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Décisions

TUE, 3e ch., 6 octobre 2021, n° T-196/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

AZ, République fédérale d’Allemagne

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Collins

Juges :

M. Kreuschitz, M. Csehi (rapporteur)

Avocats :

Me Quardt, Me von Donat, Wagner, Me Fouquet, Me Hartmann, Me Kachel

TUE n° T-196/19

6 octobre 2021

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

I. Antécédents du litige

A. Sur la requérante

1 La requérante, AZ, est une société productrice de circuits intégrés analogiques et mixtes personnalisés, destinés principalement à l’industrie automobile ou aéronautique et à d’autres secteurs industriels.

B. Sur les mesures législatives et réglementaires en cause

1. Sur le système de redevances de réseau avant l’introduction des mesures litigieuses

2 L’article 21 de l’Energiewirtschaftsgesetz (loi relative à la sauvegarde de l’approvisionnement en énergie), tel que modifié par le Gesetz zur Neuregelung energiewirtschaftlicher Vorschriften (loi portant nouvelle réglementation des dispositions relatives à l’approvisionnement en énergie), du 26 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1554), et avant les modifications apportées par le Gesetz zur Weiterentwicklung des Strommarktes (loi relative à l’évolution du marché de l’électricité), du 26 juillet 2016 (BGBl. 2016 I, p. 1786) (ci-après l’« EnWG 2011 »), prévoit notamment que les redevances de réseau doivent être raisonnables, non discriminatoires ainsi que transparentes et calculées sur la base des coûts d’une exploitation efficace du réseau.

3 L’article 24 de l’EnWG 2011 habilite le gouvernement fédéral allemand à établir, par voie réglementaire, des dispositions détaillées en ce qui concerne, d’une part, la définition de la méthode générale de détermination des redevances de réseau et, d’autre part, la réglementation des cas particuliers d’utilisation du réseau et les conditions dans lesquelles l’autorité de régulation peut autoriser ou interdire des redevances de réseau individuelles.

4 L’article 17 de la Stromnetzentgeltverordnung (règlement fédéral relatif aux redevances de réseau), du 25 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 2225, ci-après le « règlement StromNEV 2005 »), définit la méthode de calcul à utiliser par les gestionnaires de réseau pour déterminer les redevances générales. Il s’agit d’une méthode en deux temps : tout d’abord, elle détermine les différents éléments de coûts annuels de l’ensemble des réseaux et, ensuite, elle calcule les redevances générales sur la base du total annuel des coûts de réseau.

5 La détermination des redevances générales tient compte des deux éléments suivants : la « fonction de simultanéité », qui reflète la probabilité que la consommation individuelle d’un utilisateur contribue à la charge de pointe annuelle du niveau de réseau concerné, et le seuil maximum de recettes par gestionnaire, fixé par la Bundesnetzagentur (BNetzA, agence fédérale des réseaux, Allemagne) sur la base d’une analyse comparative avec d’autres gestionnaires de réseau, visant à éviter que les coûts découlant de l’inefficacité soient compensés par les redevances de réseau.

6 L’article 19 du règlement StromNEV 2005 prévoit des redevances individuelles pour des catégories d’utilisateurs dont les profils de consommation et de charge sont très différents de ceux des autres utilisateurs (ci-après les « utilisateurs atypiques »), qui tiennent compte, conformément au principe de la réflectivité de coûts, de la contribution de ces utilisateurs à la réduction ou à la prévention d’une hausse des coûts de réseau.

7 À cet égard, l’article 19, paragraphe 2, du règlement StromNEV 2005 prévoit des redevances individuelles pour les deux catégories d’utilisateurs atypiques suivantes : d’une part, les utilisateurs dont la contribution à la charge de pointe est susceptible de différer sensiblement de la charge de pointe annuelle simultanée de tous les autres utilisateurs raccordés au même niveau de réseau, c’est-à-dire les utilisateurs qui consomment systématiquement de l’électricité en dehors des heures de pointe (ci-après les « consommateurs anticycliques »), et, d’autre part, les utilisateurs dont la consommation annuelle d’électricité représente au moins 7 000 heures d’utilisation et plus de 10 gigawatts/heure (ci-après les « consommateurs de charge en continu »).

8 Jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement StromNEV, tel que modifié par l’EnWG 2011 (ci-après le « règlement StromNEV 2011 »), les consommateurs anticycliques et les consommateurs de charge en continu étaient sujets à des redevances individuelles calculées selon la « méthode du chemin physique », élaborée par la BNetzA, qui tenait compte des coûts de réseau générés par ces consommateurs, avec une redevance minimale équivalant à 20 % des redevances générales annoncées (ci-après la « redevance minimale »), qui garantissait une rétribution pour l’exploitation du réseau auquel ces consommateurs étaient raccordés dans l’hypothèse où les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique auraient été plus basses ou proches de zéro.

2. Sur les mesures litigieuses

9 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, deuxième et troisième phrases, du règlement StromNEV 2011, à partir du 1er janvier 2011 (date d’application rétroactive de cette disposition), les redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu ont été supprimées et remplacées par une exonération complète des redevances de réseau (ci-après l’« exonération litigieuse »), accordée par une autorisation de l’autorité de régulation compétente, à savoir la BNetzA ou l’autorité de régulation du Land concerné. Ladite exonération pesait sur les gestionnaires de réseau de transport ou de distribution selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés.

10 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, sixième et septième phrases, du règlement StromNEV 2011, les gestionnaires de réseau de transport étaient tenus de rembourser aux gestionnaires de réseau de distribution la moins-value résultant de l’exonération litigieuse et devaient compenser, entre eux, les coûts entraînés par l’exonération, au moyen d’une compensation financière conformément à l’article 9 du Kraft-Wärme-Kopplungsgesetz (loi sur la promotion de la cogénération de chaleur et d’électricité), du 19 mars 2002 (BGBl. 2002 I, p. 1092) (ci-après la « KWKG »), de sorte que chacun assumait la même charge financière calculée selon la quantité d’électricité qu’il fournissait aux consommateurs finals raccordés à son réseau.

11 À partir de 2012, la décision de la BNetzA du 14 décembre 2011 (BK8-11-024, ci-après la « décision BNetzA de 2011 ») a mis en place un mécanisme de financement. Selon ce mécanisme, les gestionnaires de réseau de distribution percevaient, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, une surtaxe (ci-après la « surtaxe litigieuse ») dont le montant était reversé aux gestionnaires de réseau de transport pour compenser la perte de recettes provoquée par l’exonération litigieuse.

12 Le montant de la surtaxe était déterminé chaque année, à l’avance, par les gestionnaires de réseau de transport, sur la base d’une méthode établie par la BNetzA. Le montant relatif à l’année 2012, première année de mise en œuvre du système, a été fixé directement par la BNetzA.

13 Ces dispositions ne s’appliquaient pas en ce qui concerne les coûts de l’exonération pour l’année 2011 et, partant, chaque gestionnaire de réseau de transport et de distribution a dû supporter les pertes relatives à l’exonération pour cette année.

3. Sur le système de redevance de réseau postérieur aux mesures litigieuses

14 Pendant la procédure administrative qui a conduit à la décision attaquée, l’exonération litigieuse a tout d’abord été déclarée nulle et non avenue par des décisions juridictionnelles de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) du 8 mai 2013 et du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 6 octobre 2015 et a ensuite été abrogée, à partir du 1er janvier 2014, par le règlement StromNEV, tel que modifié par la Verordnung zur Änderung von Verordnungen auf dem Gebiet des Energiewirtschaftsrechts (règlement portant modification des règlements en matière d’énergie), du 14 août 2013 (BGBl. 2013 I, p. 3250) (ci-après le « règlement StromNEV 2013 »). Ce dernier règlement a réintroduit, pour l’avenir, les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique, avec l’application, au lieu de la redevance minimale, de redevances forfaitaires de 10, de 15 et de 20 % des redevances générales, en fonction de la consommation d’électricité (respectivement 7 000, 7 500 et 8 000 heures d’utilisation annuelle du réseau) (ci-après les « redevances forfaitaires »).

15 Le règlement StromNEV 2013 a introduit un régime transitoire, en vigueur à partir du 22 août 2013 et applicable, de manière rétroactive, aux consommateurs de charge en continu qui n’avaient pas encore reçu l’exonération litigieuse pour les années 2012 et 2013 (ci-après le « régime transitoire »). Au lieu des redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique et de la redevance minimale, ce régime prévoyait exclusivement l’application des redevances forfaitaires.

C. Sur la procédure administrative

16 À partir de la fin de l’année 2011, la Commission européenne a reçu plusieurs plaintes de la part du Bund der Energieverbraucher eV (Fédération des consommateurs d’énergie) et de plusieurs consommateurs concernant l’exonération litigieuse. Elle a par la suite reçu des renseignements complémentaires de la part des autorités allemandes.

