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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 octobre 2021, n° 19/09550

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

B2000 Cote d'Azur (SARL)

Défendeur :

Vanlo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

T. com. Marseille, du 6 févr. 2019

6 février 2019

La société B2000 Côte d'Azur a une activité de location d'articles textiles et de nettoyage industriel de linge à destination des professionnels, notamment dans les secteurs de l'hôtellerie et la restauration.

La société Vanlo exploite un restaurant sous l'enseigne « La petite maison » situé à Nice.

Un contrat de location de linge a été signé initialement le 27 février 2003 entre la société Charny, exploitante du restaurant, et l'ancien dirigeant de la société Vanlo.

Le 19 mai 2011, la SAS Charny a cédé son fonds de commerce à la société B2000 Côte d'Azur.

Le 23 mars 2016, la société B2000 Côte d'Azur et la société Vanlo ont signé un nouveau contrat de location d'articles textile d'une durée déterminée de 3 ans, avec une nouvelle grille tarifaire.

Par courrier recommandé du 21 novembre 2016, la société Vanlo a informé la société B2000 Côte d'Azur de son mécontentement concernant la qualité des prestations fournies par cette dernière du fait de la présence de nappes trouées parmi le linge fourni, elle a par la suite limité ses commandes auprès de la société B2000 Côte d'Azur aux tabliers et torchons.

Par courrier recommandé du 21 février 2017, le conseil de la société B2000 Côte d'Azur a indiqué prendre acte de la rupture brutale et abusive du contrat de location d'articles textiles à l'initiative et aux torts exclusifs de la société Vanlo à compter du 26 novembre 2016 et l'a mise en demeure de payer les sommes correspondantes à la valeur à neuf du stock du linge mis à sa disposition et à l'indemnité de résiliation prévue par le contrat.

Par exploit du 27 avril 2017, la société B2000 Côte d'Azur a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille la société Vanlo afin d'obtenir réparation du préjudice financier subi du fait de la rupture anticipée, brutale et sans préavis par cette dernière.

Par jugement du 6 février 2019, le tribunal de commerce de Marseille a condamné la société Vanlo à payer à la société B2000 Côte d'Azur la somme de 1028,46 euros en règlement de factures, dit que la rupture était imputable à la société B2000 Côte d'Azur et débouté cette dernière de ses demandes au titre du rachat du stock de linge et au titre du préjudice subi du fait du manque à gagner sur la durée du contrat restant à courir, dit que la société Vanlo a rompu brutalement partiellement et a condamné la société Vanlo à payer à la société B2000 Côte d'Azur la somme de 20 485 euros à titre de dommages et intérêts suite à la rupture brutale partielle, débouté la société Vanlo de se demande reconventionnelle et condamné la société Vanlo à payer 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel en date du 30 avril 2019, enregistrée par le greffe en date du 31 mai 2019, la société B2000 Côte d'Azur a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société B2000 Côte d'Azur déposées et notifiées le 25 juin 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Vu les articles 515, 696, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 1134 (ancien) du Code civil,

Vu l'article 1343-2 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du Code de commerce,

Vu le jugement du 6 février 2019 du Tribunal de commerce de MARSEILLE,

Vu les explications qui précèdent et les pièces versées aux débats,

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 6 février 2019, sauf en ce qu'il a :

Condamné la société VANLO à payer à la société B2000 COTE D'AZUR le solde de ses factures du 28 février 2017 et du 31 mars 2017, soit la somme de 1 028,46 TTC avec intérêt au taux légal et a ordonné la capitalisation des intérêts,

ii. Jugé que la société VANLO avait rompu brutalement partiellement les relations commerciales établies avec la société B2000 COTE D'AZUR,

ET, STATUANT A NOUVEAU,

A TITRE PRINCIPAL

1/ DIRE ET JUGER que le contrat de location d'article textiles à durée déterminée reconduit en date du 23 mars 2016 entre la société B2000 COTE D'AZUR et la société VANLO a été résilié abusivement par la société VANLO 28 mois avant sa date d'échéance,

