CA Paris, Pôle1 ch. 3, 3 septembre 2013, n° 12/19123
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Marais Participations (SAS)
Défendeur :
Georgandas (ès qual.), Galotam France (Sté), Foncière et financière Monceau (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Taillandier-Thomas
Conseillers :
Mme Maunand, Mme Bouvier
Avocats :
Me Sommelet, Me Cuperlier, Me Lesénéchal, Me Conil, Me Santelli Estrany
Les époux GEORGANDAS ont créé en 1981 la SARL GALOTAM FRANCE.
Celle-ci a conclu, en 1987, avec la société MONCEAU MURS un bail à construction portant sur l'édification d'un immeuble sur un terrain sis à SURESNES avec droit de jouissance pendant trente ans et un contrat de promotion tandis qu'un contrat de crédit-bail était conclu entre la société MONCEAU MURS et la SCI PAGES dont les époux GEORGANDAS étaient associés.
L'immeuble a été réceptionné en 1989 et les loyers et charges au titre du contrat de crédit-bail sont restés impayés par les époux GEORGANDAS.
Statuant sur renvoi de la cour de cassation, la cour d'appel de Reims, par arrêt du 8 mars 1994, a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 mars 1991 ayant constaté la résiliation du contrat de crédit-bail, prononcé la résiliation du bail à construction, condamné en paiement la SARL GALOTAM et accordé à la société MONCEAU MURS le droit de percevoir les fruits tant que le prix de l'immeuble ne lui aurait pas été réglé, assorti d'un droit de rétention.
La SARL GALOTAM a été placée en redressement judiciaire le 23 juin 1994 puis en liquidation judiciaire le 13 mars 1996.
Par arrêt interprétatif du 10 janvier 1995, la cour d'appel de Reims a confirmé que la société MONCEAU MURS était en droit de percevoir les fruits de l'immeuble.
Le 27 avril 2005, la société MARAIS PARTICIPATIONS a acquis la créance de la société MONCEAU MURS et tous les droits y attachés.
Le 4 décembre 2007, l'immeuble a été vendu sur décision du juge commissaire et la société MARAIS PARTICIPATIONS a renoncé au solde de sa créance et à son droit de rétention contre l'abandon de tout recours au titre de sa perception des loyers.
Par ordonnance sur requête du 19 mars 2009, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné M. Paul GEORGANDAS en qualité de mandataire ad hoc de la SARL GALOTAM FRANCE avec pour mission de concourir à la reconstitution de l'actif de celle-ci et d'intenter tout recours nécessaire.
Par jugement du 19 mai 2011 confirmé par arrêt du 14 juin 2012, la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SARL GALOTAM FRANCE a été prononcée.
Par une seconde ordonnance sur requête du 16 mars 2012, M. Paul GEORGANDAS a été confirmé dans sa fonction de mandataire ad hoc de la SARL GALOTAM FRANCE avec pour mission d'engager toute action visant à reconstituer l'actif de celle-ci et d'intenter tout recours nécessaire.
Par acte d'huissier du 19 avril 2012, il a fait assigner les sociétés MONCEAU MURS et MARAIS PARTICIPATIONS aux fins de voir dire qu'elles n'étaient pas propriétaires des sommes perçues au titre de l'exercice de leur droit de rétention du 8 mars 1994 au 4 décembre 2007 et en restitution de celles-ci.
Par acte d'huissier du 21 septembre 2012, la SAS MARAIS PARTICIPATIONS a fait assigner M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, ainsi que la SA FONCIERE ET FINANCIERE MONCEAU en rétractation de ces deux ordonnances devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, lequel, par ordonnance du 18 octobre 2012, a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de rétractation de l'ordonnance du 19 mars 2009, débouté la SAS MARAIS PARTICIPATIONS et la SA FONCIERE ET FINANCIERE MONCEAU de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 16 mars 2012, confirmé celle-ci en toutes ses dispositions et effets et condamné la SAS MARAIS PARTICIPATIONS aux dépens.
