CA Lyon, 6e ch., 30 septembre 2021, n° 20/03588
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Cot Contemporain (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boisselet
Conseiller :
Mme Allais
Avocats :
Me Billard Robin, Me Blanchard
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Le 18 février 2017, Y B A a acquis auprès de la société Cot Contemporain un canapé 3 places fixes, modèle Calia, modèle d'exposition coloris café, pour un prix de 2 509 euros (au lieu de 3.900 euros), outre 100 euros de frais de livraison, et moyennant le versement d'un acompte de 1.000 euros. La livraison était fixée le 20 juin 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er mars 2017 réceptionnée le 02 mars 2017, Y B A a sollicité l'annulation de la vente et le remboursement de son acompte, au motif que la couleur ne lui convenait pas.
La société Cot Contemporain a alors proposé à Y B A de fabriquer un canapé du même modèle, au coloris de son choix au prix d'un canapé neuf, soit 3.900 euros.
Le 11 mars 2017, Y B A a ainsi régularisé un nouveau bon de commande portant sur un canapé modèle ODEON pour un prix de 3.729 euros. La livraison du canapé est demeurée fixée au 20 juin 2017.
La livraison s'est toutefois avérée impossible du fait de la configuration de la cage d'escalier et de l'ascenseur de la résidence qui ne permettait pas le passage du canapé.
Le 20 septembre 2017, la société Essence Ciel, mandatée par la société Cot Contemporain a identifié la possibilité de mettre en place une nacelle depuis la copropriété voisine.
Face au refus de Y B A de prendre en charge le coût de cette intervention et de régulariser le contrat exonérant le prestataire Essence Ciel de toute responsabilité en cas de dommage, la société Cot Contemporain a accepté de prendre en charge ces frais et la livraison a été programmée le 17 novembre 2017. Elle s'est toutefois avérée impossible, un éclairage résidentiel ayant été entre temps installé, empêchant le passage de la nacelle.
Par courriers du 17 novembre 2017 puis du 24 novembre 2017, Y B A a mis en demeure la société Cot contemporain de lui rembourser le prix du canapé. Malgré plusieurs échanges entre les parties aucun accord n'a pu intervenir et par acte d'huissier du 8 mars 2018, Y B A a fait délivrer assignation à la société Cot Contemporain devant le tribunal judiciaire de Lyon en vue de voir :
- prononcer la résolution de la vente et la condamnation de la société Cot contemporain à lui rembourser la somme de 3.829 euros outre 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et celle de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 mars 2019, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- jugé que le contrat de vente passé le 11 mars 2017 entre la société Cot Contemporain et Marie Thérèse Sarr a été valablement résilié par celle-ci à la date d'effet du 21 novembre 2017,
- condamné la société Cot contemporain à payer à Y B A :
* la somme de 3.829 euros en restitution du prix de vente, outre une majoration courant jusqu'au complet remboursement de 10 % si le remboursement intervient au plus tard trente jours au-delà de ce terme, de 20 % jusqu'à soixante jours et de 50 % ultérieurement, à liquider au jour du remboursement,
* la somme de 250 euros en indemnisation du préjudice de jouissance,
* la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté l'ensemble des demandes de la société Cot Contemporain,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- dit n'y avoir lieu à distraction des dépens,
- condamné la société Cot Contemporain aux dépens.
La société Cot Contemporain a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 8 juillet 2020.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie dématérialisée le 21 décembre 2020, la société Cot Contemporain demande à la Cour, sur le fondement des articles L. 216-1, L. 216-2, L. 111-1, L. 111-3, L. 216-3 et L. 241 -4 du code de la consommation et des articles 1224 et suivants du code civil de :
- réformer le jugement rendu le 12 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon,
- dire et juger que le contrat de vente passé le 11 mars 2017 avec Y B A demeure valable et continue de produire ses effets entre les parties, faute d'avoir été valablement résolu par Madame A,
- condamner Madame A à lui régler une somme de 216 euros en remboursement des frais exposés par la concluante aux lieu et ... pour les multiples livraisons, intervention d'une société de location de nacelles et remise sur prix de vente,
- condamner Madame A à lui régler une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- condamner Madame A à venir récupérer dans ses locaux le canapé dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard,
- condamner Madame A à lui restituer la somme de 7.418,07 euros, réglée au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2020,
- condamner Y B A à lui régler la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses conclusions portant appel incident notifiées par voie dématérialisée le 8 octobre 2020, Y B A demande à la Cour, sur le fondement des articles L. 216-2 et L. 241-4 du code de la consommation et subsidiairement 1610 du code civil de :
- déclarer comme valable et bien fondé son appel incident,
- constater que le délai de livraison fixé au 20 juin 2017 a été largement dépassé,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* jugé que le contrat de vente passé le 11 mars 2017 avec la société Cot Contemporain a été valablement résilié par celle-ci à la date d'effet du 21 novembre 2017,
* condamné la société Cot Contemporain à lui payer la somme de 3.829 euros en restitution du prix de vente,
* condamné la société Cot Contemporain à lui payer une majoration courant jusqu'au complet remboursement de 10 % si le remboursement intervient au plus tard trente jours au-delà de ce terme, de 20 % jusqu'à soixante jours et de 50 % ultérieurement, à liquider au jour du remboursement,
* condamné la société Cot Contemporain à lui payer la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* rejeté l'ensemble des demandes de la société Cot Contemporain
* condamné la société Cot Contemporain aux dépens,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Cot Contemporain à lui payer la somme de 250 euros en indemnisation du préjudice de jouissance et, statuant de nouveau, condamner la société Cot Contemporain à lui payer la somme de 1.500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance,
A titre subsidiaire,
- si par impossible la Cour estimait ne pas faire droit à la résolution de la vente, condamner la Société Cot Contemporain à livrer le canapé STEINER acheté et réglé sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le mois du jugement à intervenir,
- en tout état de cause, condamner la société Cot contemporain à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Blanchard, avocat sur son affirmation de droit.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2021et l'affaire plaidée le 7 septembre 2021 a été mise en délibéré au 30 septembre 2021.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
Sur la résolution du contrat
Conformément à l'article L. 216-1 du code de la consommation, le professionnel livre le bien ou fournit le service à la date ou dans le délai indiqué au consommateur, conformément au 3° de l'article L. 111-1, sauf si les parties en ont convenu autrement.
