CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 octobre 2021, n° 18/20623
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Oriens International (Beijing) Ltd (Sté)
Défendeur :
Laboratoires Fill Med (SAS), Laboratoires Filorga Cosmétiques (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
Avocats :
Me Guerre, Me Ponsard, Me Métayer Mathieu
Les sociétés LABORATOIRES FILL MED, anciennement dénommée Laboratoires FILORGA et la société Laboratoires FILORGA COSMETIQUES, viennent aux droits de la société FILORGA aujourd'hui dissoute, à la suite d'une opération de scission intervenue le 31 juillet 2015, au terme de laquelle la branche d'activité « médicale » de FILORGA a été transférée à la sociétré Laboratoires FILL MED et la branche d'activité cosmétique a été transférée à Laboratoires FILORGA COSMETIQUES.
Le 30 avril 2013, les sociétés Laboratoires Filorga et Oriens ont conclu un contrat de distribution exclusive pour une durée de 8 ans, aux termes duquel Filorga accorde à Oriens le droit exclusif de promouvoir, commercialiser et distribuer l'ensemble de ses produits sur le territoire de Chine, Hong-Kong et Macao.
L'article 2.1 « Exclusivité » du contrat de distribution autorise Oriens à désigner des sous-distributeurs ou mandataires avec l'accord préalable et/ou l'autorisation de Filorga.
Un accord de représentation des produits de la société Filorga a été conclu entre la société Oriens (Hong Kong) Investment Group Ltd et la société Jiessie International Group Ltd (ci-après Jiessie) sur le territoire chinois à effet du 9 octobre 2013.
Le 4 avril 2014, Filorga a informé Oriens de son souhait de mettre un terme immédiatement au contrat de distribution.
Le 4 mai 2014, Oriens a résilié le contrat de sous-distribution conclu avec Jiessie à effet immédiat en se prévalant d'une violation par Jiessie de stipulations contractuelles.
Le 1er septembre 2014, les sociétés Laboratoires Filorga et Jiessie ont conclu un contrat de distribution exclusive aux termes duquel Filorga accorde à Jiessie le droit exclusif de promouvoir, commercialiser, vendre et distribuer les produits visés à l'annexe B du contrat, notamment les dispositifs médicaux de classe 3 sur le territoire de Chine, Hong-Kong et Macao, avec effet à compter de la date de sa signature.
Le 10 septembre 2014, Filorga a mis un terme définitif au contrat de distribution la liant à Oriens, avec prise d'effet immédiat sur le fondement de l'article 18 du contrat de distribution.
Par acte du 5 juillet 2017, la société Oriens a assigné à bref délai les sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga Cosmétiques venant aux droits de la société Filorga aujourd'hui dissoute, pour avoir résilié de manière abusive le contrat de distribution du 30 avril 2013 conclu avec elle et violé l'exclusivité octroyée en contractant directement avec la société Jiessie.
Par jugement du 2 mai 2018, le tribunal de commerce de Paris a :
Débouté la société ORIENS INTERNATIONAL (Beijing) Ltd de I'ensembIe de ses demandes.
Dit que la société LABORATOIRES FILL MED a commis une erreur sur les qualités de son cocontractant et sur la prestation essentielle à la charge d'ORIENS et qu'en conséquence le contrat conclu entre elle-même et la société ORIENS INTERNATIONAL est nul.
Débouté la société LABORATOIRES FILL MED de sa demande de condamnation d'ORIENS INTERNATIONAL à lui rembourser la somme de 154.723,17 euros.
Dit qu'il n'est pas compétent pour traiter de Ia demande de LABORATOIRES FILL MED, relative au dépôt de la marque et invite cette dernière à mieux se pourvoir sur cette demande ;
Débouté la société LABORATOIRES FILL MED de sa demande de préjudice moral.
Condamné la société ORIENS INTERNATIONAL à payer la somme de 15.000 euros aux sociétés LABORATOIRES FILL MED et LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, chacune, au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné la société ORIENS INTERNATIONAL aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 168,57 dont 27,67 de TVA.
Par déclaration au greffe en date du 3 septembre 2018, la société Oriens International (Beujing) LTD a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.
