CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 octobre 2021, n° 19/09879
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Aguesseau Automobiles (SARL)
Défendeur :
Volkswagen Group France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
Avocats :
Me Ohana, Me Samama, Me Baechlin, Me Vogel
La société Volkswagen Group France est à la tête d’un réseau de distribution et de réparation agréées des marques Seat, Audi, Skoda et Volkswagen véhicules utilitaires en France.
La société Aguesseau automobiles, a notamment pour activité « Garage automobile, réparation, mécanique, carrosserie, vente de véhicules et toutes activités se rapportant aux véhicules automobiles ».
Les 7 et 15 novembre 2006, la société Volkswagen Group France a conclu avec la société Aguesseau automobiles pour une durée indéterminée, un contrat de réparateur agréé ayant pour objet l'exécution de prestations d'entretien et de réparation des véhicules automobiles de la marque.
Après un audit de surveillance aux fins de re-certification, réalisé par la société Dekra, la société Volkswagen Group France a notifié à la société Aguesseau automobiles la résiliation extraordinaire du contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 30 août 2017 avec effet immédiat.
Par acte délivré le 30 octobre 2017, la société Aguesseau automobiles a assigné la société Volkswagen Group France devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l’article 1134 ancien en résiliation abusive de contrat et en indemnisation de ses dommages.
Par jugement du 9 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris, a :
Débouté la société Aguesseau Automobiles de l'ensemble de ses prétentions,
Condamné la société Aguesseau Automobiles à verser à la société Volkswagen Group France la somme de 1.453 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 16 février 2018 et les pénalités de retard au taux de refinancement de la banque centrale européenne majoré de 10 points,
Condamné la société Aguesseau Automobiles à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Aguesseau Automobiles aux entiers dépens de l'instance,
Accordé à la Selas Vogel & Vogel le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile en ce qui conceme le recouvrement direct des dépens.
La société Aguesseau automobiles a interjeté appel de ce jugement le 7 mai 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 mars 2021, la société Aguesseau automobiles demande à la Cour de :
Vu les articles 1134 et suivants du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Dire et juger la société Aguesseau Automobiles recevable et bien fondée dans son appel ;
Y faisant droit,
Infirmer le jugement entrepris du TGI de Paris du 9 avril 2019 dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le scandale des moteurs truqués du Dieselgate, exclusif de toute bonne foi de la part de Volkswagen Group France, est la cause directe et exclusive de la surcharge de travail imposée par la société Volkswagen Group France à la société Aguesseau Automobiles,
Dire et juger que la surcharge de travail précitée est la cause directe et exclusive de la défaillance de la société Aguesseau Automobiles dans le respect de quelques standards contractuels dans le cadre de l’audit,
Dire et juger qu’en raison de leur nature, les fautes intentionnelles à charge de la société VGF n’entrent pas dans le champ d’application des articles 4 et 5 du contrat de réparateur agréé liant les parties,
En conséquence,
Dire et juger que la société Volkswagen Group France a résilié abusivement le contrat de réparateur agréé liant les parties en date des 7 et 15 novembre 2016,
En conséquence,
Condamner la société Volkswagen Group France à payer à la société Aguesseau Automobiles les sommes suivantes en réparation des préjudices subis :
- Trois millions deux cent mille euros (3 200 000 €) en réparation du préjudice matériel résultant de la disparition du fonds de commerce de réparateur agréé Volkswagen estimé sur la base de sa seule clientèle de la marque Volkswagen,
- Un million six cent mille euros (1 600 000 €) en réparation du préjudice moral résultant des circonstances particulièrement brutales et incohérentes de la résiliation du contrat.
Condamner la société Volkswagen Group France à payer à la société Aguesseau Automobiles la somme de 100 320 € TTC en règlement des deux factures des 21 juillet et 25 septembre 2017 s’élevant respectivement à 37 680 € TTC et 62 640 € TTC,
En tout état de cause,
Débouter la société Volkswagen Group France de l’ensemble de ses fins, demandes et conclusions, et notamment de sa demande reconventionnelle,
Condamner la société Volkswagen Group France à payer à la société Aguesseau Automobiles la somme de Dix mille euros (10 000 €) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 mai 2021, la société Volkswagen group France demande à la Cour de :
1°) A titre principal,
Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2019 en toutes ses dispositions,
2°) A titre subsidiaire,
Si, par extraordinaire, la Cour d’appel de céans infirmait le jugement rendu par le Tribunal de grande instance :
Débouter la société Aguesseau automobiles de l’ensemble de ses demandes.