A défaut d'indication ou d'accord quant à la date de livraison ou d'exécution, le professionnel livre le bien ou exécute la prestation sans retard injustifié et au plus tard trente jours après la conclusion du contrat.
La livraison s'entend du transfert au consommateur de la possession physique ou du contrôle du bien.
Selon l'article L. 216-2 du même code, en cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l'expiration du délai prévus au premier alinéa de l'article L. 216-1 ou, à défaut, au plus tard trente jours après la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par un écrit sur un autre support durable, si, après avoir enjoint, selon les mêmes modalités, le professionnel d'effectuer la livraison ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s'est pas exécuté dans ce délai.
Le contrat est considéré comme résolu à la réception par le professionnel de la lettre ou de l'écrit l'informant de cette résolution, à moins que le professionnel ne se soit exécuté entre temps.
Le consommateur peut immédiatement résoudre le contrat lorsque le professionnel refuse de livrer le bien ou de fournir le service ou lorsqu'il n'exécute pas son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 216-1 et que cette date ou ce délai constitue pour le consommateur une condition essentielle du contrat. Cette condition essentielle résulte des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d'une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier et des déclarations concordantes des parties que le 13 juillet 2017, le canapé acquis par Y B A auprès de la société Cot Contemporain et stipulé livrable au 20 juin 2017 n'a pas pu être acheminé dans son appartement compte tenu de l'exiguïté des escaliers et de l'ascenseur de l'immeuble, de sorte que le vendeur a mandaté la société Essence Ciel aux fins de procéder à une livraison du bien par nacelle, laquelle livraison s'est finalement également révélée impossible du fait de l'installation d'un éclairage au sein de la copropriété avant l'intervention de la société, empêchant ainsi la réalisation de la manœuvre prévue lors d'une visite préalable sur site.
Le défaut de livraison du canapé acquis par Y B A auprès de la société Cot Contemporain à la date du 20 juin 2017, telle que stipulée sur le bon de commande du 13 mars 2017, n'est cependant pas de nature à justifier une résolution du contrat pour manquement du vendeur à ses obligations, alors qu'il n'est ni allégué ni a fortiori démontré que cette date de livraison du bien constituait pour Mme A une condition essentielle du contrat de vente litigieux.
Par ailleurs, la clause des conditions générales du contrat intitulée « livraison et transfert des risques » figurant au dos du document contractuel stipule que le vendeur « ne peut en aucun cas être rendu responsable dans l'hypothèse où les marchandises commandées ne pourraient être acheminées à l'intérieur du domicile de l'acheteur en raison de l'exiguïté des locaux ou de leurs moyens d'accès, sauf dans l'hypothèse où la difficulté nous aurait été expressément signalée au moment de la commande et mentionnée par écrit sur le bon de commande ou la facture ».
Or, si la société Cot Contemporain admet avoir eu connaissance au moment de la conclusion du contrat de ce que le canapé était destiné à meubler un appartement en cours de construction, le contrat ne fait aucune mention d'une quelconque exiguïté des moyens d'accès au domicile de la cliente, laquelle ne soutient d'ailleurs pas avoir fait état d'une telle information dont elle seule pouvait avoir connaissance. En conséquence, en application de cette clause des conditions générales parfaitement opposables à Y B A, qui a déclaré au contrat en avoir pris connaissance et les avoir acceptées, le défaut de livraison du canapé après le 20 juin 2017 ne saurait davantage être imputé à la société Cot Contemporain, alors, au surplus qu'il n'appartient pas au vendeur au titre de son devoir d'information de mener des investigations afin de déterminer si la configuration de l'immeuble du client en cours de construction permettra le passage d'un canapé dont aucun élément de la procédure n'indique qu'il aurait été d'une taille non standard.
