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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 5 octobre 2021, n° 19/03531

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pelletier Et Associes Mandataires Judiciaires (Selarl)

Défendeur :

Allianz Global Corporate & Specialty Se (Sté), Financiera Maderera (Sté), Finsa France (Sté), H. B. Fuller Adhesives (SAS), Jowat France (Sarl), Jowat (SE), Prodimo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

Mme Verrier, M. Maury

Avocats :

Selarl Jurica, Me Migne, SCP BCJ Brossier - Carre - Joly, Me Raimbault, Me Gallet, Me Loustalot, Selarl Lexavoue Poitiers - Orleans, Me Boizel, Me Galdos

T. com. La roche sur Yon, du 24 sept. 20…

24 septembre 2019

La société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs (Raud) a été créée en 1960.

A compter de 1998, elle s'est spécialisée dans la fabrication de portes usinées dans un panneau MDF (congloméré haute densité).

Les panneaux MDF étaient fabriqués par la société Finsa France dont la société mère est la société Financeira Maderera SA.

La société Raud collait une feuille de PVC au panneau par un système de thermoformage.

Jusqu'en 2000, la société Raud utilisait des adhésifs polyurethanes bi composants.

A compter de février 2001, elle a utilisé une colle mono composant :

- de février 2001 à octobre 2002, une colle K, fabriquée par la société Forbo Helmitin

- d'octobre 2002 à octobre 2005, une colle Jowapur fabriquée par la société Jowat SE et vendue par la société Prodimo.

La société Raud a reçu des réclamations de ses clients, fabricants de cuisines et de salles de bain à compter de 2003, le film PVC se décollant du panneau.

Les réclamations se sont poursuivies en 2004, 2005, l'ont amenée à exposer des frais de remplacement des panneaux défectueux.

En octobre 2005, la société Raud a changé de colle.

Par actes des 5 janvier 2006, 6 et 7 février 2006, les sociétés Diffusion Espace David, A V ont assigné la société Raud devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par actes des 23,24 mai ,10,11, 31 juillet 2006, la société Raud a assigné en garantie les sociétés Forbo Helmitin devenue HB Fuller Adhesives France, Prodimo aux fins de jonction et d'expertise judiciaire, expertise portant notamment sur l'évaluation s'il y a lieu des préjudices subis.

Par acte du 24 janvier 2017, la société HB Fuller Adhesives France a assigné la société Allianz Global Corporate & Specialty SE (Allianz) en garantie.

Par jugement du 27 mars 2007, le tribunal de commerce a prononcé des jonctions et ordonné une expertise. Il a désigné Mme D en qualité d'expert judiciaire.

Il a sursis à statuer sur les demandes des parties jusqu'au dépôt du rapport.

Par actes des 31 juillet, 23 août, 17 et 22 août 2007, la société Raud a assigné en déclaration de jugement commun et aux fins d'opposabilité des opérations d'expertise, les sociétés Finsa France, I P, les sociétés Jowat.

Par acte du 24 octobre 2007, la société Idéale Résidence Mobile a assigné la société Raud devant le tribunal de commerce aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Par jugements avant dire droit du 29 janvier 2008, les opérations d'expertise ont été étendues notamment aux fabricants des panneaux et au second fabricant de colle.

Des sursis à statuer ont été prononcés.

Par jugement du 5 mars 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la société Raud.

Par jugement du 24 juin 2008, le tribunal ordonnait la jonction de l'ensemble des instances et sursoyait à statuer sur l'entier litige dans l'attente du dépôt du rapport de Mme E

Par ordonnance du 10 mai 2010, M. F était désigné comme sapiteur.

Par jugement du 5 juillet 2011, le plan ouvert au profit de la société Raud était résolu et une liquidation judiciaire était prononcée.

Maître Pelletier était désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

L'expert judiciaire, Mme D a déposé un rapport limité aux éléments techniques le 13 janvier 2011.

M. F, sapiteur, désigné aux fins d'évaluation des préjudices a déposé son rapport le 27 août 2013.

Par conclusions du 13 avril 2015, Maître Pelletier en qualité de liquidateur judiciaire de la société Raud a demandé la condamnation in solidum des fabricants de panneaux, de colle, du vendeur de colle à lui payer la somme de 2 601 000 euros correspondant à ses préjudices.

Par jugement en date du 24 septembre 2019, le tribunal de commerce de la Roche sur Yon a statué comme suit :

Vu l'Article 367 du Code de Procédure Civile,

Vu les Articles 386 et suivants du Code de Procédure Civile,

- CONSTATE le défaut de la SELARL HUMEAU, représentée par Maître Thomas HUMEAU, liquidateur de la Liquidation Judiciaire de la Société DIFFUSION ESPACE DAVID, la Société CHARLES REMA, la Société RENOLIT France, la Société RENOLIT AG, la Société ALKOR DRAKA et la Société KONRAD HORNSCHUCH AG.

- U acte de ce que Maître S T, mandataire judiciaire, agissant en qualité de Liquidateur Judiciaire de la Liquidation Judiciaire de la Société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEURS, se désiste de son instance et de son action à l'encontre de la Société RENOLIT FRANCE, de la Société RENOLIT AG et. de la Société KONRAD HORNSCHUCH AG.

- U acte qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la Société AXA FRANCE IARD, ès qualité d'assureur de la Société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEURS.

- U acte de ce que la Société AXA FRANCE IARD, ès qualité d'assureur de responsabilité de la Société ATELIERS RAUD, s'en rapporte à justice concernant la demande de jonction entre les numéros de RG 2008-01175, RG 2015F00327 et RG 2015F00361.

- U acte de ce que la Société RENOLIT FRANCE, la Société RENOLIT AG et la Société ALKOR DRAKA, ne s'opposent pas à la demande de jonction.

ORDONNE la jonction des instances n° 2008-1 175 et n° 2017000010.

- CONSTATE la péremption de l'instance n° 2008-1175.

- CONSTATE l'extinction de ladite instance.

- DEBOUTE la Société HB FULLER ADHESIVES FRANCE de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE.

- FIXE au passif de la Liquidation Judiciaire de la Société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEURS les sommes suivantes au titre de l'indemnité fondée sur l'Article 700 du Code de Procédure Civile :

- QUATRE MILLE EUROS (4.000,00 ') pour les Sociétés FINSA FRANCE et I P,

- QUATRE MILLE EUROS (4.000,00 ') pour les Société JOWAT FRANCE et JOWAT SE

- MILLE EUROS (1.000,00 ') pour les Sociétés HB FULLER ADHESIVES FRANCE, venant aux droits de la Société FORBO HELMITIN, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, PRODIMO, AXA FRANCE IARD, és qualité d'assureur de la Société PRODIMO, PLASTIC SERVICE.

- PASSE les dépens en frais privilégiés de procédure.

- LIQUIDE les émoluments du Greffier à la somme de TROIS CENT VINGT SEPT EUROS ET SOIXANTE CENTS (327,60 ').

Le premier juge a notamment retenu que :

A titre liminaire, les sociétés Jowat et Finsa soulèvent la péremption de l'instance.

Le seul événement déterminé par les décisions judiciaires est le dépôt du rapport de l'expert judiciaire et non celui du sapiteur qui devait être intégré au rapport de Mme D, ce qui ne fut pas le cas en l'espèce.

Malgré cette absence d'intégration du rapport, il n'a été procédé à aucune diligence interruptive permettant de justifier que les parties entendaient poursuivre la présente instance dans un délai de deux ans suivant le dépôt du rapport de l'expert judiciaire.

Les sociétés Jowat et Finsa sont bien fondées à se prévaloir de la péremption qui est opposable à toutes les parties.

La compagnie Allianz ne couvre pas les frais d'honoraires exposés par son assuré dans le cadre de l'instance.

