CJUE, 1re ch., 6 octobre 2021, n° C-174/19 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Scandlines Danmark ApS, Scandlines Deutschland GmbH, Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV, Rederi Nordö-Link AB, Trelleborg Hamn AB
Défendeur :
Commission européenne, Royaume de Danemark, Föreningen Svensk Sjöfart, Naturschutzbund Deutschland (NABU) eV, Stena Line Scandinavia AB, Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV, Rederi Nordö-Link AB, Trelleborg Hamn AB
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bonichot (rapporteur)
Juges :
M. Bay Larsen, Mme Toader, M. Safjan, M. Jääskinen
Avocat général :
M. Pitruzzella
Avocats :
Me Sandberg-Mørch, Me Mecklenburg, Me Godsk Fallesen, Me Buendía Sierra, Me Holdgaard, Me Hohmuth
LA COUR (première chambre),
1 Par leurs pourvois respectifs, Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH, d’une part, ainsi que Stena Line Scandinavia AB, d’autre part, demandent l’annulation, pour les premières, de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑630/15, ci-après le « premier arrêt attaqué », EU:T:2018:942), et, pour la seconde, de l’arrêt du 13 décembre 2018, Stena Line Scandinavia/Commission (T‑631/15, non publié, ci-après le « second arrêt attaqué », EU:T:2018:944) (ci-après, pris ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels le Tribunal a annulé la décision C(2015) 5023 final de la Commission, du 23 juillet 2015, relative à l’aide d’État SA.39078 (2014/N) (Danemark), concernant le financement du projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn (JO 2015, C 325, p. 5) (ci-après la « décision litigieuse »), en tant que la Commission européenne a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures accordées par le Royaume de Danemark à Femern A/S pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe du détroit de Fehmarn.
2 Par ses pourvois incidents, la Commission demande l’annulation des arrêts attaqués en tant qu’ils ont déclaré le recours introduit par Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland et celui introduit par Stena Line Scandinavia recevables en ce qu’ils concernent les mesures accordées par le Royaume de Danemark à Femern Landanlæg pour la planification, la construction et l’exploitation des connexions ferroviaires et routières avec l’arrière-pays danois.
I. Le cadre juridique
3 Conformément à l’article 1er, sous h), du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), la notion de « parties intéressées » désigne notamment toute entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles.
4 L’article 4, paragraphes 1 à 4, de ce règlement prévoit :
« 1. La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.
2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.
3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107], paragraphe 1, [TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché [intérieur], elle décide que cette mesure est compatible avec le marché [intérieur] (ci-après dénommée “ décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.
4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché [intérieur], elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108], paragraphe 2, [TFUE] (ci-après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”). »
5 Le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9), qui a abrogé le règlement n° 659/1999 à compter du 14 octobre 2015, prévoit des dispositions identiques à celles citées au point précédent.
II. Les antécédents du litige
A. Le projet
6 Le litige a pour objet le financement du projet de liaison du détroit de Fehmarn entre le Danemark et l’Allemagne, au nord de Lübeck (Allemagne) (ci-après le « projet »). Le projet consiste, d’une part, dans la construction d’un tunnel immergé entre Rødby sur l’île de Lolland au Danemark et Puttgarden sur l’île de Fehmarn en Allemagne, d’une longueur d’environ 19 km, équipé d’une voie ferrée électrifiée et d’une autoroute (ci-après la « liaison fixe »), et, d’autre part, dans l’élargissement et l’amélioration des connexions routières et ferroviaires avec l’arrière-pays danois, notamment de la liaison ferroviaire d’environ 120 km existant entre Ringsted (Danemark) et Rødby. Le projet a été approuvé par un traité, signé le 3 septembre 2008 et ratifié en 2009, entre le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne.
7 Le coût total estimé du projet, correspondant aux prix fixes de 2014, est de 64,4 milliards de couronnes danoise (DKK) (environ 8,7 milliards d’euros), dont 54,9 milliards de DKK (environ 7,4 milliards d’euros) pour la planification et la construction de la liaison fixe et 9,5 milliards de DKK (environ 1,3 milliard d’euros) pour la planification et la construction des améliorations des connexions routières et ferroviaires avec l’arrière-pays danois.
8 Conformément audit traité signé le 3 septembre 2008 et à la Lov nr. 575 om anlæg og drift af en fast forbindelse over Femern Bælt med tilhørende landanlæg i Danmark (loi n° 575 relative à la construction et à l’exploitation de la liaison fixe du détroit de Fehmarn et des liaisons avec l’arrière-pays danois), du 4 mai 2015, deux entreprises publiques danoises ont été chargées de l’exécution du projet. La première, Femern A/S, établie en 2005, est chargée du financement, de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe. La seconde, Femern Landanlæg A/S, établie en 2009, est chargée du financement, de la construction et de l’exploitation des connexions routières et ferroviaires avec l’arrière-pays danois. Femern Landanlæg est une filiale de Sund & Bælt Holding A/S, appartenant à l’État danois. Femern est devenue la filiale de Femern Landanlæg après que cette dernière a été constituée.
9 La propriété des connexions ferroviaires concernées sera partagée entre Banedanmark (20 %), gestionnaire public de l’infrastructure ferroviaire nationale danoise, et Femern Landanlæg (80 %).
10 Le projet est financé par Femern et Femern Landanlæg grâce à des emprunts levés sur les marchés financiers internationaux et bénéficiant de la garantie de l’État danois ou par des prêts subsidiaires de la Banque nationale du Danemark. Ces sociétés ne pourront pas, en revanche, obtenir de prêts pour des activités autres que le financement, la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe et des connexions routières et ferroviaires avec l’arrière-pays danois. Ces deux entreprises ont également reçu un apport en capital de l’État danois.
11 Femern percevra les redevances des usagers de la liaison fixe afin de rembourser sa dette et versera à Femern Landanlæg des dividendes que cette dernière utilisera pour rembourser sa propre dette.
12 Femern Landanlæg percevra 80 % du montant des redevances d’utilisation payées par les opérateurs ferroviaires à Banedanmark pour l’utilisation des connexions ferroviaires, conformément au partage de propriété de ces connexions ferroviaires entre elle-même et ce gestionnaire.
13 Banedanmark assumera la totalité des coûts liés à l’exploitation des connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois, les coûts relevant de leur entretien étant toutefois répartis entre Femern Landanlæg et Banedanmark au prorata de leurs parts de propriété respectives.
B. Les événements antérieurs au litige
14 Le projet a été précédé d’une phase de planification, dont le financement a été notifié à la Commission par les autorités danoises.
15 Par décision du 13 juillet 2009 concernant l’aide d’État N 157/2009 – Financement de la phase de planification de la liaison fixe du détroit de Fehmarn (JO 2009, C 202, p. 2), la Commission a conclu, d’une part, que les mesures liées au financement de la planification du projet pourraient ne pas constituer une aide d’État et, d’autre part, que celles-ci seraient en tout état de cause compatibles avec le marché intérieur. Elle a donc décidé de ne pas soulever d’objections au sens de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 659/1999.
16 Le 22 décembre 2014, les autorités danoises ont notifié à la Commission les modalités de financement public du projet, consistant en des apports au capital social des deux entreprises ainsi qu’en des garanties et prêts étatiques.
17 La Commission a approuvé ces mesures par la décision litigieuse. Elle a estimé notamment que les mesures de financement public accordées à Femern Landanlæg pour le financement des connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois ne constituaient pas des aides d’État, au motif que ces mesures ne provoqueraient pas de distorsion de la concurrence, dès lors qu’il n’existait pas de concurrence « sur » ou « pour » le marché de la gestion et de l’exploitation du réseau ferroviaire national et que les connexions ferroviaires appartenant à cette entreprise seraient améliorées et exploitées par Banedanmark dans les mêmes conditions que les autres tronçons du réseau ferroviaire national danois.
18 La Commission a également considéré que ces mesures n’étaient pas à même d’affecter les échanges entre les États membres, dès lors que la gestion et l’exploitation du réseau ferroviaire en cause étaient effectuées sur un marché national, séparé et fermé géographiquement, qui n’était pas ouvert à la concurrence.