Appelante de cette décision, la SAS MARAIS PARTICIPATIONS, par conclusions transmises le 17 mai 2013, demande à la cour de la « réformer » en toutes ses dispositions, de rétracter les ordonnances des 19 mars 2009 et 16 mars 2012 et de condamner M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions transmises le 25 janvier 2013, la SA FONCIERE ET FINANCIERE MONCEAU demande à la cour de la recevoir en son appel incident et l'y déclarer bien fondée, de recevoir la SAS MARAIS PARTICIPATIONS en son appel principal et de l'y déclarer bien fondée, en conséquence, de « réformer » en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel, de rétracter les ordonnances des 19 mars 2009 et 16 mars 2012 et de condamner M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions transmises le 17 avril 2013, M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, demande à la cour de dire et juger comme tardive toute exception tirée de la prétendue incompétence du président du tribunal de commerce statuant sur requête, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et de condamner la SAS MARAIS PARTICIPATIONS et la SA FONCIERE ET FINANCIERE MONCEAU à lui verser chacune la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la SAS MARAIS PARTICIPATIONS fait valoir que la liquidation judiciaire de la SARL GALOTAM FRANCE ayant fait l'objet d'un jugement de clôture en date du 19 mai 2011 confirmé par arrêt du 14 juin 2012 et d'une radiation le 20 mai 2011, le président du tribunal de commerce n'avait plus compétence pour nommer, le 16 mars 2012, un mandataire ad hoc qui ressortait de la compétence du tribunal en application de l'article « L622-34 » du code de commerce, que ce moyen a été soulevé à l'audience, que la société a perdu la personnalité morale, que l'article 1844-8 3ème alinéa du code civil ne s'applique qu'aux sociétés en liquidation amiable, qu'aucune instance n'était en cours visant à faire reconnaître la créance alléguée, que les dispositions sur la liquidation judiciaire étant d'ordre public, le « tribunal » ne pouvait donner mission à M. Paul GEORGANDAS de se substituer au mandataire liquidateur pour engager au nom et pour le compte de la société tous recours nécessaires, que la demande de M. Paul GEORGANDAS se heurte à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 juin 2012, de l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 8 mars 1994 et de l'arrêt interprétatif du 10 janvier 1995 ;
Considérant que la SA FONCIERE ET FINANCIERE MONCEAU fait valoir que le débat depuis 20 ans est toujours le même, que la société GALOTAM FRANCE n'a aucun droit sur les loyers perçus par le créancier rétenteur, qu'en conséquence, il n'est justifié d'aucun actif à recouvrer, que l'essence même du mandat ad hoc dont se prévaut M. Paul GEORGANDAS pour introduire une action au fond disparaît, que l'ordonnance entreprise relève très clairement la caducité de l'ordonnance du 19 mars 2009 mais dit dans le dispositif qu'il n'y a pas lieu à statuer sur sa rétractation, qu'il y a là une contradiction, que la cour doit prononcer la caducité, qu'au surplus, l'ordonnance sur requête a été rendue au visa de l'article L611-3 du code de commerce inapplicable en l'espèce puisque la société était en liquidation judiciaire, que la créance alléguée n'est pas postérieure à la clôture des opérations de liquidation mais bien au contraire antérieure et connue de tous ; qu'elle ajoute s'en rapporter aux autres moyens soulevés par la SAS MARAIS PARTICIPATIONS auxquels elle adhère ;
Considérant que M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, répond qu'il ne conteste pas que les sociétés MARAIS PARTICIPATIONS et FINANCIERE MONCEAU avaient le doit d'encaisser en garantie de leur créance les loyers en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Reims, qu'il conteste leur droit de se les approprier définitivement, que sa demande, objet de l'assignation du 19 avril 2012, ne se heurte à aucune autorité de la chose jugée, que la question de l'incompétence du juge des requêtes au profit du tribunal de commerce en application de l'article L622-34 du code de commerce est nouvelle et aurait dû être soulevée in limine litis, que cet article ne concerne pas la désignation d'un mandataire ad hoc mais la réouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à la demande de tout créancier intéressé, ce qu'il n'est pas, et qu'il existe bien une instance en cours ;
