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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 septembre 2021, n° 17/11923

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Compta+Gestion (SARL), Génération Compta (SARL)

Défendeur :

Alter Ego Social (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Bordeaux, du 14 avr. 2017

14 avril 2017

FAITS :

La société Alter Ego Social (ci-après AES) exerce une activité de conseil en gestion sociale des entreprises.

La société Génération Compta, dont le gérant est M. X, est un cabinet d'expertise comptable.

La société Compta+Gestion, dont le gérant est M. X, est un cabinet d'expertise comptable.

La société Figec, dont le gérant est M. Y, est un cabinet d'expertise comptable.

Les sociétés Génération Compta, Compta+Gestion et Figec se sont regroupées au sein du cabinet Génération.

La société AES entretenait des relations d'affaires avec chacune des sociétés du cabinet Génération, ces dernières lui sous-traitant la gestion sociale et le traitement de la paie de leurs clients.

La société AES a constaté divers retards de paiement de ses factures par la société Génération Compta, de la société Compta+Gestion et de la société Figec.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 mars 2014, la société AES a mis en demeure la société Figec de lui payer une somme de 13 861,73 euros sous peine de voir mettre un terme à la mission confiée.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 mars 2014, MM. X et Y, en qualité de gérants des sociétés du cabinet Génération, se plaignant de diverses difficultés rencontrées avec la société AES dans l'exécution des missions confiées, ont réduit, avec effet immédiat, la gestion sociale qui lui était confiée pour ne lui laisser que la gestion des bulletins de paye.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 avril 2014, la société AES a contesté les griefs qui lui ont été adressés.

Lors d'une réunion du 11 avril 2014, la société Génération Compta et la société Compta+Gestion ont décidé de maintenir l'ensemble des missions confiées à la société AES

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 octobre 2015, la société Génération Compta a notifié à la société AES la rupture de leurs relations contractuelles avec effet au 31 décembre 2015 en alléguant des manquements répétés de cette dernière à ses engagements contractuels.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 octobre 2015, la société Compta+Gestion a notifié à la société AES la rupture de leurs relations contractuelles avec effet au 31 décembre 2015 en alléguant des manquements répétés de cette dernière à ses engagements contractuels.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 octobre 2015, la société Figec a notifié à la société AES la rupture de leurs relations contractuelles avec effet au 31 décembre 2015 en alléguant des manquements répétés de cette dernière à ses engagements contractuels.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 novembre 2015, la société AES a contesté les griefs allégués par la société Génération Compta et l'a mise en demeure de respecter un préavis de 6 mois, emportant rupture des relations au 30 avril 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 novembre 2015, la société AES a contesté les griefs allégués par la société Compta+Gestion et l'a mise en demeure de lui payer une somme de 9 210,20 euros au titre des factures restant dues ainsi que de respecter un préavis de 6 mois, emportant rupture des relations au 30 avril 2016.

PROCÉDURE :

Par acte du 19 janvier 2016, la société AES a assigné en responsabilité la société Génération Compta devant le tribunal de commerce de Bordeaux du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies.

Par jugement du 14 avril 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a:

- fixé à 3 mois le préavis dû par la société Génération Compta à la société AES,     

- condamné la société Génération Compta à payer à la société AES la somme de 2 271 euros de dommages et intérêts,     

- débouté la société AES du surplus de ses demandes,     

- condamné la société Génération Compta à verser à la société AES la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,     

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision,     

- condamné la société Génération Compta aux dépens.

Par déclaration du 15 juin 2017, la société Génération Compta a interjeté appel de ce jugement. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 17/11923.

Par acte en date du 19 janvier 2016, la société AES a assigné en responsabilité la société Compta+Gestion devant le tribunal de commerce de Bordeaux du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies.

Par jugement du 14 avril 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- fixé à 5 mois le préavis dû par la société Compta+Gestion à la société AES,

- condamné la société Compta+Gestion à payer à la société AES la somme de 24.579 euros de dommages et intérêts,     

- débouté la société AES du surplus de ses demandes,    

- condamné la société Compta+Gestion à verser à la société AES la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision, condamné la société Compta+Gestion aux dépens.

Par déclaration du 15 juin 2017, la société Compta+Gestion a interjeté appel total de ce jugement. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 17/11924.

Par ordonnance du 13 septembre 2018, les procédures enregistrées sous les numéros RG 17/11923 et 17/11924 ont été jointes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 janvier 2018, la société Génération Compta demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134, 1147 et 1151 du code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

Dire l'appel recevable et bien fondé,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous les cas mal fondés,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 14 avril 2017 et statuant à nouveau :

A titre principal,

Dire et juger que la société AES a commis de graves manquements à ses obligations découlant du contrat verbal conclu avec la société Génération Compta,

Dire et juger que la société Génération Compta s'est valablement prévalue de la résiliation des relations contractuelles aux torts exclusifs de la société AES,

Par conséquent,

Constater que le contrat verbal conclu entre les parties se trouve résilié depuis le 31 décembre 2015,

