CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 8 octobre 2021, n° 20/00907
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Comte Henri d'Assay (SAS)
Défendeur :
Chateau De Tracy Comtesse Alain d'Assay (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chokron
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Marcade
Avocats :
Me Martini Berthon, Me Allerit, Me Dejean
Vu le jugement contradictoire rendu le 5 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'appel interjeté le 31 décembre 2019 par M. C G F E A Z et la société Comte Henri d'Assay,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 07 juin 2021 par M. A Z et la société Comte Henri d'Assay, appelants à titre principal et incidemment intimés,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 27 mai 2021 par la société Château de Tracy Comtesse Alain d'Assay (société Château de Tracy), intimée et appelante incidente,
Vu l'ordonnance de clôture du 10 juin 2021.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Château de Tracy ayant son siège social au Château de Tracy 58150 Tracy sur Loire est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nevers depuis le 24 novembre 1994. Elle exploite un domaine agricole en appellation contrôlée « Pouilly Fumé ».
La société Château de Tracy est titulaire des marques semi-figuratives françaises suivantes : «Mademoiselle de T Comtesse A. d'Estutt d'Assay», déposée le 24 mars 2006 enregistrée sous le n° 3418682 et renouvelée, pour désigner en classe 33 les vins d'appellation d'origine contrôlée «Pouilly Fumé» provenant du domaine du Château de Tracy «Château de Tracy depuis ...», marque de couleur jaune déposée le 15 février 2011 et enregistrée sous le n° 3806571, pour désigner en classe 33 les vins d'appellation d'origine contrôlée « Pouilly Fumé»
La société Château de Tracy est une société familiale dont M. A Z assurait la gérance depuis le 13 avril 2006. Cependant, suite à d'importants désaccords survenus avec ses s'urs, il a été révoqué de son mandat de gérant le 9 juillet 2012 et Mme D A Z était désignée gérante.
Le 2 septembre 2015, M. A Z, qui était toujours salarié de la société Château de Tracy, a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude, ultérieurement requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse par la juridiction prud'homale.
Le 23 février 2016, M A Z a créé la société Comte Henri d'Assay, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nevers et ayant son siège social au Château de Tracy, Tour de l'Est, .... Elle a pour activité le négoce de vins et alcools, le conseil en viticulture et en gestion de vignobles, le conseil dans le domaine des transactions viticoles et la prise de participation dans tous types de sociétés.
M. A Z a également déposé la marque verbale française « Comte Henry d'Assay », le 4 février 2016, sous le n°4246323, pour désigner en classe 33 les boissons alcoolisées (à l'exception des bières), vins, vins d'appellation d'origine protégée, vins à indication géographique protégée.
Estimant que le développement de l'activité de M. A Z venait parasiter l'exp1oitation du domaine viticole en créant une confusion dans l'esprit du public sur l'origine des produits vendus, la société Château de Tracy lui a fait adresser une mise en demeure, le 26 avril 2018, de cesser ses agissements qualifiés de concurrence déloyale et parasitaire.
M. A Z répondait, par courrier du 29 mai 2018, en déniant tout acte parasitaire et en invoquant son droit à utiliser son nom pour nommer son entreprise, son domicile et la marque dont il est titulaire.
Par acte d'huissier de justice en date du 14 août 2018, la société Château de Tracy a fait assigner la société Comte Henri d'Assay et M. A Z devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale.
Le jugement déféré du 5 décembre 2019 a :
- déclaré qu'il n'était pas saisi de la fin de non-recevoir soulevée dans le seul dispositif des conclusions des défendeurs et non motivée dans le corps des dites conclusions,
- dit qu'en faisant usage de la marque verbale française « Comte Henry d'Assay », pour désigner en classe 33 les « Boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; vins ; vins d'appellation d'origine protégée ; vins à indication géographique protégée », M. A Z et la société Comte Henri d'Assay ont commis des actes de contrefaçon des marques « Mademoiselle de T Comtesse A. d'Estutt d'Assay » et « Château de Tracy depuis ... » dont est propriétaire la société Château de Tracy,
- fait défense à la société Comte Henri d'Assay et à M. A Z de faire usage ou de concéder tout droit d'usage de la marque « Comte Henry d'Assay», sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois à compter de cette signification,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- condamné in solidum la société Comte Henri d'Assay et M. A Z à payer à la société Château de Tracy la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon des marques,
- condamné in solidum la société Comte Henri d'Assay et M. A Z à payer à la société Château de Tracy la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale,
- débouté la société Comte Henri d 'X et M. d 'Estutt d 'X de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné in solidum la société Comte Henri d'Assay et M. A Z à payer à la société Château de Tracy la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Comte Henri d'Assay et M. A Z aux dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La cour observe que l'irrecevabilité à agir de la société Château de Tracy n'est pas soulevée de sorte que la décision du tribunal qui s'est déclaré non saisi de la demande formée à cette fin n'est pas critiquée en cause d'appel.