17 Le 4 mai 2013, la Commission a publié sa décision d’ouvrir la procédure au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides reposant sur les mesures litigieuses (JO 2013, C 128, p. 43, ci-après la « décision d’ouverture »).

18 La République fédérale d’Allemagne et les parties intéressées ont présenté leurs observations et la République fédérale d’Allemagne s’est également prononcée à l’égard de ces dernières. Plusieurs échanges ont par la suite eu lieu entre la Commission et les autorités allemandes au cours des années 2013 à 2017.

D. Sur la décision attaquée

19 Le 28 mai 2018, la Commission a adopté la décision (UE) 2019/56, relative à l’aide d’État SA.34045 (2013/C) (ex 2012/NN) accordée par l’Allemagne aux consommateurs de charge en continu au sens de l’article 19 du règlement StromNEV [2011] (JO 2019, L 14, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a constaté que, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne avait octroyé illégalement des aides d’État sous la forme de l’exonération litigieuse.

20 Plus particulièrement, la Commission a conclu que le montant des aides d’État correspondait aux coûts de réseau générés en 2012 et en 2013 par les consommateurs de charge en continu exonérés ou, si ces coûts étaient inférieurs à la redevance minimale, à cette dernière.

21 En outre, la Commission a relevé que les aides en question étaient incompatibles avec le marché intérieur, ne relevant d’aucune des exceptions prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, et ne pouvaient pas non plus être considérées comme compatibles pour d’autres motifs.

22 Par conséquent, la Commission a décidé ce qui suit :

– l’exonération litigieuse constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où les consommateurs de charge en continu avaient été exonérés des redevances de réseau, qui correspondaient aux coûts de réseau qu’ils généraient, ou, si ces coûts étaient inférieurs à la redevance minimale, de cette redevance minimale ;

– l’aide en question avait été exécutée par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et n’était pas compatible avec le marché intérieur ;

– l’aide individuelle, octroyée au titre du régime en question, n’était pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplissait les conditions définies par un règlement concernant les aides « de minimis », adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1) ;

– la République fédérale d’Allemagne, d’une part, était obligée de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles avec le marché intérieur, octroyées au titre du régime d’aides en question, y compris les intérêts, et, d’autre part, était tenue d’annuler tous les paiements non encore effectués au titre de ce régime dès la date d’adoption de la décision attaquée.

II. Procédure et conclusions des parties

23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours.

24 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2019, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par décision du 20 septembre 2019, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

25 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

26 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 30 octobre 2020.

28 La requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée pour les années 2012 et 2013 ;

– à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée pour les années 2012 et 2013 en ce qui la concerne ;

– à titre plus subsidiaire, annuler la décision attaquée dans la mesure où elle ordonne, pour les consommateurs de charge en continu ayant un minimum de 7 000 heures d’utilisation annuelle, le remboursement de plus de 20 % des redevances de réseau annoncées, pour les consommateurs de charge en continu ayant un minimum de 7 500 heures d’utilisation annuelle, le remboursement de plus de 15 % de ces redevances et, pour les consommateurs de charge en continu ayant un minimum de 8 000 heures d’utilisation annuelle, le remboursement de plus de 10 % desdites redevances ;

– à titre encore plus subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qui la concerne et dans la mesure où cette décision ordonne, pour les consommateurs de charge en continu ayant un minimum de 7 000 heures d’utilisation annuelle, le remboursement de plus de 20 % des redevances de réseaux annoncées ;

– condamner la Commission aux dépens.

29 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité du recours

30 La Commission conteste la recevabilité du recours.

31 D’une part, elle remarque que la requérante sollicite l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité, tandis que l’annulation de cette décision n’aurait « aucun effet » sur la conclusion figurant au considérant 161 de celle-ci, selon laquelle l’exonération litigieuse en 2011 ne constituait pas une aide d’État. Elle souhaite donc une « déclaration explicite » sur ce point en vue d’éviter toute insécurité juridique.

32 D’autre part, elle excipe de l’irrecevabilité du recours, qui aurait été déposé hors délai, au motif que la requérante avait connaissance de la décision attaquée bien avant la publication de celle-ci au Journal officiel de l’Union européenne, ayant été informée par les autorités allemandes dans le cadre de l’échange de courriers concernant le recouvrement des aides et probablement dans le cadre de son appartenance à l’association allemande de l’industrie chimique, laquelle, ayant participé à la procédure administrative, avait reçu une copie de ladite décision. La Commission, s’appuyant sur l’arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission (C‑339/16 P, EU:C:2017:384), sur l’ordonnance du 5 septembre 2019, Fryč/Commission (C‑230/19 P, non publiée, EU:C:2019:685), et sur les conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Georgsmarienhütte e.a. (C‑135/16, EU:C:2018:120), précise que l’application du critère de la date de publication comme point de départ du délai de recours, au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ne s’applique que lorsque la publication est une condition pour l’entrée en vigueur de l’acte au sens de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, la décision attaquée étant destinée à la République fédérale d’Allemagne et ayant été notifiée à cette dernière.

33 La requérante conteste les arguments de la Commission.

34 À cet égard, à titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’évaluation de la Commission relative à l’exonération litigieuse en 2011, qui ne fait donc pas l’objet de la présente affaire.

35 En ce qui concerne la prétendue tardiveté du recours, invoquée par la Commission, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance.

36 En l’espèce, il n’est pas contesté que le recours a été déposé dans le respect du délai de deux mois et dix jours à partir de la publication de la décision attaquée au Journal officiel, qui a eu lieu le 16 janvier 2019.

37 S’agissant de la question de savoir si la requérante a eu connaissance de la décision attaquée avant sa publication, il convient de rappeler qu’il découle du libellé même de l’article 263, sixième alinéa, TFUE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte, en tant que point de départ du délai de recours, présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (arrêts du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, EU:C:1998:94, point 35, et du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑339/16 P, EU:C:2017:384, point 39 ; voir, également, arrêt du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, EU:T:2003:316, point 30 et jurisprudence citée) et s’applique donc aux actes qui ne font l’objet ni d’une notification ni d’une publication (arrêt du 1er juillet 2009, ISD Polska e.a./Commission, T‑273/06 et T‑297/06, EU:T:2009:233, point 55).

38 Il est vrai que, en l’espèce, la publication de la décision attaquée n’était pas une condition de sa prise d’effet. Toutefois, les décisions de la Commission de clore une procédure d’examen des aides au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE sont publiées au Journal officiel, conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9). Dès lors, selon une jurisprudence constante, la requérante pouvait légitimement escompter que la décision attaquée ferait l’objet d’une publication (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, EU:T:1998:199, points 48 à 51, et du 1er juillet 2009, ISD Polska e.a./Commission, T‑273/06 et T‑297/06, EU:T:2009:233, point 57). Elle était donc en droit de prendre la date de publication au Journal officiel comme point de départ du délai de recours.

39 Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence invoquée par la Commission.

40 Tout d’abord, dans l’arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission (C‑339/16 P, EU:C:2017:384, points 34 à 40), la Cour a jugé que le point de départ du délai de recours pour la partie requérante, à savoir la République portugaise, était la notification de la décision litigieuse à cette dernière, destinataire de cette décision, tandis que, en l’espèce, la requérante n’était pas le destinataire de la décision attaquée, adressée à la République fédérale d’Allemagne, et n’a reçu aucune notification de cette décision au sens de l’article 263 TFUE.

41 Ensuite, les conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Georgsmarienhütte e.a. (C‑135/16, EU:C:2018:120) concernaient la question de savoir si des entreprises bénéficiaires d’une aide d’État faisant l’objet d’une décision de la Commission auraient pu attaquer cette décision, ce qui, conformément à l’arrêt du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, EU:C:1994:90), leur empêcherait de remettre en cause la légalité de celle-ci devant les juridictions nationales à l’occasion d’un recours dirigé contre les mesures d’exécution de cette décision prises par les autorités nationales. S’agissant du calcul du délai du recours que les entreprises requérantes auraient pu former devant le juge de l’Union européenne contre la décision litigieuse, l’avocat général a conclu que, dès lors que la publication de ladite décision n’était pas une condition de son efficacité et qu’il suffisait que les entreprises directement et individuellement concernées en aient une connaissance digne de foi, le délai pour attaquer ladite décision avait commencé le jour de la prise de connaissance de celle-ci (conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Georgsmarienhütte e.a., C‑135/16, EU:C:2018:120, point 63). Or, force est de constater que cette conclusion n’a pas été reprise par la Cour dans l’arrêt qui a mis fin à l’affaire susvisée (arrêt du 25 juillet 2018, Georgsmarienhütte e.a., C‑135/16, EU:C:2018:582) et que, en tout état de cause, il n’a pas été démontré que, en l’espèce, la requérante avait eu une connaissance « digne de foi » de la décision attaquée, contrairement à ce qui était le cas dans ladite affaire.