En conséquence,

CONDAMNER la société VANLO à payer à la société B2000 COTE D'AZUR la somme de 10 213,20 euros T.T.C., correspondant au rachat du stock de linge mis à la disposition de la société VANLO, à sa valeur à neuf,

CONDAMNER la société VANLO à payer à la société B2000 COTE D'AZUR la somme de 248 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manque à gagner sur la durée du contrat restant à courir,

A TITRE SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que le préavis de rupture des relations commerciales qui aurait dû être octroyé par la société VANLO à la société B2000 COTE D'AZUR ne saurait être inférieur à un an,

CONDAMNER la société VANLO à payer à la société B2000 COTE D'AZUR une indemnité d'un montant de 80 335 euros, équivalente à la perte de marge sur coûts variables pendant le préavis d'un an qui aurait dû être consenti, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal

Plus subsidiairement encore,

CONDAMNER la société VANLO à payer à la société B2000 COTE D'AZUR une indemnité d'un montant de 77 753 euros, équivalente à la perte de marge sur coûts variables (intégrant la masse salariale affectée au client VANLO) pendant le préavis d'un an qui aurait dû être consenti ; cette somme étant assortie des intérêts au taux légal,

2/ DIRE ET JUGER que la demande de remboursement de facture à hauteur de 7 636,70 HT est nouvelle en appel,

DIRE ET JUGER qu'elle est irrecevable,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

DIRE ET JUGER que la société VANLO ne rapporte pas la preuve de ses allégations tandis que la société la société B2000 COTE D'AZUR démontre avoir renouvelé son stock de linge conformément aux termes du contrat,

DEBOUTER la société VANLO de sa demande comme étant mal fondée,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER la société VANLO de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions,

ORDONNER la capitalisation des intérêts de l'ensemble des condamnations à intervenir,

CONDAMNER la société VANLO à payer à la société B2000 COTE D'AZUR la somme de 15.000 euros des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société VANLO aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SELARL RECAMIER ET ASSOCIES, avocats postulants aux offres de droit.

Vu les dernières conclusions de la société Vanlo déposées et notifiées le 18 juin 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Vu les articles 515, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1219 du code civil,

Vu l'article 1134 (ancien) du code civil,

Vu l'article 1104 du code civil,

Vu l'article 1302 du code civil,

Vu le contrat de location d'article de textiles,

Vu les constats d'huissier,

Vu l'article L 442-6, I,5° du code de commerce,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de MARSEILLE,

Vu les explications qui précèdent et les pièces versées au débat

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 6 février 2019, sauf ce qu'il a :

Condamné la Société VANLO à payer à la Société B2000 la somme de 20 485 HT au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

Condamné la Société VANLO au paiement de la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du CPC

ET STATUANT A NOUVEAU

Sur la demande d'indemnisation fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies

A TITRE PRINCIPAL

DIRE ET JUGER que la Société B2000 COTE d'AZUR a manqué à son obligation de résultat en livrant du linge troué et usé à la SAS VANLO,

DIRE ET JUGER que dès le mois d'avril 2016, la SAS VANLO a alerté la Société B2000 COTE D'AZUR quant à la mauvaise qualité du linge livré,

DIRE ET JUGER que la Société B2000 COTE D'AZUR a manqué à son devoir de loyauté en adoptant des propos désobligeants à l'égard du dirigeant de la SAS VANLO,

DIRE ET JUGER que la Société B2000 COTE D'AZUR a manqué à son devoir de loyauté et n'a pas exécuté le contrat de bonne foi en pratiquant une facturation abusive en facturant de nombreux surcouts sous couvert de l'importance des salissures,

DIRE et JUGER que les fautes sont suffisamment graves pour justifier l'arrêt de commande nappes auprès de la Société B2000 COTE d'AZUR et ce sans préavis,

DIRE ET JUGER que la livraison de linge usé et troué couplée aux propos désobligeants proférés à l'encontre du dirigeant de la SAS VANLO constituent des fautes suffisamment graves excluant l'attribution de dommages et intérêts fondé sur l'article L442-6, I 5° du code de commerce même si la rupture a été faite sans préavis,

