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Décisions

ADLC, 12 octobre 2021, n° 21-D-24

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution d’équipements de loisirs footballistiques

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Anissa Bensalah, rapporteure, et l’intervention de M. Stanislas Martin, rapporteur général, par M. Henri Piffaut, vice-président, président de séance, Mme Irène Luc et Mme Siredey Garnier, vice-présidentes.

ADLC n° 21-D-24

12 octobre 2021

L’Autorité de la concurrence (Commission permanente),

Vu la décision n° 17-SO-08 du 20 septembre 2017, enregistrée sous le numéro 17/0205 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution d’équipements de loisirs footballistiques ;

Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;

Vu le courrier en date du 4 mars 2021 par lequel le rapporteur général informe que l’affaire sera examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport ;

Vu le procès-verbal de transaction du 27 avril 2021 signé par le rapporteur général adjoint et la société ESPACE FOOT en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce ;

Vu les décisions n° 20-DSA-507 du 19 octobre 2020 et n°  20-DECR-640 du 2 décembre 2020 ;

Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ;

La rapporteure, le rapporteur général, le représentant de la société ESPACE FOOT et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 30 juin 2021,

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la décision, l’Autorité sanctionne la société ESPACE FOOT pour avoir mis en œuvre une entente généralisée avec ses franchisés visant à fixer les prix de vente aux consommateurs des produits commercialisés au sein des magasins de l’enseigne portant son nom.

Cette entente verticale a été mise en œuvre au moyen du contrat de franchise encadrant les relations entre la société ESPACE FOOT et ses franchisés de juillet 2002 au 18 septembre 2018. En outre, plusieurs franchisés ont déclaré, au cours de l’instruction, qu’ils appliquaient la stratégie tarifaire mise en œuvre par le franchiseur consistant à vendre au prix public conseillé les articles des fabricants d’équipements de loisirs footballistiques, et plus particulièrement les références des marques Nike, Adidas et Puma.

La société ESPACE FOOT a sollicité le bénéfice de la procédure de transaction, en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. La mise en œuvre de cette procédure a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de transaction, signé avec le rapporteur général, fixant le montant maximal et le montant minimal de la sanction pécuniaire qui pourrait être infligée par l’Autorité.

L’Autorité, après avoir examiné l’ensemble des faits du dossier, a estimé qu’il y avait lieu de prononcer une sanction d’un montant compris dans la fourchette figurant dans ce procès-verbal de transaction.

Pour déterminer le montant de la sanction, l’Autorité a tenu compte de la gravité intrinsèque de l’infraction et du fait qu’elle a été mise en œuvre par l’ensemble du réseau au moyen du contrat de franchise, signé par tous les franchisés. Elle a également pris en compte le dommage à l’économie, qu’elle a considéré très limité, notamment en raison de la taille et de l’impact modeste de la société ESPACE FOOT sur le marché. Enfin, elle a tenu compte des circonstances propres à la société mise en cause, conformémement au principe d’individualisation des sanctions.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, elle a prononcé une sanction d’un montant de  25 000 euros à l’encontre de la société ESPACE FOOT.

I. Les constatations

A. LA PROCEDURE

1. Aux termes d’un rapport administratif d’enquête du 23 mai 2017, transmis à l’Autorité de la concurrence (ci-après : l’Autorité) le 20 juin 2017, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (ci-après : « DIRECCTE ») d’Île-de-France a conclu que la société ESPACE FOOT, en tant que propriétaire et gestionnaire de la franchise ESPACE FOOT, s’était entendue avec ses franchisés pour (i) fixer des prix de vente au consommateur des articles commercialisés au sein des magasins de l’enseigne ESPACE FOOT et (ii) limiter de manière injustifiée et excessive dans le temps (2 ans) et dans l’espace (France) leurs obligations de non-concurrence post-contractuelle.

2. Par décision n° 17-SO-08 du 20 septembre 2017, enregistrée sous le numéro 17/0205 F, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution d’équipements de loisirs footballistiques.

3. Le rapporteur général a, par courrier du 4 mars 2021, sur le fondement de l’article L. 463-3 du code de commerce, décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport.

4. Le même jour, les services d’instruction ont adressé à la société ESPACE FOOT une notification de griefs portant sur une pratique prohibée au titre de l’article L. 420-1 du code de commerce.

5. Par un procès-verbal de transaction signé le 27 avril 2021, la société ESPACE FOOT s’est engagée à ne pas contester les griefs notifiés2.

6. Lors de la séance du 30 juin 2021, la société ESPACE FOOT a confirmé solennellement son accord avec les termes de la transaction.

B. LE SECTEUR CONCERNE

7. Le secteur de la distribution d’équipements de sport regroupe plusieurs catégories de produits, allant des équipements dédiés à la pratique d’un sport collectif ou individuel aux vêtements et chaussures. Selon une étude Xerfi de janvier 2018, la distribution d’articles de sport regroupe de « multiples univers (il existe plus de 250 disciplines sportives reconnues) et comporte de facto une grande diversité de produits »3.

8. Les principaux produits liés aux loisirs footballistiques sont les maillots des clubs de football, les chaussures à crampons, les survêtements ainsi que les accessoires pour la pratique de ce sport (gants de gardien, ballons, semelles, etc). Les produits liés aux loisirs footballistiques n’intéressent pas uniquement les sportifs. En effet, comme le relève une étude Xerfi de février 2020, « 54 % des français portent des vêtements de sport en dehors de leurs activités sportives »4.

9. La distribution des produits liés aux loisirs footballistiques emprunte deux principaux canaux :

- les circuits non spécialisés : ce sont les grandes surfaces alimentaires, les spécialistes du prêt-à-porter et des chaussures, les grands magasins, la vente à distance, etc ;

- les circuits spécialisés : ce sont les réseaux, qui peuvent être intégrés (Décathlon, Courir, Go Sport, etc.) ou non intégrés, c’est-à-dire associés, affiliés ou franchisés (Intersport, Sport 2000 International, Twinner, etc.) ou encore indépendants et mono- marques.

10. Au-delà d’enseignes dédiées à la pratique sportive en général, il existe d’autres profils d’enseignes spécialisées, voire ultra-spécialisées :

- les détaillants centrés sur un univers sportif ou un sport en particulier (PADD pour l’équitation, Culture Vélo, Golf Plus, Runtastic, Espace Montagne, ESPACE FOOT, etc.) ;

- les opérateurs positionnés sur les vêtements de sport (détaillants multimarques comme Courir, Foot Locker ou marques enseignes telles que Nike ou Adidas).

11. Décathlon est l’entreprise leader du secteur de la distribution d’articles de sport. Elle se spécialise de plus en plus dans des gammes de produits dédiés de sa propre marque, bénéficiant de ses innovations ainsi que de prix agressifs.

12. Les principaux opérateurs présents sur ce secteur sont :

- des magasins spécialisés : ESPACE FOOT, Univers Foot, Plus de Foot, Foot Locker, Footkorner, SoFoot, +2Foot, Onze Football Club ;

- des enseignes multisports : Décathlon, InterSport, Equip’Sport, Sport 2000, Go Sport, JDSport, Unisport ;

- des sites internet : PRODIRECT SOCCER, Nike.com, Adidas.fr.

13. Pour rester attractives et compétitives sur le marché, certaines enseignes spécialisées ont mis en place des stratégies autres que des positionnements tarifaires bas, notamment en développant leur relation-client et en se spécialisant dans un univers sportif.