19 En ce qui concerne les mesures accordées à Femern pour le financement de la liaison fixe, la Commission a indiqué que, si elles devaient constituer des aides d’État, elles seraient, en tout état de cause, compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
III. Les procédures devant le Tribunal et les arrêts attaqués
A. L’affaire T-630/15
20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 novembre 2015, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
21 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2016, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir dans la procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 29 juin 2016, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention et a fait droit au traitement confidentiel demandé par les requérantes à l’égard du Royaume de Danemark.
22 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 7 avril 2016, Föreningen Svensk Sjöfart (ci-après « FSS »), une association d’armateurs établie en Suède, et Naturschutzbund Deutschland (NABU) eV, une organisation de protection de l’environnement établie en Allemagne, ont demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnance du 30 novembre 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis ces interventions et a fait droit à la demande de traitement confidentiel présentée par les requérantes à l’égard de FSS et de NABU.
23 Par le premier arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce que la Commission avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures accordées par le Royaume de Danemark à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe et a rejeté le recours pour le surplus.
B. L’affaire T-631/15
24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 2015, Stena Line Scandinavia a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
25 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2016, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir dans la procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 29 juin 2016, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.
26 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 7 avril 2016, FSS a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 30 novembre 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention.
27 Par le second arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce que la Commission avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures accordées par le Royaume de Danemark à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, au terme d’une motivation identique à celle retenue dans le premier arrêt attaqué, sous réserve de précisions supplémentaires apportées aux points 162 à 165 du second arrêt attaqué. Il a rejeté le recours pour le surplus.
IV. La procédure devant la Cour
28 Par ordonnance du président de la Cour du 22 octobre 2019, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (C‑174/19 P, non publiée, EU:C:2019:1096), Rederi Nordö-Link AB, Trelleborg Hamn AB et Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV (ci-après « Aktionsbündnis ») ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de Scandlines Danmark et de Scandlines Deutschland.
29 Par ordonnance du président de la Cour du 22 octobre 2019, Stena Line Scandinavia/Commission (C‑175/19 P, non publiée, EU:C:2019:1095), Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et Aktionsbündnis ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de Stena Line Scandinavia.
30 Par décision du président de la Cour du 2 septembre 2020, les affaires C-174/19 P et C-175/19 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.
V. Les conclusions des parties
A. L’affaire C‑174/19 P
31 Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland demandent à la Cour :
– d’annuler le premier arrêt attaqué en ce qu’il concerne les mesures de financement accordées à Femern Landanlæg ;
– de déclarer le pourvoi incident irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé, et
– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérantes.
32 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi principal ;
– d’annuler la décision implicite du Tribunal déclarant le recours des requérantes recevable en ce qu’il concerne les mesures de financement accordées à Femern Landanlæg, et
– de condamner les requérantes aux dépens de la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.
33 Le Royaume de Danemark demande à la Cour de rejeter le pourvoi principal et d’acceuillir le pourvoi incident.
34 FSS demande à la Cour :
– d’annuler le premier arrêt attaqué en tant qu’il a rejeté les moyens soulevés par Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland ;
– d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité ;
– d’ordonner à la Commission d’ouvrir une procédure formelle d’examen pour l’ensemble des mesures d’aide liées au projet ;
– de déclarer le pourvoi incident irrecevable et, en tout état de cause, non fondé, et
– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland et FSS dans le cadre des procédures devant le Tribunal et devant la Cour.
35 NABU demande à la Cour :
– d’accueillir le pourvoi principal et d’annuler le premier arrêt attaqué ;
– de déclarer le pourvoi incident irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé ;
– d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité, et
– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par NABU.
36 Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et Aktionsbündnis demandent à la Cour :
– d’accueillir le pourvoi principal et d’annuler partiellement le premier arrêt attaqué et
– de condamner la Commission aux dépens ainsi qu’à ceux exposés par les intervenantes au pourvoi.
B. L’affaire C‑175/19 P
37 Stena Line Scandinavia demande à la Cour :
– d’annuler le second arrêt attaqué en ce qu’il concerne les mesures de financement accordées à Femern Landanlæg ;
– de déclarer le pourvoi incident irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé, et
– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposé par la requérante.
38 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi principal ;
– d’accueillir son pourvoi incident et d’annuler la décision implicite du Tribunal déclarant le recours de la requérante recevable en ce qu’il concerne les mesures de financement accordées à Femern Landanlæg ;
– de déclarer le recours irrecevable en ce qu’il concerne ces mesures, et
– de condamner la requérante aux dépens de la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.
39 Le Royaume de Danemark demande à la Cour de rejeter le pourvoi principal et d’accueillir le pourvoi incident de la Commission.
40 FSS demande à la Cour :
– d’annuler le second arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité ;
– d’ordonner à la Commission d’ouvrir une procédure formelle d’examen pour l’ensemble des mesures d’aides liées au projet ;
– de déclarer le pourvoi incident irrecevable ou non fondé, et
– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante et par FSS dans le cadre des procédures devant le Tribunal et devant la Cour.
41 Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et Aktionsbündnis demandent à la Cour :
– d’accueillir le pourvoi principal et d’annuler partiellement le second arrêt attaqué et
– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les intervenantes au pourvoi.
VI. Sur les pourvois principaux
42 Dans l’affaire C‑174/19 P, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland invoquent sept moyens au soutien de leur pourvoi. Les premier et deuxième moyens sont dirigés contre l’appréciation du Tribunal concernant le financement de la partie du projet relatif aux connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois, les autres moyens étant relatifs à l’appréciation portée par le Tribunal sur le financement de la liaison fixe. Dans l’affaire C‑175/19 P, Stena Line Scandinavia invoque six moyens au soutien de son pourvoi, en substance identiques aux six premiers moyens soulevés par les requérantes dans l’affaire C‑174/19 P.
A. Sur la recevabilité des troisième à sixième moyens dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P
1. Argumentation des parties
43 La Commission et le Royaume de Danemark excipent, à titre liminaire, de l’irrecevabilité des troisième à sixième moyens des requérantes, tirés d’erreurs de droit que le Tribunal aurait commises en ce qui concerne l’effet incitatif, l’éligibilité des coûts des connexions avec l’arrière-pays danois et la distorsion de concurrence résultant des mesures accordées à Femern. Ils se fondent sur l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour et sur la jurisprudence afférente à cette disposition pour faire valoir que ces moyens sont irrecevables en ce qu’ils sont dirigés contre les motifs et non pas contre le dispositif des arrêts attaqués.
44 Les requérantes font valoir qu’elles ont intérêt à agir et que ces moyens sont recevables, notamment en ce qu’ils permettent d’éviter que les motifs des arrêts attaqués qui sont ainsi contestés acquièrent l’autorité de la chose jugée. NABU et FSS partagent, en substance, l’argumentation des requérantes.
2. Appréciation de la Cour
45 Aux termes de l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure, les conclusions du pourvoi tendent à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal telle qu’elle figure au dispositif de cette décision.
46 Par les arrêts attaqués, le Tribunal a annulé les motifs de la décision litigieuse relatifs aux mesures accordées à Femern pour la liaison fixe.
47 Or, par leurs troisième à sixième moyens, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit en appréciant l’effet incitatif de ces mesures, l’éligibilité des coûts des connexions avec l’arrière-pays danois et la distorsion de concurrence causées par lesdites mesures.
48 Il convient dès lors de constater que, par ces moyens, les requérantes cherchent à remettre en cause non pas le dispositif des arrêts attaqués, mais leurs motifs, et que l’accueil de ces moyens ne permettrait pas d’entraîner l’annulation, totale ou partielle, du dispositif de chacun de ces arrêts.
49 Il s’ensuit que ces moyens doivent être rejetés comme irrecevables.
50 Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de NABU et de FSS, fondé sur l’autorité de la chose jugée des motifs des arrêts attaqués qui sont visés par ces moyens.
51 Il convient de rappeler à cet égard qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’autorité de la chose jugée s’étend seulement aux motifs d’un arrêt qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et en sont, de ce fait, indissociables (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
52 En cas d’annulation par le Tribunal d’une décision de la Commission, les motifs sur la base desquels cette juridiction a rejeté certains arguments invoqués par les parties ne sauraient donc être considérés comme ayant acquis l’autorité de la chose jugée (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 53).