DIRE ET JUGER que la SAS VANLO n'a commis aucun acte fautif de nature à caractériser une rupture brutale des relations commerciales établies

En conséquence,

DEBOUTER la Société B2000 COTE D'AZUR de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies fondée sur l'article L 442-6 du code de commerce

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Et si par extraordinaire, la Cour était amenée à considérer que la SAS VANLO s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales établies,

CONSTATER que le chiffre d'affaire réalisé par la Société VANLO n'excède pas 5,71 % du chiffre d'affaire globale de la Société B2000 COTE D'AZUR,

DIRE ET JUGER qu'une baisse de 5,71 % du chiffre d'affaire de la Société B2000 COTE D'AZUR n'est ni effective et ni significative et ne permet de caractériser une rupture partielle des relations commerciales établies,

DIRE ET JUGER que la Société B2000 COTE d'AZUR n'a subi aucun préjudice consécutif à la baisse de commande de linge émanant de la SAS VANLO,

CONSTATER que la Société B2000 COTE D'AZUR ne produit aucun bilan justifiant le préjudice prétendument subi,

DIRE ET JUGER par suite que les sommes qu'elle réclame ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant,

DIRE et JUGER que la pièce adverse n°16 constitue une preuve irrecevable contraire au principe « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même », et n'ayant à ce titre et en tout état de cause aucun caractère probant

En conséquence,

DEBOUTER la Société B2000 COTE D'AZUR de sa demande en paiement d'une indemnité d'une somme de 80 335 équivalente à la prétendue perte de marge,

A TITRE INFINMENT SUBSIDIAIRE

Et si par extraordinaire, la Cour était amenée à considérer que la Société B2000 apporte la preuve de son préjudice,

CONSTATER que la Société B 2000 COTE D'AZUR n'a été constituée que le 25 mars 2011,

CONSTATER qu'une cession de fonds de commerce est intervenue entre la Société CHARNY et la Société B2000 COTE D'AZUR postérieurement à cette date,

DIRE ET JUGER que la Cession de fonds de commerce n'emporte pas poursuite des relations commerciales antérieures,

CONSTATER que la relation commerciale entre la Société VANLO et la Société B 2000 a commencé que le 19 mars 2012, n'a duré que 4 années avant que la rupture n'intervienne

En conséquence,

DIRE ET JUGER la durée du préavis des relations commerciales qui doit être octroyé à la Société B2000 COTE D'AZUR ne saurait excéder un (1) mois,

CONSTATER que la Société VANLO a d'ores et déjà réglé la somme de 20 485 HT au titre de sa condamnation correspondant à un préavis de 4 mois, prononcée par le Tribunal de commerce de MARSEILLE

RECONVENTIONNELLEMENT,

DIRE ET JUGER que les manquements graves et répétées de la Société B2000 COTE D'AZUR ont causé un préjudice important en termes d'image et de réputation à l'égard de la Société SAS VANLO exploitant le restaurant « LA PETITE MAISON »,

En conséquence,

CONDAMNER la Société B2000 COTE D'AZUR à payer à la Société VANLO une somme de 7.637,70 € HT Sept mille six cent trente-sept euros et soixante-dix centimes hors taxes à titre de remboursement des sommes facturées abusivement sous couvert de l'importance des salissures,

CONDAMNER la Société B2000 COTE D'AZUR à payer à la Société VANLO une somme de cinquante mille euros (50 000) titre de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice moral subi par la concluante,

En tout état de cause,

DEBOUTER la Société B2000 COTE D'AZUR de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la Société B2000 COTE D'AZUR à payer à la Société VANLO la somme de 10 000 au titre des disposition de l'article 700 du CPC,

CONDAMNER la Société B2000 COTE D'AZUR aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SELARL NEVEU CHARLES & ASSOCIES.

La clôture a été prononcée en date du 29 juin 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de relever que la cour n'est pas saisie du chef de la condamnation en paiement de factures, point qui n'est plus contesté en appel.