Débouter la société AES de l'ensemble de ses demandes indemnitaires compte tenu du bienfondé de la résiliation intervenue,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que les relations contractuelles entre la société AES et la société Génération Compta ne s'analysent pas en des relations commerciales établies,

Dire et juger que le délai de préavis de deux mois était suffisant,

Dire et juger par suite que la société AES ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice à l'encontre de la concluante du fait de la prétendue brutalité de la résiliation des relations contractuelles,

Débouter en conséquence la société AES de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre,

En tout état de cause,

Dire et juger que la société Génération Compta n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles et par suite,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société AES de ses demandes indemnitaires à ce titre,

Condamner la société AES à verser à la société Génération Compta la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société AES aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 13 novembre 2017 dans le cadre de l'instance l'opposant à la société Génération Compta, la société AES demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

Vu l'article 1382 du code civil,

Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé à 3 mois le préavis dû par la société Génération Compta et sa condamnation à une indemnité de 2 271 euros, outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

Le réformer et statuant à nouveau :

Constater l'exécution déloyale de la société Génération Compta à l'encontre de la société AES au cours des relations commerciales,

Condamner la société Génération Compta à indemniser la société AES à hauteur de 20 000 euros en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

Condamner la société Génération Compta à une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 janvier 2018, la société Compta+Gestion demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134, 1147 et 1151 du code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

Dire l'appel recevable et bien fondé,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous les cas mal fondées,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 14 avril 2017 et statuant à nouveau :

Dire et juger que la lettre de mission en date du 5 novembre 2010 est inopposable à la société Compta+Gestion faute d'être signée ;

A titre principal,

Dire et juger que la société AES a commis de graves manquements à ses obligations découlant du contrat verbal conclu avec la société Compta+Gestion,

Dire et juger que la société Compta+Gestion s'est valablement prévalue de la résiliation des relations contractuelles aux torts exclusifs de la société AES,

Par conséquent,

Constater que le contrat verbal conclu entre les parties se trouve résilié depuis le 31 décembre 2015,

Débouter la société AES de l'ensemble de ses demandes indemnitaires compte tenu du bien fondé de la résiliation intervenue,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que les relations contractuelles entre la société AES et la société Compta+Gestion ne s'analysent pas en des relations commerciales établies,

Dire et juger que le délai de préavis de deux mois était suffisant,

Dire et juger par suite que la société AES ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice à l'encontre de la concluante du fait de la prétendue brutalité de la résiliation des relations contractuelles,

Débouter en conséquence la société AES de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre,

En tout état de cause,

Dire et juger que la société Compta+Gestion n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles et par suite,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société AES de ses demandes indemnitaires à ce titre,

Condamner la société AES à verser à la société Compta+Gestion la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société AES aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 13 novembre 2017 dans le cadre de l'instance l'opposant à la société Compta+Gestion, la société AES demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

Vu l'article 1382 du code civil,

Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé à 5 mois le préavis dû par la société Compta+Gestion et sa condamnation à une indemnité de 24 579 euros, outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

Le réformer et statuant à nouveau :

Constater l'exécution déloyale de la société Compta+Gestion à l'encontre de la société AES au cours des relations commerciales,

Condamner la société Compta+Gestion à indemniser la société AES à hauteur de 20 000 euros en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

Condamner la société Compta+Gestion à une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 novembre 2019.

MOTIFS :

Sur la relation entre la société AES et la société Génération Compta

Sur la demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Sur l'imputabilité de la rupture

Pour dénier toute responsabilité au titre de l'article susvisé, la société Génération Compta prétend que la rupture de la relation est imputable à la société AES en raison de manquements répétés de cette dernière à ses obligations contractuelles.

La société Génération Compta reproche tout d'abord à la société AES de ne jamais avoir assuré l'assistance de ses clients lors des contrôles des services de l'URSSAF. La société AES dénie tout manquement à ses obligations sur ce point en indiquant d'une part que l'assistance systématique des clients de la société Génération Compta lors des contrôles URSSAF n'entrait pas dans sa mission faute pour la société Génération Compta d'avoir signé une lettre de mission et qu'en outre, elle est intervenue ponctuellement à la demande de la société Génération Compta.

Il sera relevé que les pièces produites aux débats démontrent que la société AES est intervenue lors des contrôles URSSAF lorsque son assistance a été sollicitée par la société Génération Compta ou ses clients.

Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue sur ce point.

La société Génération Compta reproche ensuite à la société AES de ne jamais lui avoir adressé de compte-rendu de mission. La société AES dénie tout manquement à ses obligations sur ce point en indiquant que la société Génération Compta était parfaitement tenue informée de l'exécution de sa mission en étant en copie des échanges existant avec ses clients ainsi qu'en étant destinataire d'un état mensuel énumérant les tâches effectuées pour chacun des clients.

Les nombreux courriels versés aux débats par la société AES démontrent que la société Génération Compta était systématiquement en copie des échanges entretenus entre ses clients et la société AES En outre, il est démontré que la société AES adressait chaque mois à la société Génération Compta un état mensuel des tâches effectuées auprès de chaque client.

Le grief sur ce point n'est donc pas établi.

