Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 20-14.933
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Apple France (SARL), Apple Sales International (Sté), AGS CGEA Ile-de-France Ouest
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Leprieur
Rapporteur :
M. Le Corre
Avocat général :
Mme Laulom
Avocats :
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouin-Palat et Boucard, Me Uzan-Sarano, Me Célice, Me Boucard
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 20-14.936, V 20-14.933, Z 20-14.937, B 20-14.939, D 20-14.941, E 20-14.942, F 20-14.943, H 20-14.944, K 20-14.947, P 20-14.950, Q 20-14.951, V 20-14.956, W 20-14.957, Y 20-14.959, B 20-14.962, C 20-14.963, E 20-14.965 et K 20-15.016 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 5 février 2020), la société Ebizcuss.com a conclu le 1er janvier 2002 avec le groupe Apple un contrat de distribution des produits de cette marque par lequel elle est devenue revendeur de type "Apple authorised reseller agreement" (AAR) puis, le 20 mai 2008, un avenant par lequel elle est devenue revendeur de type "Apple premium reseller" (APR).
3. Par jugement du 31 mai 2012, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ebizcuss.com, avec maintien d'activité pendant trois mois, et a désigné la société [BP], prise en la personne de Mme [W], en qualité de liquidateur.
4. Les salariés de la société Ebizcuss.com se sont vu notifier leur licenciement pour motif économique en août 2012.
5. Mme [M] et d'autres salariés ont saisi courant juin 2012 la juridiction prud'homale de demandes tendant en leur dernier état au paiement de dommages-intérêts à l'encontre des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, en invoquant à titre principal la qualité de coemployeurs de celles-ci, à titre subsidiaire la fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail relatives au transfert des contrats de travail, et à titre encore plus subsidiaire la responsabilité extracontractuelle de ces trois sociétés.
6. En cours d'instance, le liquidateur de la société Ebizcuss.com a demandé à la juridiction prud'homale de voir constater l'existence d'un coemploi entre les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International et la société Ebizcuss.com.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branche, et le troisième moyen des pourvois principaux des salariés, et le moyen des pourvois provoqués du liquidateur, ci-après annexés
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen des pourvois principaux des salariés, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
8. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leur demande tendant à voir constater la qualité de coemployeurs des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, et, en conséquence, de les débouter de leurs demandes en annulation de leur licenciement pour défaut de plan de sauvegarde de l'emploi et en condamnation des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à leur verser une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement nul et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, et, subsidiairement, de les débouter de leurs demandes en requalification de leur licenciement en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement et en condamnation des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à leur verser une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, alors :
« 2°) que, hors état de subordination, une société peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, lorsqu'il existe entre elles, au-delà de l'état de domination économique que la liberté du marché peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en écartant la qualité de coemployeurs des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, cependant qu'elle constatait que la société Ebizcuss.com était tenue de commercialiser quasi-exclusivement leurs produits, aux prix fixés par elles, selon un taux de marge prédéfini, en des lieux choisis par celles-ci et dans des magasins meublés et agencés conformément à leurs standards, à l'aide de salariés formés spécifiquement pour les produits Apple et dont le nombre par point de vente était imposé par les fournisseurs, à peine de retrait du label de qualité du distributeur et de réduction significative de son taux de marge, mais également que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International imposaient les événements marketing que devait mener la société Ebizcuss.com, procédaient à des contrôles dans les établissements de celle-ci par le biais de clients mystères, réalisaient des audits sur le positionnement des produits dans les vitrines, voire donnaient directement à l'employeur des directives sur ce dernier point, contrôlaient le degré de formation des vendeurs et les résultats des magasins, ce qui pouvait également avoir des conséquences sur le taux de marge des appareils qui pouvait être significativement diminué, ce dont il résultait une immixtion anormale des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International dans la gestion économique et sociale que la société Ebizcuss.com, qui se trouvait dépourvue d'autonomie décisionnelle en matière économique et sociale, ce qui commandait la qualification de coemployeurs de ces sociétés, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°) que, pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a encore relevé que "le fait que la société Ebizcuss.com avait développé une activité autre que celle de revendeur des produits Apple, ses catalogues révélant la commercialisation de matériel