LA COUR

Vu l'appel limité en date du 29 octobre 2019 interjeté par la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par Maître Pelletier, liquidateur judiciaire

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 18 mai 2021, la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par Maître Pelletier, liquidateur judiciaire a présenté les demandes suivantes :

Dire et juger l'appel de la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES MANDATAIRES JUDICIAIRES représentée par S T recevable et fondée et y faire droit,

Par suite,

- Réformer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré le désistement d'instance et d'action parfait de la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES MANDATAIRES JUDICIAIRES représentée par S T à l'encontre des sociétés RENOLIT AG, RENOLIT France et O L,

Et statuant à nouveau,

Dire et juger l'instance non périmée, et non prescrite

En conséquence,

- Débouter les Sociétés FINSA FRANCE anciennement MEDILAND, I P, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, PRODIMO, HB FULLER ADHESIVES FRANCE anciennement FORBO HELMITIN de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner les Sociétés FINSA FRANCE anciennement MEDILAND, I P, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, PRODIMO, HB FULLER ADHESIVES FRANCE anciennement FORBO HELMITIN in solidum à payer à la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES MANDATAIRES JUDICIAIRES es qualité la somme de 2 601 000.

Dire que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'à complet paiement.

- Ordonner la capitalisation des intérêts.

- Condamner les Sociétés FINSA FRANCE anciennement MEDILAND, I P, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, PRODIMO, HB FULLER ADHESIVES FRANCE anciennement FORBO HELMITIN in solidum à la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES MANDATAIRES JUDICIAIRES es qualité la somme de 100 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner les Sociétés FINSA FRANCE anciennement MEDILAND, I P, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, PRODIMO, HB FULLER ADHESIVES FRANCE anciennement FORBO HELMITIN in solidum aux entiers dépens d'instance et d'appel, en ceux compris le coût de l'expertise.

- Confirmer le jugement pour le surplus.

A l'appui de ses prétentions, la société Raud soutient notamment que :

- L'instance n'est pas périmée. Le rapport définitif d'expertise complet n' a été déposé qu'après dépôt du rapport de M. F le 27 août 2013.

Le point de départ de la péremption est le 27 août 2013 ou le 17 octobre 2013.

Il y a un lien de dépendance direct et nécessaire entre les diligences du sapiteur et le rapport de Mme D X

- La société Raud a en outre manifesté sa volonté de continuer l'instance au fond.

- L'action n'est pas prescrite. Du fait du sursis à statuer prononcé par le tribunal le 27 mars 2007, l'instance était toujours en cours.

- La société Raud fonde ses demandes sur la méconnaissance des anciens articles 1134,1135,1604,1615 du code civil.

Le vendeur a l'obligation de délivrer la chose. Elle comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

Le vendeur doit renseigner sur les caractéristiques de la chose à vendre, ses contraintes techniques, son aptitude à atteindre le but recherché.

Les obligations générales de loyauté et d'exécution des conventions de bonne foi s'appliquent également.

- Les fournisseurs de colle et de panneaux ont manqué à leur obligation d'information, de conseil

- La société Raud leur reproche d'avoir continué à vendre sans l'avertir, sans mettre en oeuvre une action préventive.

Les fabricants de colle ont été informés de l'existence des décollements dès 2001, avaient identifié la cause des désordres.

Les désordres se sont produits avec des colles différentes, avec des sociétés concurrentes.

- Est en cause la paraffine présente dans les panneaux (substance hydrophobe).

Les fabricants de panneaux ont continué de livrer des panneaux inadaptés.

L'expert judiciaire a vérifié que le process de thermoformage était correctement maîtrisé.

- Des essais avaient été réalisés contrairement à ce que l'expert judiciaire a pensé. Un partenariat était effectif.

- Les intimées ayant concouru aux mêmes dommages seront condamnés in solidum.

- Le préjudice est évalué à 2601 000 euros, somme incluant la valeur du fonds commercial perdu 700 K, les frais de remplacements gratuits pour 1 052 728 euros, les frais de licenciement, des frais de justice, un préjudice commercial de 544 285 euros.

- La ruine de la société est liée aux désordres causés par les décollements.

Elle n'a pu faire face au coût de la garantie contractuelle, surmonter l'atteinte portée à sa réputation. La baisse du chiffre d'affaires résulte surtout des malfaçons, de la perte de confiance de la clientèle.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 1er juin 2021, les sociétés Finsa France, I P ont présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 386 et suivants du Code de Procédure Civile.

Vu la loi n°2008-561 du 17 juillet 2008 publiée au JO du 18 juin 2008

Vu les articles 2270-1 de l'ancien Code Civil

Vu l'article 2224 du Code Civil

Vu les articles 1134 et 1135 anciens du Code Civil

Vu l'article 1315 ancien du Code Civil

Vu les articles 1604 et suivants du Code Civil

Vu l'article 1150 ancien du Code Civil

In limine litis

- Constater la péremption de l'instance et l'extinction de l'instance opposant notamment Maître PELLETIER représentée désormais par la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEUR aux sociétés FINSA FRANCE et I P.

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON le 24 septembre 2019 dans l'ensemble de ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

Ordonné la jonction des instances n° 2008-1175 et n° 2017000010.

Constate la péremption de l'instance n° 2008-1175.

Constate l'extinction de ladite instance.

Fixé au passif de la Liquidation Judiciaire de la société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEURS les sommes suivantes au titre de l'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :

- QUATRE MILLE EUROS (4 000,00) pour les sociétés FINSA France et I P.

- passé les dépens en frais privilégiés de procédure.

- liquidé les émoluments du Greffier à la somme de TROIS CENT VINGT SEPT EUROS ET SOIXANTE CENTIMES (327,60) ».

Par conséquent, débouter la SELARL PELLETIER de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire :

- Constater l'irrecevabilité des demandes formées par Maître PELLETIER représentée désormais par la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEUR, des sociétés PRODIMO, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, HB FULLER ADHESIVES FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE comme étant prescrites.

Par conséquent, débouter Maître PELLETIER représentée désormais par la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEUR, des sociétés PRODIMO, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, HB FULLER ADHESIVES FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE de l'ensemble de leurs demandes.

- Condamner la SELARL PELLETIER, es qualité, à payer aux sociétés FINSA FRANCE et I P la somme de 8 000 chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la SELARL PELLETIER, es qualité aux entiers dépens d'instance et d'appel avec application pour ces derniers de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Maître H Y de la SCP GALLET ALLERIT Avocat au Barreau de POITIERS

A titre très subsidiaire

- Débouter Maître PELLETIER représentée désormais par la SELARL PELLETIER ETASSOCIES, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEUR, les sociétés PRODIMO, JOWAT FRANCE, JOWAT AG, HB FULLER ADHESIVES FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE de l'ensemble de leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire

- Réduire à de plus justes proportions les demandes formulées par SELARL PELLETIER ET ASSOCIES es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEUR

- Rejeter la demande de condamnation in solidum.

En toutes hypothèses :

- Condamner toute partie succombante à régler aux sociétés FINSA FRANCE et I P la somme de 8 000 chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l'instance et d'appel avec application pour ces derniers de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Maître Henri Noël GALLET de la SCP GALLET ALLERIT WAGNER Avocat au Barreau de POITIERS

- Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture.

A l'appui de leurs prétentions, les sociétés Finsa France et I P (Finsa) soutiennent notamment que :

- Le groupe Finsa fabrique et commercialise des panneaux agglomérés et MDF (medium density fiberboard). Il a approvisionné la société Raud en panneaux MDF jusqu'en septembre 2006. Les réclamations sont apparues à compter de 2003.

- L'action est périmée. Le délai de péremption de deux ans a couru à compter du 13 janvier 2011, date de dépôt du rapport de Mme D, expert judiciaire. Il a expiré le 13 janvier 2013.

Le tribunal avait demandé de déposer un seul rapport. Le document 'F' est dépourvu de toute valeur juridique.

- Les actions contractuelles se prescrivent par cinq ans depuis le 17 juin 2008. La nouvelle instance devait être introduite au plus tard le 19 juin 2013. La prescription est acquise depuis le 20 juin 2013.