Sur la demande à titre principal sur le fondement contractuel

La société B2000 Côte d'Azur critique le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes visant à voir appliquer la clause contractuelle en cas de résiliation. L'appelante soutient que les livraisons étaient toujours effectuées en quantités fixes distinguant période estivale et basse saison, sauf ajustements exceptionnels, et qu'à la suite d'un courrier recommandé du 21 novembre 2016 la société Vanlo, faisant part de son mécontentement sur la qualité du linge livré, a cessé de solliciter le réapprovisionnement de son linge propre dans les quantités contractuellement convenues, limitant ses commandes à 40 torchons et 15 tabliers par jour. Elle sollicite donc l'application de la clause de l'article 10.3 du contrat prévoyant un rachat du stock et le paiement d'une indemnité de résiliation à titre de clause pénale égale à 50% de la totalité des sommes que le loueur aurait perçues sur l'exécution du contrat jusqu'à son terme.

La société Vanlo demande la confirmation du jugement sur ce point. L'intimée ne conteste pas avoir diminué ses commandes de prestations auprès de l'appelante après le 21 novembre 2016, mais elle invoque l'exception d'inexécution pour justifier cette diminution et elle prétend avoir cessé de s'approvisionner en nappes auprès de la société B2000 Côte d'Azur car cette dernière n'était pas en mesure d'assurer un service conforme en termes de qualité destiné à un établissement prestigieux tel que le restaurant « La petite maison » qu'elle exploite. L'intimée soutient en outre que le contrat ne lui imposait aucune quantité minimale de prestations, seule la qualité était exigée. Elle ajoute qu'aucun inventaire du stock initial n'a été effectué par la société B2000 Côte d'Azur.

Sur ce ;

Vu les articles 1134 et 1135 anciens du code civil dans leur version applicable aux faits de l'espèce,

Vu le contrat de location de linge du 23 mars 2016 signé entre les parties et notamment l'article 10.3 qui prévoit :

« En cas de rupture du contrat, pour quelque motif que ce soit, avant l'expiration dudit contrat, le locataire devra :

- Racheter au loueur à sa valeur à neuf au jour de la rupture du contrat, la totalité du stock d'articles textiles et de matériel mis à sa disposition, tel qu'il ressort du dernier inventaire augmenté des mises à dispositions ultérieures.

- Payer au loueur, à titre de clause pénale, une indemnité de cinquante pour cent sur la totalité des sommes que le loueur aurait perçues sur l'exécution du contrat jusqu'à son terme ».

Les 1ers juges ont à bon droit dit que le contrat ne prévoyait pas de quantités de linge minimales et qu'il n'était en outre pas justifié d'un inventaire du stock de linge initial annexé audit contrat.

La société B2000 Côte d'Azur ne démontre donc pas une inexécution du contrat de la part de la société Vanlo du fait qu'elle a diminué ses commandes en cours d'exécution et ne justifie pas non plus du stock de linge allégué.

En outre, la société B2000 Côte d'Azur qui a mis fin au contrat en cours d'exécution par lettre du 21 février 2017 ne peut légitimement demander une application de l'article 10.3 concernant le rachat du stock et le paiement de l'indemnité de résiliation à titre de clause pénale.

Les demandes sur le fondement de l'exécution du contrat seront donc rejetées, à l'instar de ce qui a été décidé dans le jugement entrepris.

Sur le fondement de la rupture brutale de la relation établie

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Sur la relation commerciale établie :

La date du début de la relation entre les parties est discutée.

Il est justifié que dans l'acte de la cession du fonds de commerce au bénéfice de la société B2000 Côte d'Azur intervenue en 2011, il a été prévu que le contrat de location de linge conclu avec la société Vanlo en 2003 a été transféré puisqu'il est indiqué dans la liste des contrats annexée à l'offre de reprise (pièce 35 de B2000 Côte d'Azur). En outre, il n'est pas contesté que la relation d'affaires a perduré entre les parties après la vente du fonds de commerce de 2011 jusqu'au nouveau contrat de linge signé en mars 2016 avant de diminuer notablement fin novembre 2016 puis cessé totalement début 2017.

Une relation d'affaires stable a donc existé de février 2003 à fin 2016, soit pendant près de 13 années.

