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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 23 octobre 2019, n° 18/02544

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

FAM (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Penavayre

Conseillers :

M. Truche, M. Sonneville

TGI Toulouse, du 12 févr. 2018

12 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 19 septembre 2013Simon B. a fait donation à sa fille Isabelle B. d'un ensemble de bâtiments à usage d'entrepôts, de bureaux et d'habitations situé [].

Il était précisé à l'acte qu'outre les locaux occupés par la SAS B., le bâtiment principal était occupé par la SARL FAM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Toulouse sous le numéro 523 072 213, aux termes d'un bail verbal, et que le donateur déclarait que la SARL FAM ne payait actuellement aucun loyer à l'exception du remboursement du montant de la taxe foncière et taxes sur les ordures ménagères.

Simon B. est décédé le 15 décembre 2013.

Le 2 juin 2015, Isabelle B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. a fait délivrer à la SARL FAM (dont le dirigeant est à ce jour Frédéric B.) un commandement de payer pour un montant de 50'658,48 euros correspondant au prorata de la surface 65 m² pour un montant identique à celui acquitté par la SAS B.

Par acte du 30 juin 2015, la SARL FAM a assigné Isabelle B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. en contestation de ce commandement.

Isabelle B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. a formulé des demandes reconventionnelles aux fins de constatation du bail commercial, validation des causes du commandement de payer et condamnation au paiement d'une somme complémentaire de 28'783,50 euros au titre des loyers échus à compter de juin 2015 jusqu'au 30 mars 2016 à parfaire au jour du jugement outre intérêts au taux légal.

Par ordonnance du 6 avril 2016 le juge de l'exécution a autorisé Isabelle B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. à prendre un nantissement judiciaire provisoire sur le fonds de commerce de la SARL FAM afin de garantir sa créance.

Par jugement du 12 février 2018, le tribunal de grande instance de Toulouse a débouté Isabelle B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. de l'ensemble de ses demandes, rejeté toute autre demande, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné Isabelle B. aux dépens.

Isabelle B. venant aux droits de Simon B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. a relevé appel de cette décision par déclaration du 7 juin 2018.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures du 2 juillet 2018 auxquelles il est référé pour le détail de l'argumentation, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement et de :

- constater le bail commercial existant entre elle et la SARL FAM ;

- valider les causes du commandement de payer du 2 juin 2015 à hauteur de 50'658,48 euros et condamner la SARL FAM à payer cette somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2015 ;

- condamner en outre la SARL FAM à lui payer la somme de 103'620,60 euros au titre des loyers échus depuis juin 2015 à juin 2018 (soit 2878,35 × 36 mois) à parfaire au jour de l'arrêt majoré des intérêts au taux légal ;

- fixer le montant du loyer annuel à la somme de 34'540,20 euros hors charges, dont devra s'acquitter la SARL FAM trimestriellement entre les mains de la représentante du bailleur ;

- enjoindre la SARL FAM de justifier de son assurance multirisque exploitation, du règlement de la taxe foncière et de la taxe des ordures ménagères 2013, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- de condamner la SARL FAM à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le bail commercial n'a besoin d'aucune forme pour sa validité, et qu'il ne peut être contesté que la SARL FAM occupe 465 m² de bâtiment pour les besoins de son commerce.

Elle ajoute que la stipulation d'un prix sérieux et non dérisoire est une condition essentielle du bail commercial, et que le donateur n'a pas stipulé dans l'acte de donation que la donataire devait poursuivre l'arrangement selon lequel aucun loyer n'était facturé.

S'agissant de la fixation du montant du loyer elle prend comme élément de référence le loyer au mètre carré convenu le 1er avril 2009 entre Simon B. et la SAS B. dirigé par Frédéric B.

Aux termes de ses écritures du 27 juillet 2018 auxquelles il est référé pour le détail de l'argumentation, la SARL FAM demande à la cour au visa des articles 1315 et 1320 du Code civil :

- de déclarer le commandement du 2 juin 2015 nul et de nul effet ;

- de dire et juger qu'un bail verbal du 1er juin 1997 ne peut lier les parties, la SARL FAM ayant été constituée le 1er juillet 2010 ;

- d'ordonner la communication dudit bail sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification des conclusions ;

- de condamner Isabelle B. à lui payer la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts et 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Elle fait valoir que l'acte de donation ne comporte aucune date s'agissant d'un bail verbal, qu'il est constant qu'elle a réglé au lieu et place de Mademoiselle B. la taxe foncière de 14 000 € ce qui ne peut pas être qualifié de prix de bail dérisoire et constitue la seule obligation imposée par Simon B., qu'enfin le prix du loyer ne peut être évalué par référence à celui de la SARL B..

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'acte du 19 septembre 2013 stipule s'agissant de la désignation des locaux, que précision est faite :

1°) qu'un bail commercial a été consenti le premier avril 2009 à la SAS B. sur des locaux de 727 mètres carrés comprenant 4 bureaux, un local d'archives, et un atelier de dépôt, pour un loyer initial de 54 000€, et actuel de 55 714,20 €,

2°) bail commercial au profit de la société FAM : le bâtiment principal est occupé pour le surplus par la SARL FAM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Toulouse sous le numéro 523 072 213, aux termes d'un bail verbal. Le donateur déclare que la SARL FAM ne paye actuellement aucun loyer à l'exception du remboursement du montant de la taxe foncière et taxes sur les ordures ménagères.

Il est démontré par la fiche du répertoire national des entreprises et de leurs établissements que la SARL FAM a été créé le premier juin 2010, son activité étant celle d'un commerce de gros de bois et de matériaux de construction.

Il résulte des écritures de l'appelante que la SARL FAM était gérée par Simon B. jusqu'à son décès, ce qui explique les dispositions rappelées dans l'acte de donation. Toutefois, alors qu'il a pris soin d'établir un testament le 12 octobre 2012 en faveur de sa fille Isabelle B., il n'a nullement précisé dans l'acte de donation intervenu 3 mois avant son décès que ces dispositions devaient être revues postérieurement à son décès.

Il est exact qu'en application de l'article 1714 du code civil auquel ne déroge pas le statut des baux commerciaux, le bail commercial ne doit pas nécessairement être fixé par écrit et peut être verbal. En l'espèce, le propriétaire des lieux a lui-même qualifié ainsi sa relation avec la SARL FAM, en connaissance de cause puisque qu'il avait signé un bail commercial écrit avec la SAS B. La preuve d'un bail commercial verbal est en conséquence rapporté, et dès lors qu'aucun élément ne permet de considérer qu'il existe un bail écrit, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication d'un tel bail sous astreinte.

Un bail est un contrat à titre onéreux, et le bailleur cessionnaire a indiqué qu'en contrepartie de l'occupation des lieux, la SARL FAM payait la taxe foncière qui n'incombe normalement pas à un locataire et constitue un élément du loyer, d'un montant de 14 000 € selon la SARL FAM.

Il est exact que la stipulation d'un prix sérieux et non dérisoire est une condition du bail, mais Isabelle B. n'agit pas en nullité du bail.

S'il y a lieu de reconnaître un bail commercial courant à compter du premier juin 2010, celui doit être reconnu dans toutes ses composantes, en ce compris le loyer initialement fixé qui ne peut être remis en cause en cours de bail au seul motif que le bailleur aurait changé.

Il ne peut être tiré aucun argument de ce que Monsieur Frédéric B. en sa qualité de gérant de la SAS B., aurait reconnu payer un loyer de 6,19 € le mètre carré.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté Isabelle B. de ses demandes de validation des causes du commandement, de paiement des loyers échus, et de fixation du montant annuel du loyer, le commandement étant déclaré nul.

En revanche, en sa qualité de bailleresse, elle est en droit de demander à la SARL FAM de justifier de son assurance multirisque exploitation, ainsi que du règlement de la taxe foncière et de la taxe des ordures ménagères 2013. Ces pièces ne figurant pas au dossier de la SARL FAM il sera fait droit à la demande d'injonction sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision.

La demande de dommages et intérêts de la SARL FAM n'est pas explicitée et sera rejetée.

Il n'y a pas lieu, à raison de l'équité, de faire application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du CPC.

Isabelle B. supportera les dépens de première instance, chacune des parties conservant les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a:

- débouté Isabelle B. de ses demandes de validation des causes du commandement du 2 juin 2015, de paiement des loyers échus, et de fixation du montant annuel du loyer ;

- débouté la SARL FAM de ses demandes de communication du bail sous astreinte et de dommages et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du CPC, et condamné Isabelle B. aux dépens ;

L'infirmant pour le surplus, et statuant à nouveau,

Constate l'existence d'un bail commercial courant à compter du premier juin 2010 entre Isabelle B. venant aux droits de Simon B. représentée par sa mère et tutrice Aline R. et la SARL FAM, portant sur les locaux occupés par cette dernière [] moyennant remboursement du montant de la taxe foncière et de la taxe sur les ordures ménagères,

Enjoint la SARL FAM de justifier de son assurance multirisque exploitation, du règlement de la taxe foncière et de la taxe des ordures ménagères 2013, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

Dit n'y avoir lieu à application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du CPC,

Dit que chacune des parties conservera les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.