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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 30 septembre 2021, n° 19/08586

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Générale Immobilier Patrimonial (SAS)

Défendeur :

Bertrand Demanes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

Avocats :

Me Tardy, Me Riglet, Me Dupuis, Me Tournade

T. com. Nanterre, du 20 nov. 2019

20 novembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société Bertrand Demanes (ci-après la société BDM) a pour activité la gestion de patrimoines immobiliers, principalement dans la région de Nantes.

La société Primaxia - aujourd'hui dénommée la Société Générale Immobilier Patrimonial (ci-après la société SGIP), filiale de la banque Société Générale, spécialisée dans l'investissement immobilier neuf, exerce une activité de commercialisation de programmes immobiliers pour le compte de promoteurs.

Dans le cadre de cette activité, la SGIP a conclu avec les banques Société Générale et Crédit du Nord des conventions de partenariat la chargeant de commercialiser une sélection de biens immobiliers à des clients adressés par ces banques.

Le 31 octobre 2005, la société SGIP a confié à la société BDM un premier « mandat commercial » pour une durée d'une année, ensuite reconduit, avec la qualité de conseiller en immobilier agréé. Le 1er janvier 2013, la société SGIP a confié à la société BDM un second mandat identique relatif, cette fois, aux clients adressés à la société BDM par la société Crédit du Nord.

En mars 2018, la société SGIP a informé la société BDM de sa décision de mettre unilatéralement fin à ces deux mandats, résiliation qui a été confirmée par courriers recommandés du 20 avril suivant avec date d'effet respectivement au 31 octobre (premier mandat) et 31 décembre 2018 (second mandat). Par courriers du 6 juin 2018, la société BDM a pris acte de la décision de la société SGIP de résilier les deux mandats à ces dates, précisant toutefois qu'elle était en conséquence en droit de solliciter l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce ainsi que le bénéfice du « droit de suite » contractuellement prévu.

Par courrier du 3 juillet 2018, la société SGIP a contesté à la société BDM le bénéfice du statut d'agent commercial.

Par acte du 9 août 2018, la société BDM a assigné la société SGIP devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamner à lui verser la somme totale de 551.758,33 euros.

Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la société SGIP de sa demande de dire que le statut d'agent commercial n'était pas applicable à la société Bertrand Demanes ;

- Dit bien fondée la demande de la société Bertrand Demanes de condamner la société SGIP à lui verser l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ;

- Condamné la société SGIP à payer à la société BDM la somme de 200.000 euros à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce ;

- Débouté la société BDM de sa demande de condamnation de la société SGIP à lui régler des honoraires au titre des droits de suite contractuels ;

- Condamné la société SGIP à payer à la société BDM la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la société par actions simplifiée SGIP aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 décembre 2019, la société SGIP a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 5 mai 2021, la société SGIP demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris (sic) en ce qu'il a :

* Débouté la société SGIP de sa demande de dire que le statut d'agent commercial n'était pas applicable à la société Bertrand Demanes,

* Dit bien fondée la demande de la société BDM de condamner la société SGIP à lui verser l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce,

* Condamné la société SGIP à payer à la société Bertrand Demanes la somme de 200.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce,

* Condamné la société SGIP à payer à la société Bertrand Demanes la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamné la société SGIP aux entiers dépens de l'instance.

- Confirmer le jugement rendu le 20 novembre 2019 en ce qu'il a :

* Débouté la société Bertrand Demanes de sa demande de condamnation de la société SGIP à lui régler des honoraires au titre des droits de suite contractuels,

En conséquence et statuant à nouveau :

- Juger que le statut d'agent commercial prévu aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'est pas applicable à la société BDM dans l'exercice de sa mission de commercialisation des programmes immobiliers pour le compte de la société Primaxia,

- Juger que l'exercice de cette activité de commercialisation est soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970,

En conséquence,

- Débouter la société BDM de l'ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande de paiement d'une indemnité de cession de contrat d'un montant de 551.758,33 euros,

A titre subsidiaire,

- Juger que le montant de l'indemnité de cessation de contrat due par la société SGIP à la société BDM ne peut être supérieur à la somme de 88.476,24 €, correspondant à six mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution des contrats,