42 Enfin, dans l’ordonnance du 5 septembre 2019, Fryč/Commission (C‑230/19 P, non publiée, EU:C:2019:685), la Cour a constaté, dans le cadre d’un recours visant l’annulation de certains règlements, que, les actes litigieux ayant été publiés au Journal officiel et cette publication ayant conditionné l’entrée en vigueur desdits actes, la date à prendre en compte pour déterminer le point de départ du délai de recours en vertu de l’article 263, sixième alinéa, TFUE était celle de la publication. Force est de constater que ce constat n’est pas de nature à étayer l’argument de la Commission en l’espèce, eu égard à la différence de nature des actes en question.

43 Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir opposée en défense par la Commission.

B. Sur le fond

44 À l’appui du recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de l’absence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, de la violation du principe d’égalité de traitement et, le troisième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

1. Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

a) Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence d’une aide octroyée au moyen de ressources d’État

45 Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’exonération litigieuse n’a pas été financée au moyen de ressources d’État.

46 Premièrement, elle fait valoir qu’il n’y a pas de compensation intégrale des surcoûts induits par l’exonération litigieuse, puisque les gestionnaires de réseau de distribution n’ont pas obtenu le remboursement intégral des pertes de recettes résultant de ladite exonération, même s’ils ont pu refinancer, dans une large mesure, ces pertes à travers la surtaxe litigieuse. En effet, d’une part, les gestionnaires des réseaux de distribution fermés, auxquels sont souvent connectés les grands parcs industriels, n’auraient aucun droit à compensation et, d’autre part, tous les gestionnaires de réseau supporteraient le risque de pertes causé par des créances irrécouvrables.

47 Deuxièmement, la requérante fait valoir que la surtaxe litigieuse ne constitue pas une taxe. En outre, elle avance qu’il n’y aurait pas d’obligation de couverture des coûts par les consommateurs finals.

48 Elle précise que les trois conditions énoncées par l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), ne seraient pas alternatives et que, selon la jurisprudence, l’existence d’une taxe ne suffirait pas à justifier l’existence de ressources d’État.

49 Par ailleurs, elle fait valoir que la surtaxe litigieuse ne saurait être qualifiée de taxe, car elle est perçue sur la base d’un service (utilisation du réseau), ce qui n’est pas couvert par la notion de taxe visée à l’article 110 TFUE, et que, même si l’article 110 TFUE devait s’appliquer, ladite surtaxe ne pourrait être qualifiée de « taxe parafiscale » conformément à la jurisprudence. En effet, d’une part, les fournisseurs ne seraient pas tenus de répercuter la charge de la surtaxe litigieuse sur les consommateurs finals et, d’autre part, les gestionnaires de réseau ne seraient pas tenus de percevoir cette surtaxe auprès des utilisateurs du réseau ; une telle obligation ne ressortirait pas du droit national applicable, à savoir du règlement StromNEV 2011 et de la KWKG à laquelle il renvoie, et la BNetzA, lors de l’adoption de sa décision du 14 décembre 2011, n’aurait pas pu imposer une obligation qui n’était pas autorisée par le cadre législatif.

50 Troisièmement, la requérante fait valoir que la gestion de la surtaxe litigieuse n’est pas soumise à un contrôle étatique étroit, la gestion des fonds relevant de la responsabilité des gestionnaires de réseau de transport.

51 La République fédérale d’Allemagne avance trois arguments au soutien de la position de la requérante : tout d’abord, la surtaxe litigieuse ne constitue pas un prélèvement obligatoire imposé par l’État, ensuite, les gestionnaires de réseau ne constituent pas des organismes mandatés pour gérer des ressources d’État et, enfin, il n’existe aucun mécanisme légal pour assurer une compensation intégrale des pertes. Elle ajoute également que l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), confirme que l’existence d’un contrôle public et d’un pouvoir de disposition sur les ressources concernées, qui font défaut en l’espèce, est déterminante pour que ces ressources puissent être qualifiées de ressources d’État.

52 La Commission conteste les arguments de la requérante.

1) Considérations liminaires

53 En vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

54 Il importe de rappeler que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêt du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 47 et jurisprudence citée).

55 En premier lieu, afin d’apprécier l’imputabilité d’une mesure à l’État, il importe d’examiner si les autorités publiques ont été impliquées dans l’adoption de cette mesure (voir arrêt du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 48 et jurisprudence citée).

56 En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État sont considérés comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, la distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l’aide (arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 58 ; du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 53, et du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 50).

57 En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (arrêts du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 54, et du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 51).

58 Dans ce cas de figure, afin de conclure que des avantages sont accordés « par l’intermédiaire » d’un organisme tel que ceux mentionnés au point 56 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que les sommes correspondant à la mesure en cause soient de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, étant suffisant pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (arrêts du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 57, et du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 53).

59 La Cour a, plus précisément, jugé que des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État, gérés et répartis conformément à cette législation, pouvaient être considérés comme des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (voir arrêts du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 58 et jurisprudence citée, et du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 54 et jurisprudence citée). L’élément décisif, à cet égard, est constitué par le fait que de telles entités sont mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, et non simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 74 ; du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 59, et du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 55).

60 En outre, la Cour a conclu qu’un supplément de prix sur l’électricité transportée, fixé selon des critères objectifs, imposé par voie législative sur les consommateurs d’électricité et perçu par les gestionnaires de réseau, constituait une « taxe », dont les montants avaient pour origine une ressource d’État (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, points 45 à 47 et 66). La Cour a également relevé que cette taxe était gérée par une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, qui ne disposait d’aucune possibilité d’utiliser le produit de la taxe pour des affectations autres que celles prévues par la loi et qui était strictement contrôlée dans sa tâche, et que cette taxe s’inscrivait dans le cadre d’une politique définie par les autorités (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, points 67 à 71).

61 La Cour a également considéré que, en l’absence de répercussion intégrale du surcoût de la mesure sur les utilisateurs finals, de son financement par une charge obligatoire imposée par l’État ou encore d’un mécanisme de compensation intégrale dudit surcoût, les entreprises concernées n’étaient pas mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, mais finançaient une obligation d’achat leur incombant au moyen de leurs ressources propres (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 30).

62 Plus récemment, d’une part, la Cour, eu égard à une mesure de soutien aux producteurs d’électricité produite à partir de sources renouvelables, financée par une charge imposée sur les fournisseurs d’électricité approvisionnant les clients finals, en proportion des quantités vendues (le prélèvement EEG), a exclu, dans l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), l’emploi de ressources d’État dans les circonstances suivantes :

– les montants générés par la mesure n’étaient pas assimilables à une taxe, puisque la mesure en question n’obligeait pas les opérateurs concernés à répercuter les coûts sur les clients finals (points 65 à 71 dudit arrêt) ;

– il n’y avait pas une influence dominante des pouvoirs publics dans la gestion des ressources en question, en l’absence d’un pouvoir de disposition sur les fonds, la circonstance que les fonds étaient exclusivement affectés au financement du régime en question n’impliquait pas que l’État pût en disposer, c’est-à-dire décider d’une affectation différente de ces ressources (points 74 à 76 dudit arrêt), et, en l’absence d’un contrôle public sur les organismes chargés de gérer ces fonds, un simple contrôle de la bonne exécution du régime en question n’était pas suffisant à cet égard (points 77 à 85 dudit arrêt).

63 D’autre part, la Cour, eu égard à une mesure de soutien aux producteurs d’électricité fournissant des services d’intérêt général, qui a été financée notamment par une charge imposée sur les clients finals d’électricité, en fonction de l’électricité consommée, a reconnu, dans l’arrêt du 15 mai 2019, Achema e.a. (C‑706/17, EU:C:2019:407), que le critère des ressources étatiques était satisfait, compte tenu notamment des circonstances suivantes :

– la contribution était obligatoire pour les consommateurs finals et les autoproducteurs d’électricité (point 57 dudit arrêt) ainsi que pour les gestionnaires de réseau chargés de son prélèvement (point 64 dudit arrêt) ; son montant était fixé par un organisme public (point 58 dudit arrêt) ;

– la distribution des fonds était gérée par un gestionnaire contrôlé directement par l’État, mandaté pour gérer la contribution et qui n’avait aucun pouvoir d’appréciation quant à la détermination et à la destination de ces fonds (points 59 et 66 dudit arrêt).