53 Les troisième à sixième moyens dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P se rapportent à des arguments invoqués en première instance et rejetés par le Tribunal dans les arrêts attaqués. Dans ces conditions, les arguments invoqués par les requérantes dans leurs troisième à sixième moyens ne sauraient leur procurer un bénéfice ni être susceptibles d’avoir une influence sur la partie du dispositif des arrêts attaqués qui annule les motifs de la décision litigieuse relatifs aux mesures accordées à Femern.
54 Il s’ensuit que les troisième à sixième moyens dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P doivent être rejetés comme irrecevables.
B. Sur le septième moyen dans l’affaire C‑174/19 P
55 Par leur septième moyen dans l’affaire C‑174/19 P, les requérantes, soutenues par Rederi Nordö-Link et Aktionsbündnis, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 40 à 52 du premier arrêt attaqué, en rejetant comme irrecevables leurs moyens relatifs à des mesures d’aides consistant en des redevances ferroviaires et à l’utilisation de biens appartenant à l’État danois, au motif que ces mesures n’étaient pas visées par la décision litigieuse. NABU et FSS partagent, en substance, cette argumentation.
56 (Ajout du numéro du point et renumérotation des points qui suivent) Les requérantes se prévalent, à cet égard, d’une contradiction entre cet arrêt et l’ordonnance du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑890/16, non publiée, EU:T:2018:1004), dans laquelle le Tribunal aurait constaté que lesdites mesures étaient visées par cette décision. Elles soutiennent que cette contradiction viole l’article 263, premier et quatrième alinéas, TFUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
57 La Commission et le Royaume de Danemark soutiennent que le septième moyen doit être rejeté comme non fondé, la Commission estimant en outre que ce moyen est, en tout état de cause, inopérant.
58 À cet égard, il importe de relever que le Tribunal ne s’est pas prononcé, dans le premier arrêt attaqué, dans le sens allégué par les requérantes.
59 En effet, d’une part, le Tribunal a, au point 48 de cet arrêt, rejeté les arguments des requérantes relatifs à ces mesures comme étant nouveaux et, partant, irrecevables. D’autre part, et à titre surabondant, le Tribunal n’a pas constaté, au point 52 dudit arrêt, que les redevances ferroviaires et l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État danois n’étaient pas visées par la décision concernant la construction de 2015, mais a uniquement rejeté l’argument des requérantes tiré du défaut de motivation de cette décision relative à ces mesures en estimant que cet argument ne concernait pas, au sens strict, un défaut de motivation de ladite décision. D’ailleurs, le Tribunal s’est référé, à ce point 52, uniquement aux prétentions des requérantes, sans aucunement se livrer à une appréciation quant à la question de savoir si la même décision portait effectivement sur lesdites mesures (ordonnance du 3 septembre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, C‑173/19 P, non publiée, EU:C:2021:699, point 53).
60 Il s’ensuit que le septième moyen dans l’affaire C‑174/19 P doit être écarté comme non fondé.
C. Sur les premier et deuxième moyens dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P
61 Par leur premier moyen, qui comporte quatre branches, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE et l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en jugeant que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit ni rencontré de difficultés sérieuses pour considérer que les mesures accordées à Femern Landanlæg n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence. Par leur deuxième moyen, elles font valoir que le Tribunal a commis les mêmes erreurs de droit lorsqu’il a estimé que ces mesures n’étaient pas suceptibles d’affecter les échanges entre les États membres.
1. Observations liminaires
62 Il importe de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sont incompatibles avec le marché intérieur dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres.
63 Par ailleurs, les premier et deuxième moyens des requérantes portant sur la prétendue violation de leurs droits procéduraux, il importe également de rappeler que l’article 4 du règlement n° 659/1999 instaure une phase préliminaire d’examen des mesures d’aide notifiées qui a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause. À l’issue de cette phase, la Commission peut constater soit que cette mesure ne constitue pas une aide, soit que celle-ci entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans ce dernier cas, si la mesure ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle la déclare compatible avec celui-ci en adoptant une décision de ne pas soulever d’objections. À défaut, la Commission doit ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 43, 44 et 46).
64 Lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections, elle déclare non seulement la mesure compatible avec le marché intérieur, mais elle refuse également, implicitement mais nécessairement, d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 45).
65 Or, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc se limiter à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de ladite aide avec le marché intérieur, elle a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223 point 61 ainsi que jurisprudence citée).
66 Le critère des « difficultés sérieuses » revêtant un caractère objectif, l’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de la décision de la Commission prise à l’issue de l’examen préliminaire, mais également dans les appréciations sur lesquelles elle s’est fondée (arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 31 et jurisprudence citée).
67 Cette analyse implique donc de déterminer si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes sur la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, les mêmes principes s’appliquant lorsque la Commission conserve des doutes sur la qualification même d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de la mesure examinée (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, points 32 et 33 ainsi que jurisprudence citée).
2. Sur la première branche du premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P
a) Argumentation des parties
68 Par la première branche de leur premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P, les requérantes, soutenues par les parties intervenantes, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les mesures octroyées à Femern Landanlæg ne sont pas susceptibles d’affecter la concurrence bien que la liaison fixe et les connexions ferroviaires constituent un projet global, dans le cadre duquel il n’est pas contesté que les mesures octroyées à Femern sont susceptibles de fausser la concurrence. FSS et NABU partagent, en substance, cette argumentation.
69 Selon les requérantes, c’est à tort que le Tribunal a estimé que les activités de Femern Landanlæg n’incluent pas la fourniture de services de transport par le détroit de Fehmarn, alors même que ces connexions et la liaison fixe constituent un projet intégré unique et ont été mises en place dans le but même de fournir des services de transport dans ce détroit. Ainsi, l’objet des mesures accordées à Femern, d’une part, et de celles accordées à Femern Landanlæg, d’autre part, serait identique et consisterait en la fourniture de services de transport par le détroit de Fehmarn.
70 En outre et en tout état de cause, les mesures octroyées pour les seules connexions ferroviaires fausseraient la concurrence de la même manière que celles destinées aux infrastructures ferroviaires de la liaison fixe.
71 Par conséquent, le Tribunal aurait estimé à tort, au point 88 du premier arrêt attaqué et au point 63 du second arrêt attaqué, que les mesures accordées à Femern et à Femern Landanlæg sont relatives au même projet, mais ont un objet et des bénéficiaires différents.
72 Les requérantes soutiennent également que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et par le Royaume de Danemark est non fondée.
73 FSS allègue, quant à elle, que la circonstance que le projet est mis en œuvre par deux sociétés distinctes ne justifie pas que les mesures de financement octroyées soient examinées distinctement et estime que l’analyse des effets sur la concurrence aurait dû être appréciée au niveau du projet dans son ensemble. Elle fait valoir que le volet du projet relatif aux connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois est lié à l’existence de la liaison fixe et que le financement des premières est assuré, en outre, par les dividendes versés par Femern à Femern Landanlæg.
74 Rederi Nordö-Link soutient que les mesures accordées à Femern Landanlæg affectent, en tout état de cause, le marché des services de transport pour la traversée dans le détroit de Fehmarn ainsi que la concurrence sur les marchés en amont, tels que celui de la fourniture de matériaux pour la construction, et en aval, tels que ceux des services de transports ferroviaires au Danemark.
75 La Commission fait valoir que les requérantes n’identifient pas avec précision les points de motifs contestés des arrêts attaqués.
76 Elle ajoute que la première branche du premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P est, en tout état de cause, non fondée.
77 Le Royaume de Danemark fait valoir, à titre liminaire, que la Commission ne s’est pas prononcée définitivement, dans la décision litigieuse, sur la question de savoir si les mesures octroyées à Femern sont susceptibles de fausser la concurrence ni même sur la question de savoir s’il s’agit d’une entreprise aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il soutient qu’une telle qualification ne saurait être retenue ni pour Femern ni pour Femern Landanlæg.
78 Il allègue, en outre, que les requérantes invoquent devant la Cour les mêmes arguments que ceux qui ont été rejetés par le Tribunal.
79 Il excipe, également, de leur irrecevabilité au motif que les requérantes ne viseraient pas avec précision les points de motifs contestés des arrêts attaqués et qu’elles remettraient également en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal en ce qui concerne l’objet et la fonction des connexions avec l’arrière‑pays, sans alléguer de dénaturation de sa part.