Sur le caractère brutal de la rupture partielle du fait de la société Vanlo :

La société B2000 Côte d'Azur critique le jugement entrepris en ce qu'il lui a été alloué une indemnisation pour rupture brutale partielle qu'elle estime trop modique en faisant valoir qu'un préavis de 12 mois lui était nécessaire au vu de la durée et de l'intensité de la relation commerciale.

En réplique, la société Vanlo soutient qu'elle ne pouvait poursuivre la relation commerciale avec le même flux compte tenu des manquements graves de la société B2000 Côte d'Azur dans l'exécution de ses prestations du fait d'un défaut de qualité manifeste, ce qui justifiait la diminution de ses commandes à compter de fin novembre 2016.

Sur l'existence d'un manquement grave justifiant l'absence de préavis avant la rupture partielle :

Si le procès verbal de constat par huissier de justice sur le téléphone de M. X, employé du restaurant en charge des relations avec le service de fourniture du linge de table, montre quelques incidents survenus courant 2016 dans la relation à travers des échanges de SMS relatifs à des nappes trouées (pièce 11 de Vanlo), néanmoins, la lettre du 21 novembre 2016 est la seule qui notifie un problème général de qualité du service en faisant valoir que trop de nappes fournies sont trouées.

Sur une relation d'affaires quotidienne suivie depuis des années, ces faits ne démontrent pas un manquement d'une telle gravité que cela justifiait un arrêt immédiat des prestations sur toutes les nappes et serviettes fournies quotidiennement au restaurant représentant près de 95 % du chiffre d'affaires de la relation entre les parties. Il est constant que cela a engendré pour la société B2000

Côte d'Azur une chute subite et considérable de son chiffre d'affaires tirée de sa relation avec la société Vanlo.

La diminution substantielle du volume des commandes de la part de la société Vanlo aurait dû faire l'objet d'une lettre de notification en indiquant un préavis permettant à la société B2000 Côte d'Azur de se réorganiser.

Au contraire, la société Vanlo n'a pas dans son courrier du 21 novembre 2016 indiqué explicitement qu'elle allait cesser les commandes de linge concernant les nappes et serviettes en octroyant un délai raisonnable.

Au vu de ces éléments, il en ressort qu'en rompant partiellement une relation commerciale établie depuis près de 13 années sans notifier une lettre de rupture avec un préavis précis et sans démontrer l'existence d'un manquement aux obligations de la société B2000 Côte d'Azur suffisamment grave pour diminuer de manière substantielle le flux d'affaires immédiatement, la société Vanlo est à l'origine d'une rupture brutale partielle au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°.

Par conséquent, le jugement de 1re instance sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il y avait une rupture brutale partielle imputable à la société Vanlo.

Sur le délai du préavis nécessaire avant la rupture partielle effective :

La société B2000 Côte d'Azur soutient qu'un préavis de 12 mois était nécessaire au vu de l'ancienneté et du caractère substantiel de la relation commerciale entretenue avec la société Vanlo.

L'intimée réplique que le préavis de 12 mois sollicité est manifestement excessif, qu'un délai d'un mois aurait été suffisant.

Sur ce ;

Une relation commerciale stable a duré entre les parties près de 13 années.

Il ressort de l'attestation comptable de la société B2000 Côte d'Azur (pièce 24 de l'appelante) que son chiffre d'affaires en 2016 tiré de sa relation avec la société Vanlo était de 106.338 euros, représentant 5,69% de son chiffre d'affaires total.

Il s'agit d'un secteur très concurrentiel et la société Vanlo était le 2eme client le plus important de la société B2000 Côte d'Azur.

Au vu de ces éléments et s'agissant d'une rupture seulement partielle, un préavis de 4 mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société B2000 Côte d'Azur de réorganiser son activité après la baisse substantielle du flux d'affaires avec la société Vanlo.

Sur la réparation du préjudice :

Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

- le calcul du gain manqué du fait de l'arrêt brutal partiel de la relation

La société B2000 Côte d'Azur aurait dû bénéficier de 4 mois de préavis avant la rupture partielle. Il convient donc de calculer le gain manqué sur l'activité de cette dernière avec la société Vanlo sur 4 mois.