informatique d'une autre marque (Sony Vaio) et l'appelant ne contestant pas l'existence de produits de sa propre marque sous le nom "Energy", comprenant des composants et accessoires" et qu' "il apparaît donc que la société Ebizcuss.com ne dépendait pas entièrement et anormalement des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, continuait de disposer d'une autonomie de gestion et d'une clientèle propre" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait elle-même que "les extraits du contrat en cause et son annexe 1 permettent de constater qu'au-delà du contrat de revendeur agréé, la société Ebizcuss.com a accepté des conditions supplémentaires tenant à des critères d'admissibilité relativement aux sites d'implantation et portant aussi bien sur le lieu d'implantation des magasins que sur leur superficie, leur visibilité, leur agencement, l'enseigne mais aussi sur le fait que les unités centrales de la marque Apple devaient représenter en permanence au moins 75 % des unités centrales vendues, une interdiction d'exposer d'autres unités centrales étant prévue sauf pour des démonstrations d'interopérabilité, et les conditions dans lesquelles des accessoires de tiers pouvaient ou devaient être exposés", ce dont il résultait que cette commercialisation d'équipements tiers - qui devait demeurer sous-exposée et ne pouvait que rester marginale - ne remettait nullement en cause l'état de dépendance économique totale dans lequel se trouvait la société Ebizcuss.com vis-à-vis des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que la société Ebizcuss.com avait conclu avec le groupe Apple un contrat de distribution et que les sociétés en cause avaient des dirigeants distincts, a relevé que la société Ebizcuss.com avait développé une activité autre que celle de revendeur des produits Apple, disposait d'une autonomie de gestion économique ainsi que d'une clientèle propre et gérait ses personnels de façon autonome. Elle a ainsi fait ressortir l'absence d'immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de la société Ebizcuss.com conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière et a pu en déduire que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n'avaient pas la qualité de coemployeurs.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen des pourvois principaux des salariés
Enoncé du moyen
11. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à leur verser une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, alors :
« 1°) que la reprise de la commercialisation des produits d'une marque et de la clientèle qui y est attachée, entraîne en principe le transfert d'une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a retenu qu' "il n'existe à ce stade en France que vingt magasins de type "Apple Store"" et que "rien n'établit que ces magasins aient été ouverts dans les mêmes zones d'implantation que celles des établissements de la société Ebizcuss.com, et aient de ce fait récupéré leurs clientèles, ou aient repris du mobilier, de l'outillage, des agencements ou des droits au bail" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait, par ailleurs, qu'était établie une corrélation entre l'ouverture des magasins "Apple Store" et la baisse de chiffres d'affaires des établissements "APR" de la société Ebizcuss.com implantés à Lyon et Paris, ce dont il résultait, d'une part, que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International avaient implanté un Apple Store dans le périmètre d'intervention de la société Ebizcuss.com, d'autre part, qu'elles avaient - avant même la liquidation judiciaire de cette dernière - repris, au moins partiellement, sa clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°) qu'en opposant aux salariés, pour écarter toute fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail, la circonstance que le nombre de points de vente de type "APR" avait augmenté entre 2011 et 2016, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à réfuter l'existence d'un transfert d'une entité économique autonome par reprise de la commercialisation des produits de la marque Apple dans le périmètre d'intervention initial de la société Ebizcuss.com à Lyon et à Paris et de la clientèle qui est attachée et a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°) qu'en opposant encore aux salariés, pour écarter toute fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail, le fait que la société Ebizcuss.com commercialisait des équipements d'autres marques, cependant qu'elle constatait que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International imposaient à l'employeur, par le biais d'obligations drastiques stipulées au contrat de distribution des produits Apple, une avalisation préalable des produits tiers commercialisés, une sous-exposition de ceux-ci et des restrictions en termes de volume de ventes de ces équipements, ce dont il résultait que l'activité économique principale, très largement prépondérante et déterminante de la société Ebizcuss.com résidait dans la distribution des produits Apple, qui en constituait l'identité, la cour d'appel a encore statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel a d'abord retenu, par motifs propres et adoptés, que l'activité de la société Ebizcuss.com n'était pas exclusivement dédiée aux produits de la marque Apple et que seule une partie de son personnel était soumise à une formation spécifique à ces produits, en a déduit qu'il n'était pas démontré que l'activité de vente et de réparation des matériels Apple constituait une entité économique autonome au sein de la société.
