CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 11 octobre 2021, n° 21/05833
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Massalia Shopping Mall (SCI)
Défendeur :
Effia Stationnement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loos
Conseillers :
Mme Castermans, M. de Chergé
FAITS ET PROCÉDURE
Par convention du 1er avril 2016, modifiée par avenant n° 1 du 17 mars 2017 et avenant n° 2 du 18 mai 2017, la société Massalia Shopping Mall SCI (la société Massalia) a consenti à la société Effia Stationnement (la société Effia) l'exploitation du parking souterrain du centre commercial « Le Prado » situé à Marseille, la convention étant conclue pour une durée ferme de 10 ans et 2 mois à compter de sa prise d'effet.
Le 06 mars 2020, la société Effia, estimant qu'il existe un écart significatif entre le chiffre d'affaires réalisé depuis le début de l'exploitation de ce parking et le chiffre d'affaires prévisionnel sur la base duquel elle avait présenté l'offre, a mis en demeure la société Massalia par lettre recommandée avec accusé de réception afin de renégocier les termes de la convention et de régulariser un avenant modificatif au plus tard le 30 avril 2020.
Par acte d'huissier du 27 juillet 2020, la société Effia a assigné devant le tribunal judiciaire de Paris la société Massalia aux fins de la voir condamner, sur les fondements des articles L. 442-1, I, 2° du code de commerce et 1134 et 1147 anciens du code civil à l'indemniser de son préjudice à hauteur de 1.900.000 euros et subsidiairement prononcer la résolution du contrat.
La société Massalia Shopping Mall SCI a saisi le juge de la mise en état d'un incident.
Par ordonnance du 11 février 2021, le juge de la mise en état a statué comme suit :
Déboute la société Massalia de son incident aux fins d'irrecevabilité ;
Déclare la société Effia recevable en ses demandes ;
Condamne la société Massalia aux dépens de l'incident ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Renvoie l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 8 avril 2021 à 13h30 pour mise en place d'une médiation ;
Dit que par message Rpva, les conseils des parties devront avoir renseigné le juge de la mise en état sur l'accord de leurs clients concernant la mise en place d'une médiation très vivement sollicitée par lui ;
dit que dans l'hypothèse de réponses positives le 8 avril 2021, une médiation sera ordonnée à quinzaine par ordonnance du juge de la mise en état.
Par déclaration du 25 mars 2021, la société Massalia Shopping Mall a interjeté appel de l'ordonnance.
Par conclusions signifiées le 13 août 2021, la société Massalia Shopping Mall SCI demande à la cour de :
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Réformer l'Ordonnance prononcé le 11 février 2021 par le juge de la mise en l'état du tribunal judiciaire de Paris (RG 20/06210) dans toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
Juger irrecevable la demande formulée à titre principal par la société Effia Stationnement en ce qu'elle se fonde cumulativement sur le régime de la responsabilité contractuelle et le régime de la responsabilité délictuelle ;
Condamner Effia Stationnement au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 18 juin 2021, la société Effia Stationnement demande à la cour de :
Vu les articles L. 442-1, I, 2° du code de commerce et 1231-1 du code civil
Débouter la société Massalia Shopping Mall SCI de son appel et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Confirmer en l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance rendue le 11 février 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG 20/06210 ;
Y ajoutant :
Condamner la société Massalia Shopping Mall SCI à verser à la société Effia Stationnement la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Massalia Shopping Mall SCI aux entiers dépens de l'instance.
SUR CE,
Sur le principe de non-cumul
La société Massalia se prévaut de l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir que le principe de non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles fait obstacle à la réparation d'un seul et unique préjudice sur le double fondement des responsabilités délictuelle et contractuelle. Elle ajoute que les responsabilités contractuelles et délictuelles ne peuvent être invoquées au titre d'un seul et unique fait générateur.
La société Effia réplique que sa demande est conforme au principe de non-cumul des responsabilités au motif qu'elle se fonde sur des faits générateurs distincts, lesquels sont constitués, d'une part, d'un déséquilibre significatif introduit par de multiples clauses, et d'autre part, des manquements contractuels de la société Massalia qui a notamment refusé de renégocier la convention. Elle ajoute, en réponse aux moyens soulevés par la société Massalia, qu'elle n'a pas à établir de préjudices distincts dès lors que des faits générateurs distincts sont présents.
A titre subsidiaire, elle sollicite que les juges déterminent le régime de responsabilité applicable et statuent en conséquence.
Ceci étant exposé,
La règle de non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles interdit la réparation d'un même préjudice.
Dans le cas présent, la demande en réparation du préjudice repose sur le déséquilibre significatif qui relève de l'article 442-6 du code de commerce dont le fondement est délictuel et sur un manquement grave aux obligations contractuelles de la société Massalia sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, pour obtenir une indemnisation d'un même préjudice à hauteur de 1.900.000 euros.
La société Effila poursuit donc son contractant sur deux fondements distincts. La demande en indemnisation n'est pas irrecevable, dès lors qu'il appartient au juge du fond saisi de la question de déterminer le régime de responsabilité applicable à l'espèce et de statuer en conséquence.
La cour confirme les termes de l'ordonnance rendue le 11 février 2021 et renvoie l'examen de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris.
La société Massalia Shopping Mall partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens.
Il paraît équitable d'allouer à la société Effia Stationnement la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour
CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la société Massalia Shopping Mall à verser à la société Effia Stationnement la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Massalia Shopping Mall aux entiers dépens de l'instance.