CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 30 septembre 2021, n° 21/03250
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Carrefour Proximité France (SAS), CSF (SAS)
Défendeur :
FWH (SARL), Lumidis (SAS), Selarl AJ UP (ès qual.), Selarl MJ Alpes (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Masseron
Conseillers :
M. Rondeau, Mme Chopin
Exposé du litige
La SAS Carrefour Proximité France (CPF) anime les réseaux de franchise du groupe Carrefour dans le domaine de la distribution alimentaire sous différentes enseignes dont Carrefour City.
La SAS CSF a pour activité la fourniture de marchandises alimentaires aux commerces affiliés au groupe Carrefour.
La SARL FWH, dirigée par M. X, est propriétaire de plusieurs sociétés exploitant des magasins franchisés Carrefour, dont la SAS Lumidis qui a signé le 13 octobre 2013 un contrat de franchise avec la société Carrefour Proximité France et un contrat d'approvisionnement avec la société CSF pour une durée de 7 ans renouvelable.
La société Lumidis exploite un commerce <adresse> sous l'enseigne Carrefour City.
Le 13 juin 2019, la société Lumidis a signé avec les sociétés CPF et CSF deux nouveaux contrats de franchise et d'approvisionnement avec effet à compter du 30 octobre 2020. Le 14 octobre 2020, elle a informé CPF et CSF de la résiliation de ces contrats à compter du 29 octobre 2020. Elle a déposé l'enseigne Carrefour City de son magasin pour la remplacer par une enseigne U Express.
Le 19 novembre 2020, les sociétés CPF et CSF ont assigné les sociétés FWH et Lumidis devant le juge des référés à l'effet de voir :
- juger que l'annonce de la décision unilatérale et brutale de rompre le contrat de franchise et le contrat d'approvisionnement les liant ainsi que le changement d'enseigne sont constitutives d'un trouble manifestement illicite ;
- ordonner sous astreinte la reprise et le maintien des relations contractuelles telles qu'elles résultent des contrats signés le 13 juin 2019 et qui les lient jusqu'à leur terme contractuel aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite ;
- ordonner à la société Lumidis la descente de l'enseigne U Express sur la façade du fonds de commerce exploité par la société Lumidis <adresse>, et la réinstallation de l'enseigne Carrefour City ;
- juger que chacune de ces obligations sera assortie d'une astreinte d'un montant de 10 000 euros par jour passé le 3e jour suivant la signification de la présente ordonnance ;
- se réserver la faculté de liquider ces astreintes ;
- condamner la société Lumidis et M. X au paiement à la société Carrefour Proximité France d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les sociétés FWH et Lumidis ont conclu au rejet de ces demandes et à la condamnation des demanderesses pour procédure abusive.
Le 9 décembre 2020, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Lumidis. La SELARL AJ UP a été nommée administrateur judiciaire, la SELARL MJ Alpes mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 22 janvier 2021, le président du tribunal de commerce de Lyon a :
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- renvoyé la société Carrefour Proximité France et la société CSF à mieux se pourvoir au fond ainsi qu'elles aviseront,
- rejeté tous autres moyens, fins et conclusions,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés Carrefour Proximité France et CSF solidairement aux dépens.
Il a estimé que les demandes des sociétés CPF et CSF se heurtaient à des contestations sérieuses et échappaient donc au pouvoir du juge des référés.