Par des dernières conclusions en date du 3 février 2020, la société Oriens prie la Cour de :
Vu l'ancien article 1134 du code civil applicable au litige (actuellement articles 1103 et 1104 du code civil),
Vu l'article 1149 du code civil applicable au litige (actuellement article 1231-2 du code civil),
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu le contrat de distribution daté du 30 avril 2013,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 mai 2018
Recevoir la société Oriens International (Beijing) Ltd en son appel ;
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société Oriens International (Beijing) Ltd de l'ensemble de ses demandes ; a dit que la société Laboratoires Fill Med a commis une erreur sur les qualités de son cocontractant et sur la prestation essentielle à la charge de la société Oriens International (Beijing) Ltd et qu'en conséquent le contrat conclu entre elle-même et la société Oriens International (Beijing) Ltd est nul ; a condamné la société Oriens International (Beijing).
Et statuant à nouveau,
Juger que la société Oriens International (Beijing) Ltd a un intérêt à agir contre Laboratoires Filorga Cosmétiques ;
Juger que le consentement des sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques n'a pas été vicié (tant pour erreur sur la qualité de la société Oriens International (Beijing) Ltd que sur la prestation essentielle à la charge d'Oriens International (Beijing) Ltd ;
Juger que les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques ont résilié de manière abusive le contrat de distribution en date du 30 avril 2013 conclu avec la société Oriens International (Beijing) Ltd à effet au 10 septembre 2014 ;
Prendre acte du refus des sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques de livrer la commande passée par Oriens en avril 2014 d'un montant de 200.246,63 euros ;
Juger que les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques ont violé l'exclusivité octroyé à la société Oriens International (Beijing) Ltd en contractant directement avec la société Jiessie International Group Ltd ;
En conséquence,
Condamner in solidum les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques (ou en tout état de cause la société Laboratoires Fill Med) à payer à la société Oriens International (Beijing) Ltd :
La somme de 10.160.317,20 euros au titre de la perte de marge du fait de la résiliation abusive par les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques du contrat de distribution exclusive à durée déterminée, ou à 2.017.122 euros dans l'hypothèse où la Cour jugerait bon de se fonder uniquement sur les achats effectués par Oriens en 2013,
La somme de 641.779,84 euros en raison du refus de livraison de la commande passée par Oriens en avril 2014 et de la violation par les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques de l'exclusivité octroyée à la société Oriens International (Beijing) Ltd,
La somme de 200.000 euros à titre d'indemnité pour le remboursement du préjudice commercial et moral subi par la société Oriens International (Beijing) Ltd.
Condamner chacune et in solidum (ou en tout état de cause la société Laboratoires Fill Med) les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques à payer à la société Oriens International (Beijing) Ltd la somme de 75.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance ;
Condamner chacune et in solidum (ou en tout état de cause la société Laboratoires Fill Med) les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques à payer à la société Oriens International (Beijing) Ltd la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamner les sociétés Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques (ou en tout état de cause la société Laboratoires Fill Med) aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par des dernières conclusions en date du 28 février 2020, les sociétés LABORATOIRES FILL MED & LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES demandent à la Cour de :
Vu les articles 1134 et 1447 du Code civil applicable au jour de la conclusion du Contrat,
Vu l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce,
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
débouté Oriens de toutes ses demandes ;
dit qu'Oriens ne justifiait pas d'un intérêt à agir contre Laboratoires Filorga Cosmétiques, dit que Laboratoires Fill Med a commis une erreur sur les qualités de son cocontractant et sur la prestation essentielle à la charge d'Oriens et qu'en conséquence, le contrat est nul ;
condamné Oriens à payer la somme de 15.000 euros à chacune des défenderesses outre les dépens ;
Réformer le jugement en ce qu'il a :
débouté Laboratoires Fill Med de sa demande de remboursement de la somme de 154.723,17 euros ;
débouté Laboratoires Fill Med de sa demande de préjudice moral ;
Ce faisant,
A titre liminaire :