En tout état de cause,

- Condamner la société BDM au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société BDM aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2021, la société BDM demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'il a débouté la société SGIP de sa demande tendant à écarter l'application du statut d'agent commercial,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'il a dit bien fondé la demande de la société BDM ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'il a considéré que le statut d'agent commercial était applicable à la relation contractuelle liant la société SGIP et la société BDM ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'il a condamné la société SGIP aux dépens de l'instance,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'il n'a octroyé que la somme de 200.000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de résiliation ;

Statuant à nouveau :

- Condamner la société SGIP à verser à la société BDM la somme de 492.477,33 € correspondant à l'indemnité de résiliation des mandats commerciaux ;

Y additant :

- Condamner la société DGIP à verser à la société BDM la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société SGIP aux entiers dépens de l'appel et réserver à la société Lexavoue l'entier bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 juin 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la demande d'application du statut des agents commerciaux

La société SGIP sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la société BDM pouvait bénéficier du statut des agents commerciaux. Elle soutient, d'une part que le statut d'agent commercial n'est pas applicable aux personnes morales exerçant une activité soumise à la loi Hoguet, de sorte que la société BDM ne peut s'en prévaloir, d'autre part et en tout état de cause que la société BDM ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut.

* sur l'application du statut d'agent commercial aux personnes morales exerçant une activité soumise à la loi Hoguet

La société SGIP expose que l'article L. 134-1 du code de commerce comprend une disposition excluant l'application du statut des agents commerciaux aux personnes exerçant une activité soumise à une réglementation spécifique, comme c'est le cas en l'espèce pour les agents immobiliers soumis à la loi Hoguet.

Elle ajoute que si l'article 4 de la loi Hoguet introduit une exception, en permettant l'application du statut des agents commerciaux aux agents immobiliers, cette application est réservée aux seules personnes physiques ainsi qu'il ressort de l'article 9 du décret d'application de la loi Hoguet.

La société BDM soutient pour sa part que l'article 4 de la loi Hoguet permet au titulaire de la carte professionnelle (comme c'est le cas de la société SGIP) d'habiliter toute personne, qu'elle soit morale ou physique, à négocier pour son compte. Elle ajoute qu'en sa qualité de personne morale disposant elle-même de la carte professionnelle, elle n'a pas besoin de l'attestation visée à l'article 9 du décret, uniquement applicable aux personnes physiques. Elle soutient donc que le statut des agents commerciaux lui est applicable, rappelant en outre les termes du contrat qui font clairement référence, tant aux dispositions de la loi Hoguet qu'à l'application de ce statut.

Il résulte de l'article L. 134-1 du code de commerce que : « l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. »

Il résulte de l'article 1 de la loi du 2 janvier 1970 (loi Hoguet) que les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales (souligné par la cour) qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1° L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis (...).

Il résulte de l'article 4 alinéa 1 de cette loi que toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier justifie d'une compétence professionnelle, de sa qualité et de l'étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...). l'alinéa 2 dispose : Les dispositions du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de commerce ''c'est-à-dire le statut des agents commerciaux '' sont applicables aux personnes visées au premier alinéa lorsqu'elles ne sont pas salariées (...).(souligné par la cour)

Il résulte enfin de l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi Hoguet que toute personne physique (souligné par la cour) habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier, justifie de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production d'une attestation conforme à un modèle déterminé par arrêté du ministre chargé de l'économie.

La cour observe en premier lieu que les mandats commerciaux signés par les parties disposent, en leur article 1 : « le présent contrat est conclu en application notamment des textes suivants : des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, et décret du 20 juillet 1972 en fixant les conditions d'application ».

Il ressort ainsi des termes mêmes du contrat que la société SGIP, tout en se référant expressément à la loi Hoguet, a cependant estimé que les dispositions du statut des agents commerciaux étaient également applicables, de sorte qu'il est surprenant qu'elle conteste désormais cette application.

S'il est exact que l'article L. 134-1 du code de commerce énonce le principe selon lequel les agents dont la mission s'exerce dans le cadre de dispositions législatives particulières sont exclus du statut, les parties admettent que l'article 4 de la loi Hoguet introduit une exception en ce que le statut est toutefois applicable aux personnes visées au premier alinéa de cet article, c'est-à- dire toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier.

Il est constant que la société SGIP est titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier. Par le mandat souscrit elle a bien habilité - au sens générique de ce terme, et sans qu'il soit nécessaire d'une habilitation particulière dès lors que la société BDM est également titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier - la société BDM pour négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, de sorte que la société BDM doit pouvoir bénéficier de l'application du statut.