L'attestation comptable produite par la société B2000 Côte d'Azur fait apparaître, pour les 3 derniers exercices avant la rupture partielle, un chiffre d'affaires moyen tiré de son activité avec la société Vanlo à hauteur de 92 454 euros et retient une marge sur coûts variables à un taux moyen de 84%.

Ce taux est critiqué pertinemment par la société Vanlo faisant valoir que le taux retenu à moins de 3% pour les charges de la main d'oeuvre employée n'est pas crédible. Ce taux apparaît en effet sous-estimé alors que la société Vanlo est présentée par la société B2000 Côte d'Azur comme son 2e client plus important et que la main d'oeuvre employée est nécessaire pour le ramassage, la livraison et le lavage du linge fourni. Au vu de ces éléments, il convient donc de fixer la marge sur coûts variables à un taux de 64 %.

Par conséquent, le préjudice dû au gain manqué sera fixé comme suit :

64% de (92.454 euros /12 mois) x 4 mois, soit 19 723,50 euros.

La société Vanlo sera donc condamnée à payer cette somme en indemnisation du préjudice subi par la société B2000 Côte d'Azur du fait de la rupture brutale partielle et le jugement sera infirmé seulement sur le quantum retenu pour l'indemnisation.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Vanlo

- le remboursement de certaines sommes facturées :

La société Vanlo demande le remboursement par la société B2000 Côte d'Azur de la somme de 7 636,70 HT correspondant aux surcoûts réalisés sur le linge facturé à neuf. Elle prétend que la société B2000 Côte d'Azur a refacturé cette somme au titre du linge prétendument abîmé au prix du neuf, sans qu'elle puisse vérifier si le linge était réellement dans un état nécessitant un remplacement à neuf.

Cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile contrairement à ce que prétend la société B2000 Côte d'Azur, car elle tend aux mêmes fins que la demande en indemnisation du préjudice subi du fait du défaut de qualité dans les prestations délivrées déjà soutenue par la société Vanlo en 1ere instance.

Cependant, ce chef de demande doit être rejeté car il n'est pas fondé, la cour relevant que la société Vanlo a payé le 26 août 2016 la somme de 7000 euros au titre de la facture litigieuse établie par la société B2000 Côte d'Azur en y apposant les mentions « OK » et « Payé pour 7000 euros » après l'avoir vérifiée. (pièce 15 de Vanlo)

- le préjudice moral:

Il n'est pas non plus démontré le fait que le défaut de qualité alléguée concernant la prestation de fourniture du linge par la société B2000 Côte d'Azur ait engendré une atteinte à l'image et à la réputation de la société Vanlo auprès de sa clientèle. Les deux attestations de clients rédigées en termes très généraux et l'attestation d'un salarié dont la force probante est faible du fait de son lien de subordination avec la société Vanlo (pièces 12 à 14 de Vanlo), ne suffisent pas à prouver l'atteinte à l'image invoquée.

La demande de ce chef sera rejetée, et la décision de 1ere instance sera confirmée en son rejet.

Sur les frais et les dépens

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé sur les frais et dépens mis à la charge de la société Vanlo.

En cause d'appel, les parties, succombant successivement dans la critique du jugement, supporteront par moitié les dépens.

Il est équitable que chacune des parties conserve à sa charge les frais irrépétibles engagés respectivement par elle en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf sur le quantum de l'indemnisation pour réparer le préjudice de rupture brutale partielle subi par la société B2000 Côte d'Azur,

Statuant à nouveau du chef infirmé ;

Condamne la société Vanlo à payer à la société B2000 Côte d'Azur la somme de 19 723,50 euros au titre de l'indemnisation pour réparer le préjudice subi du fait de la rupture brutale partielle,

Y ajoutant ;

Déboute la société Vanlo de sa demande reconventionnelle tendant au remboursement de factures liées aux surcoûts réalisés sur le linge facturé à neuf ;

Rejette toutes les demandes complémentaires en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société B2000 Côte d'Azur et la société Vanlo à payer chacune la moitié des dépens de l'appel.