80 Il soutient, enfin, que la première branche du premier moyen dans les deux affaires est, en tout état de cause, non fondée.
b) Appréciation de la Cour
81 S’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et par le Royaume de Danemark, tirée de l’absence d’identification suffisamment précise des points contestés des motifs des arrêts attaqués, il apparaît que ces points sont clairement identifiés par les requérantes.
82 Il suffit en effet de constater que Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland ont expressément visé, au soutien de leur argumentation développée à l’appui de la première branche du premier moyen dans l’affaire C‑174/19 P, les points 87 à 93 du premier arrêt attaqué et, en particulier le point 88 de cet arrêt, dans lesquels le Tribunal s’est prononcé sur la pertinence de l’appartenance des mesures examinées au même projet aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Stena Line Scandinavia a quant à elle visé, au soutien de la première branche du premier moyen dans l’affaire C‑175/19 P, les points 62 à 71 du second arrêt attaqué et, en particulier, le point 63 de celui-ci.
83 Cette exception d’irrecevabilité doit dès lors être écartée.
84 De même, l’exception d’irrecevabilité invoquée par le Royaume de Danemark, tirée du fait que les requérantes n’auraient fait que réitérer, dans le cadre de la première branche de leur premier moyen, des arguments présentés en première instance, ne saurait être accueillie, dès lors que les requérantes contestent, par ces arguments, l’appréciation du Tribunal par laquelle ce dernier a, aux points 87 à 93 du premier arrêt attaqué et aux points 62 à 71 du second arrêt attaqué, rejeté leurs arguments.
85 Il résulte en effet d’une jurisprudence constante de la Cour que les points de droit examinés en première instance peuvent à nouveau être débattus dans le cadre d’un pourvoi. Si une partie ne pouvait fonder son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 26).
86 En revanche, ainsi que le soutient le Royaume de Danemark, les arguments invoqués par les requérantes pour faire valoir que les activités de Femern Landanlæg incluent la fourniture de services de transport par le détroit de Fehmarn sont irrecevables, dès lors que, par ceux-ci, elles demandent à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits, sans alléguer de dénaturation de ces faits par le Tribunal. En effet l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a., C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
87 Au demeurant, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général au point 92 de ses conclusions, il ne ressort nullement des arguments relatifs au caractère intégré du projet, notamment ceux relatifs à la finalité et aux modalités de financement du projet, que les activités de Femern Landanlæg s’étendent à la fourniture de services de transport dans le détroit de Fehmarn.
88 Par ailleurs, les arguments soulevés par Rederi Nordö-Link selon lesquels les mesures accordées à Femern Landanlæg affecteraient également la concurrence sur les marchés en amont, tels que celui de la fourniture de matériaux pour la construction, et en aval, tels que ceux des services de transports ferroviaires au Danemark, visent, en réalité, le point 91 du premier arrêt attaqué et le point 66 du second arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a renvoyé aux points des arrêts attaqués relatifs à l’existence d’une concurrence. De tels arguments sont, dès lors, sans pertinence sur les conséquences juridiques qu’il convient de tirer de l’appartenance des différentes mesures examinées à un même projet et ne sauraient, par conséquent, être utilement invoqués au soutien de la première branche du premier moyen.
89 Est également sans pertinence, aux fins de l’appréciation de la première branche du premier moyen, la question de savoir si Femern et Femern Landanlæg sont des entreprises, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
90 Enfin, la nature des objectifs poursuivis par des mesures étatiques et leur justification sont dépourvues de toute incidence sur leur qualification d’aide d’État. En effet, l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’établit pas de distinction en fonction des causes ou des objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 61 et jurisprudence citée).
91 Il s’ensuit que, même si les mesures octroyées à Femern Landanlæg font partie d’un projet qui, dans son ensemble, a pour objectif, comme l’indique M. l’avocat général au point 99 de ses conclusions, d’améliorer les conditions de transport des passagers et des marchandises entre les pays nordiques et l’Europe centrale, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sauraient, pour ce seul motif, être appréciées de manière globale avec les mesures octroyées à Femern au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors que les activités de l’une et l’autre de ces entreprises sont distinctes. En effet, il est constant que, dès que le projet sera réalisé, les activités de Femern Landanlæg se limiteront à la gestion et à l’exploitation des connexions ferroviaires alors que celles de Femern ne porteront que sur la liaison fixe, ces différentes infrastructures pouvant, en outre, être utilisées indépendamment l’une de l’autre.
92 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, considérer, au point 88 du premier arrêt attaqué et au point 63 du second arrêt attaqué, que les mesures octroyées à Femern Landanlæg, adoptées dans le cadre du même projet que celui qui prévoit des mesures en faveur de Femern pour la liaison fixe et qualifiées d’aides d’État par la Commission, ne sauraient, pour ce « seul motif », être constitutives d’aides d’État, ces deux types de mesures ayant un objet et des bénéficiaires différents. Le Tribunal a, dès lors, également distingué à juste titre, aux points 90 à 92 du premier arrêt attaqué et aux points 65 à 67 du second arrêt attaqué, les effets sur la concurrence des mesures octroyées à l’une et l’autre entreprise.
93 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen des requérantes dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P est pour partie irrecevable et pour partie non fondée et doit, par conséquent, être rejetée.
3. Sur les deuxième et troisième branchesdu premier moyendans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P
a) Argumentation des parties
94 Par les deuxième et troisième branches de leur premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes, soutenues par les parties intervenantes, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le marché de la gestion de l’infrastructure ferroviaire au Danemark n’était pas ouvert à la concurrence. Il aurait rejeté à tort, aux points 108 à 120 du premier arrêt attaqué et aux points 83 à 95 du second arrêt attaqué, leurs arguments tirés de l’existence d’une concurrence tant en fait qu’en droit pour la gestion et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire danoise. NABU et FSS partagent, en substance, cette argumentation.
95 À titre liminaire, les requérantes soutiennent que leurs arguments visent également à contester l’appréciation effectuée par le Tribunal, aux points 94 à 96 du premier arrêt attaqué et aux points 69 à 71 du second arrêt attaqué, selon laquelle les connexions ferroviaires avec l’arrière-pays font partie du réseau ferroviaire national.
96 En ce qui concerne l’existence d’une concurrence en droit, les requérantes considèrent que le régime de licences prévu pour l’exploitation, la gestion et l’entretien de l’infrastructure ferroviaire danoise, institué par la législation danoise, qui exige l’obtention d’une licence auprès de l’autorité nationale responsable des transports pour pouvoir gérer une infrastructure ferroviaire et qui a été remplacé en 2015 par un régime d’agréments de sécurité, implique que ces activités sont ouvertes à la concurrence, à tout le moins en ce qui concerne la concurrence « pour » le marché de la gestion de l’infrastructure ferroviaire. En effet, toute société ayant obtenu une licence et un agrément de sécurité pourrait ainsi exploiter des infrastructures ferroviaires. Il existerait d’ailleurs plusieurs exploitants d’infrastructures ferroviaires au Danemark.
97 Les requérantes se réfèrent à la « grille d’analyse » mentionnée par la Commission dans un document sur les infrastructures relatives aux chemins de fer, au métro et au transport local (« Infrastructure Analytical Grid for Railway, Metro and local transport infrastructure »), qui indique que la gestion de l’infrastructure ferroviaire n’est fermée à la concurrence que lorsque la gestion et l’exploitation font l’objet d’un monopole légal, ce qui suppose qu’un service soit réservé par la loi à un prestataire exclusif et qu’il soit clairement interdit à tout autre opérateur de le fournir.
98 Or, tel ne serait pas le cas au Danemark et le régime de licences permettrait aux entreprises d’être en concurrence tant pour construire l’infrastructure et l’exploiter que pour fournir des services sur des infrastructures existantes dans le cas où Femern Landanlæg ou Banedanmark sous-traiteraient leurs activités.
99 Les réquérantes se réfèrent par ailleurs à d’autres secteurs de l’économie dans lesquels une activité repose également sur l’utilisation d’un réseau, comme les télécommunications, l’électricité ou le gaz, pour faire valoir que le constat de l’ouverture à la concurrence dépend du seul système mis en place pour permettre l’accès à l’infrastructure par des opérateurs concurrents, indépendamment même de leur présence effective sur le marché.