La société Génération Compta prétend encore que les modalités de facturation de la société AES lui posaient difficulté auprès de ses clients.

En l'absence de disposition contractuelle précise sur ce point, aucun grief ne peut être retenu à l'encontre de la société AES En outre, il sera observé que cette dernière a tenu compte des observations qui lui avaient été faites sur ce point en proposant des solutions, ce qui témoigne de sa bonne foi contractuelle.

La société Génération Compta critique également la société AES pour ne pas avoir déposé sur le répertoire électronique commun les contrats de travail des salariés de ses clients. Néanmoins elle ne démontre pas ses allégations sur ce point et notamment avoir adressé à sa sous-traitante des courriels dans lesquels elle se plaignait de cette difficulté.

Enfin la société Génération Compta reproche à la société AES d'avoir facturé en supplément les prestations relatives aux relations avec les différentes caisses de cotisations.

Néanmoins la société Génération Compta n'apporte aucun élément de preuve quant à l'accord qui avait été pris sur ce point avec la société AES de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue de ce chef à son encontre.

Il sera de surcroît relevé que dans la lettre en date du 29 octobre 2015, la société Génération Compta fait état de « manquements répétés de votre prestation » pour justifier la rupture des relations avec la société AES sans apporter aucune précision sur la nature desdits manquements. La lettre du 29 mars 2014 qu'elle avait précédemment adressée à sa sous-traitante pour réduire les missions confiées faisait état d'erreurs et de dysfonctionnements sans apporter davantage de précisions.

Dans ces conditions, aucun manquement de la société AES à ses obligations contractuelles ne pouvait justifier la rupture des relations par la société Génération Compta.

Sur le caractère établi de la relation

Pour échapper à toute responsabilité du chef d'une rupture brutale des relations entretenues avec la société AES, la société Génération Compta soutient que lesdites relations ne présentaient pas un caractère de stabilité. Elle se prévaut ainsi de la réduction régulière du volume d'affaires confié à la société AES depuis la fin de l'année 2014 résultant de sa décision d'internaliser la gestion sociale de ses clients.

La société AES reproche au contraire à la société Génération Compta de l'avoir entretenue dans l'illusion de la poursuite de leurs relations.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Il n'est pas discuté que les sociétés Génération Compta et AES ont entretenu des relations commerciales à compter du mois de janvier 2012. Il résulte en outre des pièces versées aux débats que la société Génération Compta a confié à la société AES la gestion d'un volume de 182 bulletins de salaires en 2012, de 157 en 2013, de 95 en 2014 et de 60 en 2015, ce qui a généré un chiffre d'affaires pour la société AES de 44.132 euros en 2013, de 24.497 en 2014 et de 10.240 euros sur les trois premiers trimestres de 2015.

Si la réduction du volume d'affaires entre 2013 et 2015 est indéniable, force est de constater que la société Génération Compta n'a jamais répondu clairement à la société AES, avant la lettre de rupture du 29 octobre 2015, quant à ses interrogations sur l'avenir de la relation et qu'au contraire, elle lui a laissé espérer une poursuite des relations en 2016.

Ainsi dans un courriel du 6 novembre 2014, M. Z interrogeait M. X sur la reprise de certains dossiers :

« Vous m'avez indiqué il y a environ 1 mois, que vous envisagiez de "réinternaliser'' jusqu'à 150 salaires à compter de 2015 ou au cours de cette même année.

Je vous adresse ce mail pour vous demander où en est ce projet et s'il est toujours d'actualité, pour savoir si vous pouviez m'indiquer les éléments suivants :

- Date de reprise envisagée

- Liste des clients concernés

Je vais en effet devoir prendre des mesures internes au sein de ma société découlant de cette hypothèse. J'aurais donc besoin de connaître les échéances auxquelles je devrai faire face, afin de conduire les procédures adaptées en gestion du personnel dans le respect de mes obligations contractuelles, réglementaires, et conventionnelles. (...) »

Dans un courriel du 26 mai 2015, M. Z sollicitait de la part de la société Génération Compta des précisions quant à l'avenir de la relation en 2016 :

« (...) Je vous demande de prendre une position claire concernant la façon dont vous envisagez de travailler avec ALTER EGO Social.

Pourriez vous à ce titre nous préciser clairement quelles tâches vous souhaitez nous confier et très précisément :

- Envisagez-vous, immédiatement, à court terme ou à moyen terme, de reprendre en interne la gestion sociale attachée à la gestion des salaires (contrats de travail, procédures de ruptures de contrats etc.)

- Envisagez-vous de rompre nos relations commerciales à court ou moyen terme (envisagez-vous pour exemple de poursuivre nos relations commerciales pour l'année 2016 et pour quel volume de salaires mensuel environ)

- Pouvez vous nous préciser la répartition des tâches que vous avez conçue entre votre récent service social et notre société

Il me semble que ces informations relèvent d'une responsabilité fondamentale, dans la mesure où vous mesurez pleinement qu'elles déterminent, outre la qualité de notre prestation, également la gestion de ma société et des emplois qui la composent. »

Dans un courriel du 28 juillet 2015, M. Z relançait la société Génération Compta quant à l'avenir de la relation en 2016 :

« (…) Par ailleurs, Mr X m'avait indiqué par mail du 26 mai que dans un délai de 15 jours vous me préciseriez comment nos cabinets collaboreraient pour l'année 2016.

