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Décisions

Cass. 3e civ., 30 septembre 2021, n° 20-15.443

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Eliott (Sci)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

Mme Farrenq-Nési

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gaschignard

Cass. 3e civ. n° 20-15.443

30 septembre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 octobre 2019), par acte du 22 juillet 2005 reçu par M. [U], notaire associé de la société civile professionnelle [U], Mme [P] a vendu à MM. [C] et [B] un terrain cadastré section I n°  [Cadastre 1] et d'une superficie de 1ha 31a 64ca.

2. Courant 2006, Mme [P], propriétaire de la parcelle contiguë cadastrée section I n°  [Cadastre 2] sur laquelle était construite sa maison, a édifié une piscine avec une plate-forme.

3. Par acte du 23 janvier 2012, dressé par M. [U], elle a vendu cette propriété, d'une superficie de 49a 20 ca, y compris la piscine et la plate-forme, à la société civile immobilière Eliott (la SCI Eliott) et ses associés, Mme [L] et M. [H].

4. Ayant découvert qu'une partie de la parcelle qui leur avait été vendue empiétait sur celle cédée en 2005 à MM. [C] et [B], la piscine et la plate-forme étant à cheval sur les deux parcelles, la SCI Eliott et ses associés ont assigné Mme [P] et le notaire en annulation de la vente pour dol, subsidiairement pour vente de la chose d'autrui, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour faute.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le premier moyen et le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. Mme [P] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Eliott et à Mme [L], alors :

« 2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut, à ce titre, fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société Eliott et Madame [L] avaient exclusivement fondé leur action sur les principes régissant la responsabilité délictuelle ; qu'en décidant néanmoins que Madame [P] avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Eliott et de Madame [L], en raison d'un manquement à son obligation de délivrance conforme, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce fondement juridique, qui n'avait pas été invoqué par la société Eliott et Madame [L], la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant ; qu'en décidant néanmoins que des dommages-intérêts pouvaient être alloués à la société Eliott et Madame [L], à raison d'une erreur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

4°/ que l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant préalablement à la formation du contrat ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame [P] au paiement de dommages-intérêts, qu'elle n'avait pas exécuté son obligation de délivrance du bien à société Eliott, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur un seul manquement relatif à l'exécution du contrat et non sur une faute à l'origine de l'erreur ayant vicié le consentement de la société Eliott lors de la formation du contrat, a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

5°/ que l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant préalablement à la formation du contrat ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame [P] au paiement de dommages-intérêts, qu'elle n'avait pas exécuté son obligation de délivrance du bien à société Eliott, sans constater qu'elle avait commis une faute délictuelle préalablement à la conclusion du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, le moyen pris de la responsabilité contractuelle de la venderesse pour inexécution partielle de son obligation de délivrance n'ayant pas été relevé d'office par la cour d'appel, mais ayant été placé dans le débat par Mme [P], la cour d'appel n'a pas violé le principe de la contradiction.

8. D'autre part, la cour d'appel a retenu que l'erreur commise par les acquéreurs résultait de ce qu'une partie de l'assiette de la piscine et de la plate-forme était exclue de l'immeuble vendu, contrairement à l'objet défini au contrat du 23 janvier 2012.

9. Ayant relevé que la SCI Eliott et Mme [L] avaient renoncé à demander l'annulation de la vente et réclamaient la réparation du préjudice affectant la valeur de la chose, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de la responsabilité quasi-délictuelle, a retenu à bon droit que, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des dommages et intérêts pouvaient être alloués à une partie en présence d'une exécution imparfaite et a souverainement apprécié le préjudice résultant d'une livraison partielle, par Mme [P], de l'immeuble vendu.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne Mme [P] aux dépens des pourvois ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [P] à payer à la SCI Eliott et à Mme [L] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt et un.

Le conseiller rapporteur

Le president