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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 22 juin 2011, n° 10/11000

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Babylone (SARL), Télémaque (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

M. Fohlen, M. Jacquot

T. com. Nice, du 18 mai 2010

18 mai 2010

EXPOSE DU LITIGE

Les faits :

La société BABYLONE a vendu le fonds de commerce de restauration pizzeria dont elle était propriétaire à <adresse>. Le 21 avril 2006, la société X a fait opposition au paiement du prix de vente pour un montant de 129 849,30 euros.

Aux termes d'un jugement daté du 29 mai 2009 rendu par le Tribunal de grande instance de Strasbourg, la créance de la société X a été admise à concurrence de 150 456,85 euros.

Le 11 janvier 2010, la société TELEMAQUE, associée unique de la société BABYLONE, révoquait Y de ses fonctions de co-gérant au motif qu'il ne l'avait pas informée de la procédure initiée par la société X, ni Z co-gérant de la société BABYLONE.

La procédure :

Contestant que la société TELEMAQUE ait pu ignorer cette condamnation, Y a assigné en référé Z, la société TELECOM et la société BABYLONE en désignation d'un mandataire ad hoc aux fins notamment de vérifier la destination du prix de vente, les sommes dues à la société X et d'en assurer le règlement.

Selon ordonnance contradictoire du 18 mai 2010, le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nice a rejeté cette demande au motif que W n'étant ni gérant, ni associé de la société BABYLONE, était sans qualité pour solliciter la désignation d'un administrateur.

Y est régulièrement appelant de cette décision selon déclaration du 11 juin 2010 et expose dans ses conclusions du 13 octobre 2010 que:

- la société BABYLONE a été informée de la dette fournisseur dès l'opposition pratiquée sur le prix de vente du fonds par la société X;

- la société BABYLONE prétend, sans le démontrer, qu'une information erronée serait à l'origine de la délivrance des fonds séquestrés auprès du notaire instrumentaire;

- Z a tout autant été informé de l'opposition en sa qualité de signataire de la vente du fonds de commerce à l'étude de Maître A ;

- il est aussi à l'origine du déblocage du prix de vente du restaurant et la somme de 244 000 euros a disparu sans que la société X soit désintéressée;

- Y a donc intérêt à agir dans la mesure où Z l'a assigné au fond devant le Tribunal de Commerce de Nice en paiement de dommages intérêts pour fautes de gestion et que la société BABYLONE ne veut fournir aucune explication sur la destination des fonds séquestrés auprès du notaire A.

Y conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée au visa des articles L. 611-3 et R. 611-19 du Code de commerce et 31 du Code de procédure civile, à la désignation d'un mandataire ad hoc et à la condamnation des intimés au paiement d'une somme de 1 500 euros pour frais de procédure.

Selon conclusions du 15 décembre 2010, la société BABYLONE et Z font valoir en réplique que:

- Y a incontestablement manqué à ses obligations à l'égard de l'associé unique TELEMAQUE et du co-gérant Z en ne les informant pas du jugement et en décidant seul ne pas en faire appel afin de préserver ses intérêts de gérant de la société BULLDOG;

- le séquestre a été informé postérieurement au déblocage des fonds, du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG;

- la désignation d'un mandataire ad hoc est réalisée par requête à l'initiative du gérant de la société ou du débiteur, qualités que ne possède pas Y;

- Y n'a pas plus intérêt à agir puisqu'il est tiers à la société BABYLONE et ne peut se faire juge des intérêts de la société et des associés;

- c'est lui qui a négocié le contrat de bière avec la société X mais aucun fût de bière n'a été commandé par la société BABYLONE.

Les intimés concluent à l'irrecevabilité de l'appel effectué par déclaration au greffe de la Cour au lieu du Tribunal de Commerce de Nice ayant statué sur la demande et subsidiairement à la confirmation de la décision déférée. Ils sollicitent enfin paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Reprenant l'argumentaire de Z et de la société BABYLONE, la société TELEMAQUE conclut également à l'irrecevabilité de l'appel et de la demande en vertu des articles R. 611-20 et R. 611-26 du Code de commerce et à son mal fondé pour défaut d'intérêt à agir. Elle réclame paiement des sommes de 2 500 euros et 1 500 euros par Y en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2011.

Le 16 mars 2011, la société BABYLONE et Z ont saisi la Cour d'une requête en interprétation de l'ordonnance du 18 mai 2010 en ce sens que l'indemnité de 1 500 euros allouée par le juge des référés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile doit l'être au profit de chaque défendeur.

Cette requête a été enregistrée sous le numéro 11/5176.

DISCUSSION

La Cour étant saisie simultanément de l'appel de l'ordonnance du 18 mai 2010 et d'une requête en interprétation de celle-ci, une bonne administration de la justice conduit à joindre ces deux procédures et à statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de l'appel :

C'est à tort que les intimés prétendent que dès lors que la demande en désignation d'un mandataire ad hoc serait irrecevable en référé, l'appel de l'ordonnance ayant statué sur cette demande serait lui-même irrecevable. En effet, aux termes de l'article 490 du Code de procédure civile, l'appel est le mode de réformation d'une ordonnance de référé et dès lors que celui-ci a été exercé dans le délai par une partie à l'instance, il est nécessairement recevable.

Au fond :

Aux termes de l'article R. 611-18 du Code de commerce, la demande de désignation d'un mandataire ad hoc est présentée par écrit au président du Tribunal de Commerce par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique.

La voie du référé n'est donc pas ouverte à cette désignation qui procède de la requête unilatérale. Wn'étant plus représentant de la société BABYLONE depuis sa révocation de co-gérant intervenue le 11 janvier 2010 et n'étant pas plus débiteur, est sans qualité pour agir et c'est à bon droit que les intimés réclament qu'il soit déclaré irrecevable en sa demande.

Enfin c'est en vain que Y prétend avoir intérêt à agir en invoquant le litige qui l'oppose à la société BABYLONE suite à l'assignation au fond délivrée le 26 janvier 2010 aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 150 045,85 euros pour faute de gestion, Y confondant manifestement intérêt à agir et droits de la défense.

En effet, Y prétend que la société BABYLONE est taisante sur les circonstances dans lesquelles les fonds provenant de la vente du fonds qu'elle exploitait ont été distribués aux différents créanciers. Il lui appartient en ce cas de solliciter la communication de toutes pièces utiles ou une mesure d'instruction auprès du juge saisi au fond, le juge des référés étant manifestement incompétent pour intervenir dans une telle procédure par la mise en oeuvre d'une mission exploratoire destinée à constituer des éléments de preuve à une partie.

Sur les demandes annexes :

Les intimés ont été contraints de comparaître par deux fois en justice et l'équité conduit à mettre les frais de procédure qu'ils ont exposés à la charge de l'appelant.

Il leur sera alloué à chacun la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu dans ces conditions à interprétation de l'ordonnance du 18 mai 2010.

Débouté de son recours Y supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement:

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 10/11000 et 11/5176;

Déclare l'appel recevable;

Infirme l'ordonnance déférée rendue par le Tribunal de Commerce de Nice;

Et statuant à nouveau :

Déclare Y irrecevable en ses demandes;

Le condamne à payer aux sociétés BABYLONE et TELEMAQUE et à Z la somme de 1 000 € (mille euros) chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Le condamne aux dépens et autorise la SCP B, Avoués, à les recouvrer au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.