64 En substance, la jurisprudence de la Cour citée aux points 62 et 63 ci-dessus s’appuie sur deux éléments principaux pour apprécier le caractère étatique des ressources : d’une part, l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals, normalement qualifiée de « taxe », et plus particulièrement de « taxe parafiscale », et, d’autre part, le contrôle étatique sur la gestion du système, par le biais notamment du contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires (tiers) de ces fonds. Il s’agit, en substance, de deux éléments qui font partie d’une alternative.

65 Le caractère d’éléments faisant partie d’une alternative des deux conditions susmentionnées est confirmé par le point 72 de l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), dans lequel la Cour, après avoir exclu l’existence d’une « taxe spéciale », a considéré que, par conséquent, il y avait lieu de vérifier si les deux autres éléments évoqués (c’est-à-dire le contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires de réseau) lui permettaient néanmoins de conclure que les fonds générés par le prélèvement EEG constituaient des ressources d’État. En outre, dans l’arrêt du 15 mai 2019, Achema e.a. (C‑706/17, EU:C:2019:407), tout d’abord, la Cour a relevé que des fonds collectés de manière obligatoire par les gestionnaires de réseaux électriques sur des opérateurs économiques et sur des consommateurs finals pouvaient être considérés comme des ressources d’État (points 64 et 65 dudit arrêt) et, ensuite, elle a constaté, par ailleurs, et donc à titre surabondant, que ces fonds, répartis entre les bénéficiaires du régime par un organisme sous contrôle public, qui ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation quant à la détermination et à la destination de ces fonds, devaient être considérés comme demeurant sous contrôle public (points 66 et 67 dudit arrêt).

66 En effet, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2000:585, point 165), le dénominateur commun des affaires dans lesquelles la Cour a reconnu l’existence de ressources d’État est que, d’une manière ou d’une autre, l’État a exercé un contrôle sur les revenus en question. Ce contrôle peut être exercé notamment par le biais de taxes parafiscales, un mécanisme par lequel, selon l’avocat général, l’argent devient propriété de l’État avant d’être redistribué aux entreprises aidées. Partant, selon cette interprétation, l’existence d’une taxe parafiscale est l’une des situations dans lesquelles il y a un contrôle étatique sur les ressources utilisées.

67 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la présente branche.

68 À titre liminaire, il convient de rappeler les éléments essentiels du régime d’aides fondé sur l’exonération litigieuse (voir points 9 à 13 ci-dessus), à savoir :

– premièrement, une exonération complète des redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu (c’est-à-dire l’exonération litigieuse), introduite par le gouvernement allemand à partir de l’année 2011 et restée en vigueur jusqu’au 21 août 2013, qui pesait soit sur les gestionnaires de réseau de transport, soit sur les gestionnaires de réseau de distribution, selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés ;

– deuxièmement, un mécanisme de compensation, par lequel les gestionnaires de réseau de transport étaient tenus de rembourser aux gestionnaires de réseau de distribution la moins-value résultant de l’exonération complète et devaient compenser entre eux les coûts entraînés par l’exonération selon la quantité d’électricité fournie ;

– troisièmement, une surtaxe (c’est-à-dire la surtaxe litigieuse) perçue par les gestionnaires de réseau de distribution, à partir de l’année 2012 et jusqu’en 2013, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, dont les recettes étaient reversées aux gestionnaires de réseau de transport pour compenser la perte de recettes provoquée par l’exonération litigieuse et dont le montant était déterminé chaque année, à l’avance, par les gestionnaires de réseau de transport, sur la base d’une méthode établie par la BNetzA, à l’exception du montant total relatif à la première année d’application de la mesure, qui a été fixé directement par la BNetzA de manière forfaitaire.

69 Au considérant 136 de la décision attaquée, qui résume les considérants 49 à 84 de la décision d’ouverture, la Commission rappelle que, dans cette dernière décision, elle a conclu que l’exonération litigieuse avait été financée au moyen de ressources d’État sur la base des éléments suivants :

– l’exonération litigieuse correspondait à une politique de l’État ;

– les pertes résultant de l’exonération litigieuse étaient intégralement compensées par la surtaxe litigieuse, qui pesait sur les utilisateurs du réseau et ne restait pas à la charge des gestionnaires de réseau ;

– les gestionnaires de réseau de transport avaient été chargés de la gestion des flux financiers résultant de l’exonération et de la surtaxe litigieuses et ne pouvaient pas utiliser les revenus de la surtaxe litigieuse de manière autonome ;

– la surtaxe litigieuse ne représentait pas un paiement pour un service ou une marchandise.

70 Au considérant 137 de la décision attaquée, la Commission rejette l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel les ressources destinées au financement de l’exonération litigieuse ne transitaient pas par le budget de l’État. Selon la Commission, la notion de ressources d’État est également présente si l’aide est financée au moyen de ressources privées qui doivent être acquittées sur la base d’une obligation imposée par l’État et sont gérées et distribuées conformément aux dispositions de l’acte juridique concerné, et ce même si les ressources ne sont pas gérées par les autorités étatiques, mais par des organismes non étatiques désignés par l’État.

71 Aux considérants 138 et 139 de la décision attaquée, la Commission souligne que la perte de recettes découlant de l’exonération litigieuse en 2012 et en 2013 a été intégralement répercutée sur les consommateurs finals au moyen d’un mécanisme global de compensation, qui a été financé au moyen d’une surtaxe imposée par l’État aux consommateurs finals.

72 Aux considérants 140 à 147 de la décision attaquée, la Commission précise ce qui suit :

– la surtaxe litigieuse était une taxe parafiscale imposée par l’État et prélevée auprès des consommateurs finals, et non une redevance de réseau générale ;

– les gestionnaires de réseau étaient chargés du prélèvement et de la gestion de la surtaxe litigieuse et obligés de collecter cette surtaxe et ne pouvaient utiliser les recettes de la surtaxe que pour la compensation des recettes perdues en raison de l’exonération litigieuse ;

– la surtaxe garantissait la compensation intégrale de la moins-value que ces gestionnaires obtenaient en raison de l’exonération litigieuse et le montant de la surtaxe était calculé en fonction de l’exonération.

73 En substance, l’examen de la Commission s’appuie sur les deux circonstances suivantes : d’une part, la surtaxe litigieuse constitue une « taxe parafiscale », puisqu’elle constituait une charge obligatoire imposée par l’État et prélevée auprès des « consommateurs finals », et, d’autre part, les gestionnaires de réseau sont chargés de la gestion de la surtaxe selon des règles imposées par l’État, et donc agissent sous contrôle de l’État.

74 Ces deux circonstances sont contestées par la requérante, qui, en substance, fait valoir, d’une part, que la surtaxe litigieuse ne constitue pas une taxe ou une charge grevant le budget étatique et, d’autre part, que l’État n’a aucun contrôle sur les fonds perçus au titre de la surtaxe, ni sur les gestionnaires de réseau, ce contrôle étatique étant pourtant une condition indispensable pour l’existence de ressources d’État, indépendamment de la qualification de la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale.

75 À cet égard, il convient de relever, au préalable, que la surtaxe litigieuse a été adoptée par la décision BNetzA de 2011 (voir points 10 à 13 ci-dessus) et que, partant, conformément à une jurisprudence constante (voir point 55 ci-dessus), elle est imputable à l’État, ce qui, d’ailleurs, n’est pas contesté par la requérante.

76 Cette conclusion est sans préjudice de la question de savoir si la décision BNetzA de 2011 peut être considérée comme une décision ultra vires selon le droit allemand et de la question de l’annulation de cette décision par les juridictions allemandes et de son abrogation subséquente (voir point 14 ci-dessus), questions soulevées tardivement par les parties au cours de l’instance et qui ne remettent pas en question le fait que cette décision a été effectivement appliquée pendant la période pertinente (voir points 14 et 15 ci-dessus). En effet, ainsi que cela est relevé par la jurisprudence, l’effectivité des règles en matière d’aides d’État serait considérablement affaiblie si l’application de celles-ci pouvait être écartée en raison du fait qu’une aide a été octroyée en violation de règles nationales (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, EU:C:2014:2224, point 36) et, à supposer que ladite décision soit illégale, il n’en demeure pas moins qu’elle est susceptible de produire ses effets aussi longtemps qu’elle n’a pas été abrogée ou, à tout le moins, tant que son illégalité n’a pas été constatée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, EU:C:2005:130, point 38).

77 Il convient, partant, de vérifier si le mécanisme de la surtaxe litigieuse remplit les conditions énoncées par la jurisprudence pertinente en ce qui concerne l’utilisation de ressources d’État (voir points 56 à 66 ci-dessus) et donc si la surtaxe litigieuse est effectivement une charge obligatoire et, partant, assimilable à une taxe parafiscale ou, dans la négative, si l’État dispose, à tout le moins, d’un contrôle sur les fonds collectés ou sur les organismes chargés de gérer ces fonds.