Par déclaration en date du 17 février 2021, les sociétés CPF et CSF ont relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs prétentions et moyens, elles demandent à la cour, au visa des articles 873 alinéa 1er du code de procédure civile, 1224, 1226, 1984 du code civil et L. 442-1 du code de commerce, de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 22 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des intimés ;
- juger que l'annonce de la décision unilatérale et brutale par le conseil de la société Lumidis, sans mise en demeure préalable, de rompre le contrat de franchise qui la lie à la société Carrefour Proximité France d'une part et du contrat d'approvisionnement qui la lie à la société CSF d'autre part, et le changement d'enseigne constituent un trouble manifestement illicite ;
- ordonner sous astreinte la reprise et le maintien de ses relations contractuelles avec les sociétés Carrefour Proximité France et CSF telles qu'elles résultent des contrats signés le 13 juin 2019 qui les lient jusqu'à leur terme contractuel afin de faire cesser le trouble manifestement illicite, et en conséquence,
- ordonner sous astreinte à la société Lumidis la descente de l'enseigne U Express sur la façade du fonds de commerce exploité par la société Lumidis <adresse> et la réinstallation de l'enseigne Carrefour City ;
- assortir chacune de ces obligations d'une astreinte d'un montant de 10 000 euros par jour passé le 3ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- se réserver la faculté de liquider ces astreintes ;
- condamner la société Lumidis et la société FWH au règlement à la société Carrefour Proximité France d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Y, SELARL Lexavoué Paris Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 juin 2021, auxquelles il convient de de référer pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les sociétés FWH et Lumidis demandent à la cour, au visa des articles 873 et suivants du code de procédure civile, 1224 et 1226 et suivants du code civil, L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, de :
- confirmer l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle les a déboutées de de leur demande d'indemnisation au titre du caractère abusif de l'action introduite par les sociétés Carrefour Proximité France et CSF ;
- statuant à nouveau de ce chef, juger de l'opportunité de condamner les sociétés Carrefour Proximité France et CSF au paiement d'une amende à hauteur de 10 000 euros conformément à l'article 32-1 du code civil et les condamner chacune à leur payer la somme de 25 000 euros pour procédure abusive ;
- en toutes hypothèses, les condamner à leur payer à chacune la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Me Z.
En substance, les sociétés FWH et Lumidis soutiennent avoir été contraintes de mettre fin aux relations contractuelles en raison des manquements du franchiseur à ses obligations (absence de rentabilité promise du fait notamment de prix fixés à des niveaux trop élevés par rapport aux concurrents, défaut d'assistance, immixtion dans les activités du franchisé, comportement déloyal à l'occasion notamment du renouvellement des contrats en 2019 et non-respect des engagements pris lors du protocole d'accord ayant donné lieu à la signature de ces contrats).
Elle contestent le caractère brutal de la rupture, arguant avoir alerté depuis 2017 et à plusieurs reprises le franchiseur sur ses manquements et les difficultés financières qui en résultaient pour Lumidis et que par courriel du 26 septembre 2020, constituant une mise en demeure, M. X a informé le groupe Carrefour que l'assemblée générale de Lumidis venait d'autoriser le changement d'enseigne et lui laissait huit jour pour faire une contre-proposition permettant d'améliorer la rentabilité du contrat, et qu'en tout état de cause, au vu de la situation financière de Lumidis qui a conduit à sa mise sous sauvegarde, il y avait urgence à résilier les contrats.
SUR CE LA COUR
Les sociétés CPF et CSF fondent leur action sur les dispositions de l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, dans leur version applicable à l'espèce, aux termes desquelles le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'occurrence, elles soutiennent que la résiliation unilatéralement opérée par la société Lumidis par lettre du 14 octobre 2020 des contrats de franchise et d'approvisionnement conclus le 13 juin 2019 est constitutive d'un trouble manifestement illicite qui justifie les mesures sollicitées, en ce que cette résiliation a été opérée brutalement sans respect des conditions de fond et de forme prévues par les articles 1224 et 1226 du code civil ainsi que par l'article L. 442-1 II du code de commerce, sans que soit rapportée une inexécution suffisamment grave de CPF et CSF à leurs obligations contractuelles, sans mise en demeure préalable alors que l'urgence n'était pas caractérisée et sans respect d'un préavis raisonnable.
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Ainsi, à la différence de la résolution résultant de l'application d'une clause résolutoire, la résolution unilatérale est subordonnée à une condition de fond : celle d'une inexécution suffisamment grave, étant observé que selon la jurisprudence, le terme « inexécution » doit être entendu dans une acception assez large couvrant deux hypothèses : celle d'un manquement proprement dit aux obligations contractuelles et celle d'un comportement particulièrement critiquable rendant impossible le maintien de la relation contractuelle dans des conditions normales, créant une perte de confiance ou apparaissant gravement déloyal.
