Cass. com., 2 juillet 1991, n° 88-20.420
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Briochine (SARL)
Défendeur :
Euromarché (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Bézard
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Boré et Xavier, SCP Tiffreau et Thouin-Palat
Sur le premier moyen pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 29 septembre 1988), que la société Briochine de restauration moderne (société Briochine) qui exploite, aux termes d'un bail qu'elle avait conclu avec la société Centre commercial de Langueux Saint-Brieuc, un restaurant dans les locaux d'un centre commercial appartenant aujourd'hui à la société Euromarché, a assigné cette dernière en lui reprochant d'avoir, en violation d'une convention lui assurant l'exclusivité de la restauration, toléré qu'un autre locataire exerce la même activité, sous couvert d'un fonds de commerce de crêperie pizzeria ;
Attendu que la société Briochine reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée au motif que la preuve de la convention d'exclusivité qu'elle invoquait n'était pas apportée, alors que, selon le pourvoi, d'une part, le directeur de la société Centre commercial de Langueux Saint-Brieuc avait légalement tous les pouvoirs pour représenter cette société envers les tiers dont la société Briochine ; que la cour d'appel a dénié toute valeur à la lettre adressée par ce directeur à la société de crêperie pizzeria lui enjoignant de cesser l'activité concurrente de celle de la société Briochine au seul motif qu'elle n'émanait ni du bailleur, ni de son mandataire désigné au bail ;
qu'en écartant cette preuve apportée par la société Briochine de ce qu'elle bénéficiait d'une exclusivité dans le centre commercial, par le seul motif que la lettre litigieuse n'émanait pas du bailleur, la cour d'appel a violé les articles 117 et 113 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors que, d'autre part, la preuve des actes de commerce entre commerçants est libre ; qu'en refusant de rechercher si la lettre du directeur de la société Centre commercial de Langueux Saint-Brieuc ne faisait pas la preuve de ce que le bailleur aurait reconnu une exclusivité au profit de la société Briochine, la cour d'appel a violé l'article 109 du code de commerce ; et alors, enfin, que le bailleur doit assurer une jouissance paisible au preneur ; que la société Euromarché, bailleur commun de la pizzeria crêperie et de la société Briochine, avait le devoir de faire respecter par la crêperie pizzeria les termes de son bail lui autorisant seulement l'exercice du commerce de crêpes et de pizzas à l'exclusion de tout autre ; qu'en laissant la société de crêperie pizzeria exercer une activité interdite par son bail, concurrençant celle de la société Briochine, la société Euromarché, bailleur commun de ces deux sociétés, a manqué à son obligation d'assurer une jouissance paisible à la société Briochine ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1719 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que le bail de la société Briochine ne comportait aucune clause lui garantissant l'exclusivité de l'activité de restauration dans le centre commercial et que selon ce bail une modification de ses clauses ne peut résulter que d'un document écrit et expres qui ne peut émaner que du bailleur ou de son mandataire habilité, la société SPADA, l'arrêt retient que la lettre du directeur du centre commercial au locataire de la crêperie-pizzeria émanant d'une personne incompétente puisque ne représentant pas le bailleur, ne saurait constituer la reconnaissance d'une exclusivité tacitement admise par ce dernier antérieurement à la signature du bail ; que la cour d'appel, sans violer les règles de la preuve ni celles relatives aux pouvoirs des organes sociaux, n'a fait qu'apprécier, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a retenu à bon droit que, dans le silence du bail et à défaut de circonstances non réunies en l'espèce, l'obligation qu'avait la société Euromarché, en sa qualité de bailleur, de garantir à la société Briochine la jouissance paisible des lieux loués ne comportait pas celle de lui assurer le bénéfice d'une exclusivité dans l'immeuble ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Briochine reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté des griefs qu'elle formulait pour la première fois en cause d'appel, à l'encontre de la société Euromarché, au motif que les faits articulés ne constituaient pas la survenance ou la révélation d'un fait au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile qui entraînerait une évolution du litige au sens de l'article 555 du même code, alors que, selon le pourvoi, les parties peuvent présenter en appel des moyens nouveaux pour justifier leurs prétentions originaires ; que la société Briochine avait introduit une action en concurrence déloyale contre la société Euromarché ; que ses moyens nouveaux en appel, notamment la diffusion par la société Euromarché d'une publicité pour un restaurant concurrent dans le centre commercial tendait à conforter la demande initiale de la société Briochine ; qu'en déclarant ces griefs irrecevables, la cour d'appel a violé les articles 555 du nouveau Code de procédure civile par fausse application, et 563 et 565 du même code par fausse interprétation ;
Mais attendu que, la société Briochine ayant fondé devant les premiers juges ses prétentions à l'égard de la société Euromarché sur la violation par celle-ci d'une prétendue obligation contractuelle de lui assurer l'exclusivité du commerce de la restauration dans le Centre commercial, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevables les prétentions tirées du fait pour la société Euromarché d'avoir distribué des publicités pour un autre restaurant, d'avoir construit un bâtiment masquant son enseigne, d'avoir refusé d'autoriser de nouvelles enseignes, d'avoir autorisé des techniciens à pénétrer dans les lieux loués où ils auraient détérioré un plafond et d'avoir provoqué des inondations en tardant à procéder à des réparations sur le système d'évacuation des eaux pluviales, dès lors que de tels faits, dépourvus de lien avec le litige initial, ne procèdent pas de l'évolution de celui-ci mais relèvent d'une demande nouvelle ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.