- Les garanties sollicités par les sociétés Prodimo, Jowat, Fuller, Allianz sont prescrites également.

La société Prodimo (distributeur) a formé sa demande en garantie le 19 mai 2016.

Elle soutient à tort que le point de départ serait les conclusions du 13 avril 2015.

Il n'y a eu aucun acte interruptif de prescription entre le 13 janvier 2011, date du dépôt du rapport et le 19 mai 2016.

- Les sociétés Jowat ont formé une demande de garantie le 29 11 2016, la société Fuller le 25 avril 2017, la société Allianz par conclusions du 23 mars 2018. Les demandes sont prescrites.

Sur le fond

Les demandes d'indemnisation formées par le liquidateur sont mal fondées.

Le liquidateur judiciaire ne précise pas la nature exacte des informations qui n'auraient pas été données.

Les panneaux ne présentaient aucun vice. Il n'a jamais été soutenu qu'ils étaient affectés d'un vice caché. L'expert judiciaire n'a pas mis en cause les panneaux.

Le devoir de conseil s'apprécie en tenant compte de la compétence de la société Raud qui avait la maîtrise du processus de fabrication.

La société Raud aurait dû établir un cahier des charges, aurait dû réaliser des tests de compatibilité.

- Il y a concomitance entre le changement de fournisseur de colle en octobre 2005 et l'arrêt des désordres. Ce n'était pas aux fournisseurs de panneaux de donner des conseils sur la colle.

- Le sapiteur a procédé à une répartition temporelle selon la colle employée.

Le préjudice a été évalué de manière hypothétique. L'expert a recouru à une méthode par sondage. Le préjudice résultant d'un manquement à une obligation d'information est une perte de chance. Le sapiteur ne propose aucun pourcentage.

Le liquidateur n'avait pas demandé d'intégrer au préjudice la perte du fonds de commerce.

- Il n'y a pas démonstration d'un lien causal entre la faillite et les fautes prétendues.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions du 7 juin 2021, la société HB Fuller Adhesives France a présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 386 et 392 du Code de Procédure civile, vu les articles 1134, 1147, 1382, 1386-1 et suivants et 2224 du Code civil, applicables aux faits de l'espèce ;

Vu la jurisprudence ; Vu les pièces versées aux débats ;

IL EST DEMANDE A LA COUR DE :

A titre liminaire :

- Constater la transgression du principe du contradictoire ;

- Constater qu'aucun élément nouveau n'étant justifié, ni en fait, ni en droit, rien ne justifie le report de l'ordonnance de clôture ;

- Rejeter des débats les conclusions signifiées le 18 mai 2021 par la SELARL PELLETIER ASSOCIES mandataires judiciaires, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD ;

- Rejeter les conclusions d'appel n°3 des sociétés FINSA FRANCE et I P signifiées le 1 er juin 2021 ;

- Confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a déclaré l'instance périmée et l'action prescrite et déclarer irrecevable l'action de la SELARL PELLETIER ASSOCIES mandataires judiciaires, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD ;

Subsidiairement à titre principal,

- Donner acte de maintien par la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE de son argumentation présentée antérieurement à la clôture intervenue le 20 mai 2021 ;

- Dire et juger que la SELARL PELLETIER ASSOCIES mandataires judiciaires, es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD, ne démontre l'existence d'aucune faute commise par la société FORBO HELMITIN, devenue HB FULLER ADHESIVES FRANCE

- Dire et juger qu'en tout état de cause, le lien de causalité entre la faute éventuelle et le préjudice allégué n'est pas établi ;

- A défaut, dire et juger, que le préjudice prétendument consécutif à l'hypothétique faute alléguée n'est pas déterminé ;

- En conséquence, débouter la SELARL PELLETIER ASSOCIES mandataires judiciaires, es qualité et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, dirigées à l'encontre de la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE ;

- Dire et juger que le préjudice de la société ATELIER RAUD n'est pas causé par les agissements de la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE pour ce qui est du préjudice matériel et n'est ni déterminé ni déterminable dans son principe ni dans son quantum en ce qui concerne le préjudice moral invoqué ;

- Débouter purement et simplement la SELARL PELLETIER de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la concluante ;

A titre très subsidiaire,

- Limiter la responsabilité de la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE à un montant qui ne saurait excéder la somme de 17.340 ' ;

- Condamner in solidum les sociétés FINSA FRANCE et I P à garantir la société HB FULLER de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- Recevoir la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE dans son appel en garantie à l'encontre de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, assureur en responsabilité civile professionnelle ;

- Donner acte à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE de ce qu'elle s'engage à garantir et relever indemne la société HB FULLER de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, sans opposer d'exclusion de garantie ;

- Dire que la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE sera tenue de garantir la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE de toutes les condamnations qui pourraient être retenues à son encontre dans le cadre de la procédure d'appel initiée par la SELARL PELLETIER ASSOCIES mandataires judiciaires, liquidateur de la société ATELIERS RAUD En tout état de cause,

- Condamner l'appelant à régler à la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE la somme de 20 000,00 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE à payer à la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE à prendre en charge les entiers dépens.

- Condamner toute partie succombante aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Fuller soutient notamment que

- La société Forbo Helmitin a été absorbée par la société HB Fuller Adhesives France, a fourni la société Raud entre janvier 2001 et octobre 2002.

- Seul un des sept lots examinés par l'expert judiciaire la concerne.

- C'est la société Raud qui a modifié la mise en oeuvre. Un colle mono composant est plus aisée à appliquer, évite les mélanges.

- La péremption est acquise. Elle a continué de courir durant les opérations d'expertise.

- Les deux rapports relèvent de procédures distinctes et autonomes

- Subsidiairement, la société Fuller n'a pas engagé sa responsabilité.

- Le reproche qui lui est fait est limité au défaut de conseil. La société Raud reconnaît en fait que les produits livrés ne sont pas critiquables.

- L'acheteur est un professionnel. Il devait s'informer, faire les essais nécessaires.

- La société Fuller a renseigné son client comme l'établit la fiche technique. Elle a immédiatement averti lorsqu'elle a eu connaissance de problèmes.

- La société Forbo Helmitin avait préconisé des essais. La fiche technique recommandait une réalisation systématique d'essai préalable.

- La société Raud a été négligente. Il est surprenant de constater que 2 colles différentes produisent les mêmes effets. La cause des désordres est à rechercher ailleurs.

- La société Raud a changé de méthode de pressage en juin 2004. Les réclamations portent sur des panneaux fabriqués en 2004.

- La cour ne dispose d'aucun élément permettant de statuer sur la part de préjudice qui serait imputable à une faute de la société Fuller. Le lien causal entre la faute et le préjudice n'est pas démontré. Le préjudice est indéterminé, s'élève au maximum à 17 340 euros.

- Subsidiairement, elle demande à être garantie par les sociétés fabricants de panneaux, par son assureur, la société Allianz.

