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Décisions

CA Agen, 1re ch. com., 2 mai 2011, n° 10/00821

AGEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Millepied, Espace Affaires (SARL)

Défendeur :

Société Générale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Avoués :

SCP Narran Guy, SCP Teston Llamas

Avocats :

Me De Brisis, SCP Seguy Bourdiol Daudigeos-Laborde

T. com. Auch, du 9 avr. 2010

9 avril 2010

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant acte sous seing privé du 8 janvier 1998, la SOCIETE GENERALE a ouvert un compte courant au nom de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES.

Par acte du 29 janvier 1998 intitulé « convention de trésorerie courante », la SOCIETE GENERALE a consenti à la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES une ouverture de crédit sous forme de découvert en compte d'un montant de 150.000 Francs, soit 22.867,35 €. L'ouverture de crédit a été portée à 46.000 € par acte sous seing privé du 26 mai 2004.

Aux termes de deux actes sous seing privé du 9 novembre 2003 et du 4 septembre 2007, M. Lionel MILLEPIED, gérant de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, s'est porté caution solidaire de cette société à l'égard de la SOCIETE GENERALE à hauteur de la somme de 45.000 €, puis de la somme de 65.000 €, incluant le principal, les intérêts, frais et accessoires et ce, avec l'accord exprès de son épouse.

Le 7 mars 2008, un protocole d'accord est intervenu entre la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, M. Lionel MILLEPIED et la SOCIETE GENERALE pour le remboursement à la banque de la somme de 50.000 €.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 août 2008, la SOCIETE GENERALE a informé la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES que son compte serait clôturé à l'issue d'un préavis de 60 jours, soit le 5 octobre 2008. Puis, le 6 octobre 2008, la banque a clôturé le compte de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et l'a mise en demeure de régler le solde débiteur d'un montant de 41.405,84 €, majoré des intérêts.

Par lettres recommandées avec avis de réception des 5 août 2008, 7 octobre 2008 et 24 février 2009, la SOCIETE GENERALE a mis en demeure M. Lionel MILLEPIED, en sa qualité de caution, de régler les sommes dues par la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES.

Par actes d'huissier des 22 et 28 avril 2009, la SOCIETE GENERALE a fait assigner en paiement la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED.

Par jugement du 9 avril 2010, le Tribunal de Commerce d'AUCH a :

- jugé recevable l'action de la SOCIETE GENERALE,

- dit la SOCIETE GENERALE fondée à appliquer les dispositions de l'article 10 du protocole d'accord du 7 mars 2008 et à solliciter la condamnation solidaire de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRE et de M. Lionel MILLEPIED au paiement de la somme de 43.144,85 €,

- débouté la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED de leur demande de condamnation sous astreinte de la S.A. SOCIETE GENERALE en exécution des clauses du dit protocole,

- jugé que la validité de l'engagement de caution de M. Lionel MILLEPIED ne peut être remis en cause,

- débouté M. Lionel MILLEPIED de sa demande tendant à ne pas être redevable des intérêts,

- condamné solidairement la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED à payer à la SOCIETE GENERALE la somme principale de 43.144,85 € avec intérêts au taux conventionnel de 8,75 % l'an sur la somme de 41.908,98 € à compter du 25 mars 2009, date de l'arrêté du compte de créance,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamné solidairement la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. Lionel MILLEPIED et la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES ont relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2010.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. Lionel MILLEPIED et la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES demandent à la Cour d'infirmer le jugement dont appel et :

A titre principal, de déclarer irrecevable la procédure engagée par la SOCIETE GENERALE à leur encontre ;

A titre subsidiaire, de débouter la SOCIETE GENERALE de ses demandes ;

A titre reconventionnel :

- de condamner la SOCIETE GENERALE, sous astreinte de 1.000 € par jour, à exécuter le protocole du 7 mars 2008 en ouvrant un compte non courant afin de procéder au remboursement des sommes stipulées au protocole,

