la requérante, il s’agit de sociétés de pays tiers et de participations de contrôle.

58 La Commission, d’une part, invoque l’irrecevabilité de la première branche du second moyen du pourvoi pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du premier moyen du pourvoi et, d’autre part, fait valoir son caractère non fondé. Elle avance que, contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure litigieuse ne serait pas de nature à garantir la neutralité fiscale et ne serait pas proportionnée, puisqu’elle s’appliquerait également à des prises de participations transfrontalières minoritaires ne permettant pas, en tout état de cause, de réaliser un regroupement transfrontalier d’entreprises. Le Tribunal aurait donc conclu à bon droit que la prétendue existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers d’entreprises au Pérou ou aux États-Unis était dénuée de pertinence.

–  Appréciation de la Cour

59 D’emblée, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, un requérant est recevable à faire valoir sur pourvoi des moyens et des arguments nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé. La requérante est donc recevable à mettre en cause les constatations du Tribunal synthétisées au point 52 du présent arrêt, indépendamment de la circonstance qu’elle n’a pas développé en première instance une argumentation visant spécifiquement à contester la décision litigieuse sur ce point.

60 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante entend critiquer le bien-fondé de la conclusion du Tribunal figurant au point 108 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « l’objectif du traitement fiscal de la survaleur est d’assurer une certaine cohérence entre le traitement fiscal de la survaleur et son traitement comptable », elle doit être regardée comme mettant en cause les constatations factuelles du Tribunal qui découlent de son interprétation des principes fiscaux et comptables applicables en matière de survaleur en vertu du droit espagnol.

61 Or, conformément à une jurisprudence bien établie, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces faits et de ces éléments de preuve, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. C’est seulement lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits que la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées (arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 31 et jurisprudence citée).

62 Ainsi, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, qui, dans le domaine des aides d’État, constituent des appréciations de faits, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit. En revanche, l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, de la qualification juridique au regard d’une disposition du droit de l’Union qui a été donnée à ce droit national par le Tribunal constituant une question de droit, il relève de la compétence de la Cour [arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 78 et jurisprudence citée].

63 En outre, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, la Cour et le Tribunal sont compétents pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir. L’article 264 TFUE prévoit que, si le recours est fondé, l’acte contesté est déclaré nul et non avenu. La Cour et le Tribunal ne peuvent donc, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 141, et du 28 février 2013, Portugal/Commission, C‑246/11 P, non publié, EU:C:2013:118, point 85). Partant, la Cour est compétente, dans le cadre d’un pourvoi, pour vérifier si le Tribunal a procédé à une telle substitution et ainsi commis une erreur de droit.

64 Il s’ensuit qu’est recevable l’argumentation avancée au soutien de la première branche du second moyen, par laquelle la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir substitué sa propre motivation à celle contenue dans la décision litigieuse en ce qui concerne l’« objectif » au regard duquel doit être opéré l’examen de la comparabilité des situations des entreprises bénéficiant de l’avantage résultant de l’application de la mesure litigieuse et de celles qui en sont exclues.

65 À cet égard, la requérante fait valoir que l’objectif consistant à « assurer une certaine cohérence entre le traitement fiscal de la survaleur et son traitement comptable », visé au point 108 de l’arrêt attaqué, ne trouve aucun écho dans la décision litigieuse.

66 En l’espèce, force est de constater que, nulle part dans la décision litigieuse, la Commission n’a fait mention du maintien d’une certaine cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en tant qu’objectif du système de référence qu’elle a identifié.