- La société Allianz est son assureur RC. Elle ne s'est jamais engagée par écrit à indemniser son assuré, ce qui justifiait un appel en garantie.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 18 mai 2021, la société Allianz, assureur de la société Fuller, a présenté les demandes suivantes :

Vu l'article L.112-6 du code des assurances, l'article 1134 de l'ancien code civil

Vu les articles 386 et suivants du code de procédure civile,

A TITRE LIMINAIRE :

- CONFIRMER la décision du Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON du 24 septembre 2019 en ce qu'elle a :

- déclaré l'instance diligentée par la Maître PELLETIER ès qualité de mandataire liquidateur de la société ATELIERS RAUD, périmée et éteinte ;

- débouté la société HB FULLER ADHESIVES France de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société ALLIANZ ;

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la Société ATELIERS RAUD la somme de 1 000 au bénéfice de la société ALLIANZ titre de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Y AJOUTANT :

- CONDAMNER toutes parties succombantes, in solidum, à régler à la compagnie ALLIANZ la somme de 20 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, outre aux entiers dépens ;

SUBSIDIAIREMENT A TITRE PRINCIPAL

- DEBOUTER Maître PELLETIER es qualité de liquidateur de la société ATELIERS RAUD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, dirigées à l'encontre de la société FORBO HELMITIN devenue HB FULLER ADHESIVES France, en ce qu'il ne démontre l'existence d'aucune faute commise par cette dernière, en ce que le lien de causalité entre la faute éventuelle et le préjudice allégué n'est pas établie qui ne pourra en tout état de cause que correspondre à une perte de chance laquelle n'est aucunement établie ;

- DEBOUTER toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, dirigées à l'encontre de la société HB FULLER ADHESIVES FRANCE ;

- Par corollaire, DEBOUTER la société HB FULLER ADHESIVES et toute autre partie de l'ensemble de ses demandes, dirigées à l'encontre de la compagnie ALLIANZ ;

- DEBOUTER la société HB FULLER de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la Compagnie ALLIANZ ;

- CONDAMNER toutes parties succombante, in solidum, à régler à la compagnie ALLIANZ la somme de 20.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, outre aux entiers dépens ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- REDUIRE largement à de plus justes proportions les condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre des sociétés HB FULLER ADHESIVES FRANCE et ALLIANZ, ce au regard des arguments développés dans le corps des présentes ;

- CONDAMNER toutes parties succombantes, in solidum, et notamment les sociétés FINSA FRANCE et FINANCIERA MADAREIRA, à garantir et relever intégralement indemne la compagnie ALLIANZ de toute somme qui pourrait être mise à sa charge ;

- LIMITER la garantie de la compagnie ALLIANZ au montant fixé au titre de ses plafonds de garanties et franchises contractuelles en ce qu'elles sont opposables à son assurée ainsi qu'aux tiers (Franchise : 64.516,13 ' par sinistre et par année d'assurance ; Plafond : 645 161) ;

- DECLARER en conséquence sa franchise de 64 516,13 par sinistre et par année d'assurance, et son plafond de garantie de 645 161 opposables tant à son assurée qu'aux tiers ;

- DEBOUTER la société HB FULLER de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la Compagnie ALLIANZ ;

- CONDAMNER toutes parties succombante, in solidum, à régler à la compagnie ALLIANZ la somme de 20 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, outre aux entiers dépens ;

A l'appui de ses prétentions, la société Allianz soutient notamment que :

- L'instance est périmée. L'expert judiciaire était dessaisi par le dépôt de son rapport le 18 janvier 2011. Les conclusions du sapiteur devraient être considérées comme n'ayant jamais existé puisque déposées après la clôture des opérations d'expertise.

- L'ordonnance du 11 mai 2020 a désigné M. F comme expert sapiteur devant assister l'expert judiciaire dans son évaluation financière.

- L'assurée, la société Fuller a déclaré un sinistre dès 2007. La société Allianz n'a jamais dénié sa garantie. Elle a eu la direction du procès durant des années.

Elle a défendu son assurée durant des années jusqu'à ce que la société Fuller fasse le choix d'un conseil propre. Si l'assurée était condamnée, elle la garantirait.

- Subsidiairement, elle conclut au rejet des demandes formées contre son assurée.

Elle relève l'absence de faute, la non-démonstration d'un lien causal entre une faute et le préjudice de la société Raud.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 21 avril 2021, les sociétés Jowat SE et Jowat France ont présenté les demandes suivantes :

Il est demandé à la Cour d'Appel de Poitiers de :

à titre subsidiaire,

- DEBOUTER la SELARL PELLETIER de l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de La Roche Sur Yon le 21 septembre 2019 et donc de,

- CONFIRMER ce jugement en ce qu'il a constaté la péremption et donc l'extinction de l'instance et, par voie de conséquence, de :

- CONSTATER que la SELARL PELLETIER était prescrite lorsqu'elle a déposé ses conclusions de réinscription au rôle le 13 avril 2015.

À titre subsidiaire, dans le cas où, par extraordinaire, où la Cour de céans entendrait faire droit à l'appel interjeté par la SELARL PELLETIER :

De première part :

- CONSTATER que la société JOWAT FRANCE n'est aucunement concernée par le présent litige,

- DÉBOUTER la SELARL PELLETIER de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

De seconde part :

- CONSTATER que l'expert judiciaire n'établit aucun lien de causalité entre les colles et les désordres litigieux,

- CONSTATER que c'est à tort que l'expert judiciaire a cru devoir observer que les fournisseurs de colle n'auraient pas conseillé à la société ATELIERS RAUD d'effectuer des essais de collage,

- CONSTATER que l'expert judiciaire n'a aucunement reproché aux fournisseurs de colle et, en particulier à la société JOWAT SE d'avoir manqué d'informer la société ATELIERS RAUD de l'existence d'un risque de décollement,

- DÉBOUTER la SELARL PELLETIER de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

À titre infiniment subsidiaire,

- DÉBOUTER la SELARL PELLETIER de sa demande au titre du poste de préjudice tiré de la perte de son fonds de commerce non allégué par la société ATELIERS RAUD,

- DÉBOUTER la SELARL PELLETIER pour moitié de sa demande au titre des postes de préjudice tirés des frais de licenciement, frais de justice hors article 700 NCPC et du préjudice commercial allégués par la société ATELIERS RAUD,

À titre plus infiniment subsidiaire,

- CONSTATER que la SELARL PELLETIER ne saurait faire état que d'une perte de chance qui ne saurait être évaluée qu'à un pourcentage nul ou tendant vers zéro,

Par voie de conséquence,

- DÉBOUTER la SELARL PELLETIER de sa demande pour le surplus,

À titre encore plus infiniment subsidiaire,

- CONSTATER que M. F, dans son rapport, a estimé que 28,73 % des désordres se seraient produits alors que la colle K (HB FULLER) était employée et 77,27 % alors que la colle JOWAT (JOWAT SE) était employée.

Par voie de conséquence

- JUGER que la société JOWAT SE ne sauraient être tenue au plus qu'à concurrence de 71,27 % de la demande formée par la SELARL PELLETIER, à titre toujours plus infiniment subsidiaire, dans le cas où, par extraordinaire, la Cour de céans entendrait entrer en voie de condamnation à l'encontre des sociétés JOWAT FRANCE et/ou JOWAT SE

- CONDAMNER les sociétés FINSA FRANCE et I P, sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil, à les garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

En toute hypothèse,

- CONDAMNER toute partie succombante à l'instance à payer aux sociétés JOWAT FRANCE et JOWAT SE une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER toute partie succombante à l'instance aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les sociétés Jowat SE et Jowat France soutiennent notamment que :

- La société Jowat France Sarl n'est pas concernée par la procédure.

La société Raud achetait à la société Prodimo qui passait commande à la société Jowat AG aux droits de laquelle vient la société Jowat SE. La société Jowat SE est fabricant, non fournisseur.

- L'action est périmée et prescrite.

- Elle a toujours reconnu avoir fabriqué la colle Jowapur fournie par la société Prodimo à la société Raud . La société Prodimo est vendeur et cocontractant direct.

- Lorsqu'elle est intervenue sur site, c'est à la demande de la société Prodimo.

- L'expert n'a trouvé aucun défaut aux colles, a indiqué que les colles étaient compatibles avec les supports PVC et MDF.

- Le sapiteur, M. F, a été destinataire des justificatifs d'essais en mai, octobre 2002, avril 2004.

- L'expert a éliminé à tort comme cause possible le grammage de colle insuffisant. C'est une cause fréquente de désordre.

- La société Jowat n'a pas manqué à son obligation de conseil.

- La notice d'utilisation de la colle prescrivait des essais préalables, des essais réitérés à chaque modification. Il est impératif que l'utilisateur fasse ses propres essais. L'essai est indispensable. - Au final, on ignore la ou les cause (s) de la migration des composés hydrophobes dans le joint de colle.