100 De même, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 112 du premier arrêt attaqué et au point 87 du second arrêt attaqué, en estimant que le fait que des entreprises, autres que Banedanmark, ont obtenu des licences et exercent leurs activités de gestion et d’exploitation sur des tronçons du réseau ferroviaire ayant la nature de « monopoles naturels » ne suffisait pas pour démontrer l’existence d’une concurrence « sur » ou « pour » le marché de l’exploitation et de la gestion du ferroviaire national.
101 En outre, le fait que le droit de l’Union n’imposerait pas l’ouverture à la concurrence de la gestion de l’infrastructure ferroviaire, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 111 du premier arrêt attaqué et au point 86 du second arrêt attaqué, et que les opérateurs d’autres États membres pourraient se prévaloir au Danemark des autorisations émises par leurs pays d’origine, ainsi qu’il l’a exposé au point 113 du premier arrêt attaqué et au point 88 du second arrêt attaqué, serait sans pertinence.
102 En tout état de cause, les mesures accordées à Femern Landanlæg fausseraient la concurrence sur les marchés en amont, tels que le marché de la fourniture de matériaux pour la construction, et en aval, tels que celui de la fourniture de services de transport au Danemark.
103 Les requérantes font ensuite valoir, au moyen d’arguments similaires, que le Tribunal a également commis une erreur de droit en n’ayant pas constaté l’existence d’une concurrence de fait sur le marché sur lequel intervient Femern Landanlæg, compte tenu en particulier de la présence de sociétés habilitées à gérer des réseaux ferroviaires locaux, distincts du réseau national.
104 Elles se réfèrent également à la communication de la Commission sur les lignes directrices de l’Union européenne pour l’application des règles relatives aux aides d’tat dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (JO 2013, C 25, p. 1), susceptibles d’être octroyées aux opérateurs pour la construction et l’exploitation d’infrastructures, pour faire valoir que le critère pertinent aux fins de déterminer si l’aide octroyée à Femern Landanlaeg constitue une aide d’État est celui de savoir si cet opérateur a reçu le financement à des conditions qui correspondent ou non à celles du marché. En l’espèce, elles estiment que tel n’a pas été le cas.
105 Dans leur réplique, elles font valoir que les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission et le Royaume de Danemark sont non fondées.
106 FSS souligne le caractère inédit de l’analyse de la Commission dans la décision litigieuse, les rares cas dans lesquels cette institution a conclu à l’absence de distorsion de la concurrence concernant jusqu’à présent essentiellement des activités d’importance secondaire, le plus souvent exercées loin des frontières et ayant des effets purement locaux.
107 FSS soutient que, compte tenu du régime de licences appliqué au Danemark, le Tribunal a estimé, à tort, qu’il n’existait pas de concurrence « pour » le marché de l’infrastructure ferroviaire dès lors que tout opérateur intéressé aurait pu se voir attribuer le marché de l’exploitation des connexions avec l’arrière-pays. Même si chaque infrastructure ferroviaire présente des caractéristiques d’un monopole naturel, cela ne signifierait pas que des opérateurs ne pourraient pas être des concurrents « pour » ce marché, de sorte qu’un soutien financier accordé à un seul d’entre eux fausserait la concurrence.
108 Même dans l’hypothèse où ces marchés seraient fermés à la concurrence du fait d’un monopole légal, un soutien financier a, selon FSS, une incidence sur la concurrence dans le secteur du transport. Ainsi, le financement public de la construction de l’infrastructure devrait avoir des conséquences importantes sur la compétitivité du secteur, au détriment d’autres modes de transport, en réduisant notamment les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pouvoir fournir leurs services de transport sur le marché de cet État. FSS se réfère en particulier aux points 77 et 78 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), ainsi qu’à l’arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission (T‑747/17, EU:T:2019:271).
109 FSS fait également valoir que le financement des connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois aura des conséquences concurrentielles majeures sur les marchés en amont, notamment dans le secteur du bâtiment, dès lors que les entreprises réalisant les travaux verront leur chiffre d’affaires augmenter.
110 Selon elle, le financement des connexions avec l’arrière-pays est susceptible d’affecter la concurrence comme n’importe quelle autre infrastructure d’une industrie de réseau, qui présente les caractéristiques d’un monopole naturel. Ainsi, le financement de telles infrastructures n’en serait pas moins, à chaque fois, examiné soigneusement au regard des règles sur les aides d’État par la Commission. FSS se réfère à cet égard aux points 214 et suivants de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2016, C 262, p. 1).
111 NABU, Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et Aktionsbündnis partagent cette argumentation. Rederi Nordö-Link fait également valoir que l’existence d’un monopole légal ne suffit pas pour constater l’absence de concurrence, dès lors que les infrastructures ferroviaires sont en concurrence avec d’autres infrastructures de transport, telles que les ports.
112 La Commission soutient que les arguments des requérantes sont irrecevables, dès lors que le Tribunal n’a pas constaté, dans les arrêts attaqués, l’absence de concurrence d’un point de vue légal.
113 En outre, les arguments des requérantes relatifs à une éventuelle concurrence de fait ne viseraient pas avec suffisamment de précision les points contestés des motifs des arrêts attaqués et seraient, par conséquent, irrecevables.
114 Elle soutient également que l’argument selon lequel la concurrence sur les marchés en amont et en aval a été faussée n’a pas été invoqué devant le Tribunal et constitue, partant, un moyen nouveau.
115 Enfin, doivent, selon elle, être rejetés comme irrecevables, en ce qu’ils portent sur l’appréciation des faits, les arguments par lesquels les requérantes contestent l’interprétation du droit danois retenue par le Tribunal, en particulier aux points 110 et 112 du premier arrêt attaqué et aux points 85 et 87 du second arrêt attaqué.
116 À titre subsidiaire, la Commission soutient que les deuxième et troisième branches du premier moyen dans les deux affaires sont non fondées.
117 Le Royaume de Danemark fait valoir que ces deux branches du premier moyen sont irrecevables au motif qu’elles ne feraient que reproduire des arguments soulevés en première instance et qu’elles porteraient sur l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal alors qu’aucune dénaturation de ces derniers n’est alléguée.
118 Il soutient également que les deuxième et troisième branches du premier moyen dans les deux affaires ne sont pas fondées.
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
119 Contrairement à ce que soutiennent la Commission et le Royaume de Danemark, les requérantes ont identifié avec suffisamment de précision les points des motifs des arrêts attaqués qu’elles contestent.
120 Dans l’affaire C‑174/19 P, le point 35 du pourvoi principal vise l’analyse du Tribunal relative à l’absence de concurrence « de lege » exposée aux points 108 à 116 du premier arrêt attaqué, plus particulièrement au point 110 de celui-ci. De même, le point 47 de ce pourvoi vise les points 117 à 120 de cet arrêt, par lesquels le Tribunal s’est prononcé sur la question de savoir si le même marché était ouvert « de facto » à la concurrence. Des considérations similaires peuvent être faites en ce qui concerne le pourvoi principal intenté dans l’affaire C‑175/19 P, Stena Line Scandinavia identifiant de manière précise les points 83 à 91 du second arrêt attaqué, plus particulièrement le point 85 de celui-ci, ainsi que les points 92 à 95 de cet arrêt.
121 Il importe, d’ailleurs, de relever qu’il ne saurait être reproché aux requérantes de ne pas avoir spécifiquement visé les points des motifs des arrêts attaqués par lesquels le Tribunal a estimé que la Commission avait à juste titre considéré que les mesures en cause n’entraînaient pas de distorsion de la concurrence, dès lors que le Tribunal a tiré globalement les conséquences juridiques de son appréciation relative à la distorsion de la concurrence et à l’affectation des échanges aux points 133 et 134 du premier arrêt attaqué et aux points 108 et 109 du second arrêt attaqué.
122 Il convient également de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, tirée du fait que le Tribunal n’aurait pas constaté, dans les arrêts attaqués, l’absence de concurrence d’un point de vue légal. Il ressort en effet explicitement des points 97 et 98 et 108 à 116 du premier arrêt attaqué, ainsi que de l’intitulé « Ouverture “de lege” des marchés pertinents par la loi n° 1249 », figurant avant le point 108 de cet arrêt, que le Tribunal a procédé à l’examen des mesures en cause au regard du critère de la distorsion de concurrence. Ces appréciations figurent également aux points 72 et 73 ainsi que 83 à 91 du second arrêt attaqué.