Dire et juger qu'Oriens International ne dispose d'aucun intérêt à agir contre Laboratoires Filorga Cosmétiques ;
Débouter en conséquence Oriens International de toutes ses demandes à l'encontre de Laboratoires Filorga Cosmétiques ;
A titre principal :
Dire et juger que Laboratoires Fill Med a commis une erreur sur les qualités de son cocontractant et sur la prestation essentielle à la charge d'Oriens ;
Dire et juger qu'Oriens International a commis un dol à l'encontre de Laboratoires Filorga;
Dire et juger en conséquence que le contrat conclu entre Laboratoires Fill Med et Oriens International est nul ;
Débouter en conséquence Oriens International de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire :
Dire et juger que le contrat conclu entre Laboratoires Fill Med et Oriens International est nul pour violation de l'ordre public ;
Débouter en conséquence Oriens International de toutes ses demandes ; A titre plus subsidiaire :
Dire et juger qu'Oriens International a commis de graves manquements lors de l'exécution de la relation contractuelle ;
Dire et juger que la résiliation du contrat de distribution par Filorga était en conséquence fondée avec effet au 4 avril 2014 ;
Prononcer sinon la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs d'Oriens International avec effet au 4 avril 2014 ;
Débouter en conséquence Oriens International de toutes ses demandes ;
A titre encore plus subsidiaire :
Dire et juger que la clause limitative de responsabilité fait obstacle à la demande indemnitaire dirigée contre Laboratoires Fill Med ;
Débouter derechef Oriens International de toutes ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire :
Dire et juger qu'Oriens International ne justifie d'aucun préjudice sinon qu'il ne saurait être supérieur à 218.000 euros ;
En toute hypothèse,
Condamner à titre reconventionnel la société Oriens International à rembourser à Laboratoires Fill Med la somme de 154.723,17 euros, avec intérêt au taux RECOFI majoré de dix points au titre de la restitution des sommes correspondant à la réduction de 25 % accordée par Filorga ;
Condamner à titre reconventionnel Oriens International à payer à Laboratoires Fill Med la somme de cinq millions d'euros pour avoir laissé sa filiale déposer la marque Filorga en idéogramme chinois ;
Condamner à titre reconventionnel Oriens International à payer à Laboratoires Fill Med la somme de 500.000 euros au titre du préjudice d'image ;
Ordonner les éventuelles compensations entre les créances réciproques des parties ;
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau :
Condamner la société Oriens International à verser à Laboratoires Fill Med et Laboratoires Filorga Cosmétiques la somme, à chacune, de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Oriens International aux entiers dépens.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité de l'action d'Oriens à l'encontre des Laboratoires Filorga Cosmétiques
La société Oriens soutient avoir intérêt à agir à l'encontre de la société Laboratoires Filorga Cosmétiques puisque Filorga lui avait donné l'autorisation de distribuer les produits Skin Perfusion - qui sont des produits cosmétiques (crèmes) et non médicaux - en Chine.
Mais la société Oriens agissant sur le fondement du contrat portant sur la distribution des dispositifs médicaux (DM), n'a pas d'intérêt à agir contre la société Laboratoires Filorga Cosmétiques qui n'est pas bénéficiaire de l'apport de la branche d'activité "médicale" ni davantage de la gamme blanche (spas) Skin Perfusion, mais seulement de la branche d'activité "cosmétique", à la suite de la scission de la société Filorga intervenue le 31 juillet 2015 avec renonciation au principe de solidarité (pièces 29, 49 et 54 des intimées).
Il convient de déclarer Oriens irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Laboratoires Filorga Cosmétiques.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la nullité du contrat de distribution pour vice du consentement
Filorga soutient que deux vices ont affecté son consentement, en premier lieu une erreur sur les qualités essentielles du cocontractant et sur les qualités essentielles de la prestation, sans renonciation de sa part, et, en second lieu le dol de la société Oriens, en raison de la transmission d'informations erronées. Elle invoque en conséquence la nullité du contrat, privant ainsi de fondement toute demande indemnitaire pour rupture unilatérale du contrat.
Oriens réfute tout vice de consentement pour erreur quant à sa personne, de même que pour erreur sur la prestation, objet du contrat de distribution. Elle ajoute que la preuve d'une manoeuvre dolosive de sa part n'est pas rapportée.
- Sur l'erreur sur la personne du cocontractant
Aux termes des dispositions de l'article 1110 ancien du code civil applicable, "L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité, lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention".