2) Sur l’existence d’une charge obligatoire

78 S’agissant du premier élément, à savoir l’existence d’une taxe parafiscale ou d’une charge obligatoire, il convient, à la lumière de la jurisprudence citée, de vérifier si la surtaxe litigieuse, imposée par l’État, était intégralement répercutée, par une obligation légale, sur les débiteurs ultimes de ladite surtaxe.

79 À cet égard, les positions des parties divergent en ce qui concerne la question de savoir si la surtaxe litigieuse était obligatoirement répercutée sur le « consommateur final », ainsi que cela est indiqué dans la décision attaquée (voir notamment considérants 135, 138, 140 et 143 de ladite décision), et donc en ce qui concerne la question de l’identification des débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse.

80 La Commission inclut dans cette définition les utilisateurs du réseau, à savoir les grands consommateurs d’électricité directement raccordés au réseau et les fournisseurs d’électricité, qui sont tenus de payer la surtaxe dans la mesure où ils concluent des contrats avec les gestionnaires de réseau en vue d’acheter de l’électricité (pour eux-mêmes, comme les grands consommateurs, ou pour leurs clients, comme les fournisseurs) et sont donc des « consommateurs finals » du service d’« utilisation du réseau ».

81 La requérante et la République fédérale d’Allemagne incluent dans cette notion les consommateurs finals d’électricité, et non les fournisseurs d’électricité, et soutiennent que la surtaxe litigieuse, qui est perçue uniquement sur les utilisateurs du réseau, n’est pas obligatoirement répercutée sur tous les consommateurs finals d’électricité. Elles contestent également le fait que les gestionnaires de réseau soient tenus de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau. Selon cette interprétation, en substance, la surtaxe litigieuse ne constitue pas une charge grevant le budget de l’État, mais plutôt une « redevance », à savoir un transfert de fonds que des entités privées se versent entre elles.

82 Il convient donc d’identifier les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse et de déterminer si celle-ci est obligatoire à l’égard de ces derniers.

83 S’agissant des débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse, il convient de distinguer, d’une part, la relation entre les gestionnaires de réseau et les utilisateurs du réseau (pour la plupart des fournisseurs d’électricité, mais également des grands consommateurs d’électricité) et, d’autre part, la relation entre les fournisseurs d’électricité et les consommateurs d’électricité : la surtaxe litigieuse ne concerne que la première relation, celle entre les gestionnaires et les utilisateurs, la surtaxe étant perçue en conséquence de l’utilisation du réseau, et non de la consommation d’électricité.

84 Dans ces circonstances, la question, soulevée par la requérante (voir point 81 ci-dessus), de savoir si les fournisseurs d’électricité étaient à leur tour obligés de répercuter la surtaxe en question sur leurs clients, soit sur tous les consommateurs finals d’électricité, n’est pas pertinente, compte tenu du fait que les débiteurs ultimes de cette surtaxe étaient les utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les fournisseurs eux-mêmes ainsi que les consommateurs finals directement raccordés au réseau, et non les autres consommateurs finals.

85 S’agissant du caractère obligatoire de la surtaxe litigieuse, tout d’abord, force est de constater que la décision attaquée identifie clairement une obligation de perception et de répercussion de la surtaxe litigieuse à l’égard des « consommateurs finals » en faisant, notamment, référence à la décision BNetzA de 2011 (voir considérants 135, 138, 140, 141 et 143 de la décision attaquée), qui, à ses points 3 et 5.2, mentionne ces consommateurs conjointement avec les fournisseurs comme étant les débiteurs ultimes de ladite surtaxe, en tant qu’utilisateurs du réseau. Cette interprétation est corroborée par les considérations mentionnées au point 20 de l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 6 octobre 2015 (voir point 14 ci-dessus) et rappelées au considérant 140 de la décision attaquée, dans lesquelles le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) est parvenu à la conclusion que la surtaxe litigieuse ne constituait pas une contrepartie pour l’utilisation du réseau, mais une taxe au moyen de laquelle la moins-value subie par les gestionnaires de réseau devait être couverte.

86 Par ailleurs, il convient de rappeler que, pour qu’une mesure constitue une « taxe » au sens des articles 30 ou 110 TFUE, il suffit qu’elle soit perçue sur des produits ou des services intermédiaires, sans qu’elle se répercute nécessairement sur les consommateurs finals des produits ou des services en aval, la jurisprudence ayant confirmé que, aux fins de l’application de ces dispositions, la qualité du débiteur de la taxe importait peu, pour autant que la taxe ait porté sur le produit ou sur une activité nécessaire en relation avec le produit (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 49). L’élément décisif, à cet égard, ainsi qu’il est affirmé par la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, est constitué par le fait que de telles entités sont mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, et non simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres.

87 Ensuite, il convient de relever que, en l’espèce, après avoir précisé que la surtaxe litigieuse avait été ordonnée, de manière juridiquement contraignante, par la décision BNetzA de 2011, la Commission a conclu, au considérant 143 de la décision attaquée, que la décision BNetzA de 2011 imposait aux gestionnaires de réseau de distribution l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès de tous les consommateurs finals ou fournisseurs et que cette décision prévoyait également de transférer mensuellement les recettes générées par cette surtaxe aux différents gestionnaires de réseau de transport.

88 En effet, le point 3 de la décision BNetzA de 2011, lu conjointement avec son point 5.2, prévoit que les gestionnaires de réseau de distribution sont tenus de collecter la surtaxe litigieuse « auprès de tous les consommateurs finals ou fournisseurs et de la transmettre mensuellement au gestionnaire de réseau de transport concerné ». Il convient donc de conclure que la surtaxe litigieuse, introduite par une autorité administrative par le biais d’une mesure réglementaire, avait un caractère obligatoire à l’égard des consommateurs finals, en tant qu’utilisateurs du réseau, en ce que ladite décision obligeait les gestionnaires de réseau de distribution à répercuter sur lesdits consommateurs les surcoûts liés à la surtaxe litigieuse, contrairement à la situation qui était à l’origine de l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 70).

89 Par ailleurs, d’une part, cette conclusion de la Commission est fondée sur l’interprétation donnée par les autorités allemandes au cours de la procédure administrative, dont il ressort clairement que les gestionnaires de réseau de distribution avaient l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des consommateurs finals ou fournisseurs et de la transférer mensuellement aux différents gestionnaires de réseau de transport. D’autre part, nonobstant, dans la décision d’ouverture, le fait que la Commission a clairement affirmé que la décision BNetzA de 2011 avait imposé aux gestionnaires de réseau de distribution l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des consommateurs finals, en tant qu’utilisateurs du réseau (voir notamment point 14 de la décision d’ouverture), les autorités allemandes n’ont fait valoir, au cours de la procédure administrative, aucun argument visant à contester cette conclusion.

90 En outre, s’agissant de l’argument selon lequel la décision BNetzA de 2011 n’avait pas d’effets obligatoires, puisque l’obligation de paiement incombant aux utilisateurs du réseau découlait exclusivement de contrats de droit privé entre les gestionnaires et les utilisateurs du réseau, et selon lequel la BNetzA ne pouvait pas imposer une obligation qui n’était pas autorisée par le cadre législatif, à savoir le règlement StromNEV 2011 et la KWKG, à laquelle ce règlement renvoyait, et indépendamment de la recevabilité de cet argument, soulevé dans la réplique, il convient de relever que le texte du point 3 de la décision BNetzA de 2011 impose l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse aux gestionnaires de réseau de distribution, qui sont donc tenus de prélever cette surtaxe sur leurs clients. Or, dans la mesure où cette décision faisait partie du régime en vigueur pendant la période pertinente et a produit des effets obligatoires, qui, par ailleurs, n’ont pas été retirés par les dispositions qui ont, successivement, abrogé ce régime (voir points 14 et 15 ci-dessus), il doit être conclu que le régime fondé sur la surtaxe litigieuse a produit un effet juridiquement obligatoire.

91 Enfin, la Commission a relevé, aux considérants 39, 144 et 145 de la décision attaquée, que le mécanisme de la surtaxe litigieuse assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de ladite surtaxe était adapté au montant des ressources requises en raison de l’exonération litigieuse.

92 Cette interprétation de la Commission est corroborée par les points 2 et 6 de la décision BNetzA de 2011, qui exigent que les gestionnaires de réseau de transport tiennent compte des prévisions de pertes de recettes dues à l’exonération litigieuse pour le calcul de la surtaxe litigieuse et que la différence entre la prévision des recettes perdues et les recettes effectivement perdues soit compensée individuellement par chaque gestionnaire de réseau.