123 L’exception d’irrecevabilité invoquée par le Royaume de Danemark, tirée du fait que les arguments des requérantes ne feraient que reproduire des arguments invoqués en première instance, est, par ailleurs, formulée de manière trop générale et imprécise pour pouvoir être accueillie.
124 Il convient, en revanche, d’accueillir partiellement l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et le Royaume de Danemark, tirée de ce que les requérantes auraient contesté l’appréciation des faits par le Tribunal, sans faire valoir ni démontrer de dénaturation.
125 Il importe à cet égard de rappeler que la dénaturation alléguée doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier pour être constatée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir en ce sens, notamment, arrêts du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a., C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 52 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 107).
126 Il en résulte que les requérantes ne sauraient contester l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 94 à 96 du premier arrêt attaqué et aux points 69 à 71 du second arrêt attaqué, selon lesquels les connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois, visées par le projet, font partie du réseau ferroviaire national danois, alors qu’elles n’ont pas allégué de dénaturation pour contester cette appréciation, laquelle repose essentiellement sur le constat, énoncé au point 95 du premier arrêt attaqué et au point 70 du second arrêt attaqué, selon lequel les connexions ferroviaires consistant en l’élargissement et en l’amélioration de la liaison ferroviaire existant entre Ringsted et Rødby, appartenant à Banedanmark, seront gérées par cette dernière selon les règles applicables à l’ensemble du réseau national et, partant, ne font que relier la liaison fixe au réseau national existant devenant ainsi partie intégrante de ce dernier.
127 Il en résulte également que les requérantes ne sauraient non plus contester l’analyse par le Tribunal des marchés sur lesquels les mesures octroyées à Femern Landanlæg seraient susceptibles de fausser la concurrence en faisant valoir, dans le cadre de leur pourvoi respectif, une distorsion de la concurrence sur d’autres marchés, situés en amont et en aval de ceux analysés par le Tribunal.
128 En revanche, contrairement à ce que soutient notamment la Commission, les requérantes, par leurs arguments dirigés contre l’appréciation effectuée par le Tribunal, aux points 110 et 112 du premier arrêt attaqué et aux points 85 et 87 du second arrêt attaqué, selon laquelle le régime de licences danois n’implique pas que le marché de l’exploitation et de la gestion de l’infrastructure ferroviaire nationale soit ouvert à la concurrence, ne se limitent pas à contester l’appréciation des faits par le Tribunal, mais visent également l’appréciation juridique que ce dernier a portée sur un tel régime, en ce qui concerne l’existence d’une concurrence « pour » le marché concerné, dans un contexte où une partie de l’exploitation de l’infrastructure fait également l’objet d’un monopole, de sorte que ces arguments doivent être considérés comme recevables au stade du pourvoi.
2) Sur le fond
129 Ainsi qu’il a été indiqué au point 62 du présent arrêt, la qualification d’une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert notamment que la mesure en cause fausse ou menace de fausser la concurrence, au sens de cette disposition.
130 Ainsi que la Commission l’expose, en substance, aux points 188 et 219 de sa communication relative à la notion d’« aide d’État », visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le fait qu’un État membre confie un service public soumis à un monopole légal à une entreprise publique n’entraîne pas, dans certaines circonstances, de distorsion de concurrence, et un avantage accordé à l’exploitant d’une infrastructure soumise à un monopole légal ne peut pas, dans de telles circonstances, fausser la concurrence. Toutefois, comme la Commission le précise également, au point 188, sous b), de cette communication, il est nécessaire, pour qu’une distorsion puisse être exclue dans de telles circonstances, que le monopole légal exclue non seulement la concurrence « sur » le marché, mais aussi « pour » le marché, en ce sens qu’il écarte toute concurrence potentielle pour devenir le prestataire exclusif du service en question (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C‑385/18, EU:C:2019:1121, point 57).
131 En l’espèce, les requérantes n’ont pas contesté le constat effectué par le Tribunal, au point 112 du premier arrêt attaqué et au point 87 du second arrêt attaqué, selon lequel Banedanmark gère le réseau ferroviaire national en régime de monopole légal.
132 Il est, dès lors, constant que Banedanmark dispose d’un tel monopole légal pour gérer et exploiter l’infrastructure ferroviaire nationale qu’elle détient et que les connexions ferroviaires avec l’arrière-pays en font partie.
133 Il résulte également des arrêts attaqués que Banedanmark demeurera en charge de la gestion et de l’exploitation des connexions ferroviaires après la réalisation du projet, y compris celles qui appartiendront à Femern Landanlæg.
134 Par ailleurs, s’il découle en particulier du point 112 du premier arrêt attaqué et du point 87 du second arrêt attaqué que la réglementation danoise permet à des entreprises remplissant certaines conditions d’obtenir une licence aux fins de gérer et d’exploiter des tronçons du réseau ferroviaire, il s’agit de parties de ce réseau distinctes du réseau ferroviaire national.
135 À cet égard, il n’a pas été démontré, ni même allégué, que l’octroi des licences ou, ultérieurement, celui des agréments de sécurité permettrait à des entreprises autres que Banedanmark d’exercer leurs activités sur ou pour le marché de la gestion et de l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire nationale.
136 Il importe d’ajouter que le fait que Banedanmark bénéficie d’un monopole légal pour la gestion et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire nationale permet de constater que le Royaume de Danemark est tenu, par des mesures législatives, d’attribuer la gestion et l’exploitation de l’infrastructure nationale de manière exclusive à cet opérateur au sens où l’exige la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C‑385/18, EU:C:2019:1121, point 58 ainsi que jurisprudence citée).
137 En outre, le Tribunal, après avoir constaté, au point 113 du premier arrêt attaqué et au point 88 du second arrêt attaqué, que la législation danoise permettait aux opérateurs établis dans d’autres États membres de l’Union de se prévaloir des autorisations émises dans leur pays d’origine, en a déduit sans commettre d’erreur de droit que le marché de la gestion ou de l’exploitation des infrastructures ferroviaires au Danemark n’était pas, de ce seul fait, ouvert à la concurrence.
138 Quant à l’argument invoqué par FSS pour faire valoir la nécessité, même en présence d’un tel monopole, d’examiner l’existence d’une concurrence potentielle avec d’autres modes de transport, fondé sur le point 97 de l’arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission (T‑747/17, EU:T:2019:271), il ressort de ce point 97 que cette affaire concernait une situation différente de celle des présentes affaires, dans laquelle une concurrence potentielle avait été constatée par la Commission non pas pour des services portuaires offerts sous monopole, mais pour des services de transport offerts par des ports qui étaient, dans une certaine mesure, en concurrence avec ceux offerts par d’autres ports ou d’autres prestataires de transport.
139 Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le constat effectué par le Tribunal, au point 111 du premier arrêt attaqué et au point 86 du second arrêt attaqué, selon lequel le droit de l’Union reconnaît que l’infrastructure ferroviaire constitue un monopole naturel est pertinent aux fins de vérifier si, indépendamment de ce que prévoit le droit danois, le droit de l’Union s’opposerait au monopole légal de Banedanmark.
140 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu considérer à bon droit, aux points 110 et 112 du premier arrêt attaqué et aux points 85 et 87 du second arrêt attaqué, que la législation danoise instituant le régime de licences pour la gestion de l’infrastructure ferroviaire n’impliquait pas qu’il existât une concurrence « de lege » « sur » ou « pour » le marché de la gestion et de l’exploitation de l’infrastructure nationale pour lesquelles Banedanmark détient un monopole légal.
141 Il importe d’ajouter que le fait d’attribuer les mesures en cause à une autre entreprise, telle que Femern Landanlæg, instituée par le législateur danois aux fins d’assurer le financement de la partie du projet relative aux connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois et qui sera également responsable de l’exploitation et de la maintenance de celles-ci n’est pas de nature à modifier ce constat.
142 Doit en particulier être souligné le fait que le Tribunal a constaté, au point 119 du premier arrêt attaqué et au point 94 du second arrêt attaqué, sans que cela ait été contesté, qu’il ne ressort pas de la législation danoise relative à Femern Landanlæg ni des statuts de cette société que celle-ci exerce ou puisse exercer d’autres tâches que celles qui lui ont été confiées pour la réalisation du projet.
