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Décisions

TUE, 10e ch. élargie, 20 octobre 2021, n° T-240/18

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A.

Défendeur :

Commission européenne, easyJet plc

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. van der Woude

Juges :

M. Kornezov, M. Buttigieg, Mme Kowalik Bańczyk (rapporteure), M. Hesse

Avocats :

Me Jeżewski, Me König, Me Odriozola Alén, Me Terlecka, Me Reeves

TUE n° T-240/18

20 octobre 2021

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

Antécédents du litige

1 Air Berlin plc était une compagnie aérienne. Elle a entrepris, en 2016, à la suite de difficultés financières, un plan de restructuration qui devait être en partie financé par des prêts d’un de ses actionnaires, Etihad Airways PJSC.

2 Le 9 août 2017, Etihad Airways n’a pas procédé au versement de la tranche d’un prêt qui était due.

3 Le 11 août 2017, Etihad Airways a annoncé publiquement qu’elle n’apporterait plus son soutien financier à Air Berlin.

4 Le 15 août 2017, d’une part, Air Berlin a engagé une procédure d’insolvabilité devant l’Amtsgericht Charlottenburg (tribunal de district de Charlottenburg, Allemagne), qui l’a autorisée à continuer à administrer et à disposer de ses biens sous la surveillance d’un administrateur provisoire.

5 D’autre part, le gouvernement allemand a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’un prêt garanti d’un montant maximal de 150 millions d’euros en faveur d’Air Berlin (ci-après l’« aide au sauvetage »). Par décision C(2017) 6080 final, du 4 septembre 2017, relative à l’aide d’État SA.48937 (2017/N) – Allemagne, concernant le sauvetage d’Air Berlin (JO 2017, C 400, p. 7, ci-après la « décision déclarant l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur »), la Commission a déclaré l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur. À cet égard, elle a précisé que cette aide devait permettre la poursuite des activités d’Air Berlin pour une durée maximale de trois mois au cours desquels il était prévu que les actifs de cette dernière soient vendus.

6 Le 27 octobre 2017, l’intervenante, easyJet plc, et Air Berlin ont conclu un accord portant sur l’acquisition de créneaux horaires, notamment à l’aéroport de Berlin-Tegel (Allemagne), des postes de stationnement correspondant à ces créneaux horaires, des éventuelles commandes des clients d’Air Berlin relatives aux opérations rattachées auxdits créneaux horaires, de divers éléments de cabine d’aéronefs et d’équipements correspondants ainsi que des données historiques relatives à l’ensemble de ces actifs (ci-après l’« accord du 27 octobre 2017 »).

7 Le 28 octobre 2017, Air Berlin a cessé ses activités sur les marchés de services de transport aérien de passagers.

8 Par ordonnance du 1er novembre 2017, l’Amtsgericht Charlottenburg (tribunal de district de Charlottenburg) a jugé que l’insolvabilité et le surendettement d’Air Berlin étaient établis.

9 Le 7 novembre 2017, l’intervenante a notifié à la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), la concentration par laquelle elle acquerrait les actifs visés au point 6 ci-dessus, conformément à l’accord du 27 octobre 2017 (ci-après la « concentration en cause »).

10      Par décision C(2017) 8776 final, du 12 décembre 2017 (affaire COMP/M.8672 – easyJet/Certains actifs d’Air Berlin) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a considéré que la concentration en cause était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004.

11      Plus particulièrement, en premier lieu, la Commission a considéré, d’une part, que la concentration en cause portait principalement sur le transfert de créneaux horaires d’Air Berlin vers l’intervenante et, d’autre part, qu’Air Berlin avait cessé ses activités de transport aérien de passagers antérieurement à ladite concentration et indépendamment de celle-ci. Elle a relevé, à cet égard, que ces créneaux horaires n’étaient rattachés à aucune liaison particulière et qu’Air Berlin n’exploitait plus aucune liaison. Elle en a déduit que, dans ces conditions, l’appréciation des effets de cette concentration sur les marchés de services de transport aérien de passagers définis par paires de villes entre un point d’origine et un point de destination (ci-après les « marchés O & D ») ne permettait pas d’appréhender les « effets structurels » sur la concurrence de pareille concentration. En conséquence, plutôt que d’apprécier, conformément à sa pratique décisionnelle, les effets de la concentration en question sur chacun desdits marchés sur lesquels Air Berlin et l’intervenante étaient présentes, elle a défini les marchés pertinents de services de transport aérien de passagers en agrégeant l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination de chacun des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin transférés à l’intervenante. Elle a ainsi défini les marchés pertinents comme étant ceux de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports.

12      S’agissant plus précisément de l’aéroport de Berlin-Tegel, la Commission a relevé que l’intervenante ne détenait aucun créneau horaire à cet aéroport antérieurement à la concentration en cause, mais qu’elle en détenait à l’aéroport de Berlin-Schönefeld (Allemagne). Elle a ainsi considéré que le transfert des créneaux horaires d’Air Berlin à l’aéroport de Berlin-Tegel n’aurait aucun impact concurrentiel dans l’hypothèse où ces aéroports seraient regardés comme faisant partie de marchés géographiques différents. Toutefois, plutôt que de se prononcer sur la question de savoir si lesdits aéroports faisaient partie du même marché géographique, elle a préféré vérifier que ladite concentration ne soulevait pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur dans l’hypothèse où ces aéroports seraient regardés comme faisant partie du même marché géographique.

13      En second lieu, la Commission a, en substance, considéré que l’intervenante aurait la capacité de verrouiller l’accès aux marchés pertinents de services de transport aérien de passagers lorsque trois conditions seraient réunies. Premièrement, le nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante à l’un des aéroports concernés représenterait une part significative du nombre total de créneaux horaires de cet aéroport, notamment lorsque le taux de congestion maximal de celui-ci serait atteint. Deuxièmement, la concentration en cause augmenterait de manière importante le nombre de créneaux horaires détenu par l’intervenante audit aéroport, notamment lorsque le taux de congestion maximal de celui-ci serait atteint. Troisièmement, la détention de créneaux horaires par l’intervenante affecterait négativement la disponibilité des créneaux horaires à ce même aéroport, compte tenu du taux de congestion élevé de celui-ci et du nombre important de créneaux horaires détenus par l’intervenante.

14      La Commission en a déduit que l’intervenante n’aurait la capacité de verrouiller l’accès aux marchés pertinents de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination d’aucun des aéroports auxquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés. Toutefois, compte tenu de l’impact plus important de la concentration en cause aux aéroports de Berlin-Tegel et de Berlin-Schönefeld (ci-après les « aéroports berlinois »), elle a en outre examiné si l’intervenante serait incitée à verrouiller l’accès aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. En tenant compte notamment du taux de congestion de ces aéroports, de la part de marché des concurrents de l’intervenante et des stratégies commerciales adoptées antérieurement par cette dernière, elle a considéré que l’intervenante ne serait pas incitée à verrouiller l’accès à ces marchés. Enfin, elle a noté que, compte tenu de la présence de deux autres compagnies aériennes importantes sur lesdits marchés, la mise en œuvre d’une éventuelle stratégie d’éviction par l’intervenante ne conduirait pas à une diminution de la concurrence sur ceux-ci.

Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2018, la requérante, Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A., a introduit le présent recours.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2018, l’intervenante a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 28 novembre 2018, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

17      Par actes du 27 août 2018 ainsi que du 9 avril et du 27 juin 2019, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines informations contenues dans ses mémoires et les annexes de ces derniers.

18      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, la juge rapporteure a été affectée à la dixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19      Sur proposition de la dixième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens ;

– condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

21      La requérante a, en outre, demandé au Tribunal, au titre de l’article 88 du règlement de procédure, d’adopter des mesures d’organisation de la procédure relatives à l’aide au sauvetage, à la cessation des activités d’Air Berlin et à la vente des actifs de cette dernière.

22      La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

23      À titre liminaire, il convient de relever que l’intervenante conteste la recevabilité du recours. Toutefois, il y a lieu de rappeler à cet égard qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur la recevabilité d’un recours dès lors que celui-ci doit, en tout état de cause, être rejeté au fond (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52). Par conséquent, en l’espèce, dans la mesure où, pour les motifs exposés ci-après, le recours doit être rejeté au fond, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de celui-ci.

24      À l’appui du recours, la requérante soulève six moyens, tirés, le premier, de la mauvaise définition des marchés pertinents, le deuxième, de l’erreur manifeste d’appréciation des effets de la concentration en cause, le troisième, de l’omission de l’examen des éventuels gains d’efficacité résultant de cette concentration, le quatrième, du caractère insuffisant des engagements pris par l’intervenante, le cinquième, de l’omission de la prise en compte de l’aide au sauvetage dans le cadre de l’appréciation des effets de ladite concentration et, le sixième, de la violation de l’article 296 TFUE.