Il résulte de la clause d'incessibilité du contrat en raison de son caractère intuitu personae figurant à l'article 15 du contrat de distribution du 30 avril 2013 (pièce 7 de l'appelante) liant les parties, que la convention a été conclue en considération de la personne de la société Oriens "sélectionné(e) en raison de ses compétences spécifiques que le Fournisseur a évaluées précisément (...)".
Le préambule du contrat mentionne à cet égard :
- "le distributeur agréé est un spécialiste de la vente des produits (...) ou de certains de ces produits et souhaite les revendre en fournissant l'assistance requise pour la revente"
- "il a été sélectionné pour ses compétences techniques et commerciales".
Filorga invoque une erreur portant sur les qualités essentielles d'Oriens.
Or, Oriens s'est prévalue faussement lors des négociations précontractuelles :
- de l'expérience professionnelle de son équipe, au regard de son activité de distribution de DM depuis 2006 (introduction en Chine d'un produit de Q Med en provenance de Suède courriel du 1er novembre 2012 - pièce 16 de Filorga) alors que la société Oriens a été immatriculée le 9 avril 2012 et qu'il n'est pas justifié d'une connaissance du marché des DM, la seule circonstance que parmi les trois actionnaires de la société Oriens figure M. X, dont le nom est mentionné sans autre précision sur une carte de visite à l'entête de la société Q Med (pièce 79 d'Oriens) est à cet égard insuffisante, étant observé que selon le rapport public (pièce 52 Filorga), cette personne occupe la fonction de superviseur au sein de la société Oriens,
- d'un effectif de 60 salariés ainsi qu'il résulte de son courriel du 19 mars 2013 aux termes duquel « Oriens compte plus de 60 employés travaillant sur le marché médical » (pièce 6 de Filorga), ainsi que d'un organigramme abondant et structuré (pièce 42 Oriens) alors que ses effectifs ne dépassaient pas 20 salariés toutes branches confondues ainsi qu'il résulte du rapport notarié d'enquête sur Oriens (pièce 28 Filorga) et de l'attestation de Mme Y (pièce 36 Filorga), étant observé qu'Oriens soutient vainement à cet égard qu'il s'agissait d'un objectif à atteindre alors qu'elle s'est exprimée au présent,
- de ce qu'elle couvrait environ 400 hôpitaux et 100 cliniques en Chine (pièce 6 Filorga) et d'un vaste réseau d'hôpitaux et de cliniques avec des médecins certifiés et un spécialiste prêt à être formé selon les normes Filorga (Réunion à Hong-Kong du 13 novembre 2012 (pièce 84 Oriens) alors qu'elle ne justifie d'aucune relation exclusive se bornant à produire la copie d'une page de l'annuaire des hôpitaux et cliniques (sa pièce 96) et d'aucun client final, qu'il en est de même des 200 représentants commerciaux répartis dans 20 provinces et 40 grandes villes (pièces 84 et 10 Oriens précitées) dont elle se prévaut,
- d'une succursale à Hong-Kong qui sera enregistrée en avril (pièce 6 Filorga) alors qu'il s'agit d'une société dictincte et autonome, Oriens (Hong Kong) Investment Group Ltd laquelle a contracté avec Jiessie (pièce 10 Oriens) ;
Il apparaît ainsi que le contrat de distribution conclu avec Oriens par Filorga est vicié par une erreur portant sur la personne du contractant, les qualités substantielles pour lesquelles cette dernière l'avait choisie faisant défaut.
Il sera ajouté que si Oriens produit une licence d'entreprise d'exploitation de matériel médical de catégorie III (sa pièce 55) à compter du 23 janvier 2013, l'obtention par celle-ci d'une autorisation de dispositifs médicaux de classe III est contestée par Filorga.
Une telle autorisation ne semble pas avoir été délivrée par le Beijing Food and Drug Administration à Oriens ainsi qu'il résulte tant de la consultation juridique produite que de la licence de distribution des DM de classe III délivrée à Jiessie (pièces 30 et 31 de Filorga).