- Subsidiairement, les préjudices sont injustifiés.

- Elle demande à être garantie par les sociétés qui ont fabriqué les panneaux.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 25 mars 2020, la société Prodimo a présenté les demandes suivantes :

Il est demandé à la Cour de :

Déclarer la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES MANDATAIRES JUDICIAIRES es qualité mal fondée en son appel ;

A titre principal de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé périmée l'instance

- débouter en conséquence purement et simplement la SELARL PELLETIERS ET ASSOCIES des demandes formulées à l'encontre de la société PRODIMO.

- condamner la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES à payer à la société PRODIMO une somme de 8000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre subsidiaire de :

- juger que la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES es qualité ne rapporte pas la preuve d'une faute qui aurait été commise par la société PRODIMO et qui serait en lien avec les préjudices invoqués

- débouter en conséquence purement et simplement la SELARL PELLETIERS ET ASSOCIES es qualité des demandes formulées à l'encontre de la société PRODIMO.

- condamner la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES es qualité à payer à la société PRODIMO une somme de 8000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre infiniment subsidiaire de :

- dire et juger que la responsabilité des désordres invoqués incombe à la société ATELIERS RAUD elle-même, ainsi qu'à la société FINSA France et à la société FINANCIERA MADERERA

- condamner in solidum la société FINSA France, la société FINANCIERA MADERERA, la société JOWAT France et la société JOWAT AG à relever et garantir indemne de toute condamnation la société PRODIMO.

- condamner toute partie succombante, in solidum, au paiement d'une une somme de 8 000 sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société Prodimo soutient notamment que :

- La péremption est acquise.

- Subsidiairement, le fondement juridique de l'action est la responsabilité contractuelle.

- La société Raud ne fait pas la preuve d'une faute de la société Prodimo.

- L'expert judiciaire ne l ' a pas trouvée, pas plus que le défaut intrinsèque de la colle mono composant, ni l'inadaptation de la colle à l'application.

- L'expert judiciaire a curieusement déposé son rapport avant celui du sapiteur et sans avoir tous les éléments.

- La société Prodimo a, en professionnel diligent, accompagné sa cliente, l'a suivie, était en lien avec le fabricant.

- La société Prodimo a fourni une colle adaptée recommandée à l'usage.

- La colle était conforme à la commande, ne souffrait d'aucun vice caché.

- Les notices remises appelaient l'attention sur l'importance des essais avant toute application industrielle.

- Subsidiairement, le manquement au devoir d'information et de conseil vise les fabricants de colle sans ventilation entre les fabricants des préjudices.

- Les dommages sont imputables en fait à la société Raud et à son fournisseur de panneaux.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 juin 2021.

SUR CE

- sur la recevabilité des conclusions déposées par Maître Pelletier le 18 mai 2021, par les sociétés

Finsa France et I P le 1er juin 2021

La société Fuller conteste en fait la révocation de l'ordonnance de clôture qui avait été fixée au 20 mai 2021.

Cette révocation a été ordonnée à la demande des sociétés Finsa France et I P qui n'avaient pas été en mesure de transmettre leurs conclusions sur RPVA pour des raisons techniques avant le 20 mai 2021, date de clôture initiale.

La date de l'ordonnance de clôture ayant été reportée au 10 juin 2021, la société Fuller a été en mesure de prendre utilement connaissance, analyser les dernières conclusions de Maître Pelletier et des sociétés Finsa France et I P déposées respectivement les 18 mai et 1 er juin 2021 et notifier de nouvelles conclusions le 7 juin 2021, conclusions dont elle précise qu'elles sont identiques sur le fond à celles qu'elle avait notifiées précédemment.

La société Fuller sera donc déboutée de ses demandes d'irrecevabilité des dernières conclusions déposées par Maître Pelletier es qualité et par les sociétés Finsa France et Financiera Madera.

- sur la mise hors de cause de la société Jowat France

Les sociétés Jowat font valoir que le fabricant de la colle litigieuse est la société Jowat AG aux droits de laquelle vient la société Jowat SE, que la SARL Jowat France, distributeur, n'a jamais eu de lien contractuel avec la société Raud.

Maître Pelletier en qualité de liquidateur judiciaire de la société Raud n'a pas contesté ce point, qui est avéré.

Il convient en conséquence de mettre hors de cause la SARL Jowat France.

- sur la péremption de l'instance

L'article 386 du code de procédure civile dispose que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Selon l'article 392, l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.

Ce délai continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

La diligence interruptive établit la volonté du plaideur de poursuivre la procédure, est en outre de nature à faire avancer, progresser l'affaire ou lui donner une impulsion processuelle.

La diligence interruptive doit émaner des parties. Les diligences de l'une quelconque des parties interrompent le délai de péremption.

L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Selon l'article 379 du même code, « A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu un nouveau sursis. »

En l'espèce, il est constant que les sursis à statuer prononcés par le tribunal les 27 mars 2007, 29 janvier 2008, 24 juin 2008 ont suspendu le cours des instances jointes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

Les parties s'opposent sur la date de dépôt du rapport.

La société Raud représentée par son liquidateur judiciaire estime que la date qui doit être retenue est celle du 27 août 2013 correspondant au dépôt du rapport du sapiteur, M. G

Les intimées considèrent que la date pertinente est celle du 13 janvier 2011 correspondant au dépôt du rapport de l'expert judiciaire, Mme E

L'expert judiciaire avait notamment comme mission de fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis.

L'ordonnance du 10 mai 2010 désignant M. F en qualité de sapiteur indiquait qu'il devrait se mettre en rapport avec Mme D afin de déposer un seul rapport, réunissant les travaux de l'expert et ceux du sapiteur.

Si les jugements qui ont sursis à statuer font clairement référence au dépôt du seul rapport de l'expert judiciaire, il résulte des pièces produites que l'expert judiciaire avait demandé la désignation d'un sapiteur estimant ne pouvoir répondre aux questions portant sur l'évaluation des préjudices financiers, demande qui a été acceptée par les parties, que le sapiteur 'financier' a été désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce du 10 mai 2010, ordonnance postérieure aux jugements qui avaient prononcé le sursis à statuer.

L'expert judiciaire, Mme D, a pris l'initiative de déposer son rapport portant sur les questions techniques sans attendre que le sapiteur ait achevé sa mission.

Cette initiative, bien que contraire à ce qui lui avait été expressément demandé, n'a pas fait l'objet de réelles contestations de la part des parties qui ont participé aux opérations d'expertise organisées par le sapiteur, lui ont transmis des pièces, envoyé des dires.

La mission d'expertise n'a donc été achevée qu'après le dépôt du rapport de M. F le 27 août 2013.

Le certificat de dépôt du rapport d'expertise n'a d'ailleurs été établi par le greffier du tribunal de commerce que le 17 octobre 2013 alors même que l'expert judiciaire avait déposé son rapport le 18 janvier 2011.

Il en résulte que l'instance n'était pas périmée le 13 avril 2015, date à laquelle Maître Pelletier a pris des conclusions au fond.

Elle l'est d'autant moins à suivre même les intimées dans leur raisonnement que la cour constate, ainsi que le rappelle Maître Pelletier, l'existence de nombreuses diligences interruptives de péremption émanant des parties entre le 13 janvier 2011 et le 13 avril 2015, et notamment

- dire de Maître Migné, conseil de la société Raud du 11 septembre 2012 adressé au sapiteur

- courrier de Maître Migné du 11 septembre 2012 relatif à la poursuite des opérations, à un accord sur une consignation complémentaire.

- dire de Maître Migné du 7 janvier 2013 communicant des comptes relatifs à l'exercice 2009-2010,

- courrier de Maître Cornet, conseil de la société IRM du 26 avril 2013 transmettant des pièces justificatives complémentaires,

- dire du 30 mai 2013 de Maître Reinhardt, avocat de la société Jowat communiquant une note d'analyse du cabinet CPA,

- réunion d'expertise du 24 juillet 2013

Au regard de ces diligences exprimant sans équivoque possible la volonté des parties de poursuivre l'instance, de la faire avancer en apportant les éléments d'information nécessaires, la péremption ne pouvait être acquise au 13 avril 2015.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré l'instance périmée.

