Cass. com., 5 mai 2021, n° 20-13.227
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
JMH (SARL), Selarl EMJ (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
M. Lecaroz
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 novembre 2019), la société JMH, qui reprochait à MM. [T] et [D] d'avoir commis un dol lors de la cession des parts sociales de la société DMB concept qu'ils lui avaient consentie, les a assignés le 26 décembre 2014 en paiement de dommages-intérêts.
2. Avant que le tribunal ne statue sur sa demande, la société JMH a été mise en redressement judiciaire le 4 septembre 2015, la société EMJ étant désignée mandataire judiciaire. Ce mandataire a été assigné par la société JMH en intervention forcée et déclaration de jugement commun le 16 février 2016.
3. Un plan de redressement a été arrêté le 2 septembre 2016, la société EMJ devenant commissaire à l'exécution du plan.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société JMH fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable pour défaut du droit d'agir de son auteur, alors « que le commissaire à l'exécution du plan n'a qualité que pour poursuivre l'instance introduite pendant la période d'observation, mais non les instances qui étaient en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ; qu'il n'a pas à être appelé dans les instances qui étaient en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective dès lors que, après l'adoption du plan, il est chargé de vérifier seulement la bonne exécution du plan mais non d'assister ou de représenter le débiteur redevenu in bonis et maître de la gestion de ses biens ; qu'en jugeant que l'action de la société JMH était irrecevable faute d'avoir appelé dans la cause le commissaire à l'exécution du plan, quand celle-ci était, par l'effet du plan de redressement homologué le 2 septembre 2016, redevenue maître de ses actions, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 626-25 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 626-25, alinéa 3, du code de commerce :
5. Il résulte de ce texte que le commissaire à l'exécution du plan n'a qualité pour poursuivre ni une action exercée par le débiteur avant l'ouverture de sa procédure collective ni une action exercée pendant la période d'observation, à laquelle le mandataire judiciaire n'avait pas à être appelé.
6. Pour déclarer irrecevable l'action de la société JMH, après avoir énoncé que l'article L. 622-20 du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 631-14 en cas de redressement judiciaire, prévoit que le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, les sommes recouvrées à l'issue des actions introduites par lui entrant en effet dans le patrimoine du débiteur et devant être affectées à l'apurement du passif en cas de continuation de l'entreprise, l'arrêt retient que l'action introduite par la société JMH à une époque où elle n'avait pas encore été placée en redressement judiciaire, en ce qu'elle tend à l'allocation de dommages-intérêts, est incontestablement de celles qui concourent désormais, du fait de son placement en redressement, à l'intérêt collectif de ses créanciers, lesquels pourraient en effet être désintéressés par le produit des condamnations prononcées en faveur de la société. Il en déduit qu'après l'arrêté du plan, il appartient au commissaire à son exécution de s'approprier l'action lorsque le mandataire judiciaire, qui devait reprendre l'action engagée par le débiteur, ne l'a pas fait. Il ajoute que l'assignation en intervention forcée du mandataire judiciaire ne suffit pas à régulariser la procédure.
7. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de toute prétention de la part du mandataire judiciaire pendant la période d'observation, les conditions procédurales de la poursuite de l'action par le commissaire à l'exécution du plan n'étaient pas réunies, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.