93 Les autres arguments de la requérante ne sauraient infirmer ces constatations.

94 Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel le montant de la surtaxe litigieuse ne serait pas fixé par l’État, mais par les gestionnaires de réseau de transport, il suffit de rappeler que, ainsi que cela est relevé par la Commission au considérant 37 de la décision attaquée, pour la première année d’application du régime, la décision BNetzA de 2011 a fixé le montant initial de la surtaxe litigieuse à 440 millions d’euros, dont un montant estimé de 140 millions d’euros pour les redevances individuelles appliquées aux consommateurs anticycliques et de 300 millions d’euros pour l’exonération litigieuse, et, pour la seconde année d’application du régime, ladite décision BNetzA a établi une méthode très détaillée pour le calcul de la surtaxe. Ainsi qu’il ressort des points 1 et 2 de cette décision, ainsi que de son point 5.2, les gestionnaires de réseau de transport devaient déterminer, d’une part, la moins-value escomptée résultant de l’exonération par rapport au paiement intégral des redevances de réseau et, d’autre part, la consommation attendue, afin de déterminer le montant de la surtaxe litigieuse par kilowatt/heure, compte tenu des revenus générés durant l’avant-dernière année. En outre, ainsi que cela est relevé par la Commission au considérant 39 de la décision attaquée, conformément à la décision BNetzA de 2011, les gestionnaires de réseau de transport devaient adapter le montant de la surtaxe litigieuse chaque année sur la base des besoins financiers réels de l’année précédente.

95 Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument selon lequel il n’existait aucun mécanisme légal pour assurer une compensation intégrale des pertes, notamment au motif de l’impossibilité de répercuter les coûts de la surtaxe litigieuse en cas de créances irrécouvrables. En effet, la qualification de la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale suffit à considérer les recettes de cette taxe comme ressources d’État, sans qu’il soit nécessaire que l’État s’engage à compenser les pertes générées par le non-paiement de ladite surtaxe, notamment en cas de créances irrécouvrables. Même si, comme le reconnaît la Commission, les pertes de créances non récupérables sont supportées économiquement par les gestionnaires de réseau de distribution, il convient de relever qu’une perte de recettes due à une insolvabilité ne constitue pas une perte de recettes au sens du régime en question et se justifie au motif que les relations entre les gestionnaires de réseau et les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse sont des relations de droit privé.

96 Troisièmement, s’agissant des réseaux de distribution fermés, il convient de relever, ainsi que le souligne la Commission, que les gestionnaires de réseaux de distribution fermés ne constituaient pas des gestionnaires de réseau au sens de la KWKG et étaient soumis à la surtaxe litigieuse, à l’instar de consommateurs finals d’électricité.

97 Quatrièmement, s’agissant de l’argument selon lequel, en vertu de l’affectation exclusive des ressources générées par la surtaxe litigieuse, l’État n’avait aucun pouvoir de disposition sur les fonds, ce qui, conformément à l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 76), exclurait que la surtaxe litigieuse impliquât l’utilisation de ressources d’État, il convient de constater que, au point 76 de cet arrêt, l’existence d’une affectation exclusive des ressources avait été appréciée dans l’examen du contrôle étatique sur les gestionnaires de réseau, et non dans celui de l’existence d’une taxe parafiscale, comme en l’espèce. Partant, cet argument sera examiné dans le contexte de l’examen du contrôle étatique desdits gestionnaires (voir points 110 et 111 ci-après). En tout état de cause, la qualification de la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale, lorsqu’elle est confirmée sur la base de l’appréciation qui précède, n’est pas remise en cause par l’existence d’une affectation exclusive des ressources. Au contraire, ce dernier élément confirme que le mécanisme de la surtaxe est réglé par des dispositions étatiques.

98 À la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la décision BNetzA de 2011, imposant aux gestionnaires de réseau de distribution, de manière juridiquement contraignante, l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des consommateurs finals, en tant qu’utilisateurs du réseau, constitue une taxe parafiscale ou une charge obligatoire au sens de la jurisprudence visée au point 86 ci-dessus et implique donc l’utilisation de ressources d’État.

3) Sur l’existence d’un contrôle étatique sur les fonds perçus au titre de la surtaxe ou sur les gestionnaires de réseau

99 S’agissant du second élément, à savoir l’existence d’un contrôle étatique sur les fonds perçus au titre de la surtaxe ou sur les gestionnaires de réseau, il convient de relever que, certes, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il n’existe pas de contrôle étatique sur les gestionnaires de réseau, conformément aux principes dégagés par la Cour dans l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), qui, au demeurant, concernait les mêmes gestionnaires du réseau électrique allemand. En effet, le fait que ces gestionnaires soient soumis à autorisation ou à certification et qu’ils soient titulaires de concessions n’est pas suffisant pour établir qu’ils agissent purement et simplement sous contrôle public. De même, la Cour a précisé qu’un simple contrôle de la bonne exécution du régime en question n’était pas suffisant à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 77 à 85).

100 Toutefois, l’absence d’un contrôle public permanent sur les gestionnaires de réseau n’est pas décisive en l’espèce, dans la mesure où il y a un contrôle étatique sur les fonds, c’est-à-dire sur le mécanisme entier de perception et d’attribution de la surtaxe litigieuse (voir également jurisprudence citée au point 58 ci-dessus).

101 À cet égard, il convient de rappeler que la décision BNetzA de 2011 oblige les gestionnaires de réseau à percevoir, auprès des utilisateurs du réseau, y compris les consommateurs finals, la surtaxe litigieuse, telle que calculée par la BNetzA (pour l’année 2012) ou selon la méthode fixée par cette dernière (pour l’année 2013), et les recettes perçues sont versées aux gestionnaires de réseau de transport en compensation des surcoûts générés par l’exonération litigieuse. En outre, il est constant entre les parties que les recettes générées par la surtaxe litigieuse sont exclusivement affectées aux objectifs du régime par les dispositions législatives et réglementaires examinées. Il a été également relevé, au point 94 ci-dessus, que, selon la décision BNetzA de 2011, les gestionnaires de réseau recevaient une somme qui correspondait aux surcoûts générés par l’exonération litigieuse, le montant de la surtaxe litigieuse étant adapté au montant des ressources requises en raison de l’exonération litigieuse.

102 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que, d’une part, il existe une analogie entre la surtaxe litigieuse et les surcoûts générés par l’exonération litigieuse et, d’autre part, les gestionnaires de réseau agissaient en tant que simples intermédiaires dans l’exécution d’un mécanisme réglé dans sa totalité par des dispositions étatiques (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 septembre 2019, FVE Holýšov I e.a./Commission, T‑217/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:633, points 115 et 116).

103 Cette conclusion ne saurait être remise en question par les arguments de la requérante.

104 Premièrement, si le fait que la surtaxe litigieuse est perçue en exécution d’objectifs étatiques ou d’une politique étatique mise en œuvre par la décision de la BNetzA de 2011, en lui-même, n’est pas un élément décisif pour établir l’existence d’un contrôle étatique, cela n’enlève rien à ce qu’il s’agit d’un des éléments dont il ressort qu’il existe un contrôle étatique sur le système de perception et d’attribution de la surtaxe litigieuse.

105 Deuxièmement, l’argument selon lequel les gestionnaires de réseau ne constituent pas des organismes mandatés par l’État pour gérer les recettes de la surtaxe litigieuse, mais participent exclusivement à la mise en œuvre du système, ne saurait convaincre. En effet, selon la jurisprudence, un « mandat » explicite n’est pas nécessaire à cet égard, lorsqu’il est démontré, sur la base des considérations exposées ci-dessus, qu’il existe un contrôle étatique sur le mécanisme entier de perception de la surtaxe litigieuse et d’attribution des fonds générés. En effet, dans les affaires où l’absence d’un tel « mandat » étatique a été un élément décisif pour écarter la nature étatique des ressources en question, il y avait soit une simple obligation d’achat imposée sur des entreprises de droit privé au moyen de leurs ressources financières propres (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, points 58 à 61, et du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, points 26 et 30), soit l’absence, à la fois, d’une charge obligatoirement imposée sur les clients finals et d’un contrôle étatique des fonds générés par le prélèvement en question (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 65 à 86).

106 Troisièmement, la circonstance selon laquelle les gestionnaires de réseau sont des organismes de droit privé et agissent sur la base de relations juridiques de droit privé, en particulier en ce qui concerne le recouvrement des créances liées à la surtaxe litigieuse, sans bénéficier d’aucun pouvoir d’exécution, n’est pas en soi décisive, ce qui compte étant de savoir si ces organismes ont été désignés par l’État en vue de gérer des ressources étatiques (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 20, et du 20 septembre 2019, FVE Holýšov I e.a./Commission, T‑217/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:633, point 126). Par ailleurs, l’argument tiré de ce que l’un des gestionnaires de réseau de transport, TransnetBW, était majoritairement détenu par l’État, bien qu’il soit fondé, n’est pas pertinent à cet égard.