- sur la prescription des actions

Les sociétés Finsa et I P et Jowat estiment que l'action est prescrite, que la société Raud aurait dû introduire son action avant le 19 juin 2013 compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2018 portant réforme de la prescription.

La société Raud fait valoir que l'instance initiale était en cours, que le sursis à statuer prononcé le 24 juin 2008 jusqu'au dépôt du rapport d'expertise a suspendu le délai de prescription.

L'action a été engagée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

L'article 26- II de la loi précitée prévoit : Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Le délai de prescription applicable entre commerçants et entre commerçants et non commerçants fondée sur la non conformité des matériaux ou le manquement au devoir d'information et de conseil, fondements juridiques des demandes formée par la société Raud court à compter de la livraison des matériaux.

Selon l'ancien article 2244 du code civil, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir.

Selon l'ancien article 2247 du code civil, si l'assignation est nulle par défaut de forme, si le demandeur se désiste de sa demande, s'il laisse périmer l'instance, ou si sa demande est rejetée, l'interruption est regardée comme non avenue.

L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Les sociétés Finsa et I P sont des fabricants de panneaux.

Les livraisons ont perduré jusqu'en septembre 2006.

La société Raud les a assignées les 31 juillet, 23 août 2007, a visé les factures émises entre les 29 janvier 2002 et 15 septembre 2006 aux fins de leur voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise, surseoir au fond.

La société Jowat est fabricant de colle.

Les commandes ont été réalisées entre octobre 2002 et octobre 2005.

La société Raud a assigné les sociétés Jowat les 2 et 22 août 2007 aux fins de leur voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise, surseoir au fond.

Il résulte des éléments précités que les assignations délivrées les 31 juillet, 23 août 2007, 2 et 22 août 2007 ont valablement interrompu la prescription alors décennale à l'égard des sociétés Finsa France, I P, Jowat.

La prescription a ensuite été suspendue du fait du jugement avant dire droit du 29 janvier 2008, jugement qui a étendu les opérations d'expertise aux sociétés précitées et sursis à statuer sur les demandes.

La suspension de la prescription s'est poursuivie jusqu'au dépôt du rapport d'expertise le 27 août 2013.

L'action n'était donc pas prescrite lorsque Maître Pelletier a pris ses conclusions au fond de reprise d'instance le 13 avril 2015.

Les sociétés Finsa , I P, Jowat seront donc déboutées de leur fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action.

- sur les désordres

L'expert judiciaire a examiné des panneaux qui avaient été fabriqués et commercialisés par la société Raud en 2003, 2004.

Mme D confirme que les panneaux fabriqués avec une colle polyuréthane mono composant présentent des décollements généralisés, concernent entre 70 et 100 % des panneaux usinés.

Elle précise que les désordres ont été observés 4 à 5 ans après la fabrication des panneaux, les premiers défauts apparaissant 1 et 2 ans après la pose.

La plupart des panneaux examinés ont été réalisés avec la colle Jowat. Un seul panneau a été fabriqué avec la colle K.

Les décollements sont généralisés sur les façades et chants des panneaux.

La rupture a lieu dans le joint de colle. Le seul remède est le remplacement des panneaux défectueux.

Ces types de décollement sont apparus chez plusieurs fabricants de panneaux thermoformés en 2002 et 2003. Le décollement s'est produit malgré l'utilisation de colles différentes.

L'expert indique avoir envisagé plusieurs hypothèses : inadaptation de la colle, process de fabrication non maîtrisé, dégradation de la colle avec le temps liée à la migration de constituants du MDF dans le joint de colle.

Mme D a retenu en fin de compte la troisième cause ; les investigations ayant mis en évidence la présence de composés hydrofuges présents dans le MDF (paraffine) et migrant dans le joint de colle.

Les défauts de collage PVC sur MDF sont liés à la dégradation du collage par les composés hydrofuges présents dans le MDF et migrant dans le film de colle.

Il était demandé à l'expert d'apporter des éléments techniques pour permettre de déterminer les responsabilités encourues.

L'expert indique que les colles mono composant fabriquées par les sociétés Forbo et Jowat sont compatibles avec l'application collage 3D de PVC et MDF.

Elle conclut l'expertise en rappelant que quelle que soit l'application, la qualité d'un collage dépend d'un très grand nombre de paramètres, soulignait l'importance et la nécessité des essais.

- sur les obligations des fabricants et des vendeurs

La société Raud reproche aux fabricants des panneaux, des colles, au vendeur de colle un manquement à leurs obligations d'information, de conseil.

Vendeurs et fabricants ont des obligations spéciales de suivi, doivent suivre leur produit, réagir s'il se révèle défectueux soit en le retirant du marché, soit en le modifiant.

L'obligation de délivrance du vendeur inclut des accessoires intellectuels, des prestations de services notamment lorsque le produit vendu est un appareil technique complexe.

Le vendeur a une obligation de renseignement, d'information, obligation qui peut se poursuivre après la conclusion du contrat.

L'obligation d'information est de résultat quant à son existence, de moyens quant à la teneur de l'information et à sa compréhension par son bénéficiaire.

L'intensité de l'obligation de renseignement ou d'information varie selon la qualité du vendeur et de l'acquéreur.

Les fabricants ou vendeurs professionnels spécialisés devant avoir la maîtrise de la chose sont tenus de donner à l'acquéreur toutes les précisions indispensables et utiles pour l'usage de la chose vendue.

Ce devoir leur incombe pareillement lorsque le client est un professionnel dès lors qu'il se trouve hors du domaine de sa compétence ou en dehors du domaine de sa maîtrise technique.

Certaines circonstances renforcent la nécessité de l'information lorsque l'objet vendu est nouveau, la chose vendue est dangereuse, complexe, présente des incompatibilités et des contre-indications.

Face à un partenaire compétent, l'obligation d'information se relâche.

L'ignorance de l'acquéreur doit être légitime. Le client doit se renseigner, ne peut ignorer le risque qu'il U lorsqu'il méconnaît les recommandations données.

1) - sur les fautes prêtées aux sociétés Finsa, Madereira fabricant de panneaux MDF

La société Raud soutient que le fabricant aurait dû l'informer de ce que les panneaux étaient défectueux, ce que le fabricant savait depuis 2002 au minimum.

Elle lui reproche d'avoir continué de lui livrer des produits qu'il savait inadaptés, de n'avoir pas mis en oeuvre une action préventive.

Elle fait valoir qu'un nouveau panneau a été développé en 2007, panneau contenant une moindre quantité de paraffine.

La société Raud se prévaut en particulier d'une analyse réalisée par un laboratoire allemand transmise à la société Forbo Helmitin le 11 février 2002, étude qui fait référence à un décollement de panneaux vendus par la société Raud.

Cette étude indique que le décollement du film est facile à constater, mais très délicat à expliquer, que les premiers décollages se sont produits en mai, juin 2000 dans le monde entier, que tous les fabricants de films, les fournisseurs de colle sont avertis, que toutes les technologies et systèmes de presse connus constatent le même phénomène de décollage.

Selon le laboratoire, l'origine des décollages de films n'a pu être déterminée.

Il estime que la cause ne peut venir du film car les décollages sont constatés sur tous les types de films, ni de la colle car tous les fabricants de colle sont touchés.

« En fin de compte, il reste le MDF. Avec un peu de recul et de souvenir, nous avons tous encore en mémoire qu'à partir de fin 1997 et surtout sur toute l'année 1998 une importante pénurie de MDF avait marqué le marché mondial. Le marché de MDF avait une demande plus importante que ce que les fabricants de MDF étaient en mesure de produire et de livrer.