Sur l'action en contrefaçon de marques
La société Château de Tracy reproche à la société Comte Henri d'Assay et à M. A Z l'utilisation de la marque déposée par ce dernier « Comte Henry d'Assay» qu'elle estime très proche de ses deux marques « Mademoiselle de T Comtesse A. d'Estutt d'Assay» et «Château de Tracy depuis ...» pour désigner des produits identiques à ceux protégés par ses marques, à savoir des vins et bouteilles de vins, notamment des vins de «Pouilly fumé». Elle ajoute que les bouteilles de « Pouilly fumé » commercialisées par les appelants présentent en outre des similitudes de forme, de couleur, d'appellation, d'étiquettes et d'adresse qui renforcent le risque de confusion.
Les appelants contestent tout acte de contrefaçon et demandent l'infirmation du jugement de ce chef. Ils critiquent le jugement en ce qu'il a retenu un risque de confusion entre la marque « Comte Henry d'Assay » et les marques opposées par l'intimée. Ils invoquent en outre le droit de M. A Z à l'utilisation de son nom et de son adresse consacrée au bénéfice d'un tiers personne physique par le nouvel article L.713-6- I-1° du code de la propriété intellectuelle issu de l'ordonnance du 13 novembre 2019 et critiquent le jugement en ce qu'il a retenu un risque de confusion entre la marque « Comte Henry d'Assay » et les marques opposées par l'intimée.
Le jugement entrepris a retenu une contrefaçon par imitation des marques de la société Château de Tracy, au sens de l'article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle du fait d'une forte similitude conceptuelle des signes en présence qui compense les faibles ressemblances phonétique et visuelle de ces signes, «qui combinée à l'identité des produits concernés, en l'occurrence les vins, entraîne un risque de confusion évident pour le consommateur d'attention moyenne, lequel sera nécessairement amené à attribuer aux services proposés une origine commune et, en particulier, à considérer que les vins commercialisés sous la marque du défendeur sont une déclinaison de ceux récoltés et mis en bouteille par les demandeurs».
La cour rappelle que la contrefaçon est reprochée par imitation de deux marques appartenant à la société Château de Tracy et il convient d'analyser l'existence de la contrefaçon alléguée pour chacune de ces marques.
Sur la contrefaçon de la marque semi figurative « Mademoiselle de T Comtesse A. d'Estutt d'Assay»
Les vins litigieux revêtus de la marque « Comte Henry d'Assay », commercialisés par les appelants, sont des produits identiques ou à tout le moins similaires aux « vins d'appellation d'origine contrôlée « Pouilly Fumé» provenant du domaine du Château de Tracy» couverts par la marque opposée «Château de Tracy depuis ...».
Le signe contesté « Comte Henry d'Assay » n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments la composant, il convient de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou intellectuelle des signes en cause être fondée sur l'impression d'ensemble par eux produite, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
Les signes en présence ont en commun le nom « Z » et un titre nobiliaire, « Comtesse » pour la marque antérieure et « comte » pour le signe contesté.
Toutefois, visuellement, le signe verbal contesté est composé de trois mots, d'un titre nobiliaire «Comte», d'un prénom «C» et du patronyme «Z» alors que la marque semi figurative opposée, de couleur jaune, est constituée sur 8 lignes, d'une couronne puis au-dessous des mentions Mademoiselle , de , T (cette lettre étant écrite au centre du signe en caractère de grandes taille), Pouilly Fumé, Appellation Pouilly Fumé Contrôlée, Mise au château de Tracy, Comtesse A. d'Estutt d'Assay (cette dernière mention étant représentée sur la dernière ligne, en petits caractères et en conséquence peu visible). Les deux signes ont dès lors une physionomie très différente l'un de l'autre.
Phonétiquement les deux signes sont également totalement dissemblables, le signe contesté étant composé de trois mots, titre, prénom et nom et le signe opposé de 18 mots dont seule une partie d'un nom patronymique est commun.