67 Certes, le Tribunal a confirmé certaines des constatations figurant dans cette décision lorsqu’il a indiqué que le traitement fiscal de la survaleur s’organise autour du critère tiré de l’existence ou non d’un regroupement d’entreprises (points 103 et 105 de l’arrêt attaqué), et a expliqué, en se référant aux considérants 28 et 123 de cette décision, que cette circonstance est due au fait que, à la suite d’une acquisition ou d’une contribution d’actifs composant des entreprises indépendantes ou encore d’une fusion ou d’une scission, « une survaleur [...] apparaît, comme actif incorporel distinct, dans la comptabilité de l’entreprise issue du regroupement » (point 104 de l’arrêt attaqué). De même, l’affirmation selon laquelle le traitement fiscal de la survaleur est « en lien avec une logique comptable » (point 103 de l’arrêt attaqué) s’inscrit dans le prolongement de certaines considérations de la Commission figurant dans la décision litigieuse, en particulier aux considérants 121 à 124 de celle-ci.

68 Toutefois, c’est de manière autonome par rapport à cette décision et sur la base de sa propre interprétation des règles fiscales et comptables applicables en vertu du droit espagnol que le Tribunal a conclu que l’objectif des règles concernant l’amortissement de la survaleur financière contenues dans la loi relative à l’impôt sur les sociétés, telle qu’approuvée par le décret législatif royal 4/2004, était d’assurer la cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur et que, au regard de cet objectif, la situation des entreprises qui investissent dans des sociétés espagnoles est comparable à celle des entreprises qui investissent dans des sociétés non-résidentes.

69 Partant, en substituant sa propre motivation à celle de la décision litigieuse, le Tribunal a commis une erreur de droit.

70 Il convient toutefois d’examiner si, malgré l’erreur de droit commise par le Tribunal, le second grief du moyen unique invoqué par la requérante au soutien de son recours devant ce dernier devait, en ce qu’il reprochait à la Commission de ne pas avoir démontré que les prises de participations dans des sociétés résidentes et celles dans des sociétés non-résidentes étaient comparables au regard de l’objectif de neutralité fiscale poursuivi par la mesure litigieuse, être, en tout état de cause, rejeté.

71 En effet, selon une jurisprudence constante, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif apparaît fondé sur d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt (arrêts du 30 septembre 2003, Biret International/Conseil, C‑93/02 P, EU:C:2003:517, point 60 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 octobre 2014, Buono e.a./Commission, C‑12/13 P et C‑13/13 P, EU:C:2014:2284, point 62 et jurisprudence citée).

72 À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 31 du présent arrêt, à laquelle le Tribunal s’est référé à bon droit au point 130 de l’arrêt attaqué, l’examen de comparabilité à effectuer lors de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité doit être réalisé au regard de l’objectif du système de référence et non de celui de la mesure litigieuse.

73 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une mesure, telle que la mesure litigieuse, qui vise à favoriser les exportations peut être considérée comme étant sélective si elle bénéficie aux entreprises réalisant des opérations transfrontalières, en particulier des opérations d’investissement, au détriment d’autres entreprises qui, se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal concerné, effectuent des opérations de même nature sur le territoire national (arrêt WDFG, point 119).

74 Or, en l’occurrence, c’est à bon droit que le Tribunal a constaté, au point 109 de l’arrêt attaqué, que les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes. En effet, dans la mesure où les entreprises qui acquièrent des participations transfrontalières minoritaires peuvent être bénéficiaires de la mesure litigieuse alors même qu’elles ne sont pas affectées par les prétendus obstacles aux regroupements d’entreprises auxquels se réfère la requérante, il ne saurait être prétendu que, en raison de ces obstacles, les bénéficiaires de la mesure en cause se trouvent dans une situation juridique et factuelle différente de celle des entreprises qui relèvent du régime fiscal normal.

75 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que, nonobstant l’erreur de droit que le Tribunal a commise en substituant sa propre motivation à celle contenue dans la décision litigieuse dans le cadre de l’examen de la détermination de l’objectif du système de référence, la première branche du second moyen du pourvoi doit être écartée comme étant non fondée.