107 Quatrièmement, il est vrai que, selon la jurisprudence, le contrôle de la bonne exécution du système par les autorités publiques ne suffit pas à établir l’existence d’un contrôle sur les gestionnaires ou sur les fonds en question (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 77).

108 Toutefois, dans l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 82), la Cour ne remet pas en cause sa jurisprudence selon laquelle des fonds alimentés par des charges obligatoires imposées par la législation de l’État membre, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25), mais elle souligne l’absence, dans cet autre cas d’espèce, de deux éléments essentiels, à savoir l’existence d’un principe de couverture intégrale de l’obligation d’achat par l’État membre en question et le fait que les sommes en question étaient confiées à la Caisse des dépôts et consignations, c’est-à-dire à une personne morale de droit public qui agissait sous l’autorité de l’État (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 83 à 85). Cet argument, donc, ne saurait convaincre lorsqu’il est démontré, ainsi que le relève la Commission, que le contrôle étatique concerne le mécanisme entier de prélèvement de la surtaxe litigieuse et d’attribution des recettes générées par la surtaxe, y inclus la couverture intégrale des surcoûts générés par cette surtaxe, sur la base des considérations qui précèdent (voir point 101 ci-dessus).

109 Cinquièmement, l’argument selon lequel l’État ne garantit pas la couverture des éventuelles pertes de recettes, les surcoûts pouvant n’être pas répercutés et les gestionnaires des réseaux de distribution fermés étant tenus d’accorder l’exonération litigieuse sans bénéficier d’aucun remboursement, a été écarté dans le cadre de la qualification de la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale (voir point 95 ci-dessus).

110 Sixièmement, s’agissant de l’argument tiré de ce que l’affectation exclusive des ressources en question exclut tout pouvoir de disposition de l’État sur les fonds générés par la surtaxe litigieuse, il est vrai que si, dans certaines circonstances, le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 69 ; du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 66, et du 11 décembre 2014, Autriche/Commission, T‑251/11, EU:T:2014:1060, point 70) a considéré l’affectation exclusive des ressources imposée par la loi comme un indice du fait que les fonds ou les gestionnaires de ces fonds étaient sous contrôle public, et donc comme un indice de l’emploi de ressources étatiques, dans d’autres circonstances, la Cour, même en présence d’une affectation exclusive des ressources, a écarté l’existence d’une influence dominante des autorités publiques, et donc l’existence de l’emploi de ressources étatiques, en l’absence d’un pouvoir de disposition sur les fonds, c’est-à-dire de la possibilité d’affectation différente de ces fonds de la part des autorités publiques (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 76).

111 Or, il faut tenir compte de ce que, dans l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), contrairement à la jurisprudence précédente, la Cour a examiné cet élément aux fins d’apprécier l’existence d’un contrôle étatique sur les fonds, dans une situation où elle avait exclu le caractère obligatoire de la charge, tout en précisant que l’affectation exclusive des ressources tendait plutôt à démontrer, en l’absence de tout autre élément en sens contraire, que l’État n’était précisément pas en mesure de disposer de ces fonds, c’est-à-dire de décider d’une affectation différente de celle prévue par les dispositions législatives en question. Partant, plutôt que de revenir sur la jurisprudence précédente, laquelle a, de surcroît, été confirmée peu de temps après par l’arrêt du 15 mai 2019, Achema e.a. (C‑706/17, EU:C:2019:407, point 66), la Cour s’est délibérément limitée à indiquer que, à défaut d’autres éléments, cet élément n’était pas, à lui seul, décisif pour démontrer l’existence d’un tel contrôle.

112 Septièmement, s’agissant de l’argument tiré de l’absence de comptes publics spéciaux sur lesquels sont gérées les recettes de la surtaxe, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, cette circonstance n’est qu’un indice « additionnel » devant être pris en compte (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2014, Autriche/Commission, T‑251/11, EU:T:2014:1060, point 71, et du 20 septembre 2019, FVE Holýšov I e.a./Commission, T‑217/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:633, point 125).

113 À la lumière de tout ce qui précède, il convient de conclure que la surtaxe litigieuse constitue, conformément à la jurisprudence pertinente, une taxe parafiscale ou une charge obligatoire, dont le montant a été fixé par une autorité publique (pour l’année 2012) ou selon une méthode imposée par cette autorité (pour l’année 2013), qui poursuit des objectifs d’intérêt public, qu’elle a été imposée sur les gestionnaires de réseau selon des critères objectifs et qu’elle a été prélevée par ces derniers selon les règles imposées par les autorités nationales.

114 Il s’ensuit que l’exonération litigieuse constitue une mesure accordée au moyen de ressources d’État.

115 Dans ces circonstances, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

b) Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de sélectivité

116 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’exonération litigieuse ne confère pas un avantage sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs dans la définition du cadre de référence.

117 En premier lieu, la Commission aurait utilisé, à tort, comme unique fondement de son cadre de référence le régime établi à l’article 19, paragraphe 2, première phrase, du règlement StromNEV 2011 pour les consommateurs anticycliques, fondé sur les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique avec l’application de la redevance minimale, sans tenir compte du fait que les dispositions de cet article n’exigeaient pas toutes un « filet de sécurité » à hauteur de la redevance minimale. En effet, le régime applicable aux consommateurs anticycliques ne serait que l’un des nombreux statuts spéciaux destinés à un groupe spécifique d’utilisateurs atypiques du réseau et ne ferait pas partie intégrante du régime général d’accès au réseau.

118 En second lieu, la Commission aurait défini le cadre de référence sans tenir compte du régime transitoire, qui a introduit les redevances forfaitaires, qui est entré en vigueur bien avant l’adoption de la décision attaquée et qui était connu par la Commission et mentionné dans la décision attaquée. Par ailleurs, l’application de la méthode de calcul prévue par le régime transitoire serait justifiée par l’effet de délestage provoqué par la consommation de charge en continu et rentrerait dans les méthodes permises par la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55).

119 Dans le cadre de cet argument, la requérante invoque également un défaut de motivation, la Commission n’ayant pas mentionné, dans la décision attaquée, les redevances forfaitaires qui faisaient l’objet du régime transitoire.

120 En conclusion, la décision attaquée serait entachée d’une erreur dans la mesure où elle oblige la République fédérale d’Allemagne à récupérer un montant supérieur aux redevances forfaitaires introduites par le régime transitoire ou, à tout le moins, dans la mesure où cette décision ordonne, pour les consommateurs de charge en continu ayant un minimum de 7 000 heures d’utilisation annuelle, le remboursement d’un montant qui dépasse la redevance minimale.

121 La Commission conteste les arguments de la requérante.

122 Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert notamment que l’aide accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire. L’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire [voir arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 83 et jurisprudence citée].

123 Dans ce contexte, aux fins de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné et démontrer, dans un deuxième temps, que la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable [voir arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 86 et jurisprudence citée]. Cette jurisprudence s’applique indépendamment du caractère stricto sensu « fiscal » des mesures litigieuses et également à des mesures fondées sur des taxes parafiscales ou d’autres charges obligatoires.

124 La notion d’aide d’État ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient, dans un troisième temps, à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent [voir arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 87 et jurisprudence citée].

125 L’examen de la condition relative à la sélectivité implique donc, en principe, de déterminer, dans un premier temps, le cadre de référence dans lequel s’inscrit la mesure concernée, cette détermination revêtant une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale ». Ainsi, la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas [voir arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, points 88 et 89 et jurisprudence citée].

126 Dans la décision attaquée, suivant l’examen en trois étapes imposé par la jurisprudence, la Commission a, tout d’abord, défini le cadre de référence pertinent aux considérants 104 à 111 de ladite décision, a, ensuite, relevé que l’exonération litigieuse introduisait une dérogation au cadre de référence aux considérants 112 à 117 de celle-ci et a, enfin, établi que la dérogation constatée ne trouvait pas de justification au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrivait.

127 La requérante conteste la définition du cadre de référence établi par la Commission, en faisant valoir, d’une part, que la Commission aurait restreint ce cadre de référence aux seules dispositions régissant la fixation des redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique, avec l’application de la redevance minimale, c’est-à-dire l’article 19, paragraphe 2, première phrase, du règlement StromNEV 2005, et, d’autre part, que la Commission aurait négligé l’existence du régime transitoire, qui faisait également partie du cadre de référence.

128 Or, il convient de relever que, aux considérants 104 et 105 de la décision attaquée, la Commission a correctement défini le cadre de référence comme le système allemand des redevances de réseau, fondé sur le principe, consacré à l’article 21 de l’EnWG 2011, selon lequel les redevances de réseau doivent être orientées sur les coûts et non discriminatoires.