143 Est également pertinent le constat effectué par le Tribunal au point 132 du premier arrêt attaqué et au point 107 du second arrêt attaqué, lors de l’examen de la question de savoir si les échanges entre les États membres pouvaient être affectés par les mesures d’aides litigieuses, à savoir le constat selon lequel la circonstance que Banedanmark exerce des activités d’entretien du réseau ferroviaire danois en concurrence avec d’autres sociétés et puisse pénétrer d’autres marchés nationaux, à la supposer établie, ne démontre pas, d’une part, que les mesures accordées à Femern Landanlæg, et non pas à Banedanmark, constituent une aide indirecte en faveur de Banedanmark ni, d’autre part, que de que telles mesures sont de nature à provoquer des distorsions de concurrence sur un marché sur lequel Femern Landanlæg est active.
144 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu écarter à bon droit les arguments invoqués par les requérantes dans le cadre de la deuxième branche de leur premier moyen relative à l’existence d’une concurrence « de lege » sur le marché sur lequel intervient Femern Landanlæg.
145 Pour les mêmes motifs, les arguments invoqués par les requérantes dans le cadre de la troisième branche de leur premier moyen, relatifs à l’ouverture « de facto » à la concurrence, analogues à ceux invoqués à propos de l’ouverture « de lege » à la concurrence, ne sont pas susceptibles d’infirmer cette analyse.
146 Quant à l’argument des requérantes selon lequel le critère pertinent aux fins de l’analyse serait en réalité celui de savoir si Femern Landanlæg a bénéficié d’un financement accordé à des conditions qui correspondent ou non à celles du marché, il convient de rappeler qu’il s’agit d’une condition distincte, nécessaire à la qualification d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui est sans pertinence quant au point de savoir si le marché sur lequel intervient l’entreprise est ouvert à la concurrence.
147 Il s’ensuit que les deuxième et troisième branches du premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P doivent être rejetées comme étant pour partie irrecevables et pour partie non fondées.
4. Sur la quatrième branche du premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P
a) Argumentation des parties
148 Par la quatrième branche de leur premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P, les requérantes, soutenues par les parties intervenantes, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 121 à 127 du premier arrêt attaqué et aux points 96 à 102 du second arrêt attaqué, en distinguant, aux fins de l’appréciation des effets sur la concurrence des mesures octroyées à Femern Landanlæg, les activités de construction et d’entretien de l’infrastructure ferroviaire, d’une part, et celles relatives à la gestion et à l’exploitation de cette infrastructure, d’autre part. NABU et FSS partagent, en substance, cette argumentation.
149 Les requérantes font valoir que le régime des licences danois, remplacé ultérieurement par celui des agréments de sécurité, couvre, sans distinction, l’ensemble de ces activités. Elles précisent que le droit danois définit le gestionnaire de l’infrastructure comme toute entité responsable de celles-ci.
150 Elles ajoutent que les motifs pour lesquels le Tribunal distingue entre ces activités ne ressortent pas des arrêts attaqués, cette distinction ne résultant pas de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32), pourtant mentionnée aux points 101 à 104 du premier arrêt attaqué et aux points 76 à 79 du second arrêt attaqué. Elles se réfèrent, en particulier, à l’article 3, point 2, de cette directive, qui définit le « gestionnaire de l’infrastructure » comme toute entité ou entreprise, chargée notamment de « la gestion et de l’entretien » de l’infrastructure ferroviaire, et à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci qui se réfère, sans précisions supplémentaires, aux « fonctions essentielles » d’un gestionnaire de l’infrastructure.
151 Elles soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les éléments de preuve, aux points 125 et 127 du premier arrêt attaqué et aux points 100 et 102 du second arrêt attaqué, en estimant qu’il ne ressort pas de la législation danoise ni de la décision litigieuse ou des statuts de Femern Landanlæg que cette entreprise est chargée d’exercer les tâches de construction et d’entretien du réseau ferroviaire en concurrence avec d’autres opérateurs.
152 Elles ajoutent que, contrairement à ce que soutient le Royaume de Danemark, les arguments dirigés contre le point 125 du premier arrêt attaqué et le point 100 du second arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a estimé que Femern Landanlæg n’est pas en mesure d’accomplir ces tâches, ne peuvent pas être regardés comme un moyen nouveau, et partant irrecevable, dès lors que l’appréciation figurant à ces points ne résulte pas de la décision litigieuse et ne pouvait, de ce fait, être contestée devant le Tribunal.
153 Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et Aktionsbündnis soutiennent également que le Tribunal a dénaturé, aux points 122 et 127 du premier arrêt attaqué et aux points 97 et 102 du second arrêt attaqué, les éléments de preuve, y compris la décision litigieuse, en estimant que les activités de gestion et d’exploitation du réseau ferroviaire de Femern Landanlæg ne s’étendent pas à la construction et à l’entretien de ce réseau.
154 La Commission et le Royaume de Danemark estiment que la quatrième branche du premier moyen est non fondée.
155 Le Royaume de Danemark ajoute que les arguments par lesquels les requérantes contestent l’interprétation par le Tribunal de la législation danoise sont nouveaux et doivent, en tout état de cause, être rejetés comme irrecevables.
b) Appréciation de la Cour
156 Il importe, tout d’abord, de relever que le Tribunal, après avoir exposé, respectivement aux points 122 à 124 du premier arrêt attaqué et aux points 98 à 100 du second arrêt attaqué, les dispositions nationales pertinentes, a estimé, au point 125 du premier arrêt attaqué et au point 100 du second, que Femern Landanlæg a la responsabilité de la mise en œuvre des activités de construction et d’exploitation des connexions ferroviaires, mais n’est pas en mesure d’accomplir elle-même les tâches relatives à l’entretien et à la construction du réseau en concurrence avec d’autres opérateurs. Aussi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette appréciation n’est pas entachée d’une insuffisance de motivation.
157 Ensuite, sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Royaume de Danemark, il importe de constater que les arguments invoqués par les requérantes pour démontrer que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en estimant que Femern Landanlæg n’est pas chargée des tâches de construction et d’entretien de l’infrastructure ferroviaire doivent, en tout état de cause, être rejetés comme inopérants.
158 En effet, et ainsi que le soulignent tant la Commission que le Royaume de Danemark, il ne résulte pas du point 125 du premier arrêt attaqué ni du point 100 du second arrêt attaqué, que Femern Landanlæg n’est pas responsable de la construction et de l’entretien des connexions ferroviaires. Le Tribunal a simplement indiqué que cette entreprise n’est pas « en mesure d’accomplir elle-même » ces tâches ou encore, ainsi qu’il l’a précisé, au point 127 du premier arrêt attaqué et au point 102 du second arrêt attaqué, que ladite entreprise « n’exerce pas directement » ces activités, sans que cette appréciation des faits ait été contestée.
159 Au point 9 des arrêts attaqués, le Tribunal avait d’ailleurs rappelé, dans la description du projet, que Femern Landanlæg sera « responsable » de la construction et de la gestion, « y compris l’entretien » des connexions ferroviaires avec l’arrière-pays et qu’elle en assumera les coûts au prorata de sa part de propriété, l’autre partie étant à la charge de Banedanmark. En outre, il résulte notamment du point 124 du premier arrêt attaqué et du point 99 du second arrêt attaqué, que Banedanmark sera responsable de la mise en œuvre de ces activités.
160 Il s’ensuit que la distinction établie par le Tribunal, au point 122 du premier arrêt attaqué et au point 97 du second arrêt attaqué, entre les marchés de la construction et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, sur lesquels Femern Landanlæg n’est pas « active », et les marchés de la gestion et de l’exploitation « au sens strict » de l’infrastructure ferroviaire repose uniquement sur la distinction entre la réalisation concrète ou non, par cette entreprise, de ces différentes activités.
161 Or, comme le souligne la Commission, il importe, aux fins d’apprécier l’effet sur la concurrence des mesures octroyées à Femern Landanlæg, de tenir compte des activités dont cette entreprise a précisément et effectivement elle-même la charge.