Sur le premier moyen, tiré de la mauvaise définition des marchés pertinents

25      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir retenu une mauvaise définition des marchés pertinents. Ce moyen comporte, en substance, deux branches. Par la première branche, la requérante conteste les prémisses du raisonnement de la Commission selon lesquelles, d’une part, Air Berlin avait cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci et, d’autre part, l’intervenante n’acquérait, non pas Air Berlin en tant qu’entreprise, mais uniquement des actifs de cette dernière. Par la seconde branche, elle reproche à la Commission de ne pas avoir défini les marchés pertinents de services de transport aérien de passagers par marchés O & D, y compris dans l’hypothèse où Air Berlin serait regardée comme s’étant déjà retirée de certains de ces marchés.

26      La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

Sur la première branche du premier moyen, tirée de ce qu’Air Berlin n’avait pas cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci et devait être regardée comme une entreprise aux fins de l’appréciation des effets de cette concentration

27      Dans la décision attaquée, la Commission a constaté qu’Air Berlin avait cessé ses activités le 28 octobre 2017 et s’était, en conséquence, retirée de l’ensemble des marchés O & D sur lesquels cette dernière était présente, antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci. Dans ces conditions, elle a estimé que cette concentration, en tant que celle-ci portait principalement sur des créneaux horaires, conduirait l’intervenante à reprendre les positions détenues par Air Berlin, non pas spécifiquement sur les marchés O & D sur lesquels cette dernière était présente, mais sur les aéroports auxquels ces créneaux horaires étaient rattachés.

28      En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a considéré, à tort, que la cessation des activités d’Air Berlin était indépendante de la réalisation de la concentration en cause. Elle relève que, le jour de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, le 15 août 2017, les autorités allemandes ont décidé d’accorder à Air Berlin l’aide au sauvetage. Or, cette aide aurait permis à cette dernière d’éviter le retrait de sa licence d’exploitation et, par conséquent, de poursuivre ses activités et de conserver ses actifs, dont notamment ses créneaux horaires. Ladite aide aurait ainsi eu pour objectif de permettre le transfert d’une partie de ses créneaux horaires à l’intervenante, en application de l’article 8 bis du règlement (CEE) no 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO 1993, L 14, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 545/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009 (JO 2009, L 167, p. 24).

29      À cet égard, il est constant que la procédure d’insolvabilité d’Air Berlin a été ouverte le 15 août 2017 et que cette procédure résultait des difficultés financières d’Air Berlin et du refus d’Etihad Airways de procéder au versement de la tranche d’un prêt en faveur de cette dernière. La requérante ne conteste pas non plus que, ainsi qu’il résulte d’ailleurs de la décision déclarant l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur, cette aide n’avait pour objectif que de retarder, pour une durée maximale de trois mois, la cessation des activités d’Air Berlin, mais pas de l’empêcher.

30      Par conséquent, il convient de relever qu’Air Berlin aurait cessé ses activités, même en l’absence de la concentration en cause, de sorte que la Commission a considéré, à juste titre, qu’Air Berlin avait cessé ses activités indépendamment de cette concentration.

31      En deuxième lieu, la requérante conteste le fait que la cessation des activités d’Air Berlin fût antérieure à la concentration en cause. Plus particulièrement, elle fait valoir qu’Air Berlin n’a cessé ses activités que le 28 octobre 2017, soit après l’accord du 27 octobre 2017, et que la négociation de cet accord avait commencé dans les semaines précédant le mois d’août 2017. Elle en déduit qu’Air Berlin était encore active lors de cette négociation. La circonstance que, depuis l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, le 15 août 2017, Air Berlin décourageait activement toute nouvelle réservation pour ses services ne signifierait pas qu’elle était inactive, dans la mesure où, compte tenu de l’aide au sauvetage, elle avait pu maintenir son certificat de transporteur aérien ainsi que sa licence d’exploitation.

32      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, une concentration de dimension européenne ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché intérieur, à moins que la Commission n’octroie une dérogation à cette obligation sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

33      Dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que la Commission a octroyé une telle dérogation, il convient, en l’espèce, de relever que la réalisation complète de la concentration en cause n’a pu intervenir qu’après l’adoption de la décision attaquée le 12 décembre 2017, soit près d’un mois et demi après qu’Air Berlin a cessé ses activités.

34      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir considéré qu’Air Berlin avait cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause.

35      En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir dissocié artificiellement les actifs d’Air Berlin, qui font l’objet de la concentration en cause, de l’entreprise Air Berlin, qui était une compagnie aérienne concurrente de l’intervenante. Bien que l’intervenante n’ait acquis qu’une partie des actifs d’Air Berlin, elle soutient qu’Air Berlin était à la fois le vendeur de ces actifs et une des parties à ladite concentration. Elle ajoute que, contrairement à des ensembles abstraits d’actifs, seules des entreprises peuvent être qualifiées de parties à une concentration. Or, compte tenu du transfert de créneaux horaires d’Air Berlin à l’intervenante, l’intervenante aurait effectivement acquis une entreprise dans le cadre de la concentration en cause.

36      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte de l’acquisition, par une entreprise, du contrôle direct de l’ensemble ou de parties d’une autre entreprise. En outre, s’agissant du calcul du chiffre d’affaires, l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement dispose que, lorsque la concentration consiste en l’acquisition de parties d’une entreprise, seul le chiffre d’affaires se rapportant aux parties qui sont l’objet de la concentration est pris en considération dans le chef du cédant. Il s’ensuit que, ainsi que cela est relevé d’ailleurs à juste titre au paragraphe 136 de la communication juridictionnelle consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement no 139/2004 (JO 2008, C 95, p. 1, et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10), les entreprises concernées au sens de ce règlement sont la ou les parties acquéreuses et la ou les parties acquises de l’entreprise cible, mais non les activités conservées par le cédant.

37      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les activités conservées par Air Berlin ne sont pas considérées comme une entreprise concernée au sens du règlement no 139/2004.

38      Deuxièmement, il convient de noter que la requérante ne conteste pas le fait, relevé par la Commission au point 15 de la décision attaquée, que des actifs puissent permettre de constituer, dans un délai de trois ans, une activité se traduisant par une présence sur un marché et à laquelle un chiffre d’affaires peut être rattaché. Elle ne conteste pas non plus que de tels actifs puissent, dans ces conditions, constituer une entreprise concernée au sens du règlement no 139/2004. En outre, il convient de relever qu’elle n’apporte aucun élément de nature à démontrer que, en l’espèce, les actifs acquis par l’intervenante, tels que définis dans la décision attaquée, ne pouvaient pas constituer, dans un délai de trois ans, une activité se traduisant par une présence sur un marché et à laquelle un chiffre d’affaires pouvait être rattaché.

39      Il s’ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que les actifs acquis par l’intervenante dans le cadre de la concentration en cause constituaient une entreprise ou une partie d’entreprise au sens du règlement no 139/2004, alors même qu’Air Berlin avait cessé ses activités antérieurement à cette concentration. Par conséquent, dans la mesure où il est constant que l’intervenante n’a acquis qu’une partie des actifs d’Air Berlin, la Commission a constaté, à juste titre, que l’intervenante avait acquis le contrôle d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise ne correspondant qu’à certains actifs d’Air Berlin et que ces actifs constituaient une entreprise concernée au sens dudit règlement.

40      Dans ces conditions, il convient d’écarter la première branche du premier moyen de la requérante.

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission aurait dû examiner la concentration en cause sur chacun des marchés O & D pertinents

41      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir analysé les éventuels effets anticoncurrentiels de la concentration en cause sur les marchés O & D pertinents.

42      D’emblée, il y a lieu de rappeler que, pour déclarer une concentration compatible avec le marché intérieur, la Commission doit, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, constater que la réalisation de cette concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante.

43      La définition adéquate du marché pertinent est alors une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration (arrêt du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148 point 143). À cet égard, il convient de rappeler que le marché de produits à prendre en considération comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés (arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 50). Plus particulièrement, la notion de marché pertinent implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits ou les services faisant partie d’un même marché (arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51).

44      Toutefois, lorsqu’il est fait grief à la Commission de ne pas avoir pris en compte un éventuel problème concurrentiel sur d’autres marchés que ceux sur lesquels a porté l’analyse concurrentielle, il appartient au requérant d’apporter des indices sérieux venant démontrer de manière tangible l’existence d’un problème concurrentiel qui aurait dû, en raison de son impact, être examiné par la Commission. Aux fins de répondre à cette exigence, il appartient au requérant d’identifier les marchés concernés, de décrire la situation concurrentielle en l’absence de concentration et d’indiquer quels seraient les effets probables d’une concentration eu égard à la situation concurrentielle sur ces marchés (arrêts du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, points 65 et 66, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, points 174 et 175).

45      En l’espèce, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que les compagnies aériennes se trouvaient du côté de la demande sur le marché des services d’infrastructures aéroportuaires fournis par les aéroports et du côté de l’offre sur les marchés de services de transport aérien de passagers.