En effet, face à la diminution déterminante de nos prestations pour votre compte au cours de l'année 2014 suite à votre reprise en interne d'une très grande partie de la gestion sociale, je vous avais exprimé mon inquiétude pour 2016, et l'impérieuse nécessité d'anticiper la charge de travail que vous envisagiez de nous confier.

A cet égard je vous avais en effet demandé s'il était possible de me garantir un volume minimum de paie et du juridique y afférant, et je vous avais demandé d'éviter la diminution constante et sans prévenance de vos dossiers telle que nous l'avons connue jusqu'alors, puisque je ne peux en conséquence rien anticiper que ce soit en termes de gestion du personnel ou même de gestion globale, ce qui me place dans une situation particulièrement périlleuse et plus que précaire eu égard à la taille de ma société.

Je n'ai à ce jour, toujours aucune information.

Pouvez-vous, s'il vous plait me faire un retour cette semaine »

Par courriel du 29 juillet 2015, la société Génération Compta répondait :

« Concernant vos perspectives 2016,

Nous ferons un point avec Mr X et Y fin du mois d'août, début septembre afin définir les éventuels dossiers que nous serions ammenés à reprendre mais surtout vous quantifier le volume vous restant afin que vous puissiez vous organiser en conséquence. »

Par courriel du 2 septembre 2015, la société Génération Compta précisait :

« Suite à notre entretien d'hier, nous avons fait un point sur l'ensemble des 3 cabinets,

Nous nous rencontrerons donc le lundi 14/09 à 9h30 dans nos locaux et vous apporterons davantage de précision mais en effet, au vu de la situation actuelle, nous allons récupérer une partie du portefeuille et nous laisserons à votre cabinet, la charge de production d'environ 100 bulletins +ou- Nous ferons en sorte d'être plus précis lors de notre rdv. »

Il résulte de ces éléments que la société AES pouvait légitimement espérer une poursuite des relations commerciales en 2016 même si ces relations devaient être réduites. En conséquence, la relation entre les sociétés Compta+Gestion et AES présentait bien un caractère établi compte tenu de sa durée, de son intensité et de l'annonce d'une poursuite en 2016.

Sur la brutalité de la rupture

La société Génération Compta estime que le délai de préavis de deux mois laissé à la société AES pour se réorganiser était largement suffisant. La société AES ne critique pas le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à trois mois le délai de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

En l'espèce, la relation commerciale a duré 4 années. Le chiffre d'affaires réalisé par la société AES avec la société Génération Compta s'est élevé à 44.132 euros en 2013, à 24.497 en 2014 et à 10.240 euros sur les trois premiers trimestres de 2015, ce qui a représenté 11 % de son chiffre d'affaires en 2013 et 6,6 % en 2014. Ainsi et contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, aucune dépendance économique n'est caractérisée entre les deux sociétés.

Eu égard à ces éléments et notamment à la diminution constante du volume d'affaires confiées ainsi qu'à l'absence de spécificité de la prestation exécutée et à la possibilité de retrouver rapidement des partenaires, le préavis de deux mois observés sera jugé suffisant.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fixé à 3 mois le préavis dû par la société Génération Compta à la société AES et condamné la société Génération Compta à payer à la société AES la somme de 2 271 euros de dommages et intérêts. La cour, statuant à nouveau de ce chef, déboutera la société Génération Compta de son action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales et de sa demande de dommages et intérêts subséquente.

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de loyauté

La société AES reproche tout d'abord à la société Génération Compta d'avoir manqué à son obligation de loyauté contractuelle en tardant à payer ses factures, ce qui a été à l'origine de difficultés de trésorerie.

Aux termes de l'article 1153 ancien du code civil applicable au litige, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Toutefois le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, la société AES échoue à rapporter la preuve de la mauvaise foi de la société Génération Compta.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

La société AES critique encore la société Génération Compta pour avoir tenté de débaucher deux de ses salariées, ce qui a été à l'origine d'une désorganisation interne.

Toutefois il convient de rappeler que le démarchage de la clientèle de l'ancien employeur n'est constitutif de concurrence déloyale que s'il est réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages loyaux du commerce et s'il provoque une désorganisation interne.

En l'espèce, outre le fait que les salariées de la société AES n'ont pas été débauchées, la société AES échoue à rapporter la preuve d'une désorganisation interne.

Aucune responsabilité de la société Génération Compta ne peut donc être retenue pour concurrence déloyale et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.

Enfin la société AES fait grief à la société Génération Compta de l'avoir dénigrée en adressant un courriel à ses clients le 7 décembre 2015.

La société Génération Compta réplique que le courriel litigieux n'a été adressé qu'à la suite du propre dénigrement imputable à la société AES

Le dénigrement d'un concurrent consiste à jeter le discrédit sur la personne, l'entreprise ou les produits ou services concurrents en répandant dans le public des informations malveillantes.

En l'espèce, il est constant que M. A agissant pour le compte de la société Génération Compta a adressé le 7 décembre 2015 à l'ensemble des clients de cette dernière un courriel ainsi rédigé:

« Vous avez reçu comme message que la société ALTER EGO, qui a pour mission d'effectuer la production de la paie dans le cadre d'un accord de sous-traitance, suspendait la paie au motif que nous ne réglions pas les factures dans les délais légaux ou contractuels.

En effet, nous avons bloqué lesdites factures suite à un contentieux que nous avons déjà amorcé avec notre avocat, suite à de nombreuses et graves erreurs produites sur la paie.

Ces dysfonctionnements que nous avons relevés engendrent pour nos cabinets un préjudice dont les effets pourront se manifester demain lors de contrôle par les caisses ou en cas de litiges avec vos salariés.

Nous allons donc procéder au paiement des factures sur le compte carpa de notre avocat afin de démontrer notre bonne foi et surtout que vous ne subissiez pas les conséquences de ces amateurs.

Nous avons relevé des erreurs majeures dans l'application de certaines CCN, comme le bâtiment et les indemnités conventionnelles, des erreurs dramatiques dans les réductions Fillon, des erreurs de calculs dans les arrêts maladie, des bulletins fantômes laissés tels quels suite à des simulations, des DADS erronées, des primes conventionnelles non appliquées,

Dans ces conditions, nous avons porté un terme à notre relation au 1er janvier 2016, en invoquant l'article particulier de l'accord quant à leur insuffisance professionnelle en d'autres termes leur incompétence avérée.

Nous portons toutes nos excuses pour cet incident mais nous souhaitons engager la responsabilité contractuelle de la société ALTER EGO.

Vous pouvez nous contacter naturellement et nous vous tenons informé.

Sentiments dévoués. »

Contrairement à ce que soutient la société Génération Compta, elle ne démontre aucunement le dénigrement qu'elle impute à la société AES et qui serait à l'origine de ce courriel. En outre, il sera relevé que les propos qualifiant d « ' » les dirigeants et salariés de la société AES, leur imputant des « erreurs majeures » ou « dramatiques » ou relevant « leur incompétence avérée » sont constitutifs de dénigrement et engagent la responsabilité de la société Génération Compta.

Ce dénigrement a terni la réputation de la société AES Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Sur la relation entre la société AES et la société Compta+Gestion

Sur la demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales

Sur l'imputabilité de la rupture

Pour dénier toute responsabilité au titre de l'article susvisé, la société Compta+Gestion prétend que la rupture de la relation est imputable à la société AES en raison de manquements répétés de cette dernière à ses obligations contractuelles.

La société Compta+Gestion reproche tout d'abord à la société AES de ne jamais avoir assuré l'assistance de ses clients lors des contrôles des services de l'URSSAF. La société AES dénie tout manquement à ses obligations sur ce point en indiquant d'une part que l'assistance systématique des clients de la société Compta+Gestion lors des contrôles URSSAF n'entrait pas dans sa mission faute pour la société Compta+Gestion d'avoir signé une lettre de mission et qu'en outre, elle est intervenue ponctuellement à la demande de la société Compta+Gestion.

Il sera relevé que les pièces produites aux débats démontrent que la société AES est intervenue lors des contrôles URSSAF lorsque son assistance a été sollicitée par la société Compta+Gestion ou ses clients.

Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue sur ce point.

La société Compta+Gestion reproche ensuite à la société AES de ne jamais lui avoir adressé de compte-rendu de mission. La société AES dénie tout manquement à ses obligations sur ce point en indiquant que la société Compta+Gestion était parfaitement tenue informée de l'exécution de sa mission en étant en copie des échanges existant avec ses clients ainsi qu'en étant destinataire d'un état mensuel énumérant les tâches effectuées pour chacun des clients.

Les nombreux courriels versés aux débats par la société AES démontrent que la société Compta+Gestion était systématiquement en copie des échanges entretenus entre ses clients et la société AES En outre, il est démontré que la société AES adressait chaque mois à la société Compta+Gestion un état mensuel des tâches effectuées auprès de chaque client.

Le grief sur ce point n'est donc pas établi.

La société Compta+Gestion prétend encore que les modalités de facturation de la société AES lui posait difficulté auprès de ses clients.

Outre le fait qu'en l'absence de disposition contractuelle précise sur ce point, aucun grief ne peut être retenu à l'encontre de la société AES, il sera observé que cette dernière a tenu compte des observations qui lui avaient été faites sur ce point en proposant des solutions, ce qui témoigne de sa bonne foi contractuelle.

La société Compta+Gestion critique également la société AES pour ne pas avoir déposé sur le répertoire électronique commun les contrats de travail des employés de ses clients. Néanmoins elle ne démontre pas ses allégations sur ce point et notamment avoir adressé à sa sous-traitante des courriels dans lesquels elle se plaignait de cette difficulté.

Enfin la société Compta+Gestion reproche à la société AES d'avoir facturé en supplément les prestations relatives aux relations avec les différentes caisses de cotisations.