Enfin, la société Cot Contemporain qui ne pouvait avoir connaissance de la pose d'un éclairage résidentiel rendant impossible l'intervention de la société mandatée par elle pour livrer le canapé à l'aide d'une nacelle, et dont rien n'établit qu'elle est à l'origine de la fixation d'une intervention de cette société après la réalisation de ces aménagements, ne saurait davantage se voir imputer la responsabilité de l'échec de cette nouvelle tentative de livraison du canapé.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est donc à tort que le premier juge a constaté que la résiliation du contrat de vente passé le 11 mars 2017 a été valablement résilié par Y B A le 21 novembre 2017 pour manquement de la société Cot Contemporain à son obligation de livraison.
En revanche, il est parfaitement démontré, compte tenu des éléments du dossier, que la livraison du canapé au domicile de Mme A, qui constitue incontestablement une condition essentielle du contrat de vente, a été rendue impossible entre les parties en raison d'une impossibilité matérielle qui trouve son origine dans le défaut de vigilance de la cliente qui n'a pas pris la précaution de vérifier la compatibilité de la taille du canapé avec la dimension des lieux en cours d'édification et qui n'a donné aucune indication au vendeur s'agissant de la configuration des locaux, de sorte que cette impossibilité d'exécution justifie de constater la résolution du contrat imputable à l'intimée.
Sur les conséquences de la résolution du contrat
Conformément à l'article 1229 alinéa 2 du code civil, lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre.
En l'espèce, il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Cot Contemporain à payer à Y B A la somme de 3.829 euros en restitution du prix de vente du canapé.
Sur la majoration de la restitution du prix
Selon l'article L. 216-3 du code de la consommation, lorsque le contrat est résolu dans les conditions prévues à l'article L. 216-2, le professionnel rembourse le consommateur de la totalité des sommes versées, au plus tard dans les quatorze jours suivant la date à laquelle le contrat a été dénoncé.
En l'espèce, aucune majoration de la restitution du prix de vente n'est susceptible de trouver application, en l'absence de tout manquement de la société Cot Contemporain à son obligation de livraison. Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu'il a majoré la somme de 3.829 euros de 10 % en cas de remboursement au plus tard 30 jours au-delà du terme fixé à l'article L. 216-3 précité, de 20 % jusqu'à soixante jours et de 50 % ultérieurement.
Sur le préjudice de jouissance
Y B A, qui porte la responsabilité de l'impossibilité d'exécuter le contrat, n'est pas fondée à solliciter indemnisation d'un préjudice de jouissance qui n'est pas imputable à la société Cot Contemporain. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de débouter l'intimée de sa demande en paiement de la somme de 1.500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance.
Sur le remboursement de la somme de 216 euros au titre des frais de nacelle
La société Cot Contemporain, qui justifie par la production d'une facture acquittée avoir exposé la somme de 216 euros au titre de la location d'un monte meuble et de deux déplacements au domicile de Mme A en vue de procéder à la livraison du canapé au moyen d'une nacelle, est bien fondée à demander remboursement de cette somme, la défaillance de l'intimée qui a omis de transmettre les informations relatives aux contraintes attachées à la configuration de son domicile, étant seule à l'origine de cette dépense. Il convient donc de condamner Y B A à payer à la société Cot Contemporain la somme de 216 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée
La société Cot Contemporain qui ne justifie d'aucun frais de stockage du canapé resté dans son magasin et pas davantage de la nature et du montant du préjudice financier résultant de la nécessité pour son personnel de s'être déplacé à quatre reprises au domicile de l'intimé, ne démontre pas la réalité du préjudice dont elle sollicite l'indemnisation, de sorte qu'il convient de la débouter de ce chef de demande.
Sur la demande en remboursement de sommes versées au titre de l'exécution provisoire :
Sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire.
L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
En l'espèce, la société Cot Contemporain sollicite la restitution de la somme de 7.418,07 euros réglée au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2020.
Cependant, en application des dispositions précitées, l'obligation de restitution de sommes perçues en vertu d'une décision assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de sa réformation sans qu'il y ait lieu d'ordonner le remboursement de ces sommes.
Sur les dépens et sur l'article 700 du Code de procédure civile
Compte tenu de la solution apportée au litige, il convient de condamner Y B A aux dépens d'appel et de première instance.
Par ailleurs, l'équité commande d'allouer à la Société Cot Contemporain une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Cot Contemporain à payer à Y B A la somme de 3.829 euros en restitution du prix de vente,
Statuant à nouveau,
Constate la résolution du contrat à raison de l'impossibilité d'exécution imputable à Y B A,
Déboute Y B A de sa demande de dommage et intérêts à hauteur de 1.500 euros au titre de son préjudice de jouissance,
Y ajoutant,
Condamne Y B A à payer à la société Cot Contemporain la somme de 216 euros au titre des frais de nacelle,
Déboute la société Cot Contemporain de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution à la société Cot Contemporain des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
Condamne Y B A aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne Y B A à payer à la société Cot Contemporain une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.