46      S’agissant plus particulièrement des créneaux horaires, la Commission a relevé que, ainsi qu’il résulte de l’article 2, sous a), du règlement no 95/93, ceux-ci étaient des autorisations, accordées par un coordonnateur, d’utiliser toutes les infrastructures aéroportuaires qui étaient nécessaires pour la prestation d’un service aérien dans un aéroport coordonné, à une date et à une heure précises, aux fins de l’atterrissage et du décollage. Elle en a déduit que les créneaux horaires constituaient des intrants nécessaires pour permettre aux compagnies aériennes d’accéder aux services d’infrastructures aéroportuaires fournis par les aéroports et, par voie de conséquence, de fournir des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. Par suite, dans la mesure où la concentration en cause visait, principalement, à transférer des créneaux horaires d’Air Berlin à l’intervenante, elle a considéré que cette concentration produirait des effets sur la demande dans les marchés de services d’infrastructures aéroportuaires et sur l’offre dans les marchés de services de transport aérien de passagers.

47      Dans ces conditions, aux fins de l’appréciation de la concentration en cause, la Commission a examiné si, du fait de l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante, cette dernière aurait la capacité ou serait incitée à verrouiller l’accès des autres compagnies aériennes aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par voie de conséquence, aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin.

48      À cet égard, en premier lieu, d’une part, la requérante soutient que, du point de vue des consommateurs, les services de transport aérien de passagers sont fournis sur des liaisons déterminées et que l’activité exercée par des compagnies aériennes dans un aéroport est subordonnée à la prestation de ces services. Elle en déduit qu’il n’est pas possible de distinguer l’activité exercée par des compagnies aériennes dans un aéroport de la prestation desdits services. Ainsi, la Commission se serait fondée sur la prémisse erronée selon laquelle les compagnies aériennes seraient des exploitants d’aéroports offrant des créneaux horaires, alors même que l’échange de tels créneaux horaires entre compagnies aériennes ne correspondrait pas à leur activité principale.

49      D’autre part, la requérante fait valoir que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires détenus par Air Berlin auraient été mis à la disposition d’autres compagnies aériennes, conformément au règlement no 95/93. Elle soutient ainsi que la concurrence est plus intense sur les marchés O & D lorsqu’une entreprise se retire de ces marchés que lorsque les actifs de cette entreprise sont acquis par un concurrent, comme c’est le cas en l’espèce. Par conséquent, elle considère qu’il ne résulte pas de la circonstance qu’Air Berlin avait cessé ses activités sur les marchés O & D que la concentration en cause n’aurait pas eu d’effets sur ces derniers.

50      À cet égard, il convient certes de relever que, ainsi que le fait, en substance, valoir la requérante, la définition de marchés O & D reflète le point de vue de la demande selon lequel les consommateurs de services de transport de passagers envisagent toutes les options possibles, y compris différents modes de transport, pour se rendre d’une ville d’origine vers une ville de destination (arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 138).

51      Par ailleurs, il convient de relever que la Commission a, dans la décision attaquée, retenu l’hypothèse que, en l’absence de la concentration en cause, l’ensemble des créneaux horaires acquis par l’intervenante auraient été transférés à d’autres compagnies aériennes que l’intervenante. De plus, la Commission a constaté que les créneaux horaires avaient une « importance cruciale » aux fins de la prestation de services de transport aérien de passagers dans la mesure où ils conditionnaient l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires. Elle a ainsi reconnu que ladite concentration était susceptible d’avoir des effets sur les différents marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés.

52      Toutefois, la Commission a considéré que l’examen des effets de la concentration en cause sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés permettait d’appréhender les effets de ladite concentration sur l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination desdits aéroports. En effet, elle a considéré, à l’instar de la requérante, que, bien que les compagnies aériennes fussent du côté de la demande sur le marché des services d’infrastructures aéroportuaires, l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante pouvait éventuellement lui permettre de verrouiller l’accès à ces services. Elle a ainsi vérifié si l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante donnerait à cette dernière la capacité ou l’incitation à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par voie de conséquence, aux différents marchés O & D au départ ou à destination desdits aéroports.

53      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a tenu compte des éventuels effets de la concentration en cause sur les marchés O & D pertinents, bien qu’elle n’ait pas examiné chacun de ces marchés individuellement.

54      En second lieu, la requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte des parts de marché d’Air Berlin et de l’intervenante ainsi que de l’effet de la concentration en cause sur leur relation de concurrence, sur leurs clients et sur leurs concurrents dans les marchés O & D pertinents. À cet égard, elle précise que la Commission aurait dû identifier les liaisons opérées par Air Berlin qui seraient reprises par l’intervenante à la suite de cette concentration ainsi que les marchés O & D sur lesquels ladite concentration était susceptible de créer un monopole. Elle ajoute que la Commission aurait également dû recourir aux « méthodes de simulation permettant de connaître la demande » afin d’identifier les liaisons auxquelles l’intervenante affecterait le plus probablement les créneaux horaires d’Air Berlin. Elle précise, à cet égard, que la Commission aurait dû examiner les marchés O & D au départ ou à destination de l’aéroport de Düsseldorf (Allemagne) ainsi que les marchés O & D au départ ou à destination des aéroports berlinois et dans lesquels l’intervenante opérait, avant la concentration en question, au moins une connexion quotidienne.

55      Plus particulièrement, d’une part, la requérante soutient que la concentration en cause était susceptible d’entraver significativement la concurrence effective sur les marchés Berlin (Allemagne) – Budapest (Hongrie), Berlin – Tel Aviv (Israël), Berlin – Vienne (Autriche), Berlin – Zurich (Suisse), Berlin – Naples (Italie) et Berlin – Copenhague (Danemark). En effet, l’intervenante aurait repris ces liaisons opérées par Air Berlin à la suite de ladite concentration, de sorte que cette dernière serait en situation de monopole sur les marchés Berlin – Naples et Berlin – Copenhague et n’aurait plus qu’un seul concurrent sur les autres marchés susmentionnés. D’autre part, la requérante fait valoir que l’intervenante pourrait développer ses activités sur différents marchés O & D au départ ou à destination des aéroports berlinois et de l’aéroport de Düsseldorf. Elle en déduit que cette concentration pourrait entraver le développement des activités des autres compagnies aériennes à ces aéroports. Elle précise que, compte tenu du taux de congestion desdits aéroports, la détention d’un nombre important de créneaux horaires par un petit nombre de compagnies aériennes pourrait empêcher l’accès de nouveaux entrants à ces aéroports. En outre, pareille concentration n’aurait pas seulement un effet sur « le marché berlinois », mais également sur des liaisons à partir des plateformes de correspondances (hub) des autres compagnies aériennes transportant des passagers en transit en provenance des aéroports berlinois.

56      Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du point 50 ci-dessus, l’examen des marchés O & D peut permettre d’identifier, parmi les services de transport de passagers, ceux que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables. Il s’ensuit que, lorsque les entreprises concernées par une concentration sont des compagnies aériennes encore en activité, la Commission peut identifier les marchés O & D dans lesquels leurs activités se chevauchent. Elle peut ainsi apprécier l’impact concurrentiel de cette concentration sur la prestation de services de transport de passagers sur ces marchés. Plus particulièrement, elle peut notamment déterminer l’ampleur des modifications concernant les parts de marché et les degrés de concentration, en calculant la part de marché cumulée desdites entreprises à l’issue de ladite concentration et celle de leurs concurrents.

57      Toutefois, en l’espèce, compte tenu de la cessation des activités d’Air Berlin, cette dernière s’était retirée de l’ensemble des marchés O & D dans lesquels elle était présente, de sorte que ses activités et celles de l’intervenante ne se chevauchaient plus sur aucun de ces marchés. En outre, dans la mesure où les créneaux horaires d’Air Berlin n’étaient rattachés à aucune liaison, la Commission a relevé, à juste titre, qu’ils pouvaient, en conséquence, être utilisés par l’intervenante sur d’autres marchés O & D que ceux sur lesquels Air Berlin était précédemment présente. En effet, il est constant que l’intervenante était en mesure de redéployer les créneaux horaires sur un grand nombre de marchés O & D, la requérante reconnaissant d’ailleurs, aux points 98 et 100 de la réplique, qu’il était impossible, pour la Commission, d’examiner l’ensemble des marchés O & D dans lesquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient susceptibles d’être réaffectés.

58      Il s’ensuit que, à la différence des concentrations impliquant des compagnies aériennes encore en activité, il n’était pas certain, en l’espèce, que la concentration en cause ait un quelconque effet sur la concurrence sur les marchés O & D dans lesquels Air Berlin était présente avant la cessation de ses activités.

59      Deuxièmement, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l’examen des effets de la concentration en cause sur les marchés de services d’infrastructures aéroportuaires ne permettait pas d’identifier d’éventuelles entraves à la concurrence effective sur les différents marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin.

