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Décisions

Cass. 3e civ., 29 mars 1995, n° 92-21.471

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Compagnie d'assurances La Concorde

Défendeur :

Beauquis (ès qual.), Sofom (SARL), Compagnie d'assurances Rhin et Moselle, Barbe

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Bourrelly

Avocat général :

M. Sodini

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, SCP Delaporte et Briard, SCP Le Bret et Laugier, Me Baraduc-Bénabent

Montpellier, du 10 nov. 1992

10 novembre 1992

Joint les pourvois n P 92-21.471 et n J 93-10.408 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n P 92-21.471 et le premier moyen du pourvoi n J 93-10.408, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 novembre 1992), statuant sur renvoi après cassation, qu'à la suite de l'incendie d'un bâtiment donné à bail par M. Barbe, assuré par la compagnie La Concorde, à la société SOFOM, entrée dans les lieux en 1981, celle-ci et son assureur, la compagnie Rhin et Moselle, ont assigné le bailleur en réparation ;

Attendu que M. Barbe et la compagnie La Concorde font grief à l'arrêt d'accueillir la demande et de débouter M. Barbe de sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen,  

« 1°) que l'énumération par l'article 606 du Code civil des travaux qui sont à la charge du propriétaire étant limitative, la réfection de l'installation électrique vétuste, qui ne figure pas dans cette énumération, demeure à la charge du preneur dans l'hypothèse où le bail se réfère audit texte pour répartir les travaux entre bailleur et preneur ;

qu'ainsi, en décidant que le défaut d'exécution de ces travaux d'électricité était imputable au bailleur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ainsi que les articles 1720 et 1733 du Code civil ;

2°) que le bail conclu entre M. Barbe et la SOFOM stipulait que la société preneuse acceptait de prendre les lieux dans l'état où ils se trouvaient sans pouvoir exiger aucune réparation autre que les gros travaux prévus par l'article 606 du Code civil ;

que le bailleur, par l'effet des dérogations ainsi consenties aux obligations de délivrance et d'entretien pesant sur lui, n'était désormais tenu qu'aux seules réparations des gros murs, des voûtes ainsi que celles concernant le rétablissement des poutres et couvertures entières ;

que, dès lors, l'arrêt attaqué, en retenant que la réfection de l'installation électrique, parce qu'elle devait être totale et résultait d'un vice existant déjà avant la passation du bail, n'entrait pas dans le cadre de l'obligation d'entretien pesant sur le preneur, le vice de ladite installation constituant corrélativement un vice de construction exonératoire de la présomption de responsabilité instituée à l'égard de celui-ci en cas d'incendie, a violé les articles 1134, 606, 1719-2 , 1720-2 , 1721 et 1733 du Code civil ;

3°) que si, en vertu de l'article 1721 du Code civil, la garantie est due par le bailleur au preneur pour tous les vices de la chose louée, qui en empêchent l'usage, et s'il résulte de ces vices quelque perte pour le preneur engendrant l'obligation de l'indemniser, ce texte n'est pas d'ordre public et il peut y être dérogé par des conventions particulières ;

que, par suite, le bail ayant prévu que la société locataire prenait les lieux dans l'état où ils se trouvaient sans pouvoir exiger aucune réparation autre que les travaux de l'article 606 du Code civil, la cour d'appel ne pouvait, lors de l'examen des demandes indemnitaires de M. Beauquis, ès qualités, et de Rhin et Moselle portant sur la réparation de leurs propres pertes, déclarer qu'il incombait à M. Barbe d'effectuer la réfection de l'installation électrique, comme étant entachée d'un vice, et sur ce fondement, faire droit auxdites demandes ;

qu'en mettant ainsi à la charge du bailleur et de son assureur les conséquences d'un vice relatif à un élément d'équipement et à une catégorie de travaux, dont le bail avait libéré le propriétaire, l'arrêt attaqué a violé, ensemble, les articles 1134, 606, 1719-2 , 1720-2 et 1721 du Code civil » ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'installation électrique était affectée d'un vice qui existait avant la conclusion du bail et était resté caché jusqu'en 1983 et relevé, à bon droit, que la clause selon laquelle le locataire prend les lieux dans l'état où ils se trouvent sans pouvoir exiger aucune réparation pendant la durée du bail hors les gros travaux prévus à l'article 606 du Code civil n'avait pas déchargé le bailleur de son obligation de réfection de cette installation électrique, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen du pourvoi n J 93-10.408 :

Attendu que la compagnie Le Concorde fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum, avec M. Barbe à payer à la compagnie Rhin et Moselle une somme de 1 327 233 francs et à M. Beauquis, ès qualités de liquidateur de la société SOFOM, une provision pour son préjudice commercial et d'ordonner une expertise, alors, selon le moyen,

« 1°) que l'acte portant convention synallagmatique fait foi dès lors qu'il a été signé par la partie à laquelle on l'oppose ;

que la première page des conditions particulières, qui comporte l'indication d'une suite desdites conditions, est revêtue de la signature de M. Ulysse Barbe, impliquant l'acceptation par celui-ci de l'ensemble du document ;

que, dès lors, l'arrêt attaqué, retenant que la preuve de cette acceptation, notamment en ce qui concerne la limitation de garantie stipulée en face du recours des locataires, n'était pas rapportée, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1315, 1322 du Code civil et L. 112-3 du Code des assurances ;

2°) que le droit de la victime contre l'assureur de l'auteur du dommage puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d'assurance et ne peut porter que sur l'indemnité telle qu'elle a été stipulée, définie et limitée par ce contrat ;

que, par suite, l'arrêt attaqué, qui a écarté la limitation de garantie dûment prévue dans les conditions particulières en cas de recours du locataire, malgré une production régulière desdites conditions aux débats et a condamné M. Barbe et La Concorde in solidum à réparer, pour des montants dépassant ladite limitation, les préjudices de la SOFOM et de son assureur, a violé les articles 1134 du Code civil et L. 112-6 et 124-3 du Code des assurances ;

3°) que l'arrêt attaqué qui, après avoir retenu que M. Barbe et sa compagnie d'assurances étaient tenus de réparer les préjudices subis par la société SOFOM, a condamné M. Barbe et la compagnie La Concorde in solidum à payer à M. Beauquis, ès qualités, la somme de 30 000 francs à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice commercial de la SOFOM, sans rechercher si les pertes d'exploitation du locataire faisaient partie des dommages couverts par le contrat d'assurance, au titre du recours exercé par les locataires en cas d'incendie, n'a pas donné de base légale à a décision au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-6 du Code des assurances" ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la preuve n'était pas rapportée que les conditions particulières du contrat d'assurance limitant la garantie à 500 000 francs en cas de recours des locataires avaient été acceptées par M. Barbe, alors que les conditions générales ne comportaient aucune limitation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Et attendu qu'il est équitable de laisser à la charge de M. Beauquis, ès qualités, et de la société SOFOM, les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.