14. Dans l’étude Xerfi de février 2020, l’enseigne ESPACE FOOT est citée comme l’une des principales enseignes spécialisées5.

C. LES ENTREPRISES CONCERNEES

1. LE FRANCHISEUR : LA SAS ESPACE FOOT

15. La société ESPACE FOOT a été créée en 1999 par M. X…, sous la forme d’une Société par actions simplifiée, sous le numéro RCS 428 686 778, au capital de 35 000 euros, dont le siège se situe au 115 allée Norbert Wiener à Nîmes depuis 2018.

16. En 2000, M. X... a créé un magasin pilote ESPACE FOOT dans le centre-ville de Montpellier, qu’il a géré jusqu’en novembre 20146. Les premiers magasins franchisés ESPACE FOOT sont apparus en 2002, à Toulon et à Nantes. Cette franchise s’est spécialisée dans l’univers du football. Elle commercialise des chaussures, des maillots officiels des plus grands clubs du monde et des vêtements, ballons et autres équipements, principalement des marques Adidas, Nike et Puma.

17. Actuellement, la société ESPACE FOOT ne gère plus de boutiques directement et fonctionne uniquement sur le modèle de la franchise.

2. LES FRANCHISES

a) Organisation et fonctionnement du réseau ESPACE FOOT

18. Le réseau ESPACE FOOT a opté pour un positionnement « Premium »7 s’agissant des produits et des services offerts.

19. En 2020, le réseau de franchise compte 22 franchisés gérant 31 boutiques ESPACE FOOT opérant sous des formes juridiques diverses. Les boutiques des franchisés sont réparties sur tout le territoire français.

20. En 2014, le chiffre d’affaires de l’ensemble des magasins sous franchise s’élevait à environ 20 millions d’euros, pour atteindre environ 21 millions d’euros en 20198.

21. Il n’y a pas de droits d’entrée dans le réseau. Les franchisés qui y accèdent concluent généralement un contrat d’une durée comprise entre 5 et 7 ans9 et paient en contrepartie une redevance correspondant à 3 % du chiffre d’affaires annuel HT10.

22. Le principal intérêt de la franchise pour les membres du réseau tient au rôle actif joué par le franchiseur, qui négocie des remises auprès des fournisseurs. Le franchiseur a ainsi déclaré : « mon rôle essentiel et cela n’a jamais évolué tout au long de ces 20 années, consiste à établir des partenariats rentables pour mes franchisés avec les plus grandes marques comme Nike, Adidas, Puma et autres en négociant les conditions commerciales mais aussi des exclusivités de produits ou de coloris par exemple »11.

23. Les magasins du réseau réalisent plus de 90 % de leur chiffre d’affaires avec trois fournisseurs : Nike, Adidas et Puma (Nike représentant en moyenne 47 % du chiffre d’affaires, Adidas 35 % et Puma 10 %)12.

b) Le fonctionnement du site internet ESPACE FOOT

24. Créé entre 2010 et 2012 par le franchiseur, le site ESPACE FOOT était originellement un simple site vitrine pour les produits vendus dans les magasins de l’enseigne ESPACE FOOT. Le site a ensuite permis l’achat en ligne. À compter du mois de novembre 2014, ESPACE FOOT a confié la gestion de son site internet à la société BOXING DAY, gérée par des franchisés. À la suite de la liquidation judiciaire de cette dernière, le site internet a cessé de fonctionner jusqu’en février 2020. Depuis février 2020, la société ESPACE FOOT a repris la gestion du site et y a relancé la vente en ligne13.

25. La société ESPACE FOOT a conservé un droit de regard sur la fixation des prix de vente sur le site internet avant comme après sa gestion par la société BOXING DAY. Lors de son audition du 24 janvier 2017, le franchiseur a ainsi déclaré : « maintenant c’est BOXING DAY qui gère toutes les ventes en ligne. Sur le site, je contrôle l’image, le logo, je leur demande par exemple de ne pas faire des promotions toute l’année pour éviter que les franchisés soient indisposés. BOXING DAY me demande mon avis sur les prix des promotions »14.

26. Depuis la reprise de la gestion du site internet par la société ESPACE FOOT, cette dernière fixe les prix sur le site internet. Son représentant a également précisé : « je ne fais plus de solde sur mon site internet pour ne pas nuire aux franchisés du réseau car les clients de franchisés demandent à bénéficier des mêmes soldes que ceux figurant sur le site internet si ceux-ci sont inférieurs »15.

D. LES PRATIQUES CONSTATEES

1. LA POLITIQUE TARIFAIRE DU FRANCHISEUR CONSISTANT DANS L’UNIFORMISATION DES PRIX DE VENTE DANS LES BOUTIQUES DES FRANCHISES

a) Des clauses contractuelles instaurant le respect, par les franchisés, de la politique tarifaire du franchiseur

27. Depuis la création du réseau, le franchiseur a successivement proposé deux versions de contrats-types aux franchisés. La première était applicable entre 2002 et 201816, période pendant laquelle était également applicable un document d’information précontractuel spécifique17. Ce document était transmis aux candidats à la franchise, pour leur permettre de prendre connaissance des termes du contrat de franchise lors des négociations. Un nouveau contrat, accompagné par un nouveau document d’information précontractuel18, a remplacé le premier contrat à compter du mois de septembre 201819.

Les stipulations en vigueur entre juillet 2002 et le 18 septembre 2018

28. La première version du contrat-type prévoyait plusieurs clauses relatives à la fixation des prix dans le cadre du réseau de franchise.

29. Il était stipulé, en préambule : « le Franchisé reconnaît la réputation commerciale du Franchiseur et est conscient de la nécessité de mettre et maintenir ses locaux d’exploitation, sa gamme de prix et la qualité de ses prestations, en conformité avec les normes du Franchiseur ».

30. Ce préambule était accompagné d’un article 1er qui précisait : « le présent contrat de Franchise établit une coopération commerciale et de service entre le Franchiseur et le Franchisé, partenaires juridiquement et économiquement indépendants, dans le but de réaliser et de maintenir une unité d’image commerciale en matière de prix, d’assortiment, de qualité et de prestations et dans le but d’assurer le meilleur développement et la meilleure rentabilité des parties ».

31. L’article 17 relatif aux prix indiquait : « Dans l’esprit de protection de l’image de marque, le FRANCHISEUR communiquera les prix de vente courants, et le FRANCHISÉ appliquera les prix communiqués. Le FRANCHISÉ respectera les lois et arrêtés réglementant les prix » (gras ajoutés).

32. Lors de son audition du 12 octobre 2020, à la question de savoir ce que signifiaient « les prix de vente courants » mentionnés à l’article 17, le franchiseur a répondu : « on peut dire que cette notion est plutôt celle des prix de vente conseillés par les marques (Nike, Adidas,…) et est liée au contexte de la vente d’articles de sport. Dans ce secteur, tout le monde sait qu’il faut appliquer les prix conseillés. Par exemple, un maillot PSG, vous le trouverez au même prix dans toutes les enseignes (Boutiques PSG, Décathlon,…) et pourtant il n’y a pas eu d’accord avec les autres marques) »20.

33. L’enquête de la DGCCRF a révèlé que ces clauses étaient présentes dans l’ensemble des contrats transmis par les franchisés lors de leurs auditions. C’est ce qui ressort des contrats respectivement signés par la SARL LAURENT FOOT (Bordeaux) le 16 février 200521, la SARL Enzo United (Le Mans) le 26 janvier 200722, la SARL DL FOOT (Colmar) le 1er novembre 200423, la SARL WORLDFOOT (Lyon) le 18 décembre 200324, la SARL Green Foot (Saint-Etienne) le 12 janvier 200425, la SARL SONICLA (Le Havre) le 18 novembre 200926et la SARL Vaucluse Foot 84 (Avignon) le 3 mai 200627.