60      Plus particulièrement, si la requérante identifie des marchés O & D dans lesquels l’intervenante soit aurait repris les liaisons précédemment opérées par Air Berlin, soit serait susceptible d’affecter les créneaux horaires de cette dernière, elle n’allègue pas que la concentration en cause a effectivement constitué une entrave significative à la concurrence effective sur ces marchés. Au contraire, elle prétend qu’elle n’est pas tenue de prouver l’existence d’une telle entrave, mais qu’il appartenait à la Commission d’en démontrer l’absence. Ainsi, elle se borne à soutenir que cette concentration pouvait constituer une telle entrave et que la Commission aurait dû compléter son analyse, sans pour autant apporter, à cet égard, des indices sérieux au sens de la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus. Elle reste notamment en défaut d’expliquer comment ladite concentration était susceptible d’entraver significativement la concurrence effective sur certains marchés O & D dans l’hypothèse où l’accès des autres compagnies aériennes aux services d’infrastructures aéroportuaires en cause était préservé.

61      En outre, s’agissant, d’une part, des marchés Berlin – Budapest, Berlin – Tel Aviv, Berlin – Vienne, Berlin – Zurich, Berlin – Naples et Berlin – Copenhague dans lesquels l’intervenante était, selon la requérante, en situation de monopole ou de duopole à la suite de la concentration en cause, il convient de relever que cette situation résultait du retrait d’Air Berlin de ces marchés. Or, ce retrait est la conséquence de la cessation des activités d’Air Berlin qui, ainsi qu’il a été relevé aux points 27 à 34 ci-dessus, a eu lieu antérieurement à cette concentration et indépendamment de celle-ci. Par conséquent, la circonstance que l’intervenante se trouve, après la réalisation de ladite concentration, en situation de monopole ou de duopole sur ces marchés O & D ne saurait, en tout état de cause, signifier que ladite concentration aurait pu significativement entraver la concurrence effective sur ces marchés.

62      S’agissant, d’autre part, des marchés O & D au départ ou à destination de l’aéroport de Düsseldorf et des aéroports berlinois identifiés par la requérante, il convient de relever que la requérante fait valoir que la concentration en cause pourrait conférer à l’intervenante une position dominante ou, à tout le moins, lui permettrait de mettre en place des stratégies d’éviction. Elle soutient, à cet égard, que le transfert de créneaux horaires à l’intervenante auxdits aéroports empêcherait les autres compagnies aériennes d’obtenir un nombre suffisamment élevé de créneaux horaires et, par voie de conséquence, de développer leurs activités. Il s’ensuit que, ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante reconnaît que l’examen de la capacité de l’intervenante, à la suite de ladite concentration, à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires fournis par un aéroport pouvait permettre de vérifier que cette concentration n’entraverait pas significativement la concurrence effective sur les marchés O & D au départ ou à destination de ces aéroports.

63      Troisièmement, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’il résulte de l’allégation de la requérante selon laquelle l’intervenante utiliserait les créneaux horaires d’Air Berlin pour accroître son offre sur les liaisons pour lesquelles la demande serait la plus forte que l’intervenante ne reprendrait pas l’ensemble des liaisons qui étaient précédemment opérées par Air Berlin. À cet égard, la requérante précise d’ailleurs que l’intervenante suit un modèle dit « de point à point » qui lui permet de ne pas devoir synchroniser ses vols entre eux et, ainsi, de réaffecter facilement ses créneaux horaires vers d’autres liaisons en fonction des conditions du marché. Par conséquent, il convient de constater que la Commission a considéré, à juste titre, que la concentration en cause était susceptible d’avoir des effets sur l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin, de sorte que l’examen des effets de cette concentration ne pouvait pas se limiter aux marchés O & D identifiés par la requérante.

64      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la définition de marché retenue par la Commission ne permettait pas d’identifier les éventuelles entraves significatives à la concurrence effective résultant de la concentration en cause, y compris sur les marchés O & D identifiés par la requérante.

65      Par conséquent, il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen de la requérante et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation des effets de la concentration en cause

66      Le deuxième moyen se divise, en substance, en trois branches. Par la première branche, la requérante soutient que la Commission a violé les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices relatives aux concentrations horizontales »), ainsi que les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard de ce règlement (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales »). Par la deuxième branche, elle conteste les taux de congestion des aéroports berlinois ainsi que les parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante qui ont été retenus par la Commission à ces aéroports dans la décision attaquée. Par la troisième branche, elle considère que la concentration en cause pourrait permettre à l’intervenante de verrouiller l’accès aux marchés de services de transport aérien de passagers à partir ou à destination desdits aéroports.

67      La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

68      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les règles de fond du règlement no 139/2004, et en particulier l’article 2 de celui-ci, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique, et que, en conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations (arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814, point 53, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 85). Ainsi, il est de jurisprudence constante que le contrôle que les juridictions de l’Union européenne exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêts du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 56 ; du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 137, et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1374).

69      Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission, laquelle en a la compétence institutionnelle, il ressort d’une jurisprudence désormais bien établie que le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39, et du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46).

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation des lignes directrices relatives aux concentrations respectivement horizontales et non horizontales

70      La requérante soutient que la Commission a appliqué, à tort, les lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales à la place des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales. Elle ajoute que la Commission aurait également violé les lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales dans l’hypothèse où ces dernières étaient applicables.

71      En premier lieu, il convient de rappeler que, aux termes du paragraphe 5 des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, les concentrations horizontales sont celles dans lesquelles les entreprises concernées sont des concurrents existants ou potentiels sur le même marché en cause. Toutefois, la note en bas de page no 6 précise que ces lignes directrices ne traitent pas de l’appréciation des effets qu’une concentration peut produire sur la concurrence dans d’autres marchés, dont les effets verticaux. À cet égard, aux termes du paragraphe 4 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales, les concentrations verticales sont celles qui concernent des entreprises opérant à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement.

72      En l’espèce, la Commission s’est notamment référée, dans la décision attaquée, aux lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales. En se fondant sur le paragraphe 25 de ces lignes directrices, elle a considéré que la circonstance que la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante dans les aéroports berlinois serait inférieure à 30 % à l’issue de la concentration en cause constituait un indice que cette concentration n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin. Elle a toutefois reconnu que la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante pourrait dépasser ce seuil à certains horaires.

73      À cet égard, la requérante fait valoir que, dans la mesure où il existe un chevauchement horizontal entre les activités d’Air Berlin et celles de l’intervenante dans les aéroports berlinois, la Commission aurait dû appliquer les lignes directrices relatives aux concentrations horizontales. Or, dès lors que, du fait de la concentration en cause, la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante dépasserait « sensiblement » 25 % dans ces aéroports, cette concentration ne serait pas compatible avec le marché intérieur en application de ces lignes directrices.

74      Il convient de relever, ainsi qu’il a été mentionné aux points 45 à 47 ci-dessus, que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la concentration en cause aurait des effets, d’une part, sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ et à destination des aéroports auxquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés et, d’autre part, sur les marchés de services d’infrastructures aéroportuaires de ces aéroports. Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 72 ci-dessus, la Commission n’a fait application des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales qu’aux fins de l’appréciation des éventuels effets de ladite concentration sur les marchés pertinents de services de transport aérien de passagers. Elle n’a ainsi pas fait référence auxdites lignes directrices pour apprécier les éventuels effets de cette concentration sur les marchés pertinents d’infrastructures aéroportuaires.

75      Or, s’agissant spécifiquement des marchés pertinents de services de transport aérien de passagers, d’une part, il convient de rappeler que, compte tenu de la cessation des activités d’Air Berlin, cette dernière n’était plus présente sur aucun de ces marchés. Il s’ensuit que, ainsi qu’il a été constaté au point 57 ci-dessus, les activités d’Air Berlin n’étaient plus susceptibles de se chevaucher avec celles de l’intervenante sur ceux-ci. Par conséquent, il convient de relever que, eu égard au paragraphe 5 des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, la Commission a considéré, à juste titre, que ces lignes directrices n’étaient pas applicables aux fins d’apprécier les effets de la concentration en cause sur lesdits marchés.

76      D’autre part, ainsi qu’il résulte du point 46 ci-dessus et que le reconnaît d’ailleurs la requérante, la Commission a relevé, à juste titre, que l’attribution de créneaux horaires permettait d’accéder aux services d’infrastructures aéroportuaires et que les créneaux horaires constituaient donc des intrants nécessaires pour la fourniture de services de transport aérien de passagers. Il s’ensuit qu’il existe une relation verticale entre, d’une part, l’attribution des créneaux horaires, qui se situent en amont de la chaîne d’approvisionnement au sens des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales et, d’autre part, la prestation de services de transport aérien de passagers, qui se situe en aval de celle-ci.