Intellectuellement également, c'est à tort que les premiers juges ont retenu une forte similitude au motif que les deux signes renvoient par l'emploi du titre nobiliaire et du nom, au même univers conceptuel de la noblesse et des vins de châteaux, qui plus est sur un territoire extrêmement restreint en l'occurrence, les vins d'appellation « Pouilly fumé ». En effet, le titre nobiliaire n'est pas le même, le patronyme non plus et de plus dans le signe opposé la mention Comtesse A. d'Estutt d'Assay est écrite en petits caractères en fin de signe et n'en apparaît pas l'élément dominant qui sera retenu par le public, alors que Comte Henry d'Assay constitue la marque contestée sans autre ajout. Enfin, la référence à une appellation telle Pouilly Fumé pour un vin de cette appellation est normale et la référence aux châteaux ou titres nobiliaires fréquente dans le domaine viticole.
Ainsi, il s'infère de la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes en présence une impression d'ensemble différente exclusive d'un risque de confusion ou d'association, même pour des produits identiques ou similaires.
La forme des bouteilles commercialisées par les appelants ou l'ajout d'une couronne ne suffit pas à retenir l'existence d'actes de contrefaçon, étant relevé que la marque antérieure ne protège pas la forme de la bouteille. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la contrefaçon de la marque semi figurative Château de Tracy depuis ... »
Les vins litigieux revêtus de la marque « Comte Henry d'Assay », commercialisés par les appelants, sont des produits identiques ou à tout le moins similaires aux « vins d'appellation d'origine contrôlée « Pouilly Fumé » couverts par la marque opposée « Château de Tracy depuis ...».
Le signe contesté « Comte Henry d'Assay » n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments la composant, il convient de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou intellectuelle des signes en cause être fondée sur l'impression d'ensemble par eux produite, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
Les signes en présence ont en commun le nom « Z » et un titre nobiliaire, « Comtesse » pour la marque antérieure et « comte » pour le signe contesté.
Toutefois, visuellement, le signe verbal contesté est composé de trois mots, d'un titre nobiliaire « Comte » , d'un prénom « C » et du patronyme « Z » alors que la marque semi figurative opposée est constituée sur 6 lignes d'une couronne puis au-dessous des mentions château de Tracy (cette indication se présente comme l'indication dominante étant écrite en très gros caractères), depuis 1396, Pouilly Fumé, Appellation Pouilly Fumé Contrôlée, Comtesse A. D'Estutt d'Assay. Les deux signes ont dès lors une physionomie très différente l'un de l'autre.
Phonétiquement les deux signes sont également totalement dissemblables, le signe contesté étant composé de trois mots, titre, prénom et nom et le signe opposé de 14 mots dont seule une partie d'un nom patronymique est commun.
Intellectuellement également, c'est à tort que les premiers juges ont retenu une forte similitude au motif que les deux signes renvoient par l'emploi du titre nobiliaire et du nom, au même univers conceptuel de la noblesse et des vins de châteaux, qui plus est sur un territoire extrêmement restreint en l'occurrence, les vins d'appellation « Pouilly fumé ». En effet le titre nobiliaire n'est pas le même, le patronyme non plus et de plus dans le signe opposé la mention Comtesse A. d'Estutt d'Assay est écrite en tout petits caractères alors que Comte Henry d'Assay constitue la marque sans autre ajout. Enfin, la référence à une appellation telle Pouilly Fumé pour un vin de cette appellation est normale et la référence aux châteaux ou titres nobiliaires fréquente dans le domaine viticole.
Ainsi, il s'infère de la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes en présence une impression d'ensemble différente exclusive d'un risque de confusion ou d'association, même pour des produits et services identiques ou similaires.
La forme des bouteilles commercialisées par les appelants ou l'ajout d'une couronne ne suffit pas à retenir l'existence d'actes de contrefaçon, étant relevé que la marque antérieure ne protège pas la forme de la bouteille. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Ainsi et sans qu'il soit nécessaire de vérifier si l'usage par M. A Z de son nom patronymique pourrait constituer à son profit une limite aux droits des marques déposées par la société Château de Tracy, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu à l'encontre des appelants des actes de contrefaçon des marques appartenant à la société Château de Tracy et prononcé des condamnations de ce chef.
Sur l'action en concurrence déloyale
La société Château de Tracy reprend devant la cour les reproches tels que formulés en première instance à l'encontre des appelants à savoir l'usurpation de la notoriété de Château de Tracy, le démarchage de la clientèle de Château de Tracy, le dénigrement de Château de Tracy auprès de ses salariés et la tentative de débauchage. Le jugement avait retenu les deux premiers griefs formulés, rejetant comme non fondé le troisième et condamné in solidum les appelants au paiement d'une somme indemnitaire de 20.000 euros pour concurrence déloyale.
Sur l'usurpation de la notoriété
Reprenant certains arguments déjà développés dans le cadre de l'action en contrefaçon, la société Château de Tracy reproche aux appelants d'avoir voulu créer la confusion entre ses produits et ceux de la société Comte Henri d'Assay en commercialisant des bouteilles comportant :
- une bague blanche identique ;
- une étiquette blanche ;
- une partie supérieure de l'étiquette marquée par la présence en son centre d'une couronne, comtale dans un cas, marquisale dans l'autre ;
- des inscriptions centrées avec utilisation de petites capitales et d'anglaises ;
- une absence de tout autre motif, dessin, bordure, cadre, inscription ;
- une identité d'appellation d'origine « Pouilly Fumé » ;
- une mention du nom patronymique dans l'un et l'autre cas.
Elle reproche également l'identité du siège social, les deux sociétés étant toutes deux domiciliées au Château de Tracy.
Pour autant outre les développements déjà retenus sur l'absence de risque de confusion entre les marques de la société Château de Tracy et celle de la société Comte Henry d'Assay il sera relevé que l'aspect des bouteilles avec une prédominance du blanc est commun pour ce type de vin de Loire et la société Château de Tracy n'indique pas en quoi la forme de ses bouteilles ou celle de ses étiquettes seraient particulièrement représentatives de sa société.
Par ailleurs la cour observe que la communication de la société Château de Tracy met surtout en avant le domaine et la localisation de ses vins les présentant comme les « Grands vins du Château de Tracy », alors que les appelants insistent sur le titre et le nom « Comte Henry d'Assay ». En outre, la cour observe que M. A Z a pris soin de n'utiliser qu'une partie du patronyme qui est le sien alors que la société de ses s'urs quand elle mentionne le patronyme fait usage des deux éléments de celui ci.
La cour observe également que lorsque le titre nobiliaire et le nom patronymique sont utilisés par la société Château de Tracy, le côté féminin est mis en avant « comtesse » et le prénom Anne, ou encore l'utilisation de la marque « Mademoiselle de T...», lesquels ne peuvent être confondu par le public avec C Z.
Quant à la couronne figurant parfois au dessus des étiquettes de la société Comte Henry d'Assay, force est de constater au vu des éléments produits aux débats par les appelants, que les deux couronnes ne sont pas identiques, celle de la société Comte Henry d'Assay est celle afférente au titre de « comte » alors que celle de la société Château de Tracy réfère au titre de « marquis ».
S'agissant du siège social, rien n'interdisait à M. A Z de domicilier sa société à son adresse dont il n'est pas démontré qu'il ait fait volontairement un usage particulier dans le but de créer la confusion entre les deux sociétés en cause.
Sur le démarchage de la clientèle
Au regard de la liberté du commerce, il n'est pas interdit à une société de démarcher les clients d'une société concurrente sauf s'il est démontré l'emploi de manœuvres illicites ou trompeuses ou s'il est justifié d'une appropriation illicite d'un fichier de clientèle.
Or en l'espèce, rien de tel ne ressort des pièces apportées au débat par la société intimée qui ne justifie d'aucune manœuvre condamnable de la société Comte Henry d'Assay pour approcher certains de ses clients.
Sur le dénigrement et la tentative de débauchage
Comme justement retenu par les premiers juges, aucun des éléments produits au débat ne vient démontrer les faits de débauchage de salariés et de dénigrement allégués à l'encontre des appelants.
Ainsi le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu à l'encontre des appelants des actes de concurrence déloyale et prononcé des condamnations de ce chef, et ce sans qu'il soit nécessaire de vérifier si certaines des condamnations sollicitées en réparation de son préjudice par la société Château de Tracy sont ou non irrecevables en cause d'appel comme étant nouvelles.