- de condamner la SOCIETE GENERALE, sous astreinte de 1.000 € par jour, à ouvrir le compte indûment clôturé pour qu'il fonctionne dans les conditions prévues à la convention,

- de condamner la SOCIETE GENERALE à payer à la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de juger nulle la caution de M. Lionel MILLEPIED du 7 mars 2008,

- de juger que M. Lionel MILLEPIED ne peut être redevable d'aucun intérêt faute d'avoir été avisé en qualité de caution conformément à la loi bancaire,

- de condamner la SOCIETE GENERALE à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED invoquent principalement l'irrecevabilité de l'action de la SOCIETE GENERALE et font valoir :

- qu'en application de l'article L. 611-3 du code de commerce, la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES a fait l'objet d'une ordonnance du président du tribunal de commerce le 10 avril 2008,

- que Maître DUMOUSSEAU, désignée comme mandataire ad hoc de la société, a établi un rapport dont il ressort que le débiteur principal a proposé un moratoire au créancier qu'elle a diffusé par courrier simple pour envisager la pérennité de l'entreprise et que concernant la SOCIETE GENERALE, un protocole avait été préalablement régularisé le 7 mars 2008, prévoyant notamment l'apurement de la créance en 60 mensualités ;

- que par ordonnance du 21 juillet 2008, rendue au visa de l'article L. 611-8 du code de commerce, le président du tribunal de commerce a constaté l'accord intervenu entre la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et tous ses créanciers et qu'il n'y a pas d'action en justice possible contre la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES par ses créanciers, sauf événement majeur ;

- que l'article L. 611-10 du code de commerce dispose que l'accord homologué suspend pendant la durée de son exécution toute action en justice et toute poursuite individuelle... et que les co-obligés et les cautions peuvent se prévaloir des dispositions de l'accord homologué ;

- que le tribunal a méconnu le rapport de Maître DUMOUSSEAU qui précisait avoir pris attache avec tous les créanciers et avoir pris contact avec la banque initiale pour obtenir le maintien des encours, qu'il est donc inexact de prétendre que la SOCIETE GENERALE n'aurait pas été avisée par Maître DUMOUSSEAU et qu'en conséquence, la décision du président du tribunal de commerce lui est opposable.

Concernant le fond, les appelants soutiennent :

a) sur l'action engagée à l'encontre de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES :

- l'application de l'accord du 7 mars 2008, qui fait novation, n'a pu intervenir du fait de la SOCIETE GENERALE puisqu'il lui appartenait d'ouvrir le compte non courant sur lequel devait être isolée la somme à rembourser et que M. Lionel MILLEPIED ne pouvait pas régulariser l'inscription d'hypothèque dans la mesure où la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES ne pouvait pas effectuer de versement sur le compte qui devait être ouvert à cet effet par la banque ;

- que malgré cette convention, la SOCIETE GENERALE a laissé le compte fonctionner de manière débitrice et qu'elle en a demandé à tort le remboursement ;

- que la SOCIETE GENERALE doit respecter le protocole et donc ouvrir le compte non courant et rouvrir le compte bancaire de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES ;

- que la SOCIETE GENERALE devra réparer le préjudice de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES dans la mesure où ses agissements ont provoqué la désignation d'un mandataire ad hoc et la constatation de ses difficultés financières ; que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde qui l'obligeait à vérifier les capacités financières de son client, qu'elle s'est montrée menaçante, impliquant la procédure devant le tribunal de commerce et la Cour.

b) sur l'action engagée contre M. Lionel MILLEPIED :

- que la caution qu'il a signée le 7 mars 2008 est nulle faute de mention « bon pour caution » ;

- qu'il est fondé à opposer à la SOCIETE GENERALE les moyens invoqués par la société ESPACE AFFAIRES tant en ce qui concerne l'irrecevabilité de la procédure eu égard à l'ordonnance présidentielle qu'en ce qui concerne le protocole signé entre les parties le 7 mars 2008 ;

- qu'en sa qualité de caution, il n'a pas reçu l'information prévue par la loi contrairement à ce qu'a estimé le tribunal.