77      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de s’être référée aux lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales pour apprécier les éventuels effets verticaux résultant du transfert des créneaux horaires d’Air Berlin sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels ces créneaux horaires étaient rattachés.

78      En second lieu, il résulte des paragraphes 24 et 27 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales que les niveaux de parts de marché et de concentration constituent des éléments pertinents aux fins d’apprécier le pouvoir de marché des parties à une concentration. Plus précisément, aux termes du paragraphe 25 de ces lignes directrices, il est peu probable que la Commission conclue à l’existence de problèmes de concurrence dans le cas de concentrations non horizontales lorsque la part de marché de la nouvelle entité à l’issue de la concentration sur chacun des marchés concernés est inférieure à 30 % et que l’indice de Herfindahl-Hirschmann (IHH) à l’issue de la concentration est inférieur à 2 000.

79      La requérante reproche à la Commission d’avoir violé le paragraphe 25 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales dans la mesure où celle-ci n’a pas fait référence à l’IHH dans la décision attaquée et où les parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante dépasseront 30 % à l’issue de la concentration en cause.

80      Toutefois, ainsi qu’il est précisé au paragraphe 27 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales, le fait de présenter les niveaux de part de marché et de concentration visés au paragraphe 25 de ces lignes directrices ne permet pas de présumer l’existence de problèmes de concurrence. En effet, ce dernier paragraphe se contente de décrire une situation dans laquelle il est peu probable que la Commission conclue à l’existence de problèmes de concurrence. En revanche, il ne ressort pas de ce paragraphe que cette situation serait la seule qui ne soulèverait pas de tels problèmes.

81      Plus particulièrement, il convient de relever que les niveaux de part de marché et de concentration visés au paragraphe 25 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales ont trait à la détermination du pouvoir de marché des entreprises concernées à l’issue de la concentration et que le paragraphe 27 de ces lignes directrices précise que la possession d’un pouvoir de marché significatif sur au moins un des marchés concernés ne constitue qu’une condition nécessaire, mais non suffisante, pour établir l’existence de problèmes de concurrence. Le paragraphe 32 desdites lignes directrices, auquel renvoient notamment le paragraphe 27 des mêmes lignes directrices ainsi que la décision attaquée, indique ainsi que le verrouillage du marché des intrants suppose, en outre, la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que les entreprises concernées à l’issue de la concentration aient la capacité à verrouiller l’accès aux intrants, deuxièmement, qu’elles aient intérêt à verrouiller un tel accès et, troisièmement, que le verrouillage de cet accès ait une incidence négative significative sur la concurrence en aval.

82      En l’espèce, il résulte du point 14 ci-dessus que la Commission a considéré qu’aucune des trois conditions visées au paragraphe 32 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales n’était remplie s’agissant des marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports berlinois. Par conséquent, la circonstance que les parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante à ces aéroports puissent, à certains horaires, dépasser le seuil visé au paragraphe 25 desdites lignes directrices et que la Commission n’a pas vérifié si l’IHH était inférieur au seuil visé dans ce paragraphe ne permet pas de considérer que la Commission a violé lesdites lignes directrices. D’ailleurs, s’agissant de l’IHH, il importe de constater, à la suite de la Commission, que la requérante reconnaît elle-même au point 82 de l’annexe C.2 de la réplique que « l’application pratique de l’IHH dans les affaires relatives au contrôle des concentrations dans le secteur aérien est marginale ».

83      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a violé les lignes directrices relatives aux concentrations horizontales ou celles relatives aux concentrations non horizontales.

84      Par conséquent, il convient d’écarter la première branche du deuxième moyen de la requérante.

Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée des parts de créneaux horaires et des taux de congestion incorrects en ce qui concerne les aéroports berlinois

85      La requérante conteste les parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante et les taux de congestion retenus par la Commission dans la décision attaquée en ce qui concerne les aéroports berlinois.

86      En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de s’être fondée exclusivement sur les données produites par l’intervenante aux fins du calcul des parts de créneaux horaires détenues par cette dernière à l’issue de la concentration en cause alors qu’elle aurait dû également recueillir des données auprès des coordonnateurs des aéroports berlinois. Elle ajoute que la Commission a sous-estimé la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante à ces aéroports.

87      Premièrement, il convient de relever que, compte tenu de l’impératif de célérité et des délais stricts qui s’imposent à la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, celle-ci ne peut pas, à défaut d’indices indiquant l’inexactitude des informations fournies, être tenue d’effectuer des vérifications s’agissant de toutes les informations qu’elle reçoit. En effet, bien que l’obligation d’examen diligent et impartial qui incombe à la Commission, dans le cadre d’une telle procédure, ne lui permette pas de se fonder sur des éléments ou des informations qui ne peuvent pas être considérés comme véridiques, ledit impératif de célérité suppose, toutefois, que celle-ci ne peut pas vérifier par elle-même, dans le moindre détail, l’authenticité et la fiabilité de toutes les communications qui lui sont envoyées, la procédure de contrôle des concentrations reposant nécessairement et dans une certaine mesure sur la confiance (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 184).

88      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la législation en matière de contrôle des concentrations, sont prévues différentes mesures visant à décourager et à punir la transmission d’informations inexactes ou trompeuses. En effet, non seulement les parties notifiantes sont soumises, au titre de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 172, p. 9), à l’obligation expresse de lui fournir de manière véridique et complète les faits et circonstances pertinents pour la décision, cette obligation étant sanctionnée à l’article 14 du règlement no 139/2004, mais la Commission peut aussi révoquer, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, sous a), et de l’article 8, paragraphe 6, sous a), du règlement no 139/2004, la décision de compatibilité si celle-ci repose sur des indications inexactes dont une des entreprises concernées est responsable ou si elle a été obtenue par tromperie (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 185).

89      En l’espèce, il résulte de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur des données produites par l’intervenante et qui provenaient notamment d’une base recueillant des données issues de l’International Air Transport Association (IATA, association du transport aérien international), ainsi qu’elle l’a d’ailleurs confirmé lors de l’audience. Compte tenu de l’existence de plusieurs bases de données accessibles notamment aux compagnies aériennes, dont la fiabilité n’est pas en tant que telle remise en cause par la requérante, la Commission était fondée à considérer que l’intervenante était en mesure de produire des données fiables et, par suite, à utiliser les données produites par cette dernière dans le cadre de son appréciation.

90      Deuxièmement, il importe, en tout état de cause, de relever que, d’une part, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, ne pas s’être fondée exclusivement sur les données produites par l’intervenante. Elle a en effet précisé avoir vérifié ces données auprès des gestionnaires et des coordonnateurs des aéroports concernés.

91      D’autre part, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante ne suffisent pas pour remettre en cause la véracité des données sur lesquelles la Commission s’est fondée. À cet égard, il convient de relever que la requérante fait certes valoir que, selon une autre base de données que celle mentionnée dans la décision attaquée, l’intervenante détiendrait en moyenne, aux aéroports berlinois, 30,05 % des créneaux horaires au cours de la période de planification horaire (saison) IATA pour l’été 2018 et 23,6 % des créneaux horaires au cours de la saison d’hiver IATA 2017/2018. Elle considère ainsi que la Commission a sous-estimé la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante dans la mesure où cette dernière a indiqué, dans la décision attaquée, que l’intervenante détenait, en moyenne, aux aéroports berlinois, moins de 25 % des créneaux horaires lors de la saison d’été IATA 2018 et moins de 20 % des créneaux horaires lors de la saison d’hiver IATA 2017/2018. Toutefois, il y a lieu de constater que les données sur lesquelles la Commission s’est fondée étaient des estimations disponibles lors de l’adoption de la décision attaquée. À cet égard, il y a lieu de relever, comme le fait valoir, en substance, la Commission, que la requérante ne précise pas, dans ses écritures, la date des données dont elle se prévaut. La requérante a d’ailleurs confirmé, lors de l’audience, que ces données étaient postérieures à la décision attaquée. Par conséquent, le fait que les données produites par la requérante ne correspondent pas exactement aux estimations sur lesquelles la Commission s’est fondée ne signifie pas nécessairement que ces dernières ne pouvaient pas être regardées comme suffisamment fiables à la date de la décision attaquée.

92      En outre, il convient de relever que la requérante calcule la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante sur la base de l’ensemble des créneaux horaires alloués aux compagnies aériennes, excluant, de ce fait, les créneaux horaires qui ne sont pas alloués. Or, d’une part, la Commission a calculé, dans la décision attaquée, la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante en se fondant sur l’ensemble des créneaux horaires des aéroports concernés. D’autre part, elle a relevé que le taux de congestion moyen des aéroports berlinois lors des saisons d’été IATA 2018 et d’hiver IATA 2017/2018 ne serait respectivement que de 54 % et de 46 %. Ainsi, selon les saisons IATA considérées, entre 46 % et 54 % des créneaux horaires des aéroports berlinois n’étaient pas alloués. Par conséquent, il ne saurait être déduit du seul fait que les parts de créneaux horaires invoquées par la requérante sont supérieures à celles sur lesquelles s’est fondée la Commission que ces dernières étaient erronées.