Sur la deuxième branche du second moyen

–  Argumentation des parties

76 La requérante soutient que c’est à tort que le Tribunal a rejeté la possibilité de considérer la mesure litigieuse comme étant un système de référence autonome, en se référant notamment aux conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Italie/Commission (173/73, ci-après les « conclusions de l’avocat général Warner », EU:C:1974:52, p. 728). En effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 124 de l’arrêt attaqué, cette mesure ne viserait pas à résoudre un problème particulier à un secteur industriel déterminé mais s’appliquerait à toutes les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.

77 Le Tribunal aurait également commis une erreur en ne considérant pas la mesure litigieuse comme étant une mesure à caractère général destinée à offrir aux opérateurs économiques une solution pratique assimilant le traitement fiscal des opérations transnationales à celui prévu à l’article 89, paragraphe 3, et à l’article 11, paragraphe 4, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés pour les opérations nationales, afin que les décisions d’investissement soient prises par les entreprises sur la base de critères économiques et non fiscaux. En effet, cette mesure serait clairement une mesure de politique économique générale visant à préserver le principe de neutralité fiscale. À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que cette mesure est justifiée par la logique du système fiscal, au regard du principe de neutralité fiscale.

78 La Commission conclut au rejet de la deuxième branche du second moyen. En premier lieu, elle excipe de l’irrecevabilité de cette branche au motif que celle-ci soulèverait un grief qui n’a pas été invoqué dans le cadre du recours de la requérante devant le Tribunal. En second lieu, la Commission considère que ladite branche est, en tout état de cause, non fondée. Contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure litigieuse ne garantirait pas la neutralité fiscale puisqu’elle accorderait à la prise de participations dans des entreprises étrangères des conditions d’amortissement de la survaleur plus favorables que celles prévues pour les participations dans des entreprises nationales. En effet, pour les premières, l’amortissement de la survaleur serait subordonné à la seule condition de l’acquisition d’une participation de 5 % dans le capital de l’entreprise acquise, tandis que, pour les secondes, le regroupement entre les entreprises serait également exigé.

–  Appréciation de la Cour

79 D’emblée, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir avancée par la Commission à l’encontre de la deuxième branche du second moyen. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, une partie est recevable à faire valoir des moyens et des arguments nés de l’arrêt contesté lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé. La requérante est donc recevable à mettre en cause les constatations faites par le Tribunal, indépendamment de la circonstance qu’elle n’a pas développé en première instance une argumentation visant spécifiquement à contester la décision litigieuse sur ce point.

80 Quant au bien-fondé de l’argumentation soulevée par la requérante, il y a lieu de constater que le Tribunal a exclu que la mesure litigieuse puisse constituer à elle seule un système de référence autonome. En particulier, après avoir rappelé, aux points 113 à 119 de l’arrêt attaqué, les conditions exigées pour qu’une mesure fiscale puisse constituer son propre cadre de référence, il a constaté, au point 120 dudit arrêt, que cette mesure n’était qu’une modalité particulière d’application d’un impôt plus large, à savoir l’impôt sur les sociétés, et que, partant, elle n’instaurait pas un régime fiscal clairement délimité.

81 À cet égard, le Tribunal a, à juste titre, relevé, au point 121 de l’arrêt attaqué, que ladite mesure n’introduisait pas, ainsi que la Commission l’avait indiqué au considérant 124 de la décision litigieuse, une nouvelle règle générale à part entière relative à l’amortissement de la survaleur, mais une « exception à la règle générale » selon laquelle seuls les regroupements d’entreprises peuvent conduire à l’amortissement de la survaleur, cette exception étant censée remédier, selon le Royaume d’Espagne, aux effets défavorables pour les prises de participations dans des sociétés étrangères que l’application de la règle générale engendrerait.

82 Par conséquent, il ressort de l’arrêt attaqué que, à l’appui de sa conclusion selon laquelle le système de référence ne pouvait se limiter à la seule mesure litigieuse, le Tribunal ne s’est pas uniquement appuyé sur la circonstance que cette mesure tendait, à l’instar de celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu aux conclusions de l’avocat général Warner, à la poursuite d’un objectif ciblé et, ainsi, à la résolution d’un problème particulier. Il en résulte que les arguments avancés par la requérante visant, d’une part, à contester l’assimilation de la présente espèce à celle ayant fait l’objet des conclusions de l’avocat général Warner et, d’autre part, à démontrer que l’objectif de la mesure litigieuse était la sauvegarde du principe de neutralité fiscale et non la résolution d’un problème particulier, ne sont pas à même d’infirmer le raisonnement développé par le Tribunal et sont, par conséquent, inopérants.

83 En tout état de cause, il importe de rappeler que la seule circonstance que la mesure litigieuse présente un caractère général, en ce qu’elle peut a priori bénéficier à l’ensemble des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, n’exclut pas que celle-ci puisse être de nature sélective. En effet, ainsi que la Cour l’a d’ores et déjà jugé, s’agissant d’une mesure nationale conférant un avantage fiscal de portée générale, telle que la mesure litigieuse, la condition de sélectivité est remplie lorsque la Commission parvient à démontrer que cette mesure déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant ainsi, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt WDFG, point 67).

84 Eu égard à l’ensemble de ces considérations, la deuxième branche du second moyen du pourvoi doit être rejetée comme étant inopérante et, en tout état de cause, non fondée.

Sur la troisième branche du second moyen

–  Argumentation des parties

85 La requérante fait valoir que, même à supposer que le système de référence ait été correctement défini, le Tribunal, en concluant, au point 134 de l’arrêt attaqué, que la mesure litigieuse introduisait une exception au régime national commun en tant que cadre de référence, a commis une erreur d’appréciation. En effet, rien ne permettrait d’aboutir à une telle conclusion dans la mesure où les entreprises qui acquièrent des participations à l’étranger et celles qui en acquièrent dans des sociétés résidentes ne se trouvent pas dans une situation juridique et factuelle comparable, en raison de l’existence de barrières aux regroupements transfrontaliers.

86 La Commission conclut au rejet de la troisième branche du second moyen. En premier lieu, elle excipe de l’irrecevabilité de cette branche au motif que celle-ci soulèverait un grief qui n’a pas été invoqué dans le cadre du recours de la requérante devant le Tribunal. En second lieu, la Commission considère que ladite branche est, en tout état de cause, non fondée.

–  Appréciation de la Cour

87 D’emblée, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir avancée par la Commission à l’encontre de la troisième branche du second moyen. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, une partie est recevable à faire valoir des moyens et des arguments nés de l’arrêt contesté lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé. La requérante est donc recevable à mettre en cause les constatations faites par le Tribunal, indépendamment de la circonstance qu’elle n’a pas développé en première instance une argumentation visant spécifiquement à contester la décision litigieuse sur ce point.

88 Quant au bien-fondé de l’argumentation de la requérante, il convient de relever que le Tribunal a écarté la pertinence de l’existence éventuelle d’obstacles aux regroupements transfrontaliers aux fins de l’examen de comparabilité entre les entreprises prenant des participations dans des sociétés établies en Espagne et les entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères sur la base des considérations exposées aux points 128 à 133 de l’arrêt attaqué.

89 À cet égard, c’est à bon droit que le Tribunal a souligné, aux points 128 à 130 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu, aux fins de la comparaison qui s’impose au stade de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité, de tenir compte de l’objectif poursuivi non pas par la mesure concernée, mais par le système fiscal commun ou normal applicable dans l’État membre concerné. C’est également sans commettre d’erreur que le Tribunal a retenu, aux points 130 à 133 de l’arrêt attaqué, que l’existence éventuelle d’obstacles aux regroupements transfrontaliers, en ce que cette circonstance était sans rapport avec l’objectif poursuivi par le régime de référence et se rapportait plutôt à celui de la mesure litigieuse, était dénuée de pertinence au stade de l’examen de la deuxième étape de la méthode d’analyse de la sélectivité.

90 Or, force est de constater que la troisième branche du second moyen du pourvoi ne vise nullement ces motifs de l’arrêt attaqué, mais tend uniquement à contester le point 134 de cet arrêt, dans lequel le Tribunal a considéré « au surplus » que c’était à bon droit que la Commission avait estimé que la mesure litigieuse introduisait une dérogation au régime normal ou de référence.

91 Dans la mesure où l’argumentation de la requérante est ainsi dirigée contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué, elle doit être déclarée inopérante. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un pourvoi, un moyen dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt en cause dont le dispositif est fondé à suffisance de droit sur d’autres motifs est inopérant et doit, dès lors, être rejeté (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 211 et jurisprudence citée).

92 Eu égard aux considérations qui précèdent, la troisième branche du second moyen du pourvoi doit également être rejetée comme étant inopérante.

Sur la quatrième branche du second moyen

–  Argumentation des parties

93 Par la quatrième branche de son second moyen, la requérante conteste le point 155 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal, au terme d’une analyse développée aux points 147 à 154 de cet arrêt, a conclu qu’il n’avait pas été démontré que l’avantage résultant de la mesure litigieuse bénéficierait aux entreprises subissant la différence de traitement à laquelle cette mesure était censée remédier et, par conséquent, que « les effets neutralisants » de ladite mesure n’étaient pas établis. Selon la requérante, sans la correction apportée par cette mesure, le principe de neutralité fiscale serait méconnu du fait de la persistance de situations dans lesquelles les obstacles aux prises de participations dans des sociétés étrangères empêcheraient l’amortissement de la survaleur dans les mêmes conditions que celles auxquelles sont soumises les prises de participations dans des sociétés résidentes. Concernant l’existence d’obstacles aux fusions avec des sociétés américaines et péruviennes, la requérante renvoie aux éléments déjà invoqués dans son recours devant le Tribunal. Quant à la constatation formulée par ce dernier au point 154 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le Royaume d’Espagne n’avait pas établi « que les entreprises qui souhaitent procéder à des fusions transfrontalières et qui ne peuvent le faire du fait d’obstacles, notamment juridiques, au regroupement, prennent par défaut des participations dans des sociétés non-résidentes ou, pour le moins, conservent les participations dont elles disposent déjà », la requérante affirme qu’un tel critère, qui ne figure pas dans la décision litigieuse, révélerait une autre substitution des motifs de cette décision opérée par le Tribunal.

94 La Commission conclut au rejet de la quatrième branche du second moyen. En premier lieu, elle excipe de l’irrecevabilité de cette branche au motif que celle-ci soulèverait un grief qui n’a pas été invoqué dans le cadre du recours de la requérante devant le Tribunal. En second lieu, la Commission considère que ladite branche est, en tout état de cause, non fondée.

–  Appréciation de la Cour

95 D’emblée, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir avancée par la Commission à l’encontre de la quatrième branche du second moyen du pourvoi. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, une partie est recevable à faire valoir des moyens et des arguments nés de l’arrêt contesté lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé. La requérante est donc recevable à mettre en cause les constatations faites par le Tribunal, indépendamment de la circonstance qu’elle n’a pas développé en première instance une argumentation visant spécifiquement à contester la décision litigieuse sur ce point.

96 Quant au bien-fondé de cette branche, qui se rapporte à la troisième étape de l’examen de la sélectivité, auquel le Tribunal s’est livré aux points 135 à 169 de l’arrêt attaqué, elle vise à reprocher au Tribunal d’avoir omis de tenir compte du fait que la mesure litigieuse tend à garantir le respect du principe de neutralité fiscale.