34. L’article 17 a été modifié ultérieurement28. Une phrase y a été ajoutée, stipulant : « Dans l’esprit de protection de l’image de marque, le Franchiseur communiquera les prix de vente courants, et le Franchisé appliquera les prix communiqués. La remise en caisse (en dehors du système de fidélisation de l’enseigne) est formellement interdite. Toute entrave à cette règle pourra entraîner la rupture du contrat de Franchise. Le franchisé respectera les lois et arrêtés réglementant les prix ».

35. Lors de son audition du 24 janvier 2017, le franchiseur a indiqué à ce sujet : « concernant la clause 17 sur le prix, les ajouts, sur le contrat de Toulouse sont de mon fait, notamment la phrase qui prévoit que « tout entrave à cette règle pourra entraîner la rupture du contrat de franchise ». Ce point aurait dû être revu par un avocat et non pas par moi. L’objectif est de tenir un franchisé dans un comportement correct »29.

36. Les contrats concernés par cette nouvelle version de l’article sont ceux conclus par la SARL Amour du Maillot (Marseille) le 18 avril 201130, la SARL TAJ (Toulouse) le 1er avril 201531, la SARL C2M (Toulouse) le 20 septembre 201632 et la SARL Bastille (Paris) le 3 février 201233. Le franchiseur a précisé que le contrat signé avec le franchisé d’Angers incluait également l’article 17 dans sa seconde version34.

37. Enfin, le document d’information précontractuel utilisé à partir de 2011 indiquait que « le principe de la remise en caisse est formellement interdit dans le concept ESPACE FOOT »35. Toutefois, cette règle a été assouplie à partir du 1er juillet 2014. En effet, le document d’information précontractuel indique qu’à compter de cette date, « [ESPACE FOOT va] offrir une remise de 15 % sur toutes les chaussures de Foot »36.

Les stipulations en vigueur à compter du 19 septembre 2018

38. Le franchiseur a, le 3 février 2017, transmis à la DGCCRF par l’intermédiaire d’un avocat une nouvelle version du contrat de franchise, comprenant notamment une nouvelle version de la clause concernant la fixation des prix de vente37.

39. L’ensemble des franchisés ont signé ce nouveau contrat, applicable depuis le 19 septembre 201838.

40. Les paragraphes 58 et 59 de son article 6 stipulent : « Le Franchisé est un commerçant indépendant. À ce titre, il détermine librement ses prix de vente et dispose de la maîtrise de ses marges comme de la gestion de ses charges. / Toutefois, l’unité du réseau suppose une cohérence en termes d’images de marque. Le prix de vente des produits est l’un des facteurs déterminant de cette cohérence et impacte directement l’image de l’enseigne. Le Franchisé reconnaît la nécessité de cette cohérence, À ce titre, il est rappelé que la stratégie de l’enseigne n’est pas de conquérir des parts de marché par le prix en adoptant un positionnement de type « discount », mais plutôt d’être performant en adoptant un positionnement « premium », justifié par la technicité et l’exclusivité des produits obtenus grâce aux accords négociés et obtenus par le Franchiseur auprès des fournisseurs. / Par conséquent, le Franchisé s’engage à fixer ses prix en considération d’un faisceau constitué des paramètres suivants :

- les prix indicatifs maximums communiqués par le Franchiseur ;

- les prix pratiqués par les enseignes concurrentes ;

- le niveau de prix pratiqués sur sa zone de chalandise ;

- prix de vente conseillés par les fournisseurs référencés par le Franchiseur. »39

41. Son article 7 stipule : « Le Franchiseur pourra proposer au Franchisé des actions promotionnelles spécifiques au profit de sa clientèle locale. Si le Franchisé accepte une telle action promotionnelle, il prendra en charge la réalisation et les frais liés à ces actions, tant en termes de coût de publicité qu’en terme de baisse ponctuelle de marge le cas échéant ».

b) L’organisation de réunions annuelles au cours desquelles le franchiseur proposait la politique tarifaire applicable à l’ensemble des franchisés

42. Le franchiseur soumettait la politique tarifaire de l’enseigne aux franchisés lors de réunions annuelles.

43. Cette politique consistait à respecter les prix conseillés par les fournisseurs, tout en offrant une remise permanente de 15 % sur les chaussures. Depuis 2018, la remise a été portée à 20 %.

44. Le franchiseur a justifié sa politique tarifaire au cours de son audition du 24 janvier 2017 : « pour le respect des prix, c’est implicite : on respecte en gros le prix conseillé par les marques. Tout le monde le fait. […] les périodes promotionnelles sont décidées par les franchisés en réunion. On va faire en 2017 une période de trois semaines en mai. Chacun peut faire ce qu’il veut. Un franchisé n’est pas tenu de participer aux promotions. En dehors de cette période, les magasins ne peuvent pas faire de promotion »40.

45. Cette politique tarifaire ressort, par ailleurs, de plusieurs échanges avec les franchisés.

46. Ainsi, dans un courriel du 8 novembre 2016, le franchiseur a répondu au franchisé de Marseille qui l’interrogeait sur la possibilité d’effectuer une opération promotionnelle : « je suis particulièrement surpris de ta demande alors que tu as voté lors de notre dernière réunion nationale la stratégie consistant à réduire le nombre d’opérations commerciales tout au long de la saison 2016/2017. […] Pour rappel, le choix de cette stratégie consiste à ne pas habituer le consommateur à voir en magasins ou sur notre site internet des promotions en permanence et petit à petit ne plus acheter jamais au prix conseillé par les marques, prix offrant une rentabilité optimale à nos différentes sociétés gérant nos différents magasins »41 (gras ajoutés).

47. Le franchiseur a ensuite ajouté : « j’en profite pour rappeler ici, que depuis la création de mon enseigne en 2000, j’ai toujours eu pour philosophie de laisser les magasins définir la stratégie de l’enseigne pour la saison à venir au travers d’une réunion nationale où chacun peut s’exprimer et vote tous ensemble (sans que ma voix n’influe dans le choix final) les grandes orientations stratégiques de l’enseigne. Cette stratégie de ne faire que trois opérations commerciales par saison à savoir les deux périodes de soldes ainsi qu’une opération de déstockage au printemps 2017 a donc été votée par toi et l’ensemble des franchisés et il est difficile de la remettre en cause aujourd’hui au début du lancement des ventes de Noël »42.

48. Par ailleurs, dans un courriel du 25 mai 2016, le franchiseur a adressé à l’ensemble des franchisés le compte rendu de leur réunion des 22 et 23 mai 2016 dans lequel il a indiqué : « nous avons défini un nouveau calendrier d’OP Commerciales ne permettant toujours pas la moindre entorse. Aucune promo (braderie locale, anniversaire d’un magasin, blackfriday, venue d’un joueur et autres) n’est donc autorisée par l’enseigne en dehors du calendrier défini ci-dessous à savoir :

- les soldes de juillet

- les soldes de janvier

- une OP FIDELITE -20 % du 1 au 15 mars environ (dates précises à définir ultérieurement) cette OP n’autorise aucune affiche de promo en magasin, aucun prix barré, aucune pyramide de chaussures...elle a pour but d’offrir 20 % au fichier client sur présentation d’un SMS, d’un mail ou d’un courrier

- une OP DESTOCKAGE du 1 au 21 avril environ (dates précises à définir ultérieurement) comportant des prix barrés sur tout le magasin (textile et chaussures) selon les stocks des magasins […]

Nous continuons à offrir une remise de 15 % sur les chaussures sans changer le format des étiquettes en magasins. On garde donc l’idée du prix normal et du prix ESPACE FOOT »43 (gras et soulignement ajoutés).