93      Enfin, si la requérante entend reprocher à la Commission de ne pas avoir précisé le « modèle économétrique » utilisé aux fins de son appréciation, il suffit de constater que la Commission a décrit les calculs relatifs aux parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante et aux taux de congestion des aéroports concernés aux points 110, 111 et 114 de la décision attaquée.

94      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a considéré, à tort, que les aéroports berlinois n’étaient ouverts que de 3 heures UTC (temps universel coordonné) à 21 h 59 UTC lors des saisons d’été IATA, alors que l’aéroport de Berlin-Schönefeld restait ouvert en permanence et que l’aéroport de Berlin-Tegel était ouvert de 4 heures UTC à 20 h 59 UTC. Compte tenu du manque de créneaux horaires, certaines compagnies aériennes utiliseraient des créneaux de nuit, de sorte que cette erreur commise par la Commission serait de nature à vicier l’appréciation des effets de la concentration en cause.

95      À cet égard, il convient de relever que la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, s’être fondée sur une approximation relative aux horaires d’ouverture des aéroports berlinois. Elle a en effet supposé que ces aéroports avaient les mêmes horaires d’ouverture aux fins du calcul des taux de congestion et des parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante à l’issue de la concentration dans ces aéroports, à savoir de 3 heures UTC à 21 h 59 UTC lors des saisons d’été IATA, bien que cela ne correspondît pas exactement à la réalité. Elle a toutefois précisé que le nombre de créneaux horaires utilisés à l’aéroport de Berlin-Schönefeld entre 21 h 59 UTC et 3 heures UTC était négligeable.

96      Dans ces conditions, d’une part, il convient de relever que la requérante se borne à évoquer l’hypothèse que des compagnies aériennes pourraient choisir d’utiliser l’aéroport de Berlin-Schönefeld entre 21 h 59 UTC et 3 heures UTC lors des saisons d’été IATA. Toutefois, elle n’apporte aucun élément de nature à démontrer que le nombre de créneaux horaires audit aéroport pendant cette période était insuffisant pour satisfaire toutes les demandes. D’autre part, il convient de relever que la requérante n’explique pas en quoi cette approximation était de nature à altérer de manière suffisamment significative les calculs de la Commission pour remettre en cause l’appréciation, effectuée par cette dernière, des effets de cette concentration. Plus particulièrement, il convient de souligner, ainsi que le fait valoir la Commission, que cette approximation conduisait à surestimer les taux de congestion des aéroports berlinois ainsi que la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante à ces aéroports, ce qu’a d’ailleurs reconnu la requérante lors de l’audience. Il ne saurait donc résulter de cette approximation que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des effets de la concentration en cause.

97      En troisième lieu, la requérante émet des doutes quant aux taux de congestion des aéroports berlinois retenus par la Commission dans la mesure où, d’une part, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission a pris en considération, outre l’utilisation des pistes, les capacités des terminaux et le nombre de postes de stationnement et où, d’autre part, le gestionnaire de l’aéroport de Berlin-Tegel l’a informée que les postes de stationnement étaient insuffisants pour satisfaire toutes les demandes.

98      À cet égard, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu de distinguer l’accès aux terminaux et aux postes de stationnement parmi les différents services aéroportuaires indispensables à la prestation de services de transport aérien de passagers dans la mesure où l’attribution de créneaux horaires incluait nécessairement l’accès à l’ensemble de ces services.

99      Dans ces conditions, d’une part, il suffit de relever que, si la requérante affirme que la Commission aurait dû prendre en considération la capacité des terminaux des aéroports concernés, elle ne produit aucun élément de nature à établir que la capacité des aéroports berlinois était limitée par celle de leurs terminaux respectifs.

100    D’autre part, il y a lieu de constater que la requérante produit un courriel du gestionnaire de l’aéroport de Berlin-Tegel du 19 février 2018 relatif à l’attribution de postes de stationnement dans cet aéroport. Dans ce courriel, ledit gestionnaire expliquait, premièrement, que « l’insolvabilité d’Air Berlin à l’été 2017 » avait permis de libérer des capacités de cet aéroport, deuxièmement, que les demandes formulées par les compagnies aériennes aux fins d’accéder aux postes de stationnement de nuit avaient crû significativement par rapport aux saisons précédentes, de sorte que les capacités dudit aéroport n’étaient plus suffisantes et, troisièmement, qu’une nouvelle procédure d’attribution desdits postes à partir de la « saison d’été » 2018 allait être mise en place. Il précise également que, le cas échéant, les compagnies aériennes pourraient être directement contactées afin d’améliorer encore leur coordination.

101    Cependant, il convient de noter que la requérante n’explique pas en quoi les postes de stationnement de nuit à l’aéroport de Berlin-Tegel constituent des intrants qui seraient nécessaires, à l’instar des créneaux horaires, pour fournir des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports berlinois. Par ailleurs, le courriel produit par la requérante fait état non seulement de la mise en place d’une nouvelle procédure relative à l’attribution des postes de stationnement de nuit mais aussi du fait qu’il serait encore possible d’accroître la coordination entre les compagnies aériennes si cela s’avérait nécessaire. Par conséquent, il ne saurait résulter de ce seul courriel que le nombre de postes de stationnement soit de nature à limiter la prestation de services de transport aérien de passagers à partir ou à destination de l’aéroport de Berlin-Tegel.

102    Dans ces conditions, il convient de considérer que la requérante n’est pas fondée à soutenir que le calcul du taux de congestion de l’aéroport de Berlin-Tegel devait nécessairement prendre en considération les capacités des terminaux ainsi que les postes de stationnement.

103    Par conséquent, il convient de considérer que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir retenu des parts de créneaux horaires et des taux de congestion erronés, de sorte qu’il convient d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen de la requérante.

Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de ce que la concentration en cause pourrait permettre à l’intervenante de verrouiller l’accès aux marchés de services de transport aérien de passagers à partir ou à destination des aéroports berlinois

104    La requérante soutient que la concentration en cause produit des effets anticoncurrentiels. Selon elle, en l’absence de cette concentration, une partie importante des créneaux horaires des aéroports berlinois transférés à l’intervenante aurait été attribuée à d’autres compagnies aériennes. Elle fait valoir, à cet égard, que l’aéroport de Berlin-Tegel est un aéroport coordonné au sens du règlement no 95/93. En conséquence, d’une part, elle estime, conformément à l’article 10 de ce règlement, que jusqu’à la moitié des créneaux horaires précédemment détenus par Air Berlin auraient été attribués à des « nouveaux arrivants » comme elle, ce qui aurait réduit les barrières à l’entrée sur les marchés en cause. D’autre part, elle soutient que, compte tenu des parts importantes de créneaux horaires détenues par l’intervenante et du taux de congestion des aéroports berlinois, l’intervenante pourrait adopter diverses stratégies d’éviction.

105    En premier lieu, il convient de rappeler que l’analyse prospective que doit conduire la Commission consiste à examiner en quoi une concentration pourrait modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné afin de vérifier s’il en résulterait une entrave significative à une concurrence effective. Une telle analyse requiert d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet, afin de retenir ceux dont la probabilité est la plus forte (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 43).

106    En l’espèce, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires d’Air Berlin auraient pu retourner au pool visé à l’article 10 du règlement no 95/93. À cet égard, elle a précisé que, conformément à l’article 10, paragraphe 6, de ce règlement, 50 % de ces créneaux horaires auraient été attribués aux nouveaux arrivants, à moins que les demandes de ces derniers n’aient représenté moins de 50 % desdits créneaux horaires. Par conséquent, les créneaux horaires d’Air Berlin auraient été transférés aux autres compagnies aériennes qui soit détenaient déjà suffisamment de créneaux horaires dans les aéroports concernés soit souhaitaient entrer sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. Ainsi, les parts de créneaux horaires détenues par l’intervenante à l’aéroport de Berlin-Tegel auraient pu augmenter en l’absence de la concentration en cause.

107    Toutefois, la Commission s’est fondée sur l’hypothèse où l’ensemble des créneaux horaires faisant l’objet de cette concentration auraient été transférés à d’autres compagnies aériennes que l’intervenante. En conséquence, elle a retenu, aux fins de son appréciation, un accroissement de la part de créneaux horaires résultant de la concentration en cause qui est supérieur à celui qui aurait dû être retenu dans l’hypothèse défendue par la requérante et selon laquelle une partie des créneaux horaires d’Air Berlin seraient retournés dans le pool visé à l’article 10 du règlement no 95/93 en l’absence de cette concentration.