Considérant que sur requête en date du 16 mars 2009 de M. Paul GEORGANDAS et alors que la SARL GALOTAM FRANCE était en liquidation judiciaire, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné, par ordonnance du 19 suivant, le requérant en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de concourir à la reconstitution de l'actif de ladite société et d'intenter tout recours nécessaire et ce, au visa de l'article L. 611-3 du code de commerce ;
Considérant que cet article énonce que le président du tribunal peut à la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission, le débiteur pouvant proposer le nom d'un mandataire ad hoc ; qu'il figure au chapitre premier du titre premier consacré à la prévention des difficultés des entreprises du livre sixième du code de commerce ; qu'il ne peut pas, en conséquence, servir de fondement à la désignation d'un mandataire ad hoc pour agir au nom d'une société dont la liquidation judiciaire relève du titre quatrième du même livre ;
Considérant que l'usage constant, invoqué par l'intimé a posteriori devant la cour, qui voudrait que le président du tribunal de commerce statuant sur requête désigne les mandataires ad hoc y compris en cours de procédure, ne saurait pallier l'absence de fondement textuel de sa propre requête et de l'ordonnance qui y a fait droit ; que cette dernière est, en conséquence, infondée ;
Considérant que le premier juge pour ne pas statuer sur la rétractation de cette ordonnance a considéré qu'elle était caduque puisqu'aucune action n'avait été engagée à sa suite par le requérant et que les sociétés MARAIS PARTICIPATIONS et FINANCIERE MONCEAU ne justifiaient d'aucun grief les rendant recevables à agir en rétractation ;
Considérant, cependant, que l'inexécution de l'ordonnance ne la rend pas en soi caduque puisqu'elle ne comporte aucun terme ; qu'elle n'est pas notamment expressément limitée à la durée de la procédure de liquidation judiciaire ;
Considérant qu'elle doit dès lors être rétractée ;
Considérant que sur requête en date du 14 mars 2012 de M. Paul GEORGANDAS, le président du tribunal de commerce de Paris a rendu, le 16 suivant, une seconde ordonnance confirmant le requérant dans sa fonction de mandataire ad hoc de la SARL GALOTAM FRANCE avec pour mission d'engager toute action visant à reconstituer l'actif de la société et d'intenter tout recours nécessaire et ce, au visa de l'ordonnance du 19 mars 2009 ;
Considérant qu'à l'époque, le tribunal de commerce de Paris avait d'ores et déjà prononcé d'office la clôture de la liquidation judiciaire de la SARL GALOTAM FRANCE pour insuffisance d'actif par jugement du 19 mai 2011 dont M. Paul GEORGANDAS avait interjeté un appel alors en cours ;
Considérant que la clôture de la liquidation d'une société pour insuffisance d'actif n'entraîne pas par elle-même la disparition de la personne morale, laquelle subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social n'ont pas été liquidés ; qu'indépendamment de la reprise de la procédure de liquidation judiciaire, à la demande du liquidateur, du ministère public ou de tout créancier intéressé ou encore d'office par le tribunal lorsqu'il apparaît que des actifs n'ont pas encore été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées dans le cours de la procédure, prévue par l'article L. 643-13 du code de commerce, un mandataire peut être désigné pour reprendre les opérations de liquidation à la demande notamment de son ancien dirigeant ;
Considérant, cependant, qu'en l'espèce, le président du tribunal de commerce de Paris n'a pas, sur le fondement de la subsistance de la personnalité morale de la SARL GALOTAM FRANCE, procédé à une nouvelle désignation de M. Paul GEORGANDAS en qualité de mandataire ad hoc mais a confirmé sa précédente désignation faite en vertu de l'ordonnance du 19 mars 2009 que la cour vient de rétracter ; que sa seconde décision ne peut, par voie de conséquence, que suivre le même sort ; que l'ordonnance entreprise sera par suite infirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, qui succombe supportera les entiers dépens et versera à chacun des intimés la somme précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Rétracte les ordonnances sur requêtes en date du 19 mars 2009 et 16 mars 2012 ;
Condamne M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, à verser à la SAS MARAIS PARTICIPATIONS et à SA FONCIERE ET FINANCIERE MONCEAU la somme de 2 000 (deux mille) euros chacune au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Paul GEORGANDAS, pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société GALOTAM FRANCE, aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.