97 À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 139 de l’arrêt attaqué, que le Royaume d’Espagne pouvait utilement se fonder sur le principe de neutralité fiscale aux fins de justifier la différenciation qu’introduit la mesure litigieuse entre les prises de participations dans des sociétés résidentes et les prises de participations dans des sociétés non-résidentes.

98 Le Tribunal a toutefois estimé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la dérogation introduite par la mesure litigieuse soit justifiée au regard du principe de neutralité fiscale, et ce pour deux motifs autonomes exposés aux points 145 à 165 de l’arrêt attaqué.

99 En premier lieu, le Tribunal, partant du constat que la mesure litigieuse était nécessairement fondée sur la prémisse, rappelée au point 149 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les entreprises qui souhaitent procéder à des fusions transfrontalières et qui ne peuvent le faire en raison d’obstacles au regroupement prennent par défaut des participations dans des sociétés non-résidentes ou, pour le moins, conservent les participations dont elles disposent déjà, a conclu que le Royaume d’Espagne, auquel il incombait de justifier la dérogation apportée au système de référence par la mesure litigieuse, n’avait pas établi le bien-fondé d’une telle prémisse. Le Tribunal a considéré, en substance, aux points 152 à 154 de l’arrêt attaqué, que, la prise de participations étant une opération distincte de la fusion et ne constituant pas une alternative à cette dernière, la mesure litigieuse avait effectivement conféré un avantage aux sociétés souhaitant investir dans des sociétés étrangères mais qui n’avaient pas nécessairement pour objectif de procéder à une fusion, c’est-à-dire à des sociétés différentes de celles qui auraient subi, selon les affirmations du Royaume d’Espagne, les conséquences défavorables des règles générales sur l’amortissement de la survaleur. Le Tribunal en a conclu, au point 155 de cet arrêt, que les « effets neutralisants » de la mesure litigieuse n’avaient pas été établis.

100 En second lieu, le Tribunal a retenu, aux points 157 à 165 de l’arrêt attaqué, que, même à supposer que la mesure litigieuse ait pour conséquence de neutraliser les effets supposément pénalisants du régime normal, liés à l’existence d’obstacles aux fusions transfrontalières, celle-ci présenterait un caractère disproportionné et donc injustifié.

101 Or, dans la mesure où l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de la quatrième branche de son second moyen du pourvoi ne vise pas les considérations retenues dans le cadre du second motif qui a conduit le Tribunal à conclure que la Commission n’avait pas commis d’erreur en constatant que le Royaume d’Espagne n’avait pas justifié la différenciation introduite par la mesure litigieuse, elle ne saurait aboutir à l’annulation de l’arrêt attaqué. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 91 du présent arrêt, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un pourvoi, un moyen dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué dont le dispositif est fondé à suffisance de droit sur d’autres motifs est inopérant et doit, dès lors, être rejeté.

102 L’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait procédé à une substitution de motifs, en se référant, au point 154 de l’arrêt attaqué, à des considérations qui ne figurent pas dans la décision litigieuse, ne saurait davantage prospérer. S’il est exact que le raisonnement du Tribunal n’est pas formulé dans les mêmes termes que ceux figurant dans la décision litigieuse, ce raisonnement est conforme à la ratio decidendi de cette dernière et à l’approche suivie par la Commission pour conclure au manque de cohérence et de proportionnalité de la mesure litigieuse par rapport à l’objectif allégué de neutralisation des effets défavorables du régime normal d’amortissement de la survaleur pour les entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères et qui sont dans l’impossibilité de réaliser des fusions transfrontalières.

103 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du second moyen comme étant inopérante et, partant, ce moyen dans son ensemble.

104 Il découle de tout ce qui précède que le présent pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

105 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

106 En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens afférents au présent pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.

107 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la République fédérale d’Allemagne, partie intervenante dans le cadre du recours devant le Tribunal et ayant participé à la procédure devant la Cour, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Sigma Alimentos Exterior SL est condamnée aux dépens.

3) La République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.