108    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur. Par conséquent, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission, la circonstance qu’une concentration produirait des effets anticoncurrentiels n’est pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

109    Dans ces conditions, la seule circonstance que, en l’absence de la concentration en cause, certains des créneaux horaires des aéroports berlinois transférés à l’intervenante auraient pu être attribués à d’autres compagnies aériennes, réduisant ainsi, pour ces dernières, les barrières à l’entrée s’agissant de ces aéroports, ne permet pas, en tant que telle, de démontrer que cette concentration était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

110    En troisième lieu, il convient de relever que la Commission a examiné la capacité de l’intervenante à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par suite, aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports berlinois.

111    Ainsi qu’il résulte du point 13 ci-dessus, la Commission a tenu compte à cet égard non seulement de la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante et de l’effet de la concentration en cause sur cette part de créneaux horaires, mais également de la congestion de ces aéroports. En effet, la Commission a certes constaté que, ainsi qu’il résulte de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 95/93, la capacité des aéroports coordonnés n’était pas suffisante pour satisfaire toutes les demandes des transporteurs aériens sur la base d’une coopération volontaire entre ceux-ci. Toutefois, elle a relevé qu’un aéroport pouvait être qualifié de coordonné au sens dudit règlement sans que l’intégralité des créneaux horaires de cet aéroport soient utilisés. Elle a ainsi calculé le taux de congestion des aéroports concernés en divisant, pour chacune des heures d’ouverture, le nombre de créneaux horaires attribués à toutes les compagnies aériennes par le nombre total de créneaux horaires disponibles. Elle a considéré, sans que cela soit contesté par la requérante, que l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective pouvait, en principe, être exclue lorsque le taux de congestion moyen d’un aéroport était inférieur à 60 %.

112    Plus particulièrement, la Commission a d’abord relevé que la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait, à l’issue de la concentration en cause, premièrement, inférieure à 25 % en moyenne, deuxièmement, inférieure à 40 % aux heures où le taux de congestion serait le plus élevé, à savoir entre 10 heures et 10 h 59 UTC lors de la saison d’été IATA 2018 et entre 8 heures et 8 h 59 lors de la saison d’hiver IATA 2017/2018, et, troisièmement, inférieure à 50 % lorsque sa part de créneaux horaires serait la plus élevée, à savoir le vendredi entre 14 heures et 14 h 59 UTC lors de ladite saison d’été et le vendredi entre 15 heures et 15 h 59 UTC lors de ladite saison d’hiver.

113    Ensuite, la Commission a constaté, d’une part, que le taux de congestion moyen serait de 54 % lors de la saison d’été IATA 2018 et de 46 % lors de la saison d’hiver IATA 2017/2018 et, d’autre part, que les taux de congestion les plus élevés seraient de 73 % entre 10 heures et 10 h 59 UTC lors de ladite saison d’été et de 62 % entre 8 heures et 8 h 59 lors de ladite saison d’hiver.

114    Enfin, la Commission a noté que, ainsi qu’il ressort des points 112 et 113 ci-dessus, l’horaire auquel la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait la plus élevée ne correspondait pas à l’horaire auquel le taux de congestion avait été le plus élevé et que, en tout état de cause, même lorsque le taux de congestion était le plus élevé, la capacité restante des aéroports berlinois était suffisante pour permettre l’entrée et l’expansion de concurrents.

115    La requérante soutient que, compte tenu de sa part importante de créneaux horaires et du taux de congestion, notamment des aéroports berlinois, l’intervenante pourrait adopter diverses stratégies d’éviction. En supposant que le nombre respectivement de sièges et de passagers transportés par Air Berlin soit corrélé aux créneaux horaires transférés à l’intervenante, elle estime que l’intervenante transporterait, à l’issue de la concentration en cause, jusqu’à 40 % du nombre total de sièges et respectivement 40 % et 50 % des passagers lors des saisons d’hiver IATA 2017/2018 et d’été IATA 2018. Elle en déduit que l’intervenante pourrait, premièrement, augmenter le nombre de vols aux horaires des vols envisagés par un nouvel entrant ou sur les lignes déjà exploitées par celui-ci de façon à rendre moins rentables les activités de ce dernier, deuxièmement, utiliser de manière plus efficace ses créneaux horaires en les redéployant, au besoin, sur ses différentes liaisons et, troisièmement, offrir des programmes de fidélité plus avantageux à ses clients. Elle précise qu’il s’agit de risques qu’il ne lui appartient pas de prouver, mais que la Commission devait examiner.

116    À cet égard, premièrement, contrairement à ce que suggère la requérante, la Commission a examiné si l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante pouvait permettre à cette dernière de limiter l’accès d’autres compagnies aériennes aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports concernés. Elle a toutefois considéré que, en l’espèce, l’intervenante n’aurait pas la capacité de verrouiller l’accès des autres compagnies aériennes à ces marchés.

117    En outre, à cet égard, il importe de relever que la requérante se borne à faire référence aux parts de marché de l’intervenante à l’aéroport de Berlin-Tegel, alors que, ainsi qu’il a été relevé au point 12 ci-dessus, la concentration en cause ne serait susceptible d’avoir un effet sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de cet aéroport que dans l’hypothèse où celui-ci et l’aéroport de Berlin-Schönefeld feraient partie du même marché géographique. Elle n’explique ainsi pas comment les stratégies d’éviction qu’elle invoque pouvaient effectivement être mises en œuvre s’agissant des aéroports berlinois, pris dans leur ensemble, compte tenu notamment du fait que la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait inférieure à 25 % et que le taux de congestion moyen de ces aéroports est inférieur au taux de 60 % mentionné au point 111 ci-dessus. Plus particulièrement, elle n’indique pas la raison pour laquelle un nouvel entrant ne pourrait pas, compte tenu de ce taux de congestion, se faire attribuer autant de créneaux horaires que nécessaire pour pouvoir fournir des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports.

118    Deuxièmement, il convient de rappeler que, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la Commission au paragraphe 16 de ses lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales, la circonstance que les concurrents puissent être lésés du fait qu’une concentration génère des gains d’efficacité ne peut pas, en soi, constituer une entrave à la concurrence. Or, la requérante n’explique pas en quoi l’utilisation plus efficace par l’intervenante de ses créneaux horaires ainsi que la mise en place de programmes de fidélité plus avantageux en faveur de ses clients ne refléteraient pas des gains d’efficacité qui, s’ils peuvent léser des concurrents, n’en constitueraient pas pour autant une entrave significative à une concurrence effective.

119    Troisièmement, il importe de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 14 ci-dessus, la Commission s’est notamment fondée sur trois motifs distincts pour déclarer la concentration en cause compatible avec le marché intérieur s’agissant des aéroports berlinois. Elle a considéré non seulement que l’intervenante n’aurait pas la capacité de verrouiller l’accès aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports berlinois, mais également que celle-ci ne serait pas non plus incitée à verrouiller cet accès et que la mise en œuvre d’une éventuelle stratégie d’éviction par celle-ci n’aurait pas pour effet une diminution de la concurrence sur ces marchés. Or, dès lors que ces deuxième et troisième motifs de la décision attaquée ne sont pas contestés par la requérante, il convient, en tout état de cause, d’écarter comme inopérante l’argumentation de la requérante relative à la prétendue capacité de l’intervenante à verrouiller ledit accès.

120    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la concentration en cause n’entraverait pas significativement la concurrence effective sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports berlinois.

121    Dès lors, il convient d’écarter la troisième branche du deuxième moyen de la requérante et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son intégralité.

Sur les troisième et quatrième moyens, tirés de l’omission de l’examen des éventuels gains d’efficacité résultant de la concentration en cause et de l’absence d’engagements imposés par la Commission

122    La requérante soutient que la Commission a violé les lignes directrices relatives aux concentrations horizontales en omettant d’examiner les éventuels gains d’efficacité qui pourraient résulter de la concentration en cause. Par ailleurs, elle reproche à la Commission de ne pas avoir imposé à l’intervenante des mesures correctives, sous forme d’engagements, tendant à permettre l’utilisation de certains créneaux horaires de cette dernière par d’autres compagnies aériennes.

123    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

124    En premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte d’ailleurs des termes de la section 9 du formulaire CO relatif à la notification d’une concentration conformément au règlement no 139/2004, figurant à l’annexe I du règlement no 802/2004, et du paragraphe 78 des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, auquel la note en bas de page insérée au paragraphe 21 des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales fait notamment référence, les gains d’efficacité induits par la concentration doivent être de nature à favoriser la concurrence au profit des consommateurs. Le considérant 29 du règlement no 139/2004, auquel se réfère la requérante, rappelle ainsi que de tels gains résultant d’une concentration peuvent contrebalancer les effets sur la concurrence, et notamment le préjudice potentiel pour les consommateurs, que cette concentration aurait sinon pu avoir et que, de ce fait, elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

125    De manière analogue, il convient de rappeler que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, les engagements pris par les entreprises concernées ont pour objet de dissiper tous doutes sérieux quant à la question de savoir si la concentration entraverait de manière significative une concurrence effective dans un marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 297).