162 Dès lors que Femern Landanlæg n’est pas susceptible d’assurer elle-même les activités de construction ni celles de l’entretien des connexions ferroviaires, le Tribunal a pu relever à juste titre, au point 126 du premier arrêt attaqué et au point 101 du second arrêt attaqué, que l’existence de sociétés réalisant ces activités sur le réseau ferroviaire danois, notamment à l’issue d’une mise en concurrence par appel d’offres en vue de l’attribution de marchés, n’est pas de nature à démontrer que les activités de gestion ou d’exploitation de l’infrastructure ferroviaire exercées par Femern Landanlæg dans ce domaine sont, elles aussi, ouvertes à la concurrence.
163 Quant aux arguments selon lesquels les activités de cette entreprise sont néanmoins exercées dans un marché ouvert à la concurrence, ainsi que cela résulterait notamment du régime de licences existant au Danemark, il y a lieu de relever qu’ils portent en réalité sur l’effet sur la concurrence des mesures accordées à Femern Landanlæg, lequel fait l’objet des deuxième et troisième branches du premier moyen.
164 Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en distinguant les activités de Femern Landanlæg relatives à la construction et à l’entretien du réseau ferroviaire de celles relatives à l’exploitation, au sens strict, de celui-ci.
165 Dès lors, la quatrième branche du premier moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P doit être écartée comme non fondée.
166 L’ensemble des branches du premier moyen devant être écartées, il convient de rejeter le premier moyen.
D. Sur le deuxième moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P
1. Argumentation des parties
167 Par leur deuxième moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P, les requérantes, FSS et Rederi Nordö-Link font valoir que les mesures accordées à Femern Landanlæg sont de nature à affecter les échanges entre les États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’elles sont susceptibles d’affecter la concurrence tant sur le marché de la gestion de l’infrastructure ferroviaire que sur le marché du transport par le détroit de Fehmarn. Il conviendrait également de tenir compte du caractère transfrontalier du projet, qui relie deux États membres.
168 La Commission et le Royaume de Danemark soutiennent que le second moyen est irrecevable au motif que les requérantes n’ont pas précisément identifié les points des motifs des arrêts attaqués qu’elles contestent et qu’il est, en tout état de cause, non fondé.
169 Le Royaume de Danemark ajoute que les arguments par lesquels les requérantes contestent les points 129 à 132 du premier arrêt attaqué et les points 104 à 107 du second arrêt attaqué, sans alléguer de dénaturation des faits ou des éléments de preuve par le Tribunal, sont irrecevables dès lors qu’ils portent sur l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal.
2. Appréciation de la Cour
170 Contrairement à ce qu’allèguent la Commission et le Royaume de Danemark, le deuxième moyen invoqué dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P identifie avec suffisamment de précision les points contestés des arrêts attaqués, en ce que les requérantes visent notamment les points 128 à 132 du premier de ces arrêts et les points 103 à 107 du second, par lesquels le Tribunal s’est prononcé sur les arguments des requérantes relatifs au point de savoir si les mesures d’aide litigieuses affectaient les échanges entre les États membres.
171 Il importe également de relever qu’il ne saurait être reproché aux requérantes de ne pas avoir spécifiquement visé les points des arrêts attaqués par lesquels le Tribunal aurait conclu que les mesures en cause n’étaient pas susceptible d’affecter les échanges, dès lors qu’aux points 133 et 134 du premier arrêt attaqué et aux points 108 et 109 du second arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté de manière globale le premier moyen et le premier grief de la seconde branche du troisième moyen des requérantes,tirés d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen, en ce qui concerne l’analyse des mesures octroyées à Femern Landanlæg pour la planification, la construction et l’exploitation des connexions ferroviaires.
172 Il convient, ensuite, de rappeler qu’il résulte de l’examen des deuxième et troisième branches du premier moyen que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la Commission avait constaté à juste titre l’absence de concurrence sur le marché de la gestion et de l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire nationale.
173 Il s’ensuit que le Tribunal a également pu considérer sans erreur de droit, aux points 129 et 130 du premier arrêt attaqué et aux points 104 et 105 du second arrêt attaqué, d’une part, que l’absence de concurrence sur ce marché empêche les sociétés établies dans d’autres États membres de pénétrer ce dernier et, d’autre part, que la loi relative à la planification évoquée au considérant 13 de la décision litigieuse et celle relative à la construction, évoquée au considérant 50 de celle-ci, ne permettent pas à Femern Landanlæg de s’engager dans des activités autres que la planification, la construction et l’exploitation des connexions ferroviaires.
174 Il a ainsi pu en déduire, au point 131 du premier arrêt attaqué et au point 106 du second arrêt attaqué, que les requérantes n’étaient pas parvenues à démontrer que Femern Landanlæg serait autorisée à effectuer d’autres activités que celles relatives au projet et pourrait ainsi pénétrer des marchés dans d’autres États membres.
175 Ainsi que le souligne le Royaume de Danemark, ces points relèvent de l’appréciation des faits par le Tribunal au sujet de laquelle aucune dénaturation n’a été explicitement alléguée ni démontrée.
176 Quant à l’argument des requérantes tiré du caractère transfrontalier du projet, en ce que celui-ci permettra de relier deux États membres, il convient de relever que les mesures examinées dans le cadre du présent moyen concernent en tout état de cause les seules connexions ferroviaires avec l’arrière-pays danois, lesquelles ne présentent pas de caractère « transfrontalier » au sens où les requérantes l’invoquent. Leur financement fait, en outre, l’objet d’une appréciation distincte de celle du financement de la liaison fixe, ainsi qu’il résulte, notamment, du point 88 du premier arrêt attaqué et du point 63 du second arrêt attaqué.
177 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant, au point 133 du premier arrêt attaqué et au point 108 du second arrêt attaqué, que, pour ce qui concerne le critère de l’affectation des échanges entre les États membres, l’examen de la Commission n’était pas entaché d’une erreur de droit et qu’elle n’avait pas davantage rencontré de difficultés sérieuses de nature à l’obliger à ouvrir la procédure formelle d’examen.
178 Il s’ensuit que le second moyen dans les affaires C‑174/19 P et C‑175/19 P n’est pas fondé.
179 Par conséquent, l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes au soutien de leurs pourvois principaux ayant été écartés, il convient de rejeter ces pourvois dans leur intégralité.
VII. Sur les pourvois incidents
180 Dans ses pourvois incidents, la Commission soulève un moyen unique, tiré de ce que le Tribunal aurait à tort admis implicitement la qualité pour agir des requérantes contre la décision litigieuse en ce qu’elle porte sur les mesures adoptées en faveur de Femern Landanlæg.
181 Les requérantes, NABU et FSS ont, pour leur part, excipé de l’irrecevabilité de ces pourvois incidents.
182 À cet égard, sans qu’il soit besoin de statuer sur cette exception d’irrecevabilité des pourvois incidents, il convient de relever, d’une part, que le Tribunal n’a pas, dans les arrêts attaqués, comme l’a fait valoir M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, pris de décision quant à la recevabilité des recours formés devant lui par les requérantes contre la décision litigieuse en ce qu’elle porte sur les mesures adoptées en faveur de Femern Landanlæg, et, d’autre part, qu’il a pu à bon droit procéder ainsi dès lors qu’il n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant ces recours au fond.
183 Il s’ensuit que les pourvois incidents doivent être rejetés.
VIII. Sur les dépens
184 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
185 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
186 La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission afférents aux pourvois principaux.
187 La Commission ayant succombé en ses conclusions dans le cadre des pourvois incidents, il y a lieu de décider que celle-ci supportera ses propres dépens afférents à ces pourvois.
188 L’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.
189 Conformément à ces dispositions, le Royaume de Danemark, FSS et NABU, parties intervenantes en première instance, qui ont participé à la procédure devant la Cour, supporteront leurs propres dépens dans les affaires dans lesquelles elles sont intervenues.
190 Enfin, selon l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article, supportera ses propres dépens.
191 Conformément à ces dispositions, Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et Aktionsbündnis supporteront leurs propres dépens dans les deux affaires.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) Les pourvois principaux et les pourvois incidents sont rejetés.
2) Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH ainsi queStena Line Scandinavia AB sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne afférents aux pourvois principaux.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens afférents aux pourvois incidents.
4) Le Royaume de Danemark, Föreningen Svensk Sjöfart et Naturschutzbund Deutschland (NABU) eV supportent leurs propres dépens.
5) Rederi Nordö-Link AB, Trelleborg Hamn AB et Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV supportent leurs propres dépens.