Du point de vue de la forme, l'article 1226 du code civil énonce :
« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. »
L'article L. 442-1 II du code de commerce prévoit pour sa part :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords professionnels.
[...]"
Selon la doctrine et la jurisprudence, le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
En l'espèce, il convient de relever en premier lieu que si les contrats objets de la résolution contestée ont été conclus le 13 juin 2019 avec effet à compter du 30 octobre 2020, la relation contractuelle entre les sociétés Carrefour et Lumidis a commencé dès le 30 octobre 2013, date de conclusion des premiers contrats. A l'instar des précédents, les contrats du 13 juin 2019 ont été conclus pour une nouvelle durée de 7 ans renouvelable après résiliation des premiers qui devaient arriver à terme le 30 octobre 2020, cela dans le cadre d'un protocole d'accord intervenu le 13 juin 2019 entre les sociétés du groupe Carrefour et la société FWH gérée par M. X.
Les contrats du 13 juin 2019 devaient produire effet à compter du 30 octobre 2020, cette date correspondant au terme des premiers contrats.
La résolution des contrats de franchise et d'approvisionnement notifiée le 14 octobre 2020 par la société Lumidis est ainsi intervenue au terme des premiers contrats de 2013 et avant la date d'effet des nouveaux contrats de 2019, étant précisé que ces deux séries de contrats de franchise et d'approvisionnement ont été conclues dans des termes similaires.
Aussi la résolution critiquée s'inscrit-elle dans le cadre d'une relation contractuelle continue depuis le 30 octobre 2013.
Il ne saurait donc être tiré argument de la proximité de la date de résiliation des contrats de 2019 (14 octobre 2020) avec celle de la conclusion desdits contrats (13 juin 2019) pour soutenir la brutalité de la rupture des relations contractuelles.
La lettre du 14 octobre 2020 par laquelle Lumidis résoud les contrats du 13 juin 2019 contient l'exposé des griefs qu'elle impute aux sociétés Carrefour, à savoir des conditions tarifaires non compétitives imposées au franchisé, l'absence de liberté de Lumidis dans la fixation des prix, l'immixtion du groupe Carrefour dans la gestion de Lumidis, le défaut de performance des services et d'assistance continue, chacun de ces griefs étant argumenté.
Si cette notification de la résolution n'a pas été formellement précédée d'une mise en demeure mentionnant expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat, il résulte de l'examen des pièces au dossier que la société Lumidis, comme elle le soutient, a exprimé des griefs à ses cocontractants à partir de l'année 2017 et leur a laissé entendre son intention de mettre un terme à la relation contractuelle.
Ainsi, par mail du 6 juillet 2017 M. X rappelle avoir précédemment alerté son franchiseur sur l'augmentation significative de ses prix de cession et lui fait part de son inquiétude sur ses tarifs qui nuisent à la performance du réseau.
Dans un courriel du 30 novembre 2018, il sollicite un rendez-vous à son franchiseur pour faire le point sur leur partenariat dont il qualifie le bilan de "contrasté" en évoquant les points tant positifs que négatifs et notamment l'installation par Carrefour de nouveaux magasins à proximité des siens sans concertation préalable. Les termes finaux de son message évoquent une possible rupture des relations contractuelles : « Pour mémoire les dates de préavis de fin de contrat de mes magasins de Lyon Aunay et Lyon Lumière sont respectivement en mars et septembre 2019. J'espère donc que vous pourrez donner une suite favorable à ma demande (de rendez-vous) dans les prochaines semaines afin que nous puissions échanger de manière sereine et apaisée. »
Dans un courriel adressé le 25 février 2019 après une rencontre avec son franchiseur le 22 février 2019, M. X exprime sa satisfaction d'avoir vu Carrefour accepter certaines des demandes qu'il avait formées en vue du renouvellement des contrats arrivant prochainement à échéance (accords qui feront l'objet du protocole de juin 2019), notamment l'autorisation d'exploiter un site supplémentaire, déplorant toutefois le refus opposé à une autre de ses demandes (révision du pacte d'associé de Lyon Aunay). Aussi, écrit-il « accepter la demande de Carrefour de décaler le délai de prévenance de la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement de Ainaydis du 10 mars 2019 au 10 septembre 2019, date qui correspond également à la date anniversaire des contrats de Lumidis. » Ces termes confirment que le protocole d'accord et les nouveaux contrats de juin 2019 ont été signés par M. X après que celui-ci a obtenu certains engagements de Carrefour après avoir envisagé de ne pas renouveler les premiers contrats arrivant à terme.