Sur les demandes incidentes de M. A Z et la société Comte Henri d'Assay
Sur les demandes fondées sur une pratique commerciale trompeuse
Les appelants soutiennent que la société intimée s'est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article 121-2 du code de la consommation en raison :
- de l'utilisation de l'image et du nom de M. Z pour tenter de faire croire à sa clientèle que son expertise et son savoir-faire perdurent encore au sein de la société alors qu'elle s'en était séparée pour inaptitude,
- des mentions de la «Comtesse A. d'Estutt d'Assay» comme «propriétaire» notamment sur le site Internet de la société Château de Tracy, alors que les parcelles de production appartiennent au groupement foncier agricole (GFA) et donc à la fratrie.
L'article 121-2 du code de la consommation, dans sa version applicable à la procédure dispose :
« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ; 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ; e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ; 3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable ».
Il ressort des pièces des appelants que la société Château de Tracy a tardé à supprimer toutes références à son ancien gérant de son site internet, ce qu'elle n'a fait qu'au cours de la procédure de première instance.
Il est également produit un article de la revue RVF paru en décembre 2016 mentionnant la présence de M. B Z auprès de sa soeur gérante de la société. En revanche l'article du Figaro et l'extrait du site du syndicat de l'aire de Pouilly, également produits par les appelants, sont dépourvus de date certaine.
Par ailleurs, il est reproché l'indication fausse de ce que la Comtesse A d'Estutt d'Assay serait propriétaire de l'exploitation alors qu'elle était décédée depuis plusieurs années et que les parcelles appartiennent au GFA familial constitué entre M. A Z et ses soeurs.
Pour autant, ces faits isolés ne suffisent pas à constituer la pratique commerciale trompeuse visée à l'article 121-2 du code de la consommation, alors même que les fausses allégations reprochées ne sont pas de nature à induire en erreur sur l'une des caractéristiques visées aux paragraphes a) à g).
Au surplus, ni M. A Z, ni la société Comte Henry d'Assay ne justifient d'un quelconque préjudice lié à ces faits.
Les appelants seront déboutés de leurs demandes de ce chef.
Sur les demandes fondées sur l'exécution provisoire du jugement entrepris
Les appelants indiquent avoir été contraints du fait de l'exécution provisoire prononcée par le jugement entrepris de faire des frais de dépôt de nouvelles marques, de perte de bouteilles et perte d'étiquettes et cartons d'expédition marqués Comte Henry d'Assay à hauteur de 12 489,48 euros dont il demande réparation à la société château Tracy. Ils ajoutent avoir de ce fait subi également un préjudice d'image qu'ils estiment à hauteur de 2 000 euros.
Pour autant, ils ne donnent aucun élément justifiant de la réalité des préjudices invoqués et notamment de la destruction des bouteilles et étiquettes litigieuses, ni du lien entre le dépôt des nouvelles marques et le jugement, ni encore du préjudice d'image.
De plus, il n'est pas produit au débat la signification du jugement par la société Château Tracy par laquelle elle aurait manifesté son intention de poursuivre l'exécution du jugement, ni a fortiori d'autres actes de poursuite.
Dès lors M. A Z et la société Comte Henry d'Assay seront déboutés de leurs demandes de ce chef.
Par ailleurs, si l'infirmation des condamnations prononcées en première instance implique la restitution des sommes versées en exécution du jugement, celle-ci est de droit et le présent arrêt vaut titre exécutoire, sans qu'il n'y ait lieu à prononcer de condamnation.
Sur les autres demandes
Les demandes de publicité de l'arrêt sollicitées par les parties sont rejetées comme non fondées.
Le sens de l'arrêt conduit à l'infirmation des dispositions du jugement concernant les dépens ainsi que les frais irrépétibles.
La société Château de Tracy est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. A Z et la société Comte Henry d'Assay, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité fixée, en équité, à la somme de 10 000 euros pour chacun soit 20 000 euros au total. Cette somme de 20 000 euros comprend les frais d'avocat et de constats d'huissiers pour lesquels les appelants formaient à tort une demande distincte qui sera dès lors rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant dans les limites des appels interjetés à titre principal et incident,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. A Z et la société Comte Henry d'Assay de leurs demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Château de Tracy Comtesse Alain d'Assay de l'intégralité de ses demandes,
Déboute M. A Z et la société Comte Henry d'Assay de leurs demandes incidentes,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne la société Château de Tracy Comtesse Alain d'Assay à payer la somme de 10 000 euros à M. A Z et la somme de 10 000 euros à la société Comte Henry d'Assay, soit 20 000 euros au total, incluant les frais d'avocat et de constats d'huissiers, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la société Château de Tracy Comtesse Alain d'Assay aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.