Il est possible que le MDF produit ait été utilisé dans un état trop frais et que dans ce cas il ya aurait eu une éventuelle migration d'un ingrédient du MDF. »

Le laboratoire ajoutait : « Mais que pouvons-nous reproduire et analyser sur des façades de cuisine de plus de 3 ans d'âge. Nous ne voyons malheureusement là aucune possibilité scientifique permettant de le faire d'une façon précise. »

Cette étude émane donc d'un laboratoire allemand qui a été consulté par la société Forbo devenue la société Fuller et non par la société Finsa.

Elle envisage certes la mise en cause du MDF qui aurait été utilisé alors qu'il était trop frais. Cette explication reste cependant de l'ordre de l'hypothèse non vérifiée.

Les livraisons visées par l'assignation délivrée par la société Raud à l'encontre du fabricant de panneaux MDF se sont échelonnées entre 2002 et 2006.

La société Raud ne démontre pas que la pénurie constatée en 1997, 1998 se soit poursuivie ultérieurement alors que c'est cette pénurie qui aurait pu expliquer l'emploi de MDF « trop frais ».

La société Raud estime en outre que le taux de paraffine présent dans les panneaux MDF était excessif, fait valoir que l'expert judiciaire impute la dégradation du collage aux composés hydrofuges (paraffine notamment) présents dans le MDF et migrant dans le film de colle.

Force est de constater que l'analyse de l'expert judiciaire est différente.

Mme D rappelle que la présence de paraffine et de composés hydrophobes est un constituant inévitable des panneaux MDF, fait connu de tous.

Elle précise que ce constituant permet d'assurer la stabilité dimensionnelle des panneaux, leur tenue vis à vis de l'humidité.

Si l'expert a effectivement relevé un taux relativement élevé de paraffines dans les panneaux présentant des défauts, précise que le taux analysé (entre 2,5 et 3% m/m) est supérieur au taux annoncé par la société Finsa (0,4%), elle ne conclut pas à la défectuosité du MDF.

L'expert ajoute en réponse à un dire de la société Raud sur la quantité d'alcanes que les taux obtenus correspondent à la paraffine ajoutée mais aussi aux substances hydrophobes naturellement présentes dans le bois.

Il n'est donc pas étonnant de trouver par extraction un taux plus élevé que celui communiqué par le fabricant, précise l'expert.

L'expert relève en outre que la société Raud n'a jamais demandé à son fabricant de MDF d'appliquer une norme spécifique s'agissant des composés hydrophobes.

Il est constant que l'expert judiciaire a expliqué les décollements de panneaux par la migration d'une partie de la paraffine dans le joint de colle.

Il n'a pas été en revanche possible d'expliquer les causes précises de cette migration.

Si les pièces produites démontrent effectivement que des décollements ont été connus et analysés à compter de 2001, en particulier par les fabricants de colle qui ont réalisé des essais, des études, ils n'ont pu identifier les causes précises du phénomène.

Aucune des pièces produites ne démontre que les fabricants des panneaux MDF aient connu la cause des décollements, aient su entre 2002 et 2006 que leurs panneaux étaient défectueux.

Le fait qu'en 2007, un panneau différent intégrant moins de paraffine ait été mis au point ne démontre pas la défectuosité des panneaux vendus antérieurement, ni la connaissance de cette défectuosité à la date des ventes.

La société Raud sera donc déboutée de ses demandes dirigées contre les sociétés Finsa et Financeira Madera, le défaut d'information et de conseil allégué n'étant pas démontré.

2) sur la faute des fabricants (sociétés Fuller, Jowat), vendeur (société Prodimo) de colle

La société Raud reproche aux sociétés Fuller, fabricant vendeur, Jowat, fabricant, Prodimo, vendeur d'avoir eu connaissance des désordres depuis 2001, d'avoir continué à la fournir en colle, d'avoir manqué à leurs obligations d'information et de conseil.

Elle soutient qu 'il est « clairement établi que dès 2001, les fabricants de colle étaient informés des désordres et avaient plus ou moins identifié la cause du décollement. »

Elle estime que les fabricants fournisseurs ne lui ont pas donné les renseignements nécessaires, ne l'ont pas informée des risques encourus.

Elle considère qu'ils auraient dû lui conseiller de continuer d'utiliser la colle bi composant, proposer des alternatives.

Elle soutient enfin que les essais nécessaires, en dépit de ce que l'expert judiciaire a indiqué, ont été faits, que l'expertise a démontré sa maîtrise du process de production.

Les pièces produites démontrent que le phénomène de décollement était effectivement connu depuis 2001, mais que ses causes, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, n'étaient pas établies.

Les sociétés Fuller et Jowat, fabricants des deux colles successivement utilisées font valoir à juste titre que l'expertise judiciaire, comme les études antérieures réalisées n'ont pas permis d'identifier les causes de la migration dans le joint de colle, que l'expertise ne met pas en cause les colles.

Mme D a en effet expressément indiqué que les colles polyurethanes mono composant en dispersion aqueuse fournies par les sociétés Fuller et Jowat étaient compatibles avec l'application du collage 3D de PVC et MDF, bien que l'apparition de défauts coïncide avec le changement de type de colle.

Elle a exclu toute interaction entre les colles et le PVC ou le MDF pouvant entraîner la dégradation de la colle.

La société Raud se prévaut pour l'essentiel de deux réflexions faites par Mme E

L'expert judiciaire a indiqué :

-(page 54): « Il est exact que les fournisseurs de colle n'ont pas eu une activité de conseil importante. »

-(page 58). « Les deux fournisseurs de colle n'ont pas non plus communiqué sur la nécessité de faire des essais préalables à une utilisation en production. »

Elle concluait : « Quelle que soit l'application, la qualité d'un collage dépend d'un très grand nombre de paramètres comme, par exemple, la nature des substrats, les traitements de surface éventuels, la colle, le procédé de mise en oeuvre.

De ce fait, il n'est pas possible de préjuger de la qualité d'un collage sans réaliser des essais : propriétés mécaniques à l'état initial, essais de durabilité. »

Il résulte donc de cette conclusion que l'insuffisance d'essais du point de vue de l'expert peut expliquer l'importance des désordres constatés.

Les sociétés Fuller, Jowat, Prodimo contestent formellement les conclusions de l'expert s'agissant d'un défaut d'information quant à la nécessité d'essais préalables.

Il est constant que le dépôt prématuré par l'expert judiciaire de son rapport technique a privé les parties de la faculté de lui transmettre de nouveaux dires et pièces.

Il résulte de la notice technique de la colle 34 410 NV fabriquée par la société Forbo Helmitin qu'elle indique : « Vu la diversité de matériaux actuellement sur le marché, nous vous recommandons la réalisation systématique d'essais préalables. »

La notice technique de la colle Jowapur 150.50, les conditions générales de vente de la société Jowat prévoient quant à elles :

« Important : les indications contenues dans la présente notice résultent d'essais effectués en laboratoire. Etant donné la diversité des équipements et des conditions locales d'application, nous conseillons toujours des essais avant toute application industrielle, afin de s'assurer que le produit est exactement adapté à l'utilisation envisagée ».

« Il est impératif que l'utilisateur fasse ses propres essais afin d'établir, dans chaque cas, si l'adhésion proposée convient à l'usage entendu. Ceci est valable pour le premier échantillon fourni et pour toute modification intervenant dans la production habituelle.

La société Jowat rappelle à juste titre qu'elle est fabricant, n'avait pas de rapport contractuel direct avec la société Raud qui achetait la colle à la société Prodimo, société qui lui a remis des fiches techniques explicites, et qui a assuré l'accompagnement.

Elle justifie que la première commande date du 18 septembre 2002, qu'elle a été précédée d'essais chez la société Raud avec ses équipements en juillet et septembre 2002.

Elle précise aussi que les tests standard qui ont été réalisés ne permettaient pas de détecter le phénomène de décollement.