S'il est exact que l'article 9 du décret prévoit que toute personne physique habilitée justifie de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production d'une attestation, cela ne signifie pas que les personnes morales soient exclues de l'article 4 de la loi, mais simplement que ces dernières, contrairement aux personnes physiques, n'ont pas à justifier de leur qualité et de leurs pouvoirs dès lors qu'elles disposent déjà d'une carte professionnelle. En outre, l'article 4 ne comporte aucune exclusion des personnes physiques, disposant au contraire que le statut des agents commerciaux est applicable aux personnes visées au premier alinéa qui vise toute personne habilitée par le titulaire de la carte professionnelle, étant rappelé que la société SGIP, titulaire de la carte professionnelle, a bien habilité la société BDM, elle-même titulaire de cette carte.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est établi que le statut d'agent commercial est applicable aux personnes morales exerçant une activité soumise à la loi Hoguet.

* sur les conditions requises pour bénéficier du statut d'agent commercial

La société SGIP soutient, en tout état de cause, que la société BDM ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut des agents commerciaux, dès lors d'une part qu'elle ne disposait pas du pouvoir de négocier les contrats, d'autre part qu'elle ne prospectait pas la clientèle.

La société BDM soutient que si le pouvoir de négocier est une condition d'application du statut, ce dernier ne s'entend pas uniquement comme le pouvoir de négocier les prix, mais inclut toute faculté de négociation pour parvenir à la vente. Elle ajoute avoir obtenu à plusieurs reprises des remises commerciales ou des avantages pour les clients qu'elle suivait. Elle fait enfin état des termes mêmes du mandat par lequel le mandant est chargé de 'négocier' la vente des programmes immobiliers. Elle fait enfin valoir que son activité n'était pas limitée à négocier les ventes avec les clients adressés par la société SGIP, mais qu'elle disposait bien d'une mission de prospection de clientèle. Elle ajoute que les parties ont bien entendu soumettre leur relation contractuelle au statut d'agent commercial, ainsi que cela ressort des termes mêmes du contrat.

Il convient de rappeler ici les termes de l'article L. 134-1 du code de commerce selon lesquels : « l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. » (souligné par la cour)

La cour observe en premier lieu que les deux contrats de mandat litigieux font référence, à plusieurs reprises - et non pas uniquement par la mention de l'application des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce - au statut d'agent commercial. Il est ainsi précisé à l'article 1 de chacun des contrats que le mandataire s'engage à : « communiquer dans le délai d'un mois suivant la conclusion du présent contrat, son immatriculation au registre spécial des agents commerciaux (...) », le contrat précisant qu'à défaut le contrat sera automatiquement rompu. Il est également indiqué en page 4 du contrat que le mandataire s'engage à faire figurer sur ses documents commerciaux « sa qualité d'agent commercial ».

Contrairement à ce que soutient la société SGIP, il apparaît ainsi que les parties ont très clairement entendu conclure un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions spécifiques du code de commerce. Elles ont même soumis la validité du contrat à la condition essentielle et déterminante que la société BDM soit immatriculée au registre spécial des agents commerciaux, à défaut de quoi le contrat serait automatiquement rompu, ce qui démontre leur volonté claire et non équivoque de faire application du statut d'agent commercial.

Même à supposer, comme le soutient la société SGIP, que la mission confiée à la société BDM ne comporte pas celle de négocier les prix, rien n'interdisait aux parties de soumettre leurs relations aux dispositions plus favorables du statut des agents commerciaux, cette volonté clairement exprimée devant alors prévaloir sur le contenu même des prestations réalisées par la société BDM.

En vertu du principe de l'intangibilité des contrats énoncé à l'article 1134 du code civil, le contrat d'agent commercial souscrit fait la loi entre les parties et ne peut être révoqué que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Il n'existe en l'espèce aucun consentement des parties pour une révocation du contrat, et celles-ci n'invoquent aucune disposition légale permettant de révoquer le contrat, de sorte qu'il est impossible de revenir sur la qualification de la relation contractuelle, peu important que la mission effective de la société BDM ait ou non comporté la négociation et prospection de la clientèle.