Dans un mail qu'il a adressé à son franchiseur le 11 otobre 2019, soit postérieurement à la signature des nouveaux contrats en juin 2019, M. X réitère des griefs à l'encontre de son cocontractant en écrivant notamment : « Plus largement je m'interroge sur la prise de contrôle de plus en plus forte du franchiseur chez ses franchisés :
vous maitrisez déjà nos tarifs (qui sont mauvais)
vous maitrisez déjà nos marges (qui sont mauvaises)
vous maitrisez déjà nos caisses (qui sont obsolètes et fort chères)
vous maitriserez demain notre CA et nous deviendrons des commissionnaires (...)
Vous maitriserez demain nos flux.
Ma question est simple : sommes-nous/serons-nous encore des franchisés »
(...)
Dans un courriel du 8 novembre 2019 faisant suite à un rendez-vous du 23 octobre avec son franchiseur, M. X dénonce l'écart significatif de rentabilité entre les enseignes du groupe Carrefour et les autres enseignes. Il exprime à nouveau son inquiétude sur la faiblesse de rentabilité des points de vente Carrefour.
Par courriel du 4 janvier 2020, il demande à faire le point sur l'évolution des marges de détail pour ses magasins et écrit : « Dans le prolongement des engagements pris par protocole en 2019, je respecte le plan de transformation des sites existants. J'aimerais évoquer l'engagement pris par le groupe d'apporter dans les deux ans un site supplémentaire qu'il convient d'identifier prochainement (...) ».
Le 29 janvier 2020 il expose à son franchiseur : « une remarque revient régulièrement concernant la cherté de nos magasins. Nous n'avons pour le coup pas de réponse proposée par le groupe sur ces alertes (...) ».
Le 25 août 2020 il lui écrit : « Un peu plus d'une année après la signature du protocole d'accord cadre du 19 juin 2019 qui pour moi constituait la poursuite de notre partenariat avec de réelles perspectives de développement et de rentabilité je suis hélas amené à faire un constat négatif sur de trop nombreux points. Ce protocole avait pourtant pour objectif d'apaiser les tensions avec le groupe Carrefour vis-à-vis duquel j'émettais de vifs griefs depuis plusieurs mois. (...) » Suit la liste des griefs et plus loin il poursuit : « Cette situation m'oblige à vous alerter en tant que franchiseur et en tant qu'associé » ; « Depuis 2019 et la signature de nos engagements j'ai donc constaté entre autres : la baisse significative des ristournes de fin d'année, la remise en question de notre protocole, la réorientation du groupe sur les hypermarchés, l'absence de stratégie digitale pertinente pour les franchisés, l'effondrement de la rentabilité sur 2 de mes 4 magasins (...) ».
« Il est de ma responsabilité de dirigeant de réagir et je vous informe que je rendrai donc prochainement toutes les dispositions nécessaires pour ramener les sociétés sur le chemin de la performance. »
A nouveau, dans un courriel du 12 septembre 2020, M. X dresse une longue liste des griefs qu'il fait à son franchiseur. Il clôture ce mail en écrivant : « J'en distingue déjà les lourds nuages noirs à l'horizon de nos relations. Si je ne crois plus que nous puissions les dissiper je suis toutefois prêt à vous rencontrer le 17 septembre prochain dans un lieu neutre, comme je l'ai toujours dit. »
M. X prendra ensuite la décision de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour faire part aux associés de Lumidis de la nécessité de procéder à un changement d'enseigne.
La société du groupe Carrefour (Profidis), détentrice de 1 % des parts sociales de Lumidis, votera contre cette décision.