Néanmoins la société Compta+Gestion n'apporte aucun élément de preuve quant à l'accord qui avait été pris sur ce point avec la société AES de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue de ce chef à son encontre.

Il sera de surcroît relevé que dans la lettre en date du 29 octobre 2015, la société Compta+Gestion a fait état de « manquements répétés de votre prestation » pour justifier la rupture des relations avec la société AES sans apporter aucune précision sur la nature desdits manquements. La lettre du 29 mars 2014 qu'elle avait précédemment adressée à sa sous-traitante pour réduire les missions confiées était tout aussi imprécise quant aux manquements reprochés faisait état d'erreurs et de dysfonctionnements.

Dans ces conditions, aucun manquement de la société AES à ses obligations contractuelles ne pouvait justifier la rupture des relations par la société Compta+Gestion.

Sur le caractère établi de la relation

Pour échapper à toute responsabilité du chef d'une rupture brutale des relations entretenues avec la société AES, la société Compta+Gestion soutient que lesdites relations ne présentaient pas un caractère de stabilité. Elle se prévaut ainsi de la réduction régulière du volume d'affaires confié à la société AES depuis la fin de l'année 2014 résultant de sa décision d'internaliser la gestion sociale de ses clients.

La société AES reproche au contraire à la société Compta+Gestion de l'avoir entretenue dans l'illusion de la poursuite de leurs relations.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Il n'est pas discuté que les sociétés Compta+Gestion et AES ont entretenu des relations commerciales à compter du mois d'octobre 2010. Il résulte en outre des pièces versées aux débats que la société Compta+Gestion a confié à la société AES la gestion d'un volume de 478 bulletins de salaires en 2011, de 455 en 2012, de 497 en 2013, 437 en 2014 et de 235 en 2015, ce qui a généré un chiffre d'affaires pour la société AES de 123 436 euros en 2013, 114 805 en 2014 et de 46 453 euros sur les trois premiers trimestres de 2015.

Si la réduction du volume d'affaires entre 2013 et 2015 est indéniable, force est de constater que la société Compta+Gestion n'a jamais répondu clairement à la société AES, avant la lettre de rupture du 29 octobre 2015, quant à ses interrogations sur l'avenir de la relation et qu'au contraire, elle lui a laissé espérer une poursuite des relations en 2016.

Ainsi dans un courriel du 6 novembre 2014, M. Z interrogeait M. X sur la reprise de certains dossiers :

« Vous m'avez indiqué il y a environ 1 mois, que vous envisagiez de « réinternaliser » jusqu'à 150 salaires à compter de 2015 ou au cours de cette même année.

Je vous adresse ce mail pour vous demander où en est ce projet et s'il est toujours d'actualité, pour savoir si vous pouviez m'indiquer les éléments suivants :

- Date de reprise envisagée

- Liste des clients concernés

Je vais en effet devoir prendre des mesures internes au sein de ma société découlant de cette hypothèse. J'aurais donc besoin de connaître les échéances auxquelles je devrai faire face, afin de conduire les procédures adaptées en gestion du personnel dans le respect de mes obligations contractuelles, réglementaires, et conventionnelles. (...) »

Dans un courriel du 26 mai 2015, M. Z sollicitait de la part de la société Compta+Gestion des précisions quant à l'avenir de la relation en 2016 :

« (…) Je vous demande de prendre une position claire concernant la façon dont vous envisagez de travailler avec ALTER EGO Social.

Pourriez-vous à ce titre nous préciser clairement quelles tâches vous souhaitez nous confier et très précisément :

- Envisagez-vous, immédiatement, à court terme ou à moyen terme, de reprendre en interne la gestion sociale attachée à la gestion des salaires (contrats de travail, procédures de ruptures de contrats etc.)

- Envisagez-vous de rompre nos relations commerciales à court ou moyen terme « (envisagez-vous pour exemple de poursuivre nos relations commerciales pour l'année 2016 » et pour quel volume de salaires mensuel environ)

- Pouvez-vous nous préciser la répartition des tâches que vous avez conçue entre votre récent service social et notre société

Il me semble que ces informations relèvent d'une responsabilité fondamentale, dans la mesure où vous mesurez pleinement qu'elles déterminent, outre la qualité de notre prestation, également la gestion de ma société et des emplois qui la composent. »

Dans un courriel du 28 juillet 2015, M. Z relançait la société Compta+Gestion quant à l'avenir de la relation en 2016 :

« (…) Par ailleurs, Mr X m'avait indiqué par mail du 26 mai que dans un délai de 15 jours vous me préciseriez comment nos cabinets collaboreraient pour l'année 2016.

En effet, face à la diminution déterminante de nos prestations pour votre compte au cours de l'année 2014 suite à votre reprise en interne d'une très grande partie de la gestion sociale, je vous avais exprimé mon inquiétude pour 2016, et l'impérieuse nécessité d'anticiper la charge de travail que vous envisagiez de nous confier.