En conséquence,
Dire que la société Volkswagen Group France n’a pas résilié de manière abusive le contrat de réparateur agréé qui la liait à la société Aguesseau automobiles,
Dire que la somme de 100.320 Euros n’est pas due par la société Volkswagen Group France,
Dire que les demandes indemnitaires de la société Aguesseau automobiles ne sont fondées ni dans leur principe, ni dans leur montant
3°) A titre reconventionnel,
Condamner avec exécution provisoire la société Aguesseau automobiles à payer à la société VGF 1.453 Euros (mille quatre-cent cinquante-trois Euros) au titre des factures impayées, outre intérêts légaux et pénalités de retard,
4°) En tout état de cause,
Débouter la société Aguesseau automobiles de l’ensemble de ses fins, demandes et conclusions,
Donner acte à la société Volkswagen Group France (R.C.S. de Soissons n° 832 277 370) de ce qu’elle vient aux droits de la société Volkswagen Group France (R.C.S. de Soissons n° 602),
Condamner la société Aguesseau automobiles à verser à la société Volkswagen Group France la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Aguesseau automobiles aux dépens, dont distraction au profit de Me Jeanne BAECHLIN en application de l’article 699 du code de procédure civile,
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la résiliation du contrat de réparateur agréé
La société Aguesseau automobiles fait valoir que la société Volkswagen Group France a violé son obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat, en organisant la commercialisation de véhicules dont les moteurs étaient truqués, et en transférant la charge de cette fraude à la société Aguesseau Automobiles en sa qualité de Réparateur Agréé, tant en surcroît de travail qu’en surcoût au mépris de l’équilibre du contrat liant les parties. Elle souligne que c’est très exactement au cours de cette même période, en pleine action de rappel de grande envergure désignée sous l’appellation EA 189, que la société intimée a mis en œuvre l’audit de surveillance litigieux, en trois interventions dont deux dites de « rattrapage », les 31 mars, 15 juin, et 31 juillet 2017, alors que le surcroît de travail, l’allongement des horaires d’ouverture et l’épuisement des équipes de travail de la société Aguesseau Automobiles étaient parfaitement connus de la société intimée, ce qui résulte notamment des lettres des 24 juillet 2017 et 31 août 2017. Elle en déduit que les quelques non-conformités relevées aux standards de la charte VW sont la conséquence directe de ce contexte conjoncturel exceptionnel.
Subsidiairement, la société Aguesseau automobiles fait observer qu’il lui est impossible d’affecter sélectivement la défaillance de tel standard à l’action de rappel, les quelques standards “non remplis” découlant ensemble de l’action de service. Ainsi, le non-respect allégué des standards relatifs à l’état de propreté du site ou aux conditions de stockage des produits ou encore à la protection des véhicules sont la conséquence, au jour des contrôles, de l’épuisement des équipes de travail des ateliers Aguesseau Automobiles. Elle ajoute que les conclusions du rapport d’audit doivent être de plus fort relativisées par le fait que Madame Erika EON figure au nombre des quelques critères non remplis pour n’être pas inscrite sur le métier de conseiller client en dépit des très vifs compliments dont elle fait l’objet en cette qualité aux termes de la lettre du 31 août 2017.