49. De plus, il ressort du compte rendu de la réunion annuelle du 28 mai 2016, tenue à Montpellier, que le franchiseur a déclaré : « nous continuons à offrir une remise de 15 % sur les chaussures sans changer le format des étiquettes en magasins. On garde donc l’idée du prix normal et du prix ESPACE FOOT mais chaque magasin améliore sa signalétique en magasin (puisque ce n’est clairement pas le cas aujourd’hui) »44.

50. En outre, lors de la réunion de Barcelone du 29 juin 2017, le franchiseur a indiqué : « malgré le fait que vous avez tous réalisé une année 2016 exceptionnelle avec la meilleure rentabilité de toute l’histoire de l’enseigne, vous avez pour une grande partie d’entre vous cédé à la peur en effectuant ce que j’ai appelé la stratégie de la promo permanente ce qui a eu pour effet négatif de voir vos marges plonger, vos stocks stagner et vos trésoreries diminuer fortement. […] tous ensemble, vous avez voté de ne plus utiliser cette stratégie dorénavant en étant plus pro dans la gestion de votre entreprise mais aussi et surtout en étant plus proche de moi en amont pour éviter de se retrouver dans le mur. […] vous avez surtout voté les décisions suivantes à la totale unanimité :

- 2 périodes de soldes bien sûr aux dates officielles

- 2 périodes de promo et Aucune autre et ce dans toute la France donc aucune op sms aucune braderie etc…

Soit OP TRG du 4 au 21 avril Soit OP Maillots du 2 au 19 mai

- à partir du 01 août, suppression de l’affichage shoes -15 % pour avoir un seul affichage, celui conseillé par les marques. La remise continue pour autant mais en caisse suite à un argumentaire avec le client lors de la vente en lui conseillant de créer une fiche client Fidélité pour en bénéficier »45.

51. Dans le compte rendu de la réunion de février 2018 qui s’est tenue à Londres, il a déclaré : « pour enrayer les difficultés économiques actuelles, il a été décidé que chacun pouvait selon ses envies effectuer des campagnes de promotions jusqu’à la Coupe du monde afin de baisser les stocks et augmenter la trésorerie. Néanmoins la tendance globale est de faire une OP SHOES en mars »46.

52. Dans ce même compte rendu, il a ajouté : « pour doper les ventes de chaussures, en recul jusque-là, il a été décidé par l’ensemble des franchisés d’établir une remise de 20 % sur les chaussures (20 % sur tout le magasin pour les magasins TEAMSPORT qui le souhaitent, il n’y a aucune obligation d’étendre l’offre à l’ensemble du magasin) »47.

2. LES OUTILS DE DIFFUSION DE LA POLITIQUE TARIFAIRE DU FRANCHISEUR

a) Le logiciel Global Pos

53. Le logiciel Global Pos est un logiciel de caisse proposé par le franchiseur aux franchisés. Il a été déployé au sein du réseau à la fin des années 2000. Sa gestion implique principalement la création de fiche produit et nécessite qu’il soit alimenté des prix de chaque nouveau produit.

54. À l’exception du franchisé lyonnais, l’ensemble des franchisés utilise ce logiciel pour gérer leur stock. Ainsi, lors de son audition du 24 janvier 2017, le franchiseur a déclaré : « le logiciel de caisse est GLOBAL POS. Tous mes franchisés ne l’utilisent pas, mais une grande majorité recourt au logiciel : sur 37 magasins, 3 ne l’ont pas, ce sont ceux de Franck VENDERWECKEN. Il en utilise un autre qui lui paraissait plus performant »48.

55. D’après le franchiseur, les franchisés qui utilisaient ce logiciel avaient la possibilité de modifier les prix de vente dans leur magasin49. Cependant, ces derniers n’avaient pas nécessairement connaissance de cette faculté. Plusieurs d’entre eux ont même déclaré qu’une telle modification était impossible50.

b) Les factures, sites internet et showrooms des fournisseurs

56. Les franchisés ont accès aux prix conseillés par les fournisseurs quand ils leur passent des commandes, que ce soit par le biais de leurs catalogues ou de leurs sites internet51. Sur ce point, le franchisé d’Aubière a indiqué : « oui mes fournisseurs m’adressent les prix de vente aux consommateurs conseillés et ce, soit sur support papier (catalogues/bons de livraison…), soit sur ma plateforme de commande internet revendeur (e-catalogue) »52. De son côté, un représentant de la SARL WORLD FOOT, franchisé de Lyon, a relevé : « avec les comptes clients que nous avons avec nos fournisseurs nous avons accès aux sites fournisseurs lesquels figurent, bien évidemment, les prix auxquels nous achetons les produits ainsi que les prix publics conseillés »53.

57. Les prix conseillés sont également communiqués par les fournisseurs dans les showrooms organisés pour les franchisés54.

58. Enfin, certains fournisseurs communiquent leurs prix conseillés sur les factures adressées aux franchisés.

3. LE SYSTEME DE RETORSION MIS EN PLACE PAR LE FRANCHISEUR A L’ENCONTRE DES FRANCHISES NE RESPECTANT PAS LES PRIX DE VENTE FIXES

59. Plusieurs courriels du franchiseur font état de ses méthodes pour faire respecter la politique tarifaire de l’enseigne.

60. Ainsi, outre le courrier électronique adressé le 8 novembre 2016 à la SARL Amour du Maillot, franchisé de Marseille, et mentionné aux paragraphes 46 et 47 ci-dessus, le franchiseur lui a envoyé un courriel le 14 novembre 2016 indiquant : « je ne comprends pas pourquoi tu ne réponds pas à ma demande par sms du mercredi 9 novembre dernier concernant ton OP SMS que tu aurais commencé le 4 novembre sans m’en avertir et contrairement à ce que tu avais voté avec l’ensemble des autres franchisés lors de notre dernière réunion nationale. Deux franchisés m’ont alerté sur le fait que cette action avait été mise en place dans tes magasins, ce à quoi je n’ai pu apporter de réponses claires et nettes jusqu’ici. Nous avions décidé à la totale majorité de vendre au prix fort au moins jusqu’aux soldes de janvier pour apporter la plus grande marge commerciale aux bilans des magasins et éviter ainsi de donner l’impression à la clientèle que notre enseigne pouvait être en promo permanente ou quasi permanente. Tu as choisi une autre ligne de conduite, j’en prends note mais j’aurais trouvé judicieux que tu m’en informes afin que je puisse en faire part en retour aux autres magasins du réseau »55.

61. Par ailleurs, un représentant de la SARL Amour du Maillot a déclaré : « M. X... n’emploie aucune équipe de commerciaux afin de vérifier que les tarifs diffusés par le franchiseur [sont respectés], mais fait passer des "clients mystère", ou tout du moins en fait planer la menace auprès des franchisés. De manière générale, il impose sa volonté en appliquant des amendes aux franchisés ne respectant pas ses règles. Suite à une opération promotionnelle effectuée par le franchisé de Toulouse, le montant de son amende à été de 1000 euros »56 (sic, amende finalement réduite à 500 euros).

62. Le franchiseur fait référence à cette sanction motivée par le non-respect des périodes de promotion fixées annuellement dans un courriel du 29 novembre 2015 adressé à l’ensemble des franchisés : « cette fois, je suis arrivé au bout du bout de ce que je pouvais tolérer. Après la sanction de 500 € imputée à Toulouse pour non-respect des périodes de Promo, me voilà dans l’obligation d’appliquer des sanctions aux magasins qui ont été pris à utiliser un logo ESPACE FOOT sans pouvoir me justifier d’un accord par écrit de ma part »57. Ce courriel a également été l’occasion de menacer les autres franchisés du risque de sanction pécuniaire encourue en cas de non-respect de la politique tarifaire du réseau. Il y est d’ailleurs indiqué : « dès lors, considérez qu’à compter de ce jour, un magasin qui se fera surprendre comme Toulouse à faire une promo non validée par l’enseigne sera sanctionné de 1 000 € d’amende. Si cela devait être à nouveau le magasin de Toulouse, il sera sanctionné de 2 000 € d’amende »58.

4. LE RESPECT DES PRIX DE VENTE FIXES PAR LE FRANCHISEUR

a) Les déclarations des franchisés

63. La plupart des franchisés interrogés ont déclaré respecter la stratégie tarifaire imposée par le franchiseur, ainsi que cela ressort des déclarations de :

- la SARL TAJ, franchisé de Toulouse, qui a indiqué : « concernant notre politique tarifaire, nous respectons les prix communiqués par le réseau, conformément au contrat de franchise »59 ;

- la SARL Amour du Maillot, franchisé de Marseille, qui a déclaré : « avec la pratique, je me suis aperçu du fait que certaines clauses étaient aberrantes, notamment celle concernant l’imposition des prix de vente. Nous sommes complètement encadrés sur ce point des prix, mais également à peu près sur tout, car il se comporte vis-à-vis de ses franchisés comme avec des salariés. Les franchisés sont libres de pratiquer les prix qu’ils veulent, sur les références qu’ils souhaitent, uniquement lors d’une période de deux semaines définies par le franchiseur. La politique de l’enseigne est également de pratiquer une remise de 15 % sur les prix des crampons par rapport au prix fabricant. […] Il n’y a pas de tarif diffusé par la tête de réseau, les membres savent tacitement que les prix que souhaite voir appliquer le franchiseur sont les prix conseillés des fabricants »60 ;

- la SARL WORLD FOOT, franchisé de Lyon, qui a précisé : « Le prix pratiqué est celui qui est conseillé par l’ensemble des marques. Tout le monde respecte ces prix conseillés. La décision au sein du réseau a été prise pour respecter ces prix donc le franchiseur nous impose de les respecter, d’autant plus que nous ne pouvons-nous permettre de pratiquer des prix différents de ceux affichés sur le site internet au national. […] Les commerciaux des marques passent rarement en magasin et ne prêtent que peu d’attention aux prix pratiqués. Le franchiseur vérifie ces prix grâce aux remontées de caisse et lorsqu’il se rend en magasin, il est également possible que le franchiseur ait recours à des clients mystère comme il a pu nous le dire lors de réunions annuelles. […] Les prix conseillés apparaissent donc sur les sites des fournisseurs ainsi que sur les confirmations de commande. Les étiquettes de prix sont imprimées via le logiciel propre au réseau. Via ce logiciel il n’est possible de modifier que le prix d’achat et non le prix de revente »61 (gras ajoutés) ;

- ESPACE FOOT SARL C2M, franchisé de Toulouse, qui a déclaré : « à ce jour, il m’est difficile d’avoir une vision définitive du fonctionnement du réseau. Je sais cependant que pour établir mes prix, j’utilise le logiciel GLOBAL POS fourni par le franchiseur ; celui-ci me permet d’établir les prix à partir des grilles tarifaires du logiciel, puis d’imprimer les étiquettes apposées sur les articles. Pour l’instant, je ne me suis jamais demandé s’il m’était possible de pratiquer des prix différents dans la mesure où ces prix me conviennent et que de toute façon, les principaux équipementiers communiquent sur des prix de vente conseillés. [...] En ce qui concerne les soldes d’hiver qui se profilent, je pense que je vais attendre les préconisations du site internet que j’analyserai en fonction de mes stocks. En d’autres termes, je pense pratiquer des remises beaucoup plus importantes sur les articles dont le stock sera conséquent. C’est par exemple le cas de la gamme ADIDAS. En tout état de cause, au moment des soldes, je suis libre de pratiquer les remises que je souhaite. Je crois me souvenir qu’un courriel nous avait été adressé en ce sens »62 ;

- la SARL Enzo United, franchisé du Mans, qui a précisé : « ce n’est pas nous qui fixons les prix de vente mais les marques qui nous communiquent des prix conseillés. Nous avons des catalogues papier édités par chaque marque mais aujourd’hui, tout se fait par informatique. On va sur le site de la marque qui nous indique les prix conseillés, souvent avec un coefficient de 2,5. Nous respectons les prix conseillés. Nous avons décidé en commun d’appliquer les prix conseillés lors d’une réunion entre franchisés » (gras ajoutés)63 ;

- Fabrice Linot, franchisé de la Chapelle-Saint-Aubin, qui a indiqué au franchiseur les points qu’il souhaitait aborder lors de la réunion annuelle. À cet égard, il a indiqué : « bonsoir David, je souhaiterai aborder : -cohérence sur tout le réseau pour les promos prix »64 ;

- Green Foot, franchisé de Saint-Etienne, qui a admis : « j’applique toute l’année 15 % de remise sur l’ensemble des chaussures vendues en magasin. Cela est pratiqué par tous les franchisés du réseau. Cela a été décidé sur une réunion en petit comité ESPACE FOOT à laquelle participaient quatre franchisés ainsi que le franchiseur. C’était un moyen pour lutter contre les pratiques du site anglais « prodirectsoccer » qui a pour habitude de casser les prix. Les marques concernées, Nike, Adidas et Puma, n’ont, à ma connaissance, pas réagi »65 ;

- DL Sport, franchisé de Strasbourg, qui a expliqué : « la politique commerciale est définie en commun par l’ensemble des franchisés lors d’une réunion annuelle. Nous décidons des grandes lignes, essentiellement, des périodes de publicité. Nous ne parlons pas des prix puisque nous nous contentons d’appliquer les prix des fournisseurs comme indiqué précédemment. A cette occasion, il peut aussi nous arriver de choisir le ou les fournisseurs qui seront mis en avant »66.

64. Par ailleurs, les franchisés ne disposent d’une marge de manœuvre dans la fixation du montant des remises que lors des périodes promotionnelles décidées en réunion annuelle et qui s’imposent à tous les franchisés. En général, deux périodes de promotion de 15 jours sont fixées par an. C’est ce qui ressort des déclarations des responsables de :

- la SARL Amour du Maillot, franchisé de Marseille, qui a déclaré : « les franchisés sont libres de pratiquer les prix qu’ils veulent, sur les références qu’ils souhaitent, uniquement lors d’une période de deux semaines définies par le franchiseur »67 ;

- la SARL WORLD FOOT, franchisé de Lyon, qui a précisé que « pour les campagnes de publicité il peut y avoir des décisions prises en réunion (assemblée générale annuelle). En plus de cela je peux décider de monter une campagne promotionnelle pour mon magasin seulement à la condition qu’elle soit validée par le franchiseur »68 ;

- la SARL 84 Vaucluse Espace Foot, franchisé d’Avignon, qui a indiqué : « ce qui est intéressant avec ce franchiseur, c’est la liberté de choix dans l’approvisionnement dans un cadre donné au début d’année qui définit des quantités à atteindre. Le cadre concerne aussi l’image de marque de la franchise qui doit être respectée, d’où la nécessité de respecter les consignes de prix qui sont données en début d’année »69. Il ajoute : « il n’y a que les magasins en difficulté, à ma connaissance ou qui sont en gros déstockage qui sont autorisés, en accord avec le fournisseur, de pratiquer des promotions. La cohérence des prix est effectuée au plan quasiment national, car certains magasins peuvent être proches ». Il précise ensuite que « s’agissant des possibilités de faire des promotions exceptionnelles, cela concerne pas forcément les magasins en difficulté, mais chaque magasin, si cela a été validé par la franchise, en fonction du contexte »70 ;

- la SARL EF PARIS, franchisé de Paris, qui a admis : « concernant nos prix, nous disposons d’aucune liberté tarifaire. C’est la franchise ESPACE FOOT qui décide. Nous disposons d’un logiciel de gestion où tout est déjà enregistré : prix d’achat et prix de vente. (…) Si jamais nous dérogeons aux prix, des sanctions sont prévues »71.

b) Le relevé de prix des enquêteurs

65. La DGCCRF a effectué un relevé de prix dont il ressort que les franchisés appliquent les prix conseillés72. Celui-ci est reproduit à la page suivante.

66. Dans les trois colones dédiées aux chaussures, figurent les prix de vente conseillés par les fournisseurs (ci-après : « PVC »), et les prix de ventes proposés par les magasins ESPACE FOOT (ci-après : « EF »). Ceux-ci correspondent aux PVC réduits de 15 % puisque, comme cela a été indiqué au paragraphe 37 ci-dessus, ESPACE FOOT propose une réduction de 15 % sur toutes les chaussures de football depuis le 1er juillet 2014.

67. Dans les autres colonnes concernant les maillots, une paire de gants, une casquette et une écharpe, les prix constatés correspondent, pour l’essentiel, aux PVC des fournisseurs.

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E. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE

68. Le 4 mars 2021, le grief suivant a été notifié :

« Il est fait grief à la société ESPACE FOOT (RCS 428 686 778), en tant qu’auteure, d’avoir pris part, entre juillet 2002 à septembre 2018, à une entente généralisée avec ses franchisés pour fixer les prix de vente aux consommateurs des produits commercialisés au sein des magasins de l’enseigne ESPACE FOOT.

De tels comportements revêtent un objet prohibé par l’article L. 420-1 du code de commerce en maintenant le prix de détail de vente artificiellement élevé des produits vendus dans les boutiques de l’enseigne ESPACE FOOT en France.

Cette pratique est contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce ».

II. Discussion

69. Seront successivement examinés la mise en œuvre de la procédure de transaction (A), l’applicabilité du droit de l’Union (B), le bien-fondé du grief notifié (C) et la sanction (D).

A. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION

70. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose : « Lorsqu’une association d’entreprises ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l’entreprise ou l’association d’entreprises s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’entreprise ou l’association d’entreprises donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’association d’entreprises et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».

71. En l’espèce, la société ESPACE FOOT n’a pas contesté le grief qui lui a été notifié et a sollicité l’application des dispositions susvisées auprès du rapporteur général de l’Autorité, qui lui a soumis une proposition de transaction.

72. La mise en œuvre du texte précité a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de transaction, par lequel la société ESPACE FOOT a donné son accord à une proposition de transaction définissant les limites de la sanction pécuniaire pouvant lui être infligée.

73. Lors de la séance du 30 juin 2021, la société ESPACE FOOT a confirmé son accord avec les termes de la transaction, dont elle a accepté, en toute connaissance de cause, les conséquences juridiques, notamment en ce qui concerne le montant de la sanction pécuniaire pouvant être prononcée par l’Autorité.

74. Les pratiques n’ayant pas été contestées, l’Autorité se bornera aux développements suivants.

B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION

75. Selon la jurisprudence de l’Union synthétisée dans la Communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges, à tout le moins potentiels, entre les États membres portant sur les produits ou les services en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation73.

76. Concernant le troisième élément, les lignes directrices précitées précisent au point 44 : « Le critère de l’affectation du commerce intègre un élément quantitatif qui limite l’applicabilité du droit communautaire aux accords et pratiques qui sont susceptibles d’avoir des effets d’une certaine ampleur. Les accords et pratiques échappent à l’interdiction énoncée aux articles 81 et 82 lorsqu’ils n’affectent le marché que d’une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu’occupent les entreprises intéressées sur le marché des produits en cause »74.

77. Le paragraphe 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs, en deçà desquels un accord est présumé ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :

- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % ;

- et, dans le cas d’accords verticaux, le chiffre d’affaires annuel total réalisé dans l’Union par le fournisseaur avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros.

78. Au cas présent, il ressort de l’instruction que les pratiques en cause sont présumées ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres pour deux raisons.

79. Premièrement, la société ESPACE FOOT représentait moins de 6 % de parts de marché en France sur le marché en cause entre 2016 et 2019, soit nécessairement moins de 5 % sur le marché européen, étant précisé que la société mise en cause n’est pas active en dehors du territoire national.

80. Secondement, le seuil de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels n’est pas dépassé par la société mise en cause dans la mesure où le chiffre d’affaires de l’ensemble du réseau s’élevait à 20 millions d’euros en France en 2014 et à 21 millions d’euros en 2019.

81. Les pratiques en cause doivent donc être examinées uniquement au regard du droit national, et notamment de l’article L. 420-1 du code de commerce.

C. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE

1. LE CADRE JURIDIQUE

a) En ce qui concerne la démonstration de l’accord de volontés

82. Il ressort d’une jurisprudence constante, tant en droit de l’Union qu’en droit interne, que, pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée75.

83. Selon le Tribunal de l’Union européenne (ci-après « le Tribunal »), la preuve d’un tel accord

« doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l’élément subjectif qui caractérise la notion même d’accord, c’est-à-dire d’une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »76.

84. La démonstration de l’accord de volontés peut ainsi se faire par tout moyen, étant rappelé que le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale77. Sur ce point, la Cour de justice a qualifié de « preuves documentaires directes » des éléments suffisamment explicites, tels que des contrats, des notes internes, des déclarations, des comptes rendus de réunion, des projets d’ordre du jour ou encore des notes prises lors de réunions78.

85. La cour d’appel de Paris s’est inscrite dans la droite ligne de cette jurisprudence, en soulignant, dans un arrêt Société Canna France, que la démonstration de l’accord de volontés peut se faire par tout moyen. Dans ce même arrêt, la cour a également rappelé qu’en présence de preuves directes ou explicites résultant de documents ou de clauses contractuelles, « il n’est pas nécessaire de recourir à des preuves indirectes ou comportementales, constitutives d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, impliquant la caractérisation d’une application significative ou effective par les distributeurs des prix conseillés par le fournisseur »79.

86. Ainsi que l’a par ailleurs jugé la cour d’appel de Paris, dans son arrêt Epsé Joué Club, il appartient néanmoins à l’Autorité, pour démontrer le concours de volontés, d’établir « l’invitation d’une partie à l’accord à mettre en œuvre une pratique illicite et l’acquiescement de l’autre à cette invitation »80.

87. Il est constant, en droit de l’Union, que la forme de la manifestation de la volonté des parties à l’entente n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celle-ci81. Le Tribunal a ainsi précisé, dans l’arrêt Bayer/Commission précité que « [l]a preuve d’un accord entre entreprises au sens de [l’article 101, paragraphe 1] du traité doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l’élément subjectif qui caractérise la notion même d’accord, c’est-à-dire d’une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »82 (point 173).

88. Par ailleurs, la Commission indique, s’agissant d’accords verticaux, que l’acquiescement tacite « peut être déduit du niveau de la coercition exercée par une partie pour imposer sa stratégie unilatérale à l’autre ou aux autres parties à l’accord, en liaison avec le nombre de distributeurs qui mettent effectivement en œuvre la stratégie unilatérale du fournisseur dans la pratique. Par exemple, un système de suivi et de pénalités instauré par un fournisseur pour sanctionner les distributeurs qui ne respectent pas sa stratégie unilatérale dénote un acquiescement tacite à cette stratégie si ce système permet au fournisseur de mettre en œuvre sa stratégie dans la pratique »83.

89. La Cour de justice a rappelé, dans son arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, qu’un accord interdit par l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne suppose pas nécessairement qu’il existe un système de contrôles a posteriori et de sanctions84. En outre, la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, précité, a jugé que la preuve de l’acquiescement des distributeurs à l’entente peut être rapportée par tout moyen, notamment par la mise en place d’une surveillance intra-marque par ces derniers85.

90. En vertu de ce qui précède, l’Autorité ne saurait être tenue, en toute espèce, de réunir ce faisceau d’indices articulé en trois branches, lorsqu’elle dispose d’indices documentaires ou comportementaux qui viennent établir, d’une part, l’invitation de la tête de réseau ou du fabricant, et d’autre part, l’acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse86.

91. S’agissant, enfin, du niveau de preuve exigé, la Cour de cassation a jugé que la démonstration d’une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés reprochée à un fournisseur n’exige pas l’identification de tous les distributeurs ayant participé à l’entente, mais suppose seulement « que soit établi, à l’égard de chacun des distributeurs individualisés ou d’un nombre significatif d’entre eux, que les parties ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter de cette manière sur le marché »87.

92. En outre, la cour d’appel de Paris a jugé « [q]u’il n’est pas incompatible avec l’existence d[’une] entente [verticale généralisée] que quelques entreprises aient refusé d’y adhérer et n’aient pas fait l’objet de mesures de rétorsion, dès lors que [le fournisseur] [lui]-même ne conteste pas que des pressions ont été exercées sur les détaillants récalcitrants […] afin de les inviter à se plier à la discipline commune, qui ont été suivies d’effet »88.

b) En ce qui concerne la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence

93. De manière générale, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article L. 420-1 du code de commerce89, un accord doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur90.

94. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, à laquelle l’Autorité peut se référer y compris quand elle est chargée d’appliquer seulement le droit de la concurrence interne, la notion de restriction de concurrence par objet doit être interprétée de manière restrictive. Elle ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire91.

95. En ce qui concerne les accords verticaux sur les prix, il y a lieu de relever que ceux-ci constituent, selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, des restrictions de concurrence par objet92.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

96. Il ressort de l’instruction qu’entre juillet 2002 et le 18 septembre 2018, les franchisés ont accepté l’invitation du franchiseur d’appliquer les prix conseillés par les fabricants d’équipements de loisirs footballistiques.

97. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 17 du contrat de franchise applicable pendant cette période, signé par plusieurs franchisés comme cela a été indiqué au paragraphe 33 ci-avant, stipulait : « [d]ans l’esprit de protection de l’image de marque, le Franchiseur communiquera les prix de vente courants, et le franchisé appliquera les prix communiqués »93. En outre, comme précisé au paragraphe 34 ci-avant, certains contrats de franchise modifiés indiquaient expressément au même article 17 que l’absence de respect des prix communiqués était susceptible de conduire à la rupture du contrat de franchise. Enfin, M. Desmoulin, créateur de la société ESPACE FOOT, a expressément admis avoir invité ses franchisés à respecter les prix conseillés par les fabricants94, et plus particulièrement ceux des sociétés Nike, Adidas et Puma.

98. Il est donc établi qu’ESPACE FOOT et ses franchisés se sont entendus sur une politique de prix imposé au sein du réseau ESPACE FOOT de juillet 2002 au 18 septembre 2018. Une telle pratique constitue une infraction par objet au sens des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.

D. SUR LA SANCTION

1. RAPPEL DES PRINCIPES

99. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-1 du code de commerce.

100. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de cet article prévoit que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

101. Aux termes du quatrième alinéa du I du même article, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

102. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose : « Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’organisme ou l’entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».

103. Enfin, les circonstances particulières résultant de la mise en œuvre, en l’espèce, de la procédure de transaction fondée sur les dispositions précitées du III de l’article L. 464-2 du code de commerce justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué de l’Autorité. C’est ce qui ressort du paragraphe 37 du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction, dont le principe a été repris au paragraphe 5 du communiqué de l’Autorité relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du 30 juillet 2021, qui abroge et remplace le précédent communiqué du 16 mai 2011.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

104. En premier lieu, il est de jurisprudence constante que les ententes verticales sur les prix, sans revêtir le même caractère de gravité que celui des ententes horizontales entre concurrents, sont graves par nature car elles ont pour conséquence de confisquer au profit des auteurs de l’infraction le bénéfice que le consommateur est en droit d’attendre d’un fonctionnement concurrentiel du marché95.

105. Par ailleurs, il convient de relever que les pratiques à l’origine de l’infraction litigieuse trouvent leur source dans l’article 17 du contrat de franchise mentionné aux paragraphes 31 et 34 ci-avant, signé par l’ensemble des franchisés. Le franchiseur a ainsi pu généraliser le système de l’entente à l’ensemble des franchisés, mais aussi les contraindre à le respecter. À cet égard, l’Autorité relève que les pratiques en cause ont donné lieu à un système de police des prix. En effet, et comme indiqué au paragraphe 62 ci-dessus, le franchiseur a sanctionné le franchisé de Toulouse en raison du non-respect des périodes de promotion fixées. Ce dernier a dû s’acquitter d’une amende de 500 euros. Le franchiseur a ensuite fait part de cette sanction à l’ensemble des autres franchisés dans un courriel du 29 novembre 2015, pour les inciter à respecter la politique tarifaire du réseau.

106. Il résulte de ce qui précède que les pratiques à l’origine de l’infraction sanctionnée présentent un caractère de gravité certain.

107. En deuxième lieu, les pratiques en cause ont couvert l’ensemble du territoire national pendant plus de 18 ans, cette période correspondant à celle de l’application du contrat régissant les relations entre la société ESPACE FOOT et ses franchisés, applicable de juillet 2002 au 18 septembre 2018. Toutefois, il convient de relever que le poids du réseau ESPACE FOOT dans le secteur des équipements footballistiques reste modeste, compte tenu de son chiffre d’affaires. En outre la société en cause fait face à un nombre non négligeable de concurrents. Enfin, l’Autorité relève que les produits fabriqués par Nike, Adidas et Puma qui sont vendus dans les boutiques de la franchise ESPACE FOOT représentent, pour chacun de ces trois fournisseurs, moins de 6 % de leurs ventes en France96.

108. Par ailleurs, il convient de relever que le secteur des équipements footballistiques est actuellement en progression et que la vente en boutiques et sur internet constitue un canal de commercialisation pertinent pour distribuer des produits. En imposant des prix de revente à ses franchisés, le franchiseur a affaibli la concurrence entre eux alors que l’essor du commerce en ligne pouvait accroître cette concurrence, ce qui a pu priver les consommateurs de prix moins élevés. En outre, il ressort des paragraphes 63 à 65, et notamment du tableau de relevé des prix de la DGCCRF, que les franchisés ont, dans la lignée des recommandations du franchiseur, appliqué les prix des fabricants. Pour autant, compte tenu de la taille relativement modeste du réseau ESPACE FOOT en termes de chiffre d’affaires et de présence sur le marché, il apparaît que cette pratique n’a été de nature à affecter qu’un nombre très limité de consommateurs potentiels.

109. Il résulte de ce qui précède que si les pratiques à l’origine de l’infraction sanctionnée ont pu engendrer un dommage certain à l’économie, l’importance de celui-ci apparaît très limitée.

110. En dernier lieu, l’Autorité relève qu’aucune circonstance atténuante ou aggravante ne saurait être retenue à l’encontre de la société mise en cause, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 922 005 euros en 2017.

111. Au vu de l’ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction, le montant de la sanction infligée à la société ESPACE FOOT est fixé à 25 000 euros.

112. Ce montant est inférieur au plafond légal de sanction prévu par le I de l’article L.464-2 du code de commerce.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la société ESPACE FOOT a enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce en mettant en œuvre la pratique visée par le grief exposé au paragraphe 68 ci-dessus.

Article 2 : Il est infligé à la société ESPACE FOOT une sanction de 25 000 euros au titre de la pratique visée à l’article précédent.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Cotes 4 480 et 4 481.

3 Cote 803.

4 Cote 3 647.

5 Cote 3 708.

6 Cote 4 274.

7 Cote 670 – un positionnement « Premium » peut se définir comme une offre de vente de produits à la fois haut de gamme et de haute qualité technique.

8 Cotes 14 à 15, 1 353, 1 553, 1 599, 1 651, 1 707, 1 801, 1 816, 1 823, 1 932, 1 976, 2 131, 2 197, 2 205, 2 208, 2 298, 2 310, 2 386, 2 398, 2 432, 2 513, 2 534, 2 841, 2 882, 3 060, 3 091, 3 073 et 3 334.

9 Cote 2 735.

10 Cote 2 731.

11 Cote 2 631.

12 Lors de son audition du 24 janvier 2017, le franchiseur a déclaré que « chez Adidas, j’ai 20 % de remises, 25 % de retour des chaussures invendus chaque trimestre (c’est colossal pour les franchisés, aucune enseigne en France n’a un tel avantage). Chez Nike, notre enseigne à 19 % de remises et 25 % de retour des invendus sur les chaussures chaque trimestre (ils ne reprennent pas le textile, cela part en soldes. Chez Puma, c’est 28 % de remise, le retour est à 10 %, mais on n’en (sic) achète beaucoup moins. Adidas et Nike représentent 90 % du montant de notre chiffre d’affaires national ». Cote 671.

13 Le franchiseur a précisé qu’« elles [activités d’ESPACE FOOT] ont été, enfin, la Gestion d’un site internet de fin 2010 à début 2012 sous la forme d’un site « vitrine ». Ensuite sous la forme d’un site « marchand » de début 2012 à début 2014. Il n’y a pas eu de site internet avant 2010. Depuis février 2020, une autre activité a vu le jour sous la forme d’un site internet « Market Place ». Cette activité est toujours en cours actuellement » - cote 4 274.

14 Cotes 672 et 673.

15 Cote 4 224.

16 Cotes 4 228 à 4 239.

17 Cotes 2 688 à 2 700.

18 Cotes 2 701 à 2 727.

19 Cotes 2 739 à 2 760.

20 Cote 4 221.

21 Cotes 187 à 198.

22 Cotes 458 à 467.

23 Cotes 505 à 516.

24 Cotes 534 à 548.

25 Cotes 610 à 621.

26 Cotes 725 à 732.

27 Cotes 131 à 140.

28 Cote 4 272.

29 Cote 673.

30 Cotes 64 à 74.

31 Cotes 150 à 160.

32 Cotes 166 à 176.

33 Cotes 656 à 666.

34 Cote 4 272.

35 Cote 4 272 : le franchiseur a indiqué que « il m'est très difficile de retrouver trace de TOUS les éléments mais avec certitude je confirme que l'article 17 avait été modifié (par rapport au contrat"type") sur les contrats (ainsi que les DIP) de Marseille et Angers. Comme je vous l'ai indiqué de vive voix lors de mon audition, cette mention a été rajoutée durant cette période de 2011 ».

36 Cote 2 697.

37 Cotes 707 à 709.

38 Cote 4 273.

39 Cotes 2 748 à 2 751.

40 Cotes 673 et 674.

41 Cote 109.

42 Cotes 109 et 110.

43 Cotes 645 et 646.

44 Cote 482.

45 Cote 2 787.

46 Cote 2 783.

47 Cote 2 784.

48 Cote 674.

49 Cote 675.

50 Cotes 455, 531 et 653.

51 Cotes 1 934-1 935.

52 Cotes 1 708 et 1 710, cote 1 893.

53 Cote 530.

54 Cote 2 790.

60 Cote 60.

61 Cote 531.

62 Cote 162.

63 Cote 454.

64 Cote 486.

65 Cote 601.

66 Cote 500.

67 Cote 60.

68 Cote 530.

69 Cote 129.

70 Cote 130.

71 Cote 653.

72 Cotes 61, 244, 455,492 à 495, 504, 528, 606, 722 et 761.

73 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (2004/C 101/07), point 18.

74 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, point 44.

75 Arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma / Commission, C-41/69, EU:C:1970:71, point 112, et du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242, point 67 ; arrêt de la cour d’appel de Paris, 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, 08/00255, page 9, devenu définitif après les arrêts de rejet de la Cour de cassation du 7 avril 2010.

76 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU : T : 2000:242, point 173.

77 Arrêt du Tribunal du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services c/ Commission, T-168/01, EU : T : 2006:265, points 83 et 84.

78 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a. / Commission, C-204/00, EU : C:2004:6, point 237.

79 Arrêt du 16 janvier 2020, Société Canna France, 19/03410, page 8.

80 Arrêt du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, 08/00255.

81 Voir notamment l’arrêt Bayer/Commission, T-41/96, Rec. p. II-3383, point 69.

82 Idem, point 173.

83 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

84 Arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, C-02/01 P, EU:C:2004:2, point 84.

85 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 –    A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648.

86 Voir notamment les décisions n° 21-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 646, n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe 186 ; n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 835 ; n° 19-D-17 du 30 juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphes 141 à 151 et 154 à 160 ; n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats, paragraphes 180 et 181 ; n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, paragraphes 119 et 120. Voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, 12/01227, page 6.

87 Arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 2011, Société Philips France, 09-14.316, 09-14.667 ; voir également l’arrêt du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 –  C 12-14.632 – V 12-14.648, page 28.

88 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, 06/14057, page 16.

89 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, 12/01227.

88 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, 06/14057, page 16.

89 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, 12/01227.

90 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 33.

91 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 54.

92 Voir par exemple : Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, 12/01227 ; Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 86, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 –    A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 –  V 12-14.648., page 10 ; Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG v Commission, C-107/82, EU:C:1983:293, point 43.

93 Cote 4 235.

94 Cotes 673 et 674.

95 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 08/00255, page 17.

96 Cotes 4264, 4281, 4284, 4285, 4381 et 4382.