La société Prodimo justifie quant à elle d'un accompagnement du client et de la réalisation de nombreux essais techniques.

Elle démontre avoir réalisé des tests en juillet, octobre, décembre 2002, fait faire l'analyse des tests, transmis les résultats. Les tests imputaient alors le décollement à un manque de colle.

Cet accompagnement s'est poursuivi dans le temps ainsi qu'il résulte du courrier du 30 mars 2004 adressé par la société Prodimo à la société Raud. Elle annonce que suite à la visite de son technicien, des panneaux prélevés ont été transmis au laboratoire ainsi que deux bidons de colle aux fins d'analyse.

« Nous accordons aux questions posées toute l'importance qu'elles soulèvent.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informé des résultats des tests effectués et de toutes les informations utiles qui nous seront communiquées à cet égard.

Nous avons bien noté de vous communiquer avec chaque expédition un certificat d'analyse des numéros de lot de fabrication correspondants.

Vous trouverez ci joint la dernière version de la fiche technique de la colle 150,50. »

Le 3 juin 2004, la société Prodimo envoyait à la société Raud une documentation technique sur les collages sur presse avec des colles en émulsion et un rapport d'essais effectués sur les premières pièces réalisées sur votre presse.

Force est de constater que l'accompagnement, le conseil, le suivi des techniciens des sociétés Jowat et Prodimo sont largement démontrés par les pièces produites.

La société Fuller, qui a vendu de la colle à la société Raud entre février 2001 et octobre 2002, ne démontre pas avoir réalisé des essais, mais justifie avoir averti son client de leur nécessité, avoir fait réaliser des études afin d'identifier les causes possibles des désordres, avoir communiqué ces études à ses clients dont la société Raud.

Il ne peut être fait grief aux fabricants de colle de n'avoir pas conseillé le retour à la colle antérieure dès lors que les désordres se sont produits en fait tant avec les colles bi composant que les colles mono composant, que les désordres ont cessé en octobre 2005 alors qu'était utilisée une troisième colle mono composant, que l'imputabilité des colles aux désordres n'a jamais été démontrée de manière certaine.

L'expert judiciaire a relevé, en revanche, que la société Raud ne justifiait d'aucun essai propre en dépit des changements substantiels réalisés sur la période, changements affectant non seulement la colle (bi composant à mono composant, changement de colle mono composant), le type de presse (passage de la presse à membrane au pressage sous air), la ligne de production : passage de l'encollage manuel par pulvérisation à l'encollage automatique sur ligne de collage automatisée, passage au pressage sous air sur ligne de collage automatisée, changements qui sont inventoriés dans un tableau récapitulatif ( page 33 du rapport) .

L'expert indique que le passage d'un adhésif bi composant à mono composant a changé les méthodes de travail, nécessitait un contrôle du process plus rigoureux, relève que l'installation postérieure d'une chaîne automatisée de collage a permis de fiabiliser le process de manière importante.

L'expert précise que lorsque les panneaux défectueux ont été fabriqués, il n'y avait pas de contrôle rigoureux du grammage, rappelle qu'avant juin 2004, l'encollage était réalisé manuellement avec un passage sur les faces, deux passages sur les chants, que le grammage ne pouvait être contrôlé et pouvait dépendre de l'opérateur.

Si l'expert indique qu'actuellement, les panneaux sont réalisés selon les règles de l'art, elle indique aussi que le process de fabrication a grandement évolué depuis la fabrication des panneaux défectueux (meilleure connaissance des process, mise en place de nombreux contrôles (grammage, température de presse). Elle précise qu'il est de ce fait difficile de faire un parallèle entre les fabrications de 2003 et les fabrications actuelles.

L'expert qualifie d'étonnant l'absence d'essai réalisé par les ateliers Raud lors du passage de l'adhésif bi composant à l'adhésif mono composant, essais portant sur les propriétés initiales des panneaux, sur la durabilité des collages.

Force est de relever que la société Raud, bien qu'elle conteste ces conclusions n'a justifié ni en cours d'expertise, ni devant la cour d'aucun essai propre.

Les seuls essais qui ont été réalisés ont été effectués par ses co contractants, ce qui était manifestement insuffisant.

Les pièces produites ne permettent donc pas de caractériser un défaut d'information et de conseil imputable aux fabricants de colle, ni aux vendeurs.

La société Raud dont le sapiteur rappelle que les ventes s'élevaient à 4 690 K euros en 2007, que le résultat annuel moyen 1999-2003 était de 187 K euros n'était pas une petite entreprise sans compétences techniques ni personnel spécialisé, mais une société spécialisée dans la fabrication de portes associant panneaux colle et film PVC réalisant un chiffre d'affaires important, intervenant dans un domaine de compétence connexe de celui des fabricants de panneaux et de colle.

Les pièces produites démontrent que les conseils utiles, nécessaires avaient été donnés s'agissant tout particulièrement du caractère indispensable d'essais préalables, essais qui devaient être réitérés à chaque modification du process de production.

La société Raud n'a pas démontré les avoir suivis en dépit des modifications réalisées.

La société Raud sera donc déboutée de ses demandes d'indemnisation dirigées contre les sociétés Fuller, Jowat, Prodimo, les fautes alléguées n'étant pas démontrées.

- sur les autres demandes

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...). »

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de l'appelante.

Il est équitable de condamner l'appelante à payer aux intimées la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Fuller n'a pas démontré la nécessité d'assigner en garantie son assureur, la société Allianz. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure dirigée contre celle-ci.

PAR CES MOTIFS statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort dans les limites de l'appel interjeté

- met hors de cause la SARL Jowat France

- déboute la société Fuller de ses demandes d'irrecevabilité des conclusions déposées le18 mai 2021 par la société Atelier Raud représentée par Maître Pelletier en qualité de liquidateur judiciaire de la société, le 1 er juin 2021 par les sociétés Finsa France et I P

- infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé au passif de la Liquidation Judiciaire de la Société ATELIERS RAUD AGENCEMENT D'INTERIEURS les sommes suivantes au titre de l'indemnité fondée sur l'Article 700 du Code de Procédure Civile :

- QUATRE MILLE EUROS (4 000,00) pour les Sociétés FINSA FRANCE et I P,

- QUATRE MILLE EUROS (4 000,00) pour les Société JOWAT FRANCE et JOWAT SE

- MILLE EUROS (1 000,00) pour les Sociétés HB FULLER ADHESIVES FRANCE, venant aux droits de la Société FORBO HELMITIN, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, PRODIMO, AXA FRANCE IARD, és qualité d'assureur de la Société PRODIMO, PLASTIC SERVICE.

- passé les dépens en frais privilégiés de procédure.

- liquidé les émoluments du Greffier à la somme de TROIS CENT VINGT SEPT EUROS ET SOIXANTE CENTS (327,60).

Statuant de nouveau sur les points infirmés :

- rejette l'exception de péremption d'instance

- dit l'action exercée par la société Atelier Raud Agencement d'Intérieurs représentée par Maître Pelletier en qualité de liquidateur judiciaire de la société recevable

- déboute la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par Maître Pelletier en qualité de liquidateur judiciaire de la société de ses demandes

Y ajoutant :

- déboute les parties de leurs autres demandes

- condamne la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par son liquidateur judiciaire Maître Pelletier à payer aux sociétés Finsa et Financiera Madera la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamne la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par son liquidateur judiciaire Maître Pelletier à payer aux sociétés Jowat France et Jowat SE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamne la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par son liquidateur judiciaire Maître Pelletier à payer à la société HB Fuller Adhesives France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamne la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par son liquidateur judiciaire Maître Pelletier à payer à la société Allianz Global Corporate & Specialty SE la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamne la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par son liquidateur judiciaire Maître Pelletier à payer à la société Prodimo la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamne la société Ateliers Raud Agencement d'Intérieurs représentée par son liquidateur judiciaire Maître Pelletier aux dépens d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Gallet Allerit Wagner