129 Ce cadre de référence prévoit, d’une part, une méthode de calcul des redevances générales, fondée sur la fonction de simultanéité, selon laquelle les coûts de réseau peuvent être imputés aux différents utilisateurs du réseau en fonction de la probabilité que la consommation d’électricité de l’utilisateur concerné contribue à la charge de pointe annuelle, et applicable en principe à tous les utilisateurs du réseau (voir considérant 106 de la décision attaquée) et, d’autre part, la possibilité d’appliquer des redevances individuelles pour les utilisateurs atypiques, tels que les consommateurs de charge en continu, lesquels, par leur comportement de consommation plus stable et prévisible, et grâce également aux économies d’échelles qu’ils réalisent, ne contribuent pas, ou de manière très limitée, à certains coûts de réseau, à savoir les coûts supportés pour compenser les fluctuations soudaines de consommation et les coûts des mesures nécessaires pour maintenir la fréquence du réseau malgré les variations de charge (voir considérants 107 à 109 de la décision attaquée).

130 Partant, aux considérants 110 et 111 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la fixation des redevances individuelles pour les utilisateurs atypiques était conforme aux principes de la réflectivité des coûts et de l’absence de discrimination et que la fixation de la redevance minimale était un élément essentiel des redevances individuelles, puisque, premièrement, elle avait toujours été appliquée aux consommateurs anticycliques, deuxièmement, elle avait été également appliquée aux consommateurs de charge en continu et, troisièmement, elle constituait une sécurité indispensable pour garantir que les consommateurs atypiques fournissent une contribution minimale à la rétribution de l’avantage que leur procurait le raccordement au réseau.

131 Or, d’une part, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait restreint le cadre de référence au système des redevances individuelles appliqué aux consommateurs de charge en continu et aux consommateurs anticycliques. Ainsi qu’il est résumé aux point 128 ci-dessus, elle a conclu que les dispositions spécifiques relatives aux redevances individuelles appliquées aux consommateurs atypiques (consommateurs de charge en continu et consommateurs anticycliques) étaient en ligne avec le principe directeur du cadre de référence, à savoir le principe de réflectivité des coûts.

132 D’autre part, le régime transitoire invoqué par la requérante a été introduit rétroactivement pour les années 2012 et 2013, postérieurement à la publication de la décision d’ouverture, et n’a pas été notifié. Par ailleurs, ce régime ne s’appliquait pas (même ex post) aux consommateurs de charge en continu qui avaient fait l’objet de la décision attaquée. Partant, toute référence au régime précédent, qui n’a pas fait l’objet de la décision attaquée, est inopérante à l’égard de l’examen de la légalité du régime fondé sur les mesures litigieuses.

133 Il convient donc de rejeter la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

134 Par le deuxième moyen, la requérante invoque la violation du principe d’égalité de traitement.

135 Par la première branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que, bien que les consommateurs de charge en continu qui étaient sujets à la « réduction de la redevance de réseau » pour les années 2012 et 2013 constituent un groupe homogène, la décision attaquée ne concerne que les consommateurs de charge en continu qui ont bénéficié de l’exonération litigieuse, lesquels sont donc tenus de payer les coûts de réseau et au moins la redevance minimale, excluant les consommateurs de charge en continu sujets aux redevances forfaitaires introduites par le régime transitoire (voir point 15 ci-dessus), qui restent soumis à ces dernières.

136 Cette discrimination aurait créé un désavantage pour la requérante et ne serait pas justifiée, la seule différence, non pertinente, entre les deux catégories de consommateurs de charge en continu étant le fait que certains ont fait l’objet de procédures d’autorisation qui n’ont pas amené à une décision d’exonération, ce qui dépendrait de circonstances indépendantes de leur volonté.

137 En outre, contrairement à ce que fait valoir la Commission, cette discrimination ne saurait être justifiée au motif que les consommateurs de charge en continu sujets au régime transitoire ont payé, et donc préfinancé, dans un premier temps les redevances générales, puisque les consommateurs de charge en continu, bénéficiaires de l’exonération litigieuse, auraient eux aussi préfinancé les redevances de réseau avant l’octroi de ladite exonération.

138 Par la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante invoque un défaut de motivation, car la Commission, tout en ayant mentionné les redevances forfaitaires dans la décision attaquée, n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle n’en avait pas tenu compte.

139 Par la troisième branche du deuxième moyen, la requérante invoque la violation de la directive 2009/72, du fait que la décision attaquée force les autorités allemandes à mettre en œuvre un régime de redevances de réseau discriminatoire, en violation de l’article 32, paragraphe 1, de ladite directive, qui impose des règles d’accès au réseau fondées sur des critères objectifs et non discriminatoires.

140 La Commission conteste les arguments de la requérante.

141 S’agissant des première et deuxième branches du deuxième moyen, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 132 ci-dessus, toute référence au régime transitoire, qui n’a pas fait l’objet de la décision attaquée et qui ne s’appliquait pas aux consommateurs de charge en continu qui font l’objet de la décision attaquée, est inopérante à l’égard de l’examen de la légalité du régime fondé sur les mesures litigieuses.

142 S’agissant de la troisième branche du deuxième moyen, il convient de rappeler que la requérante se borne à évoquer la violation des articles 14 et 32 de la directive 2009/72 en tant qu’expression du principe de non-discrimination. Or, même à supposer que les arguments de la requérante remplissent les conditions énoncées à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il suffit de constater que l’absence de discrimination relevée dans le cadre de la première branche ci-dessus fait perdre toute pertinence à cet argument, qui n’a pas une portée autonome.

143 Il convient donc de rejeter le deuxième moyen.

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

144 La requérante, tout d’abord, fait valoir que, lorsqu’elle a reçu l’exonération litigieuse, elle ne pouvait pas s’attendre que la Commission ouvre une procédure au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, étant donné que l’exonération litigieuse n’avait pas été financée par une taxe parafiscale, contrairement à ce qui s’était produit dans l’affaire qui a fait l’objet de l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), et compte tenu des principes dégagés dans l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160).

145 Ensuite, la décision d’engager la procédure formelle d’examen serait intervenue de manière soudaine et imprévisible, l’exonération litigieuse ayant été déjà autorisée et comptabilisée et la requérante n’ayant pas constitué des réserves à cet égard.

146 Enfin, la durée de la procédure formelle d’examen, de plus de cinq ans, aurait fait supposer que la Commission ne serait jamais arrivée à une procédure de recouvrement.

147 La Commission conteste les arguments de la requérante.

148 À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, aient été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En effet, ce droit appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (voir arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 97 et jurisprudence citée).

149 Il est également de jurisprudence constante que, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État opéré par la Commission au titre de l’article 108 TFUE, d’une part, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à cet article et, d’autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (voir arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 98 et jurisprudence citée).

150 Aux considérants 221 à 223 de la décision attaquée, la Commission a écarté l’application du principe de protection de la confiance légitime, étant donné qu’un opérateur économique prudent et avisé était en mesure de prévoir qu’une mesure telle que celle reposant sur l’exonération litigieuse pouvait être considérée comme étant une aide d’État et que les principes dégagés dans l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), et précisés dans l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), ne pouvaient fonder des espérances légitimes quant à la légalité de cette mesure.

151 Or, cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

152 Tout d’abord, il convient de constater que la jurisprudence citée par la requérante ne saurait fonder aucune confiance légitime. En effet, dans l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), la Cour s’est limitée à exclure l’emploi de ressources d’État à l’égard de l’imposition, par voie législative, d’une obligation d’achats, à un prix minimal, entre des entreprises privées, tandis que, dans l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), la Cour n’a pas limité l’application du critère des ressources d’État aux seules mesures financées par une taxe parafiscale.

153 Ensuite, la requérante n’explique nullement de quels éléments elle tire la conclusion que la décision d’ouverture est intervenue « de manière soudaine et imprévisible ». En outre, le fait que l’exonération litigieuse avait été déjà « autorisée et comptabilisée » au moment de l’adoption de cette décision n’a aucune importance à cet égard, un opérateur économique prudent et avisé étant en mesure de prévoir l’adoption d’une telle mesure. Cette conclusion s’impose d’autant plus que, contrairement à la jurisprudence citée aux points 148 et 149 ci-dessus, l’autorisation, par les autorités nationales, et la comptabilisation, par la requérante, de l’exonération litigieuse ne pouvaient pas être assimilées à des « assurances précises, inconditionnelles et concordantes » fournies à la requérante par la Commission.

154 Enfin, la durée de la procédure formelle d’examen, ouverte le 4 mai 2013 et close par la décision finale le 28 mai 2018, ne saurait faire supposer la requérante que la Commission ne serait jamais arrivée à une procédure de recouvrement. Au contraire, une telle durée pourrait éventuellement indiquer l’existence de doutes sur la légalité et sur la compatibilité de la mesure examinée.

155 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

IV. Sur les dépens

156 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

157 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) AZ est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3) La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.