13. Elle a ensuite fait ressortir que la distribution des produits de marque Apple assurée par la société Ebizcuss.com selon les termes d'un contrat sans exclusivité et la clientèle qui y était attachée n'avaient pas fait l'objet d'une reprise, et a constaté que n'était pas établie la réalité d'un transfert d'éléments corporels ou incorporels.
14. Elle a pu en déduire qu'il n'y avait pas eu transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur les quatrièmes et cinquième moyens, réunis, des pourvois principaux des salariés
Enoncé des moyens
16. Par leur quatrième moyen, les salariés font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes relatives à la responsabilité civile délictuelle des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, alors :
« 1°) que commet une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle, le tiers au contrat de travail qui, abusant de sa position dominante dans les rapports qu'il entretient avec l'employeur, participe à la déconfiture de celui-ci et, ainsi, à la disparition des emplois de l'entreprise ; que les salariés faisaient valoir, avec offre de preuve, que les sociétés Apple avaient mis en place des pratiques et des tarifs inéquitables tout en imposant de très lourdes contraintes sur l'employeur, notamment en lui imposant des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les magasins de l'enseigne, en lui livrant les produits avec retard, contrairement aux magasins de l'enseigne qui bénéficiaient de facilités de livraison, en refusant à l'employeur d'implanter de nouveaux points de vente dans les villes où les sociétés Apple disposaient déjà d'une boutique de l'enseigne, ce qui constituait des manœuvres déloyales et un abus de position dominante ; qu'ils en déduisaient que les sociétés Apple avaient ainsi, dans leur seul intérêt, exploité l'état de dépendance économique de l'employeur en prenant des décisions ayant aggravé la situation économique de celui-ci, ce qui avait concouru à sa déconfiture et à la disparition de leurs emplois ; qu'en déniant l'existence d'un lien de causalité entre la stratégie commerciale adoptée par les sociétés Apple et la dégradation économique de la situation eBizcuss et donc avec le licenciement des salariés, tandis qu'il résultait de ses propres constatations sur le caractère "drastique" - et en réalité totalement anormal - des obligations et conditions commerciales imposées par les sociétés Apple que ces dernières avaient abusé de leur dépendance économique sur la société eBizcuss, contribuant ainsi de manière directe et déterminante à sa déconfiture et au licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°) que commet une faute de nature à engager sa responsabilité extra-contractuelle, le tiers au contrat de travail qui, abusant de sa position dominante dans les rapports qu'il entretient avec l'employeur, participe à la déconfiture de celui-ci et, ainsi, à la disparition des emplois de l'entreprise ; que les salariés faisaient valoir, avec offre de preuve, que les sociétés Apple avaient mis en place des pratiques et des tarifs inéquitables tout en imposant de très lourdes contraintes sur l'employeur, notamment en lui imposant des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les magasins de l'enseigne, en lui livrant les produits avec retard, contrairement aux magasins de l'enseigne qui bénéficiaient de facilités de livraison, en refusant à l'employeur d'implanter de nouveaux points de vente dans les villes où les sociétés Apple disposaient déjà d'une boutique de l'enseigne, ce qui constituait des manœuvres déloyales et un abus de position dominante ; qu'ils en déduisaient que les sociétés Apple avaient ainsi, dans leur seul intérêt, exploité l'état de dépendance économique de l'employeur en prenant des décisions ayant aggravé la situation économique de celui-ci, ce qui avait concouru à sa déconfiture et à la disparition de leurs emplois ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n'avaient pas commis un abus de position dominante ou de dépendance économique dans leurs rapports avec la société Ebizcuss.com, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°) qu'en déboutant les salariés de leurs demandes à ce titre, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'était établie une corrélation entre l'ouverture des magasins "Apple Store" et la baisse de chiffres d'affaires des établissements "APR" de la société Ebizcuss.com implantés à Lyon et Paris, ce dont il résultait que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, en faisant directement concurrence à son propre revendeur, avait commis une faute ayant directement contribué à sa déconfiture et donc aux licenciements, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du code civil ;