A l'issue de cette assemblée générale extraordinaire, M. X écrira le 26 septembre 2020 un long courriel à Profidis et à son franchiseur pour dénoncer leur position et les inviter « pour tenter une nouvelle fois de préserver ce partenariat historique, à me présenter de manière formelle et par écrit, une contre-proposition a minima équivalente à celle de la concurrence avant le 7 octobre prochain à savoir :
- une ristourne "grand partenaire" permettant de compenser l'écart sur marge avec nos concurrents.
- la tenue de vos engagements protocolaires avec l'apport d'un magasin au moins équivalent à celui de Vernaison que j'apporte au groupe.
- l'engagement de cession à 5 ans d'un magasin sous enseigne Carrefour Market entre 15 et 25 millions d'euros de CA.
- l'engagement de valoriser le CA digital dans les pactes d'associés de chaque magasin.
Sans retour de votre part, je serai contraint d'envisager sérieusement les options qui s'offrent aux sociétés Ainaydis, Lumidis, Deredis, Servalis et Pauldis. Inutile de me dire que le délai est trop court car il y a urgence à agir et je vous crois capables de mobiliser les énergies pour vos associés et clients historiques. »
La dénonciation unilatérale des contrats de franchise et d'approvisionnement interviendra trois semaines plus tard.
Il convient par ailleurs de relever que par jugements du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Lumidis et des autres sociétés de FWH et que par jugement du 18 février 2021, la tierce opposition de la société Carrefour à ces jugements a été rejetée. En outre, par ordonnance du 18 juin 2021, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la résiliation des contrats de franchise conclus par les autres sociétés de FWH avec Carrefour Proximité France, cette résiliation ayant été jugée nécessaire à la sauvegarde des sociétés.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, desquels il ressort :
- que par la voix de M. X la société Lumidis, depuis au moins 2017 et tant avant qu'après la conclusion des contrats en cause, a dénoncé à son franchiseur des agissements qu'elle analyse en des manquements dans sa lettre de résolution unilatérale du 14 octobre 2020,
- que la société Lumidis a exprimé à son franchiseur son intention de ne pas renouveler les premiers contrats dès la fin de l'année 2018 (courriel du 30 novembre 2018),
- que le protocole d'accord ayant servi de base à la conclusion des contrats de juin 2019 visait à sauver et prolonger la relation contractuelle,
- qu'après la signature de ces contrats, M. X a réitéré ses griefs et évoqué une possible rupture des relations contractuelles au regard de leur évolution et de la situation de Lumidis qu'il jugeait insatisfaisantes,
- que moins de deux mois après la dénonciation des contrats, une procédure de sauvegarde était ouverte à l'égard de la société Lumidis sur le constat de difficultés financières susceptibles de conduire à une prochaine cessation des paiements, le trouble manifestement illicite invoqué par les sociétés Carrefour au soutien de leurs demandes ne se trouve pas caractérisé dès lors qu'il n'apparaît pas établi, avec l'évidence requise en référé, que la résolution par Lumidis des contrats du 3 juin 2019 a été opérée brutalement en violation des conditions posées par les articles 1224 et 1226 du code civil et L. 442-1 II du code de commerce.
L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée, par motifs propres de la cour, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé les société CPF et CSF à mieux se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront.
L'ordonnance sera aussi confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes des sociétés FWH et Lumidis en paiement de dommages et intérêts et en prononcé d'une amende civile pour procédure abusive, la mauvaise appréciation que les sociétés appelantes ont fait de leurs droits ne caractérisant pas un abus.
La décision de première instance sera enfin confirmée du chef des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont le premier juge a fait une juste appréciation.
Perdant en appel, les sociétés CPF et CSF seront condamnées aux dépens, déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnées à payer à ce titre la somme de 5000 euros à chacune des sociétés FWH et Lumidis.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Condamne les sociétés Carrefour Proximité France et CSF aux dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de Me Z,
Déboute les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et les condamne à payer à ce titre la somme de 5 000 euros à chacune des sociétés FWH et Lumidis.