En tout état de cause, même à admettre qu'Oriens bénéficiait bien d'une telle licence, cette jeune société n'était en aucune manière spécialiste de la vente des produits médicaux et n'avait aucune capacité à les revendre en fournissant l'assistance requise alors qu'elle avait été sélectionnée pour ses compétences techniques et commerciales aux termes d'un contrat conclu intuitu personae.
Oriens ne peut utilement soutenir que cette erreur sur ses qualités essentielles ne serait pas excusable alors que celle-ci résulte de contrevérités de sa part ainsi qu'il a été dit.
Enfin, Filorga n'a pas renoncé à se prévaloir de cette erreur, la nomination de Jiessie comme distributeur agréé sur le territoire chinois le 20 novembre 2013 (pièce 11 Oriens) ne pouvant s'analyser comme un transfert de contrat mais s'inscrivant dans le cadre de l'autorisation prévue à l'article 2.1 « Exclusivité » du contrat de distribution qui autorise Oriens à désigner des sous-distributeurs ou mandataires avec l'accord préalable et/ou l'autorisation de Filorga.
La nullité du contrat liant Filorga à Oriens pour erreur sur les qualités essentielles de la personne du cocontractant étant retenue, il n'y a pas lieu de se pencher sur l'erreur également invoquée par Filorga portant sur la prestation de distribution en Chine.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Oriens de ses demandes.
Sur les demandes reconventionnelles formulées par la société Laboratoires Fill Med
- Sur la demande de restitution des remises consenties sans contrepartie
La société Laboratoires Fill Med soutient que Oriens a bénéficié d'une remise de 25 % sur le montant des achats ne correspondant à aucun service rendu, ou tout du moins à un service totalement disproportionné à l'avantage consenti, n'ayant jamais justifié des coûts d'enregistrement des produits effectivement mis à sa charge.
La société Oriens fait valoir qu'elle avait mis tout en oeuvre pour obtenir l'enregistrement des produits et qu'elle avait engagé des frais substantiels pour l'enregistrement des produits Filorga. Elle estime que la remise de 25 % était donc pleinement due au titre des stipulations contractuelles.
Sur ce, la nullité emportant anéantissement rétroactif du contrat, chaque partie doit restituer ce qu'elle a perçu.
Or, Filorga admet que la valeur des produits achetés par Oriens que cette dernière doit restituer, se compense avec le prix d'achat qu'elle doit elle même restituer, de sorte que l'annulation n'emporte aucune conséquence en pratique.
Il doit être retenu que tel est également le cas pour la remise commerciale qu'elle a consenti à Oriens au regard des justificatifs de frais engagés pour l'enregistrement par Oriens (ses pièces 69 et 70).
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
- Sur la demande au titre de la violation des obligations liées à la défense de la marque Filorga
La société Laboratoires Fill Med demande à être indemnisée à hauteur de 5 millions d'euros à ce titre au motif que la société Oriens a procédé, via sa filiale la société Shanggufang, au dépôt en son nom de la marque Filorga, entretenant ainsi une confusion dans l'esprit des consommateurs, alors qu'elle se devait de protéger la marque en vertu de l'article 5.3 du contrat.
Mais, en tout état de cause, la société Laboratoires Fill Med ne peut se prévaloir d'une inexécution contractuelle alors que la nullité du contrat a été prononcée.
Cette demande est rejetée.
- Sur la demande au titre du préjudice d'image,
La société Laboratoires Fill Med demande une indemnisation à hauteur de 500.000 euros pour la distribution de produits faussement labellisés Filorga et la vente de DM de marque Filorga en toute illégalité.
Mais, elle ne justifie d'aucun préjudice d'image au soutien de sa demande.
Le jugement qui l'en a déboutée est confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Oriens qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à verser sur ce dernier fondement à la société Laboratoires Fill Med et à la société Filorga Cosmétiques, chacune la somme de 10 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Déclare la société Oriens International (Beijing) irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Laboratoires Filorga Cosmétiques ;
Déboute la société Laboratoires Fill Med de sa demande d'indemnisation au titre de la dépose de la marque Filorga en idéogramme chinois ;
Déboute la société Oriens International (Beijing) de ses demandes, notamment celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Oriens International (Beijing) Ltd aux dépens d'appel et à payer à la société Laboratoires Fill Med et à la société Filorga Cosmétiques, chacune la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.