La SOCIETE GENERALE conclut au débouté de M. Lionel MILLEPIED et la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES de leurs demandes et à la confirmation du jugement déféré. Elle demande en outre le paiement de la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant la recevabilité de son action, elle soutient que le protocole d'accord signé le 7 mars 2008 entre elle, la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED n'a pas été respecté par les appelants, que ces derniers ont induit en erreur Maître DUMOUSSEAU en lui faisant croire que le problème de sa créance avait été réglé en amont, que de ce fait, elle n'a pas participé au tour de table des créanciers et ignorait tout de la procédure dont faisait l'objet la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES en application de l'article L. 611-3 du code de commerce, que l'ordonnance du président du tribunal de commerce du 21 juillet 2008, constatant l'accord intervenu entre la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et ses créanciers et excluant toute action en justice, a été rendue en méconnaissance de ses droits et qu'elle ne saurait donc lui être opposée.

Sur le fond, elle fait valoir que M. Lionel MILLEPIED a pris divers prétextes pour ne pas faire inscrire l'hypothèque prévue par le protocole du 7 mars 2008, qui conditionnait l'ensemble du dispositif et que la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES n'a pas réglé le moindre acompte, de telle sorte que par lettre recommandée du 6 octobre 2008, elle a procédé à la clôture du compte courant et notifié l'exigibilité de la créance, que par courrier du 15 octobre suivant, M. Lionel MILLEPIED a confirmé son accord quant à l'inscription d'hypothèque mais que sa promesse de régulariser cette garantie est restée vaine et qu'en conséquence, le 29 février 2009, elle a demandé à la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et à M. Lionel MILLEPIED le règlement de sa créance. Elle souligne donc que le gérant de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES n'a pas respecté ses engagements.

Elle ajoute qu'antérieurement à la procédure au fond, elle a obtenu du juge de l'exécution de MONT DE MARSAN l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur deux biens de M. Lionel MILLEPIED, que ce dernier a contesté cette mesure et que par jugement définitif du juge de l'exécution du 12 janvier 2010, il a été débouté de sa demande pour avoir rompu les termes et l'équilibre du protocole du 7 mars 2008.

En réponse aux arguments de la caution, elle soutient que le protocole ne fait que rappeler les cautionnements antérieurs et qu'elle produit les lettres d'information annuelle adressées à M. Lionel MILLEPIED pour les années 2006, 2007 et 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la recevabilité des demandes de la SOCIETE GENERALE :

Il résulte des pièces versées aux débats que la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, M. Lionel MILLEPIED et la SOCIETE GENERALE ont signé le 7 mars 2008 un protocole d'accord aux termes duquel les parties ont notamment convenu :

- que le compte professionnel de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, qui présentait un solde en faveur de la banque, ne serait pas clôturé et continuerait à fonctionner en position créditrice ;

- que la créance de 50.000 € serait isolée dans un compte non courant et devrait être remboursée en 60 mensualités de 833,33 € outre les intérêts au taux de base Société Générale + 2 % soit à ce jour 9,10 % l'an calculés sur le capital restant dû ;

- qu'aussi longtemps que le protocole serait scrupuleusement respecté, la SOCIETE GENERALE s'interdirait toute mesure d'exécution forcée ;

- qu'outre les cautions de M. Lionel MILLEPIED (consenties par actes des 9/11/ 2003 et 4/9/2007), il était conféré à la SOCIETE GENERALE une hypothèque de rang 2 sur les lots 10 et 21 de l'immeuble en copropriété appartenant à Monsieur et Madame MILLEPIED, l'hypothèque étant prise par Maître ALEAUME, notaire à AGEN.

Le protocole comportait une clause d'exigibilité anticipée prévoyant que toutes les sommes dues à ce titre seraient immédiatement exigibles en cas de défaut de paiement à bonne date d'un seul au moins des termes de paiement prévus au présent protocole ou de tout événement dont la survenance ne permettrait plus le maintien des déclarations faites par la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES.

Par ailleurs, il est également établi que, saisi par requête de M. Lionel MILLEPIED et de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, le président du Tribunal de Commerce d'AUCH, par ordonnance du 10 avril 2008 rendue en application de l'article L. 611-3 du code de commerce, a désigné Maître DUMOUSSEAU en qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES avec mission d'assister M. Lionel MILLEPIED dans ses difficultés et l'aider à prendre les dispositions nécessaires pour sauvegarder son entreprise.

Le rapport du mandataire ad hoc ayant été établi le 10 juillet 2008, le Président du Tribunal de Commerce, par ordonnance du 21 juillet 2008, a :

- constaté l'accord intervenu entre la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et tous ses créanciers,

- constaté que la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES n'est pas en état de cessation des paiements,

- constaté que les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité et des emplois de l'entreprise,

- constaté que l'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires sans préjudice de l'application des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil,

(...)

- constaté qu'il n'y a pas d'action en justice possible contre la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES par ses créanciers après constat de l'accord des parties sauf événement majeur.

Les appelants se prévalent de cette ordonnance et des dispositions de l'article L. 611-10 du code de commerce pour conclure à l'irrecevabilité de l'action engagée par la SOCIETE GENERALE.

Cependant, comme le tribunal l'a justement retenu, il n'est pas justifié que la SOCIETE GENERALE ait été partie à cette procédure et que celle-ci puisse lui être opposée.

Maître Sophie DUMOUSSEAU a certes indiqué dans son rapport qu'elle avait pris attache avec tous les créanciers (figurant sur la balance fournisseurs) et qu'elle avait "également pris contact avec la banque initiale afin d'obtenir le maintien des encours et a conseillé au dirigeant de se diriger sur une autre banque". Elle a par ailleurs mentionné l'existence du protocole d'accord passé le 7 mars 2008 avec la SOCIETE GENERALE portant sur une créance de 50.000 € à rembourser en 60 mensualités de 833,33 € outre intérêts.

Toutefois, les termes du rapport font ressortir que le mandataire ad hoc, considérant que le protocole du 7 mars 2008 était accepté par la SOCIETE GENERALE, n'a proposé un moratoire qu'aux autres créanciers dont il a mentionné les réponses ou absence de réponse, mais qu'en revanche la banque n'a pas été consultée dans ce cadre et qu'elle n'a donc pas été partie à la procédure de conciliation prévue par les articles L. 611-3 et suivants du code de commerce. Aucun élément n'indique d'ailleurs qu'elle a été destinataire du rapport de Maître DUMOUSSEAU et que l'ordonnance du Président du Tribunal de Commerce d'AUCH du 21 juillet 2008 lui a été notifiée.

Il s'ensuit que cette ordonnance, qui ne concerne que les créanciers qui ont pris part à la procédure de conciliation, n'est pas opposable à la SOCIETE GENERALE, notamment en ses dispositions relatives à l'impossibilité d'une action en justice à l'encontre de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES.

En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a jugé recevable l'action de la SOCIETE GENERALE et il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point.

II - Sur le fond :

- Sur les demandes formées à l'encontre de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES :

Il est constant que le protocole d'accord signé le 7 mars 2008 entre la SOCIETE GENERALE, la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED n'a pas été exécuté.

Contrairement à ce prétend la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, la responsabilité de cette inexécution n'incombe pas à la banque.

En effet, aux termes du protocole, les parties avaient convenu qu'en garantie de la créance de la SOCIETE GENERALE, il lui serait conféré une hypothèque de rang 2 sur les lots 10 et 21 d'un immeuble en copropriété appartenant aux époux MILLEPIED. Or, il résulte des courriers émanant du gérant de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES en date des 15 octobre 2008 et 12 mars 2009 que l'hypothèque prévue n'a pas été inscrite du fait de M. Lionel MILLEPIED qui a demandé que des modifications soient apportées au protocole et qui a exprimé son désaccord total pour la signature de ce document (alors qu'il l'avait déjà signé un an auparavant).

De plus, il n'est pas contesté que la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES n'a réglé aucune des mensualités prévues au protocole pour rembourser la créance de la SOCIETE GENERALE.

Les appelants sont mal fondés à soutenir que le non paiement des mensualités est imputable à la SOCIETE GENERALE au motif qu'elle n'a pas ouvert le compte non courant sur lequel les paiements devaient être effectués.

En effet, les parties n'ont jamais prévu que l'inscription d'hypothèque qui devait être prise au profit de la banque était subordonnée à l'ouverture d'un compte non courant et il apparaît au contraire que la SOCIETE GENERALE était en droit de surseoir à l'ouverture de ce compte tant que la société débitrice et la caution n'auraient pas honoré leurs engagements.

C'est encore à tort que les appelants reprochent à la SOCIETE GENERALE d'avoir fait signer une caution à M. Lionel MILLEPIED postérieurement au protocole d'accord, dans le but de clôturer les comptes, alors que les deux cautionnements de M. Lionel MILLEPIED ont été respectivement souscrits par actes du 9 novembre 2003 et du 4 septembre 2007, soit bien avant la date du protocole.

Dès lors, les engagements pris le 7 mars 2008 par la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED n'ayant pas été respectés, la SOCIETE GENERALE était fondée à se prévaloir de la clause d'exigibilité anticipée stipulée dans le protocole d'accord et à exiger le paiement du montant du solde débiteur du compte de la société.

La S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED recherchent enfin la responsabilité de la SOCIETE GENERALE en raison de ses agissements et d'un manquement à son devoir de mise en garde.

Il ressort cependant des éléments de la cause que la SOCIETE GENERALE n'a pas eu de comportement fautif envers la société ESPACE AFFAIRES, à l'origine des difficultés de cette dernière ; il convient de constater à cet égard :

- que la banque, qui était en droit d'informer la débitrice de sa volonté de clôturer son compte et d'obtenir le paiement du découvert avec un préavis de 60 jours, a accepté, aux termes du protocole du 8 mars 2008, de lui consentir des délais pour apurer le solde débiteur au moyen de 60 mensualités, mais que la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED ont empêché l'exécution de cet accord en ne respectant pas leurs obligations ;

- que les appelants n'établissent pas que la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES était un emprunteur non averti et que la banque était tenue à ce titre d'une obligation de mise en garde à son égard. De plus, le risque d'endettement de l'opération litigieuse, qui conditionne l'existence de l'obligation de mise en garde du banquier, n'existait pas à l'époque du protocole d'accord puisque cette convention avait justement pour objet de permettre le remboursement du découvert de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et non pas de lui octroyer un nouveau crédit.

Il y a lieu en conséquence de rejeter les demandes des appelants tendant à faire condamner la SOCIETE GENERALE à respecter le protocole du 7 mars 2008, à ouvrir le compte clôturé et à payer des dommages et intérêts à la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES au paiement de la somme de 43.144,85 €, montant du solde débiteur du compte n° 00012 00020214122 au 24 mars 2009, avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 41.908,98 € à compter du 25 mars 2009.

- Sur les demandes formées à l'encontre de M. Lionel MILLEPIED :

M. Lionel MILLEPIED ne conteste pas les engagements de caution qu'il a souscrits au bénéfice de la SOCIETE GENERALE par actes sous seing privé du 9 novembre 2003 à concurrence de 45.000 € et du 4 septembre 2007 dans la limite de 65.000 €.

Il soutient de manière totalement inopérante que la caution qu'il a signée le 7 mars 2008 est nulle faute de mention 'bon pour caution', alors que le protocole du 7 mars 2008 ne contient pas de nouveau cautionnement, mais rappelle seulement les cautionnements antérieurs des 9 novembre 2003 et 4 septembre 2007 qui comportent bien la mention manuscrite de l'engagement de M. Lionel MILLEPIED ainsi que sa signature.

M. Lionel MILLEPIED est également mal fondé à se prévaloir du moyen d'irrecevabilité de l'action de la SOCIETE GENERALE qui a été invoqué par la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et qui a déjà été rejeté et ce, pour les mêmes motifs auxquels il est expressément fait référence.

Par ailleurs, s'agissant des intérêts, il convient de rappeler qu'en vertu des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier, la SOCIETE GENERALE était tenue, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, sous peine de déchéance, à l'égard de la caution, des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

Or, au titre des années 2006 et 2007, la SOCIETE GENERALE ne produit que des copies de lettres datées des 9 mars 2007 et 7 mars 2008, sans aucune preuve de leur expédition à M. Lionel MILLEPIED et ces seuls documents n'établissent pas qu'elle a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution.

Si la banque a adressé à M. Lionel MILLEPIED deux lettres recommandées en date des 5/08/2008 et 7/10/2008, il s'agissait de lettres de mise en demeure et non d'informations conformes aux prescriptions du code monétaire et financier.

En revanche, la banque produit une lettre recommandée avec avis de réception adressée à M. Lionel MILLEPIED le 19 mars 2009, l'informant que les sommes dues au 31 décembre 2008 s'élèvent à 39.184,30 € dont 401,01 € au titre des intérêts. La SOCIETE GENERALE ne devrait donc être déchue des intérêts échus que jusqu'au 19 mars 2009.

Cependant, alors que l'obligation d'information de la caution subsiste jusqu'à extinction de la dette, la banque ne justifie pas avoir satisfait à cette obligation postérieurement au 19 mars 2009. Il s'ensuit qu'en application de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, elle est encore déchue des intérêts au taux contractuel à compter de cette date.

Dès lors, en se référant aux termes de la lettre recommandée du 19 mars 2009, la créance de la SOCIETE GENERALE à l'égard de la caution s'établit à la somme principale de (39.184,30 € - 401,01 €) = 38.783,29 €.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer partiellement le jugement déféré en ses dispositions relatives à la condamnation de la caution et de condamner M. Lionel MILLEPIED à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 38.783,29 €.

La S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED qui succombent pour l'essentiel dans leur appel, seront condamnés aux dépens. En considération de la situation des parties, il n'est pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 9 avril 2010 par le Tribunal de Commerce d'AUCH en ses dispositions qui ont déclaré recevable l'action de la S.A. SOCIETE GENERALE et qui ont débouté la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED de leur demande,

Le confirme en ses dispositions qui ont condamné la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES à payer à la S.A. SOCIETE GENERALE la somme principale de 43.144,85 € avec intérêts au taux conventionnel de 8,75 % l'an sur la somme de 41.908,98 € à compter du 25 mars 2009 et ordonné la capitalisation des intérêts, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens,

Infirme partiellement le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit qu'à l'égard de M. Lionel MILLEPIED, en sa qualité de caution de la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, la S.A. SOCIETE GENERALE est déchue du droit aux intérêts de sa créance,

Condamne M. Lionel MILLEPIED, en sa qualité de caution, solidairement avec la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES, à payer à la S.A. SOCIETE GENERALE le montant du solde débiteur du compte n° 00012 00020214122 à concurrence de la somme de 38.783,29 €,

Dit que les paiements faits par l'un ou l'autre des débiteurs solidaires seront déduits de la créance de la S.A. SOCIETE GENERALE,

Rejette toute demande contraire ou plus ample,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.R.L. ESPACE AFFAIRES et M. Lionel MILLEPIED aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.