A cet égard je vous avais en effet demandé s'il était possible de me garantir un volume minimum de paie et du juridique y afférant, et je vous avais demandé d'éviter la diminution constante et sans prévenance de vos dossiers telle que nous l'avons connue jusqu'alors, puisque je ne peux en conséquence rien anticiper que ce soit en termes de gestion du personnel ou même de gestion globale, ce qui me place dans une situation particulièrement périlleuse et plus que précaire eu égard à la taille de ma société.

Je n'ai à ce jour, toujours aucune information.

Pouvez-vous, s'il vous plait me faire un retour cette semaine »

Par courriel du 29 juillet 2015, la société Compta+Gestion répondait :

« Concernant vos perspectives 2016,

Nous ferons un point avec Mr X et Y fin du mois d'août, début septembre afin définir les éventuels dossiers que nous serions emmenés à reprendre mais surtout vous quantifier le volume vous restant afin que vous puissiez vous organiser en conséquence. »

Par courriel du 2 septembre 2015, la société Compta+Gestion précisait :

« Suite à notre entretien d'hier, nous avons fait un point sur l'ensemble des 3 cabinets,

Nous nous rencontrerons donc le lundi 14/09 à 9h30 dans nos locaux et vous apporterons davantage de précision mais en effet, au vu de la situation actuelle, nous allons récupérer une partie du portefeuille et nous laisserons à votre cabinet, la charge de production d'environ 100 bulletins +ou- Nous ferons en sorte d'être plus précis lors de notre rdv. »

Il résulte de ces éléments que la société AES pouvait légitimement espérer une poursuite des relations commerciales en 2016 même le volume d'affaire devait être réduit. En conséquence, la relation entre les sociétés Compta+Gestion et AES présentait bien un caractère établi compte tenu de sa durée, de son intensité et de l'annonce d'une poursuite en 2016.

Sur la brutalité de la rupture

La société Compta+Gestion estime que le délai de préavis de deux mois laissé à la société AES pour se réorganiser était suffisant. La société AES ne critique pas le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à cinq mois le délai de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

En l'espèce, la relation commerciale a duré plus de 5 années. Le chiffre d'affaires réalisé par la société AES avec la société Compta+Gestion s'est élevée à 123 436 euros en 2013, à 114 805 en 2014 et à 46.453 euros sur les trois premiers trimestres de 2015, ce qui a représenté 30 % de son chiffre d'affaires en 2013 et 31 % en 2014. Ainsi et contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, aucune dépendance économique n'est caractérisée entre les deux sociétés.

En revanche, eu égard à l'important volume d'affaires réalisé entre les deux sociétés et à l'ancienneté de la relation commerciale, le préavis de deux mois observés sera jugé insuffisant. Le préavis qui aurait dû être observé a justement été estimé à 5 mois par les premiers juges.

Sur le préjudice

S'agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période,

Les parties s'opposent quant au calcul de la marge brute.

La marge brute est une notion comptable qui est définie « comme la différence entre le chiffre d'affaires (HT) et les coûts (HT) » y compris les coûts salariaux contrairement à ce qu'affirme la société AES

Compte tenu de la réduction importante du chiffre d'affaires réalisé à la fin des relations, il conviendra de retenir comme référence les deux derniers exercices, soit l'année 2014 et les trois premiers trimestres de l'année 2015, soit une moyenne mensuelle de 7 678,95 euros (114.805 euros + 46 453 euros = 161 258 euros/21 mois). Eu égard aux éléments comptables produits aux débats et notamment aux charges salariales et sociales supportées, il convient d'estimer la marge brute de la société AES à 40 %.

En conséquence, le préjudice résultant de l'insuffisance du préavis sera estimé à une somme de 9.214,74 euros [(7 678,95 euros x 40 %) x3 mois].

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Compta+Gestion à payer à la société AES la somme de 24 579 euros de dommages et intérêts. La cour, statuant à nouveau sur ce point, condamnera la société Compta+Gestion à payer à la société AES une somme de 9.214,74 euros de dommages et intérêts.

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de loyauté

La société AES reproche tout d'abord à la société Compta+Gestion d'avoir manqué à son obligation de loyauté contractuelle en tardant à payer ses factures, ce qui a été à l'origine de difficultés de trésorerie.

Aux termes de l'article 1153 ancien du code civil applicable au litige, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Toutefois le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, la société AES échoue à rapporter la preuve de la mauvaise foi de la société Compta+Gestion.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

La société AES critique encore la société Compta+Gestion pour avoir tenté de débaucher deux de ses salariées, ce qui a été à l'origine d'une désorganisation interne.

Cependant il convient de rappeler que le démarchage de la clientèle de l'ancien employeur n'est constitutif de concurrence déloyale que s'il est réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages loyaux du commerce et s'il provoque une désorganisation interne.

En l'espèce, outre le fait que les salariées de la société AES n'ont pas été débauchées, la société AES échoue à rapporter la preuve d'une désorganisation interne.

Aucune responsabilité de la société Compta+Gestion ne peut donc être retenue pour concurrence déloyale et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.

Enfin la société AES fait grief à la société Compta+Gestion de l'avoir dénigrée en adressant un courriel à ses clients le 7 décembre 2015.