La société Volkswagen Group France réplique qu'elle n'a pas résilié abusivement le contrat de Réparateur agréé, contrat basé sur un système de distribution sélectif signifiant que le respect des standards qualitatifs contractuels est au cœur de la relation contractuelle. Par conséquent, le non-respect de ces standards par la société Aguesseau automobiles justifiait aux termes du contrat une résiliation immédiate du contrat. Elle souligne que les audits ne sont pas des contrôles surprises, mais leur périodicité annuelle est prévue dans la Directive de certification vente et service et sont organisés sur rendez-vous et en présence du réparateur agréé qui peut bénéficier d’audits de rattrapage. Elle observe que les trois audits de certifications successifs ont révélé que la société appelante ne respectait pas les standards contractuels et n'avait mis en œuvre aucune action pour y remédier de sorte qu'il est avéré que celle-ci ne respectait pas les standards qualitatifs alors qu’il s’agissait d’une condition pour son maintien au sein du réseau de Réparateurs agréés Volkswagen, ce qu’elle ne pouvait ignorer. Elle ajoute qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l’action de service 23R7 et les manquements aux standards contractuels imputables à la société Aguesseau automobiles dans la mesure où la réalisation par un réparateur agréé Volkswagen d’une action de service (qui est une obligation contractuelle aux termes des alinéas 2 et 4 du contrat) quelle qu’elle soit, et, d’autre part, passer et réussir son audit annuel de surveillance sont deux obligations contractuelles parfaitement distinctes. Elle précise qu'il n’est pas raisonnable de prétendre que la réalisation d’actions de service pour un montant total de 18.319 Euros aurait déstabilisé la société appelante qui a réalisé en 2016 un chiffre d’affaires de 2.661.032 Euros HT et en 2017 un chiffre d’affaires de 2.539.030 Euros HT, soit un chiffre d’affaires de 5.200.062 Euros HT sur les deux années dans la mesure où le montant des demandes de garantie en cause représente à peine 3,5 millièmes du chiffre d’affaires de la société sur la période.
Sur ce,
Les moyens de la société Aguesseau automobiles au soutien de son appel principal, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
A ces justes motifs il sera ajouté ce qui suit.
Dès lors que le contrat de réparateur agréé se base sur le respect permanent par le réparateur agréé des standards qualitatifs (article 1.3), la directive de certification vente et service mise à la disposition du réseau organise un cycle de certification avec un audit de surveillance tous les ans pour s’assurer du respect des standards par le réparateur agréé, et ce suivant un processus de certification permettant des audits de rattrapages (pièce n° 10 Volkswagen). La société Volkswagen établi que l’audit de l’année 2016 ayant eu lieu en janvier 2016 avec un audit de rattrapage en avril 2016, l’audit de l’année 2017 a débuté en mars 2017 conformément au cycle contractuel de certification et ne peut s’analyser en un audit “surprise” en période d’action de rappel des véhicules.
S’il n’est pas contesté que l’action de rappel litigieuse était de nature à engendrer un surplus d’activité tel qu’annoncé par la société Volkswagen dans son courrier du 26 septembre 2016 (pièce n° 7 Aguesseau) de l’ordre de 10 % pour la réception et atelier jusqu’à mi-mai 2017, la société Aguesseau automobiles n’explicite cependant pas à l’appui de ses allégations, notamment par des éléments concrets et chiffrés, en quoi la prise en charge de ces actions de réparation était de nature à engendrer un “énorme” surcroît de travail et une désorganisation des équipes l’empêchant de remédier aux manquements aux standards qualitatifs constatés au cours de l’audit de mars 2017, puis aux audits de rattrapage en juin et juillet 2017 et dont la réalité n’est pas contestée.
La société intimée a procédé à la résiliation extraordinaire du contrat de réparation agréée suivant les stipulations contractuelles (article 20).
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Aguesseau automobiles de ses demandes de dommages-intérêts.
Sur la demande en paiement de factures de la société Aguesseau automobiles
La société Aguesseau automobiles sollicite la condamnation de la société Volkswagen Group France à lui verser la somme de 100 329 euros en TTC en règlement deux factures respectivement de 37 680 € et 62 640 € des 25 juillet et 25 septembre 2017.
Toutefois la société Aguesseau automobiles se borne à produire à l’appui de sa demande en paiement les deux factures dont le principe et le montant sont contestés par la société intimée.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Aguesseau automobiles de sa demande.
Sur la demande en paiement de la société Volkswagen group France
La société Volkswagen group France sollicite le paiement de facture pour un montant de 1 453 euros.
Par les justes motifs, non utilement contredits par la société Aguesseau automobiles et que la Cour adopte, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Aguesseau automobiles aux dépens de première instance et à payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Aguesseau automobiles, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Aguesseau automobile sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Volkswagen group France la somme de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS:
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Aguesseau automobiles aux dépens d’appel qui seront recouvrés suivant la procédure de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Aguesseau automobiles à payer à la société Volkswagen group France la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.