La volonté des parties de soumettre leur relation aux dispositions du statut des agents commerciaux, dès lors qu'elle ne fait aucun doute, ne peut être remise en cause que de leur volonté mutuelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La cour observe, à titre surabondant, que contrairement à ce qui est soutenu par la société SGIP, le contrat conclu comporte bien une mission de prospection de clientèle, ainsi que cela ressort de l'article 2 du contrat au terme duquel : « le mandant pourra autoriser le mandataire à présenter aussi l'offre du mandant à sa propre clientèle (...). En ce qui concerne les clients qui n'ont pas été apportés par le Mandant, le Mandataire s'engage à faire ses meilleurs efforts pour les inciter à acquérir le bien avec un prêt consenti par la Société Générale. Dans ce cas, le mandataire percevra la commission supplémentaire stipulée à l'article 6 ci-après (....). »

En outre, l'article 2 du contrat relatif à l'objet et aux conditions d'exercice du mandat prévoit expressément que : « le mandant charge le mandataire de négocier pour son compte (souligné par la cour) avec les clients qu'elle lui adressera la vente des programmes immobiliers qui lui est confiée ». Au regard de cette disposition contractuelle parfaitement claire et conforme à la lettre de l'article L. 134-1 précité, la société SGIP ne peut sérieusement soutenir que la société BDM n'avait pas le pouvoir de négocier les contrats de vente, peu important qu'elle ne dispose pas directement du pouvoir de négocier les prix, ce pouvoir étant soumis à un accord préalable et légitime du mandant. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient donc de constater que le contrat conclu entre les sociétés SGIP et BDM est un contrat d'agent commercial, le jugement étant confirmé de ce chef.

2 - sur la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de rupture

Il résulte de l'article L. 134-12 du code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Sur le fondement de ces dispositions, le premier juge a alloué à la société BDM une somme de 200.000 euros.

La société BDM sollicite l'infirmation du jugement, et la condamnation de la société SGIP au paiement de la somme de 492.477,33 euros, correspondant à deux années de commission, calculée sur la moyenne des chiffres d'affaires réalisés les trois années précédant la résiliation. Elle rappelle notamment l'ancienneté des relations contractuelles (plus de 13 années), justifiant qu'il lui soit allouée l'indemnité habituellement versée aux agents commerciaux, correspondant à deux années de commissions.

La société SGIP soutient, à titre principal, que la société Bertrand Demanes ne bénéficie d'aucun droit au paiement d'une indemnité de cessation de contrat dès lors que le statut d'agent commercial ne lui est pas applicable, et à titre subsidiaire que l'indemnité allouée ne pourrait excéder 6 mois de commissions, soit la somme de 88.476,24 euros. Elle rappelle notamment les particularités du contrat, d'une part en ce qu'elle apportait l'essentiel de la clientèle à la société BDM, d'autre part en ce que les opérations conclues n'avaient pas vocation à se renouveler, s'agissant d'achats immobiliers d'un montant important.

Tenant compte de la particularité du contrat dans lequel la société SGIP apporte à la société BDM une partie importante de la clientèle - ce qui dispense cette dernière de l'étape importante de prospection de la clientèle - la cour fixera l'indemnité de rupture à une année de commissions calculée sur la moyenne des chiffres d'affaires réalisés les trois années précédant la résiliation.

Les parties s'opposent sur le montant du chiffre d'affaires réalisé sur les trois années précédant la résiliation, la société SGIP retenant un chiffre d'affaires de 530.855 euros, tandis que la société BDM retient un chiffre d'affaires de 738.716 euros.

Le document produit par la société SGIP, intitulé « suivi d'activité de la société Demanes » est un document interne qui n'est authentifié par aucune pièce, notamment comptable. La société BDM produit pour sa part l'intégralité de ses factures de commissions récapitulées dans des tableaux annuels, cette comptabilité étant certifiée par son expert-comptable, de sorte que ces documents - au demeurant non discutés par la société SGIP - sont parfaitement probants, la cour retenant ainsi un chiffre d'affaires de 738.716 euros sur les trois années précédant la résiliation, soit une moyenne annuelle de 246.238,67 euros.

Il convient dès lors de condamner la société SGIP au paiement de cette somme de 246.238,67 euros au titre de l'indemnité de rupture des contrats d'agent commercial. Le jugement sera donc infirmé sur le quantum de cette indemnité.

3 - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société SGIP qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à la société BDM une indemnité complémentaire de procédure de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 novembre 2019 en toutes ses dispositions, sauf s'agissant du quantum de l'indemnité compensatrice de rupture,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Bertrand Demanes la somme de 246.238,67 euros au titre de l'indemnité de rupture des contrats d'agent commercial,

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Bertrand Demanes la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.