126    En l’espèce, il convient de relever que la Commission a considéré, en se fondant sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, que la concentration en cause n’était pas susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, sans qu’il y ait besoin que l’intervenante ne démontre des gains d’efficacité ou ne propose d’engagements. Par conséquent, dès lors que, ainsi qu’il a été mentionné au point 120 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir que ladite concentration serait manifestement susceptible de constituer une telle entrave, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, d’examiner des gains d’efficacité qui auraient pu contrebalancer les effets sur la concurrence de cette concentration ni des engagements qui auraient pu prévenir cette entrave.

127    En second lieu, il résulte du considérant 29 du règlement no 139/2004 et des paragraphes 84 à 87 des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, invoqués par la requérante, qu’il appartient aux parties à la concentration de démontrer les éventuels gains d’efficacité résultant de cette concentration. De même, il résulte de l’article 6, paragraphe 2, de ce règlement et de l’article 19 du règlement no 802/2004 qu’il appartient, le cas échéant, aux parties à la concentration de proposer, sous forme d’engagements, des modifications à cette concentration. Il s’ensuit que la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir recherché l’existence de gains d’efficacité qui n’auraient pas été préalablement démontrés par l’intervenante ou imposé des engagements que cette dernière n’aurait pas préalablement proposés.

128    Dans ces conditions, il convient d’écarter les troisième et quatrième moyens de la requérante.

Sur le cinquième moyen, tiré de l’omission de la prise en compte de l’aide au sauvetage dans le cadre de l’appréciation des effets de la concentration en cause

129    La requérante soutient que l’aide au sauvetage a été octroyée à Air Berlin en vue de réaliser la concentration en cause. À cet égard, elle fait valoir que cette aide n’était pas compatible avec le marché intérieur, que certaines informations relatives à ladite aide ne seraient pas accessibles au public et que cette même aide a empêché d’autres « opérateurs plus efficaces » d’acquérir les actifs d’Air Berlin. Par ailleurs, elle considère que cette aide a modifié la capacité de financement d’Air Berlin, de sorte que la Commission devait en tenir compte, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004.

130    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

131    À cet égard, en premier lieu, il résulte de la décision déclarant l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur que cette aide avait notamment pour objectif de permettre la vente « ordonnée » des actifs d’Air Berlin de façon à limiter les conséquences négatives pour le personnel de cette dernière.

132    Toutefois, premièrement, il ne saurait résulter de la prétendue incompatibilité de l’aide au sauvetage avec le marché intérieur et du fait que certaines informations relatives à cette aide ne soient pas accessibles au public que ladite aide avait spécifiquement pour objectif l’acquisition, par l’intervenante, des actifs d’Air Berlin visés par la concentration en cause.

133    Deuxièmement, la requérante n’allègue pas ni, a fortiori, ne démontre que les « opérateurs plus efficaces » auxquels elle fait référence ne pouvaient pas déposer une offre de rachat d’actifs d’Air Berlin dans le cadre de la procédure d’insolvabilité de cette dernière.

134    Troisièmement, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 109 ci-dessus, la seule circonstance que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires d’Air Berlin transférés à l’intervenante auraient, pour partie au moins, été attribués à des concurrents de cette dernière n’est pas suffisante, à elle seule, pour considérer que cette concentration entrave de manière significative une concurrence effective, de sorte qu’elle aurait dû être déclarée incompatible avec le marché intérieur par la Commission.

135    En second lieu, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 que, dans son appréciation des concentrations, la Commission doit tenir compte notamment de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière. Toutefois, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément susceptible de démontrer que le montant du prêt accordé à Air Berlin en vertu de l’aide au sauvetage faisait partie des actifs acquis par l’intervenante dans le cadre de la concentration en cause.

136    Dans ces conditions, il n’est pas établi que le montant du prêt accordé à Air Berlin faisait partie de la concentration en cause, de sorte qu’il y a lieu de considérer que l’aide au sauvetage n’était pas de nature à affecter la position sur le marché ou la puissance économique et financière des actifs d’Air Berlin acquis par l’intervenante. Il s’ensuit que cette aide n’était pas susceptible de modifier l’appréciation, par la Commission, de cette concentration.

137    Par conséquent, il convient d’écarter le cinquième moyen de la requérante.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 296 TFUE

138    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296 TFUE au motif que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée. Elle reproche plus particulièrement à la Commission de ne pas avoir analysé de façon exhaustive le cadre factuel de la concentration en cause. Elle fait ainsi valoir que la Commission n’a pas examiné les effets de cette concentration sur les marchés O & D, qu’elle n’a effectué qu’une « brève » analyse de l’éventuel intérêt de l’intervenante à adopter une stratégie d’éviction et des effets d’une telle stratégie sur la concurrence, qu’elle n’a pas vérifié si les gains d’efficacité résultant de la concentration en cause compensaient les effets anticoncurrentiels produits par celle-ci, qu’elle n’a pas examiné si des mesures correctives permettraient d’éliminer l’entrave significative à une concurrence effective résultant de ladite concentration et, enfin, qu’elle n’a pas pris en considération l’aide au sauvetage.

139    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

140    Aux termes de l’article 296 TFUE, les actes juridiques adoptés par les institutions de l’Union sont motivés.

141    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).

142    Ainsi, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des concentrations, elle n’inclut pas dans sa décision une motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 64). Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations. Il en résulte que, lorsque la Commission déclare une concentration compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, l’exigence de motivation est satisfaite si cette décision expose clairement les raisons pour lesquelles la Commission considère que la concentration en question, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (voir, par analogie, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 100).

143    En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater, ainsi qu’il résulte des points 27 et 46 ci-dessus, que la Commission a exposé, dans la décision attaquée, la raison pour laquelle elle n’avait pas apprécié la concentration en cause sur chacun des marchés O & D pertinents. En effet, d’une part, elle a expliqué que, ayant cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci, Air Berlin n’opérait plus sur aucun des marchés O & D sur lesquels cette dernière était présente antérieurement. D’autre part, elle a fait valoir qu’il convenait d’apprécier les effets de cette concentration sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin au motif que ces créneaux horaires n’étaient affectés à aucun marché O & D particulier.

144    Deuxièmement, il y a lieu de relever que, d’une part, l’appréciation de la Commission relative à l’incitation qu’aurait l’intervenante à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires des aéroports berlinois était surabondante, dès lors que la Commission avait préalablement considéré que l’intervenante n’aurait probablement pas la capacité à verrouiller cet accès. D’autre part, la Commission a considéré que, si une compagnie aérienne dominante pouvait certes être incitée à verrouiller ledit accès, il y avait toutefois lieu de relever, en l’espèce, le nombre suffisant de créneaux horaires encore disponibles aux autres compagnies aériennes ainsi que la présence d’un concurrent à l’aéroport de Berlin-Tegel, qui posséderait une part de créneaux horaires à cet aéroport comparable à celle de l’intervenante à l’issue de la concentration en cause. Par ailleurs, la Commission a ajouté ne pas avoir trouvé de preuve au cours de son enquête de marché que l’intervenante avait préalablement adopté un comportement tendant à verrouiller un marché.

145    Troisièmement, ainsi qu’il résulte du point 126 ci-dessus, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, d’apprécier d’éventuels gains d’efficacité qui résulteraient de la concentration en cause ou d’envisager d’éventuels engagements qu’aurait pu proposer l’intervenante. De même, ainsi qu’il résulte du point 137 ci-dessus, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, de prendre en considération l’aide au sauvetage aux fins de l’appréciation de la concentration en cause. Il s’ensuit que ces différents éléments, invoqués par la requérante, pouvaient, à juste titre, sembler à la Commission manifestement hors de propos, de sorte que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 142 ci-dessus, il ne saurait lui être reproché d’avoir violé son obligation de motivation en ne les mentionnant pas dans la décision attaquée.

146    Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, de sorte qu’il convient d’écarter le sixième moyen de la requérante.

Sur la demande de la requérante d’adopter des mesures d’organisation de la procédure

147    Dans la requête, la requérante a, au titre de l’article 88 du règlement de procédure, demandé au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure relatives à l’aide au sauvetage, à la cessation des activités d’Air Berlin et à la vente des actifs de cette dernière.

148    Toutefois, il convient de relever, d’une part, que, en méconnaissance de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante n’a pas indiqué, de façon suffisamment circonstanciée, les raisons de nature à justifier l’ensemble des mesures d’organisation de la procédure qu’elle sollicitait et, d’autre part, que, ainsi qu’il résulte notamment des points 28 à 34 et 132 à 136 ci-dessus, ces mesures d’organisation de la procédure ne sont pas nécessaires pour statuer sur le recours.

149    Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure sollicitée par la requérante.

150    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l’annexe C.2 de la réplique, contestée par la Commission.

Sur les dépens

151    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A. est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Kornezov

Buttigieg

 

Kowalik-Bańczyk

 

      Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures