CA Bourges, ch. civ., 21 février 2019, n° 17/01294
BOURGES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Axiane Meunerie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Foulquier, M. Sarrazin
Conseiller :
M. Perinetti
M. Cédric F. est le géant de la SARL Cédric F., propriéaire de deux fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie situés à Cosne-sur-Loire et Léré et le cogérant, avec Mme Nelly D., de la SARL Traditions du Terroir, qui exploite un autre fonds de boulangerie-pâtisserie situé à Saint-Satur. Dans le cadre de ces activités professionnelles, les deux sociétés ont été en relations d'affaires avec la SAS Axiane Meunerie qui leur fournissait des farines et leur avait consenti des concours financiers.
Devant la détérioration de la situation financière des deux entreprises, M. Cédric F. a obtenu du président du tribunal de commerce de Nevers, le 13 février 2012, une ordonnance ouvrant une procédure de conciliation et désignant Me G. à l'effet d'assister le dirigeant dans la recherche de toute solution permettant d'assurer la pérennité des entreprises.
Dans le cadre de ces démarches, étaient régularisées entre les parties, le 2 juillet 2012, une première reconnaissance de dette d'un montant de 97 956,30 euros par la SARL Cédric F. au profit de la SAS Axiane Meunerie, ainsi qu'une convention de prêt du même montant remboursable en 60 mensualités, avec la caution de M. Cédric F. et de ses parents, M. Jean-Luc F. et Mme Yvette G. épouse F. (ci-après les consorts F.) et inscription de nantissement sur fonds de commerce. Le même jour, étaient régularisées une seconde reconnaissance de dette d'un montant de 44 454,57 euros par la SARL Traditions du Terroir au profit de la SAS Axiane Meunerie ainsi qu'une convention de prêt du même montant remboursable en 60 mensualités, avec la caution de M. Cédric F. et de Mme Nelly D. (ci-après les consorts F.-D.) et inscription de nantissement sur fonds de commerce.
Après avoir été mises en redressement judiciaire en juillet 2013, la SARL Cédric F. et la SARL Traditions du Terroir ont été placées en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nevers du 7 mai 2014.
Par acte d'huissier du 10 mars 2016, la SAS Axiane Meunerie a assigné les consorts F.-D. devant le tribunal de grande instance de Nevers aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 39 530,32 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015, outre une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Par deux autres actes d'huissier des 7 et 10 mars 2016, la SAS Axiane Meunerie a assigné les consorts F. devant cette même juridiction aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 89 009,25 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015, ainsi qu'une somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Par jugement rendu le 13 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Nevers a débouté la SAS Axiane Meunerie de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer aux défendeurs la somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour faire droit à la demande des consorts F. qui invoquaient la nullité des actes de prêts et des engagements de cautionnement, le jugement, après avoir rappelé que les contrats avaient été souscrits en exécution de deux protocoles d'accord qui prévoyaient la restructuration de précédents concours financiers au moyen d'avenants, sans prévoir aucune garantie, relève que, préalablement à la signature de ces protocoles le 13 juillet 2012, la société Axiane Meunerie avait fait signer, le 2 juillet 2012, à M. Cédric F., en sa qualité de gérant de chacune des sociétés, une reconnaissance de dette mentionnant que la somme due correspondait au montant d'un prêt de pareille somme qui avait sa contrepartie dans des conventions de fourniture de farines, lesquelles ne mentionnaient ni les quantités de farines devant être livrées chaque mois, ni le prix du quintal et le délai de paiement après la livraison, ni enfin le montant de l'indemnité due en cas de non-respect de la convention, en sorte que ces conventions n'avaient pas de véritable contrepartie et étaient nulles, comme les prêts qui y faisaient suite. Le jugement retient encore qu'il résulte des attestations produites et du contexte entourant la signature des actes de cautionnement que la société Axiane Meunerie a exercé des pressions, en l'occurrence en menaçant de ne pas livrer les farines, pour obtenir la signature de ces actes le 6 juin 2012 et que ces pressions s'analysaient en une violence économique devant être sanctionnée par la nullité des cautionnements.
Les consorts F. ont signifié ce jugement par acte d'huissier du 2 août 2017, en sorte que le délai d'appel expirait le lundi 4 septembre 2017, le 2 septembre étant un samedi.
La SAS Axiane Meunerie a relevé un premier appel par déclaration reçue le 1er septembre 2017, sans préciser les chefs de jugement critiqués, contrairement aux dispositions du décret du 6 mai 2017 entrées en vigueur le même jour.
La SAS Axiane Meunerie a interjeté un second appel par déclaration reçue le 4 septembre 2017 énumérant les chefs de jugement critiqués et mentionnant qu'elle annule et remplace la déclaration reçue le 1er septembre 2017.
Les deux procédures ont été jointes et enregistrées sous le numéro de répertoire général afférant à la déclaration d'appel du 4 septembre 2017.
Par ordonnance en date du 15 mai 2018, le conseiller de la mise en état a débouté les consorts F. de leur incident tendant à voir dire irrecevable, en raison d'une précédente déclaration d'appel dont la caducité n'avait pas été constatée, la seconde déclaration d'appel du 4 septembre 2017 et caduque, pour défaut de notification des conclusions dans le délai de trois mois, la première déclaration d'appel du 1er septembre 2017.
Par conclusions notifiées le 4 décembre 2017, la SAS Axiane Meunerie demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de constater la validité des contrats de prêt et les reconnaissances de dette, de constater l'absence de violence ayant vicié le consentement des cautions, de condamner in solidum les consorts F. à lui payer la somme de 89 009,25 euros au titre du solde du prêt, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015, de condamner in solidum les consorts F.-D. à lui payer la somme de 39 530,32 euros au titre du solde du prêt, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015, de condamner M. Cédric F. et Mme Nelly D. à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, outre celle de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux dépens.
Sur la validité des reconnaissances de dette, la SAS Axiane Meunerie soutient que ces engagements, signés par M. Cédric F. au nom des deux sociétés dont il était le gérant, ont été établis en parfaite conformité des dispositions de l'article 1326 du Code civil, qu'ils sont des actes juridiques unilatéraux n'impliquant aucune obligation réciproque à sa charge et qu'ils ne constituent pas des contrats de prêt puisque les fonds avaient déjà été mis à la disposition des deux sociétés en vertu de précédents contrats de prêts et de fournitures de farine. Elle fait observer qu'aucun texte ne prévoit la nullité d'un contrat de prêt pour défaut se sont de détermination dans ses conditions d'exécution, qu'au surplus les reconnaissances de dette renvoient expressément à un tableau justificatif qui précise la ventilation de chaque terme en capital et intérêts et que les consorts F. ne sauraient prétendre qu'ils ignoraient les conditions d'exécution du remboursement de ces deux dettes. Elle prétend que si elle a conditionné l'octroi du prêt initial à l'obligation pour le boulanger de se fournir en farine auprès d'elle, cette convention de fourniture n'est pas, au sens juridique du terme, la contrepartie du contrat de prêt dont les obligations à la charge respectivement du prêteur et de l'emprunteur sont indépendantes des obligations afférentes à ladite convention, encore que la cessation de l'approvisionnement auprès d'elle rendent immédiatement exigible les sommes dues.
Sur la validité des engagements de caution, la SAS Axiane Meunerie fait valoir qu'ils sont valables dans la mesure où les deux reconnaissances de dette le sont également, qu'ils sont définis dans leur quantum, qu'ils ont été signés et comportent la mention manuscrite du montant en chiffres et en lettres de la somme pour laquelle les cautions se sont engagées et encore qu'il importe peu que leur signature soit antérieure à celle de la reconnaissance de dette. Contestant l'existence de tout vice du consentement, elle fait observer qu'elle n'a exercé ni contrainte ni pressions sur les cautions, notamment en indiquant que les farines ne seraient pas livrées si les actes de caution n'étaient pas signés, que M. Cédric F. et ses parents ont, par un consentement libre et éclairé, fondé certes sur des considérations d'ordre économique, fait le choix de sauver les sociétés et d'apporter leur caution et qu'ils ne se sont jamais retrouvés dans une situation de vulnérabilité ou d'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique menaçant directement leurs intérêts légitimes, étant précisé que la signature d'un contrats de prêt, de reconnaissances de dette et d'actes de cautionnement étaient des pratiques courantes entre les parties.
Par conclusions notifiées le 9 mars 2018, les consorts F. demandent à la cour, in limine litis, de déclarer irrecevable la déclaration d'appel du 4 septembre 2017 et caduque la déclaration d'appel du 1er septembre 2017 et, subsidiairement, de débouter la SAS Axiane Meunerie de son appel en constatant qu'aussi bien les actes de prêt que les engagements de caution solidaire sont nuls, et de condamner la SAS Axiane Meunerie à leur payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Ils exposent que, dans le cadre d'un protocole d'accord intervenu le 5 juin 2012 entre les parties, une restructuration de la dette des 2 sociétés avait été convenue sur une durée de 60 mois à compter du mois de juin 2012, sans que soit toutefois envisagé ni exigé par le créancier un quelconque engagement de caution de la part des gérants et des époux F., mais que des actes de cautionnement étaient néanmoins signés dès le 6 juin 2012, avant même que ne soient régularisées les reconnaissances de dette et actes de prêt. Ils font valoir que la convention de fourniture de farines, dont le prêt était la contrepartie selon les actes signés, est nulle en ce qu'elle ne comporte aucune mention relative au prix du quintal de farine ni aucune modalité de détermination du prix, et que le contrat de prêt est donc lui-même nul pour absence de cause. Ils soutiennent que le contrat de cautionnement étant un contrat accessoire, non autonome, les engagements de caution signés avant même que ne soit consenti le contrat de prêt doivent être déclarés nuls et qu'au surplus les engagements de caution sont le résultat d'un vice du consentement, en l'occurrence un abus de dépendance économique dont la SAS Axiane Meunerie a usé pour obtenir leur signature, et dont atteste son propre commercial qui fait état d'un refus de livraison de farines si les actes de cautionnement n'étaient pas signés.
SUR CE,
Conformément aux dispositions de l'article 914 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou sur la caducité de celui-ci ont autorité de la chose jugée au principal.
Dès lors, la demande d'irrecevabilité de la seconde déclaration d'appel du 4 septembre 2017 et de caducité de la première déclaration d'appel du 1er septembre 2017, reprise par les intimés et fondée sur les mêmes moyens que ceux débattus devant le conseiller de la mise en état, se heurte à cette autorité de la chose jugée et doit être déclarée irrecevable.
Sur la nature et la validité des actes souscrits par les SARL Cédric F. et Traditions du Terroir :
Le protocole d'accord signé le 13 juillet 2012 entre la SARL Cédric F. et ses créanciers, sous l'égide de Maître G., administrateur judiciaire, désigné en qualité de conciliateur par ordonnance du président du tribunal de commerce en application des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, prévoit la restructuration pour un montant total de 97 956,20 euros sur une durée de 60 mois à compter de juin 2012 des concours suivants consentis par la société Axiane Meunerie :
- du capital restant dû d'un prêt de 44 458,38 euros, soit un montant de 20 397,49 euros et des échéances non réglées de ce prêt pour un montant de 8 810 euros ;
- du capital restant dû d'un prêt de 25 100 euros, soit un montant de 19 221,73 euros et des échéances non réglées de ce prêt pour un montant de 3 984 euros ;
- du retard de paiement des factures pour un montant de 45 442,98 euros ;
- des frais de restructuration pour 100 euros.
Dès le 2 juillet 2012, la SARL Cédric F. et la société Axiane Meunerie ont signé un document aux termes duquel la première s'est reconnue débitrice de la somme ci-dessus mentionnée de 97 956,20 euros, montant d'un prêt de pareille somme que le créancier lui a consenti ce même jour pour lui permettre de financer la reprise des encours prêt et farine dus par la première, le débiteur s'engageant à rembourser ladite somme sur une durée de 60 mois à compter du 17 juin 2012 au taux d'intérêt de 6 %.
Il résulte ainsi clairement de ces deux actes que la société Axiane Meunerie était créancière envers la SARL Cédric F. d'une somme de 97 956,20 euros constituée par les encours de prêts précédemment octroyés et des factures de farine non réglées et que les parties ont entendu restructurer ces dettes au moyen d'un nouveau prêt de pareille somme, remboursable sur une durée de 60 mois à compter du 17 juin 2012 et moyennant un taux d'intérêt de 6 % l'an.
Le protocole d'accord signé le même jour entre la SARL Traditions du Terroir et ses créanciers, sous l'égide de Maître G., agissant en cette même qualité de conciliateur, prévoit la restructuration pour un montant total de 44 454,57 euros sur une durée de 60 mois à compter de juin 2012 des concours suivants consentis par la société Axiane Meunerie :
- du capital restant dû d'un prêt de 30 207 euros, soit un montant de 580,12 euros et des échéances non réglées de ce prêt pour un montant de 3 504 euros ;
- du capital restant dû d'un prêt de 37 349,28 euros, soit un montant de 17 140,63 euros et des échéances non réglées de ce prêt pour un montant de 4 440 euros ;
- du retard de paiement des factures farine pour un montant de 18 689,82 euros ;
- des frais de restructuration pour 100 euros.
Le 2 juillet 2012, la SARL Traditions du Terroir et la société Axiane Meunerie ont signé un document aux termes duquel la première s'est reconnue débitrice de la somme ci-dessus mentionnée de 44 454,57 euros, montant d'un prêt de pareille somme que le créancier lui a consenti ce même jour pour lui permettre de financer la reprise des encours prêt et farine dus par la première, le débiteur s'engageant à rembourser ladite somme sur une durée de 60 mois à compter du 17 juin 2012 au taux d'intérêt de 6 %.
Là encore, il résulte de ces deux actes que la société Axiane Meunerie était créancière envers la SARL Cédric F. d'une somme de 44 454,57 euros constituée par les encours de prêts précédemment octroyés et de factures de farine non réglées et que les parties ont entendu restructurer ces dettes au moyen d'un nouveau prêt de pareille somme, remboursable sur une durée de 60 mois à compter du 17 juin 2012 et moyennant un taux d'intérêt de 6 % l'an.
Les intimés soutiennent que la convention de fourniture de farine, dont le prêt est la contrepartie selon l'énonciation des deux actes signés le 2 juillet 2012, est nulle en ce qu'elle ne comporte aucune mention relative au prix du quintal de farine ni aucune modalité de détermination du prix, et que le contrat de prêt est donc lui-même nul pour absence de cause.
Cependant, la cause de l'obligation des emprunteurs réside dans la mise à disposition des fonds prêtés et, en l'espèce, cette remise de fonds, qui a permis d'éteindre la dette constituée par les encours de prêts précédemment octroyés et des factures de farine non réglés, n'est pas contestée par les intimés.
Surabondamment, la stipulation selon laquelle le prêt est la contrepartie du contrat de fourniture de farine n'a d'autre objet que de permettre à la société Axiane Meunerie de tirer deux avantages de la cessation d'approvisionnement auprès d'elle, la première tenant à l'exigibilité immédiate du prêt et la seconde à la possibilité de demander une indemnité chiffrée de manière forfaitaire en fonction du nombre de quintaux de farine non achetés pour compenser le préjudice subi.
Ainsi, le lien établi entre le prêt et le contrat de fourniture de farine ne constitue un mobile déterminant de l'engagement contractuel que pour la société Axiane Meunerie et seule cette dernière peut invoquer la nullité pour éventuelle absence de cause qui résulterait de la nullité de la convention de fourniture, étant observé que le litige ne porte pas sur l'exécution de cette convention mais sur celle du prêt dont il est sollicité le remboursement et dont la cause, pour l'emprunteur, réside en la remise des fonds prêtés.
Dès lors, c'est par une appréciation erronée des éléments du dossier que le premier juge a prononcé la nullité du contrat de prêt dont les intimés se sont portés cautions.
Sur la validité des engagements de caution :
Suivant trois actes sous signatures privées du 6 juin 2012, M. Cédric F., M. Jean-Luc F. et Mme Yvette G. épouse F. se sont portés cautions solidaires de la SARL Cédric F. dans la limite, chacun, de la somme de 97 956,20 euros due à la société Axiane Meunerie en contrepartie d'un prêt d'un même montant accordé par celle-ci.
Suivant deux actes sous signatures privées du 6 juin 2012, M. Cédric F. et Mme Nelly D. se sont portés cautions solidaires de la SARL Traditions du Terroir dans la limite, chacun, de la somme de 44 454,57 due à la société Axiane Meunerie en contrepartie d'un prêt d'un même montant accordé par celle-ci.
Les intimés ne contestent pas que ces actes de cautionnement répondent aux conditions de validité formelle prévues aux articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation mais soutiennent, d'une part, qu'ils encourent la nullité pour avoir été signés avant même que ne le soient les actes de prêt dont ils sont l'accessoire, et d'autre part, que leur consentement a été vicié en raison de l'abus de dépendance économique dont la société Axiane Meunerie a usé pour obtenir leur signature. Ils se prévalent, à cet égard, d'une attestation de M. Luc P., ancien commercial de la société Axiane Meunerie, qui déclare avoir fait signer les actes de caution sous la pression, laquelle consistait dans le fait de subordonner les livraisons de farine à la signature préalable des cautions.
Cependant, sur le premier point, le caractère accessoire du cautionnement n'interdit pas à la caution de s'engager avant que le contrat principal ne soit signé, la validité d'un tel cautionnement étant alors simplement subordonnée à la signature effective du contrat principal. En tout état de cause, la procédure de conciliation ayant été ouverte par une ordonnance du 13 février 2012 et la société Axiane Meunerie ayant été interrogée par le conciliateur le 26 avril 2012, les négociations étaient largement engagées à la date du 6 juin 2012 et M. Cédric F., comme ses parents, ne pouvaient ignorer que ladite société avait d'ores et déjà consenti, à cette date, un prêt dont le montant était équivalent à celui des encours prêts et farine des sociétés cautionnées et, au centime près, au montant des engagements pris par les cautions.
Sur le second point, la violence susceptible de constituer un vice du consentement est caractérisée lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. La menace d'une voie de droit ne constitue pas une violence, à moins qu'elle ne soit détournée de son but ou ne soit invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif.
En l'espèce, les cautionnements souscrits par les intimés s'inscrivent dans le cadre de relations d'affaires anciennes à l'occasion desquelles M. Cédric F. ainsi que ses parents avaient déjà consenti au profit de la société Axiane Meunerie un précédent cautionnement en avril 2004 à hauteur de 45 445,48 euros, et M. Cédric F. seul un autre précédent cautionnement en décembre 2007 à hauteur de 30 000 euros, outre une promesse d'hypothèque. Il importe de rappeler que le prêt de 44 458,38 euros n'avait pas été entièrement remboursé et que la société Cédric F. restait redevable à ce titre d'une somme de 20 397,49 euros correspondant au capital restant dû et d'une somme de 8810 euros représentant les échéances non réglées et que cet encours était repris dans le nouveau prêt consenti à la société Cédric F..
Par ailleurs, sans être définitivement compromise, la situation financière des deux sociétés dont M. Cédric F. était le gérant était en tout cas suffisamment alarmante pour qu'il ait sollicité la mise en oeuvre de la procédure de conciliation prévue aux articles L. 611-4 et suivants du code de commerce. Dès lors, il n'était pas illégitime que la société Axiane Meunerie, en contrepartie de l'effort qu'elle consentait pour restructurer une dette dont partie était déjà garantie par un cautionnement de M. Cédric F. et de ses parents, soumette son accord au projet de restructuration à la constitution de nouvelles garanties, notamment personnelles, ce que n'interdit nullement la procédure de conciliation dans le cadre de laquelle l'accord est intervenu.
Il doit également être relevé que la dette restructurée au moyen du prêt cautionné n'est que la résultante, sur le long terme, des diverses livraisons opérées par la société Axiane Meunerie, déjà restructurées à plusieurs reprises par le moyen de précédents prêts, eux-mêmes non entièrement remboursés.
Dès lors, le fait d'abord subordonné les livraisons de farine à venir à la signature des actes de caution ne procède pas d'un détournement d'une voie de droit de son but ou de son exercice en vue d'obtenir un avantage manifestement excessif auquel les cautions, certes en état de dépendance au regard des difficultés financières des deux sociétés, n'auraient sinon pas consenti.
En conséquence, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a retenu que le consentement à ces actes de caution avait été vicié par la violence et que ces derniers devaient être déclarés nuls.
En l'absence de critique concernant le solde des sommes dues par les SARL Cédric F. et Traditions du Terroir, tel qu'il résulte des décomptes figurant en pièces nº 17 et 30, il y a lieu de condamner M. Cédric F., M. Jean-Luc F. et Mme Yvette G. épouse F., in solidum entre eux, à payer la somme de 89 009,25 euros au titre des sommes dues par la SARL Cédric F. et M. Cédric F. et Mme Nelly D., in solidum entre eux, à payer la somme de 39 530,32 euros au titre des sommes dues par la SARL Traditions du Terroir, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015, date de réception des mises en demeure.
Les circonstances de la cause ne permettent pas de caractériser, de la part des intimés, une quelconque résistance abusive qui justifierait l'allocation de dommages-intérêts.
L'équité ne commande pas de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties.
Les intimés succombant en leurs prétentions supporteront les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevable la demande d'irrecevabilité de la seconde déclaration d'appel du 4 septembre 2017 et de caducité de la première déclaration d'appel du 1er septembre 2017,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Nevers,
Statuant à nouveau,
Déboute M. Cédric F., M. Jean-Luc F. et Mme Yvette G. épouse F. de leur demande de nullité des actes de prêt et de cautionnement,
Condamne in solidum M. Cédric F., M. Jean-Luc F. et Mme Yvette G. épouse F. à payer à la société Axiane Meunerie la somme de 89 009,25 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015,
Condamne in solidum M. Cédric F. et Mme Nelly D. à payer à la société Axiane Meunerie la somme de 39 530,32 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 28 février 2015,
Déboute la société Axiane Meunerie de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
Déboute les deux parties de leurs demandes d'indemnité de procédure,
Condamne M. Cédric F., M. Jean-Luc F., Mme Yvette G. épouse F. et Mme Nelly D. aux dépens de première instance et d'appel.