4°) que le tiers au contrat de travail engage sa responsabilité civile quasi-délictuelle à l'égard des salariés dès lors que, par ses agissements, il a concouru à l'aggravation de la situation de leur employeur ; qu'en retenant dès lors, d'une part, que "la société Ebizcuss.com évoque avoir implanté des magasins dans plusieurs autres villes et régions, mais ne donne pas d'éléments sur les résultats de ces derniers, ni sur l'effet sur leurs résultats de l'ouverture des Apple Store", d'autre part, que "le rachat par la société Ebizcuss.com d'un groupe belge Mac Line n'est pas contesté, aucun des éléments versés aux débats ne met la cour en mesure d'apprécier la part des effets de cette décision sur la déconfiture de l'entreprise", la cour d'appel a subordonné l'engagement de la responsabilité des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International à la preuve d'une influence significative ou déterminante de leurs agissements sur la situation économique et financière de l'employeur, en violation de l'article 1382 du code civil. »
17. Par leur cinquième moyen, les salariés font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International et fondées sur le non-respect des dispositions des articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce, alors :
« 1°) que commet une faute de nature à engager sa responsabilité extra-contractuelle, le tiers au contrat de travail qui, abusant de sa position dominante dans les rapports qu'il entretient avec l'employeur, participe à la déconfiture de celui-ci et, ainsi, à la disparition des emplois de l'entreprise ; que les salariés faisaient valoir, avec offre de preuve, que les sociétés Apple avaient mis en place des pratiques et des tarifs inéquitables tout en imposant de très lourdes contraintes sur l'employeur, notamment en lui imposant des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les magasins de l'enseigne, en lui livrant les produits avec retard, contrairement aux magasins de l'enseigne qui bénéficiaient de facilités de livraison, en refusant à l'employeur d'implanter de nouveaux points de vente dans les villes où les sociétés Apple disposaient déjà d'une boutique de l'enseigne, ce qui constituait des manoeuvres déloyales et un abus de position dominante ; qu'ils en déduisaient que les sociétés Apple avaient ainsi, dans leur seul intérêt, exploité l'état de dépendance économique de l'employeur en prenant des décisions ayant aggravé la situation économique de celui-ci, ce qui avait concouru à sa déconfiture et à la disparition de leurs emplois ; qu'en déniant l'existence d'un lien de causalité entre la stratégie commerciale adoptée par les sociétés Apple et la dégradation économique de la situation eBizcuss et donc avec le licenciement des salariés, tandis qu'il résultait de ses propres constatations sur le caractère "drastique" - et en réalité totalement anormal - des obligations et conditions commerciales imposées par les sociétés Apple que ces dernières avaient abusé de leur dépendance économique sur la société eBizcuss, contribuant ainsi de manière directe et déterminante à sa déconfiture et au licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce ;
2°) que commet une faute de nature à engager sa responsabilité extra-contractuelle, le tiers au contrat de travail qui, abusant de sa position dominante dans les rapports qu'il entretient avec l'employeur, participe à la déconfiture de celui-ci et, ainsi, à la disparition des emplois de l'entreprise ; que les salariés faisaient valoir, avec offre de preuve, que les sociétés Apple avaient mis en place des pratiques et des tarifs inéquitables tout en imposant de très lourdes contraintes sur l'employeur, notamment en lui imposant des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les magasins de l'enseigne, en lui livrant les produits avec retard, contrairement aux magasins de l'enseigne qui bénéficiaient de facilités de livraison, en