La société Compta+Gestion réplique que le courriel litigieux n'a été adressé qu'à la suite du propre dénigrement imputable à la société AES

Le dénigrement d'un concurrent consiste à jeter le discrédit sur la personne, l'entreprise ou les produits ou services concurrents en répandant dans le public des informations malveillantes.

En l'espèce, il est constant que M. A agissant pour le compte de la société Compta+Gestion a adressé le 7 décembre 2015 à l'ensemble des clients de cette dernière un courriel ainsi rédigé :

« Vous avez reçu comme message que la société ALTER EGO, qui a pour mission d'effectuer la production de la paie dans le cadre d'un accord de sous-traitance, suspendait la paie au motif que nous ne réglions pas les factures dans les délais légaux ou contractuels.

En effet, nous avons bloqué lesdites factures suite à un contentieux que nous avons déjà amorcé avec notre avocat, suite à de nombreuses et graves erreurs produites sur la paie.

Ces dysfonctionnements que nous avons relevés engendrent pour nos cabinets un préjudice dont les effets pourront se manifester demain lors de contrôle par les caisses ou en cas de litiges avec vos salariés.

Nous allons donc procéder au paiement des factures sur le compte carpa de notre avocat afin de démontrer notre bonne foi et surtout que vous ne subissiez pas les conséquences de ces amateurs.

Nous avons relevé des erreurs majeures dans l'application de certaines CCN, comme le bâtiment et les indemnités conventionnelles, des erreurs dramatiques dans les réductions Fillon, des erreurs de calculs dans les arrêts maladie, des bulletins fantômes laissés tels quels suite à des simulations, des DADS erronées, des primes conventionnelles non appliquées,

Dans ces conditions, nous avons porté un terme à notre relation au 1er janvier 2016, en invoquant l'article particulier de l'accord quant à leur insuffisance professionnelle en d'autres termes leur incompétence avérée.

Nous portons toutes nos excuses pour cet incident mais nous souhaitons engager la responsabilité contractuelle de la société ALTER EGO.

Vous pouvez nous contacter naturellement et nous vous tenons informé.

Sentiments dévoués. »

Contrairement à ce que soutient la société Compta+Gestion, elle ne démontre aucunement le dénigrement qu'elle impute à la société AES et qui serait à l'origine de ce courriel. En outre, il sera relevé que les propos qualifiant d'« amateurs » les dirigeants et salariés de la société AES, leur imputant des « erreurs majeures » ou « dramatiques » ou relevant « leur incompétence avérée » sont constitutifs de dénigrement et engage la responsabilité de la société Compta+Gestion.

Ce dénigrement a terni la réputation de la société AES Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Génération Compta et la société Compta+Gestion succombent partiellement à l'instance d'appel. Les dispositions des jugements entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Génération Compta et la société Compta+Gestion seront condamnées in solidum à supporter les dépens d'appel. La société Génération Compta sera condamnée à payer à la société AES une somme supplémentaire de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel. La société Compta+Gestion sera condamnée à payer à la société AES une somme supplémentaire de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel. La société Génération Compta et la société Compta+Gestion seront déboutées des demandes qu'elles ont formées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 avril 2017 correspondant à l'instance opposant la société Génération Compta à la société Alter Ego Social enregistrée sous le numéro RG 2016F00132 sauf en ce qu'il a fixé à 3 mois le préavis dû par la société Génération Compta à la société AES, condamné la société Génération Compta à payer à la société Alter Ego Social la somme de 2 271 euros de dommages et intérêts et rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Alter Ego Social au titre du dénigrement;

Statuant à nouveau,

Déboute la société Génération Compta de son action en responsabilité à l'encontre de la société Alter Ego Social pour rupture brutale des relations commerciales et de sa demande de dommages et intérêts subséquente ;

Dit que la société Génération Compta a dénigré la société Alter Ego Social dans un courriel du 7 décembre 2015 adressé à ses clients et sera déclarée responsable de ce chef ;

Condamne la société Génération Compta à payer à la société Alter Ego Social une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du dénigrement ;

Y ajoutant,

Condamne la société Génération Compta à payer la société Alter Ego Social à la somme de 2 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Génération Compta de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 avril 2017 correspondant à l'instance opposant la société Compta+Gestion à la société Alter Ego Social enregistrée sous le numéro RG 2016F00133 sauf en ce qu'il a condamné la société Compta+Gestion à payer à la société Alter Ego Social la somme de 24 579 euros de dommages et intérêts et rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Alter Ego Social au titre du dénigrement ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Compta+Gestion à payer à la société Alter Ego Social une somme de 9 214,74 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'insuffisance du préavis accordé à la suite de la rupture des relations commerciales établies ;

Dit que la société Compta+Gestion a dénigré la société Alter Ego Social dans un courriel du 7 décembre 2015 adressé à ses clients et sera déclarée responsable de ce chef ;

Condamne la société Compta+Gestion à payer à la société Alter Ego Social une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du dénigrement ;

Y ajoutant,

Condamne la société Compta+Gestion à payer la société Alter Ego Social à la somme de 2 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Compta+Gestion de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la société Génération Compta et la société Compta+Gestion aux entiers dépens d'appel.