refusant à l'employeur d'implanter de nouveaux points de vente dans les villes où les sociétés Apple disposaient déjà d'une boutique de l'enseigne, ce qui constituait des manoeuvres déloyales et un abus de position dominante ; qu'ils en déduisaient que les sociétés Apple avaient ainsi, dans leur seul intérêt, exploité l'état de dépendance économique de l'employeur en prenant des décisions ayant aggravé la situation économique de celui-ci, ce qui avait concouru à sa déconfiture et à la disparition de leurs emplois ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n'avaient pas commis un abus de position dominante ou de dépendance économique dans leurs rapports avec la société Ebizcuss.com, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce ;
3°) qu'en déboutant les salariés de leurs demandes à ce titre, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'était établie une corrélation entre l'ouverture des magasins "Apple Store" et la baisse de chiffres d'affaires des établissements "APR" de la société Ebizcuss.com implantés à Lyon et Paris, ce dont il résultait que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, en faisant directement concurrence à son propre revendeur, avait commis une faute ayant directement contribué à sa déconfiture et donc aux licenciements, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce ;
4°) que le tiers au contrat de travail engage sa responsabilité civile quasi-délictuelle à l'égard des salariés dès lors que, par ses agissements, il a concouru à l'aggravation de la situation de leur employeur ; qu'en retenant dès lors, d'une part, que "la société Ebizcuss.com évoque avoir implanté des magasins dans plusieurs autres villes et régions, mais ne donne pas d'éléments sur les résultats de ces derniers, ni sur l'effet sur leurs résultats de l'ouverture des Apple Store", d'autre part, que "le rachat par la société Ebizcuss.com d'un groupe belge Mac Line n'est pas contesté, aucun des éléments versés aux débats ne met la cour en mesure d'apprécier la part des effets de cette décision sur la déconfiture de l'entreprise", la cour d'appel a subordonné l'engagement de la responsabilité des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International à la preuve d'une influence significative ou déterminante de leurs agissements sur la situation économique et financière de l'employeur, en violation de l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
18. La cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et procédant aux recherches qui lui avaient été demandées, a constaté que la réalité des faveurs consenties aux magasins "Apple store" au détriment de la société Ebizcuss.com ne résultait que des affirmations du responsable de celle-ci. Elle a retenu qu'il n'était pas contesté une augmentation du nombre d'établissements de type APR soumis aux mêmes impératifs que ceux de la société Ebizcuss.com, et ce parallèlement à l'ouverture des magasins "Apple store" incriminés.
19. La cour d'appel a également relevé que si une étude produite par les salariés faisait état d'une baisse de la valorisation boursière de leur employeur entre 2007 et 2011 et d'une corrélation entre l'ouverture des magasins "Apple store" et la baisse du chiffre d'affaires des établissements APR de la société Ebizcuss.com, celle-ci ne concernait que les seuls magasins de Lyon et Paris et qu'aucun élément n'était donné sur les résultats de ses magasins implantés dans plusieurs autres villes et régions.
20. Elle a enfin constaté qu'avant sa déconfiture la société Ebizcuss.com avait racheté le groupe Mac Line et qu'aucun élément n'était versé aux débats la mettant en mesure d'apprécier les effets de cette décision sur la dégradation de la situation économique de la société.
21. En l'état de ces constatations, dont elle a déduit que l'existence d'un lien de causalité entre la stratégie commerciale adoptée par les sociétés incriminées et la déconfiture de la société Ebizcuss.com n'était pas établie, la cour d'appel a pu décider que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité extra-contractuelle des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n'étaient pas réunies.
22. Les moyens ne sont donc pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois principaux des salariés et les pourvois provoqués du liquidateur de la société Ebizcuss.com.