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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 20 octobre 2021, n° 20/00034

RIOM

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Axa France IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseiller :

Mme Theuil-Dif

Avocats :

Selarl Jurideca, Selarl Lexavoué, Selas MSA Valence, SCP Huguet-Barge-Caiserman-Fuzet, Selarl ADK

TGI Cusset, du 25 nov. 2019

25 novembre 2019

Faits et procédure - demandes et moyens des parties :

Suivant un bon de commande du 29 novembre 2006, M. X a commandé, à la SARL Y, la fourniture et l'installation d'une piscine dans sa propriété de Gannat, pour le prix de 13 000 euros. Il était précisé sur le bon de commande que restaient à la charge du client les travaux de terrassement, ainsi que « tous mouvements de terre et l'alimentation électrique du local ». M. X a en outre conclu le même jour, 29 novembre 2006 avec la SARL Y un « Contrat service Z Piscines », qui comportait des garanties pour la structure de la piscine et pour le liner.

La société Y a fourni le matériel et réalisé les travaux, les parties ont établi et signé le 28 juillet 2007 un procès-verbal de réception sans réserve.

M. X a constaté en 2013 l'apparition de cloques sur la paroi de l'escalier, il s'en est plaint par lettre le 24 juin 2013 auprès de la SAS Z Groupe, qui avait fourni le matériel à la SARL Y. Celle-ci a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, qui s'est terminée le 19 mars 2014 par un jugement de clôture pour insuffisance d'actif.

N'obtenant pas réparation amiablement de la SAS Z Groupe, M. X a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Cusset, qui suivant une ordonnance du 19 novembre 2014 a prononcé une mesure d'expertise, au contradictoire de la SAS Z Groupe et de la société AXA France, assureur du fabricant présumé de l'escalier, la société Version Composite.

L'expert, M. W, a déposé son rapport le 25 avril 2015. Il énonce notamment que l'escalier de la piscine est affecté d'un cloquage, résultant d'une déstratification du composite polymère ; que ce vice, qui provient uniquement de la fabrication de l'escalier, n'était pas apparent à la date de la réception ; qu'il nuira à terme à la solidité de l'escalier, et le rendra impropre à sa destination.

M. X, au vu de ce rapport d'expertise, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Cusset la SAS Z Groupe et la compagnie AXA France, pour obtenir réparation de divers préjudices, sur le fondement en premier chef de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, subsidiairement sur la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du même code, et plus subsidiairement sur la responsabilité contractuelle de droit commun, et sur le fondement des articles L. 217-15 et -16 du code de la consommation.

Le tribunal de grande instance, suivant jugement contradictoire du 25 novembre 2019, a :

- débouté M. X de sa demande fondée sur la garantie décennale, au motif que la société Z Groupe, qui s'était limitée à fournir la structure de la piscine, n'était pas un constructeur au sens de l'article 1792 du code civil ;

- déclaré irrecevable la demande fondée sur les vices cachés, vu la prescription ;

- débouté M. X de sa demande fondée sur la garantie contractuelle ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M. X aux dépens.

Par une déclaration faite au greffe de la cour par message électronique le 1er janvier 2020, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Il conclut à la réformation du jugement, et reprend ses demandes formées devant le tribunal, fondées en premier lieu sur la garantie décennale de l'article 1792 du code civil : il fait valoir que selon les articles 1792-1 et -4 de ce code, est considéré comme constructeur toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire, ainsi que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance. M. X souligne que la SAS Z Groupe, en sa qualité de franchiseur, a fourni la coque de la piscine et l'escalier, et qu'elle a fait figurer le nom Z sur les documents qu'elle lui a remis. Il invoque subsidiairement la responsabilité contractuelle de cette société qui, bien que n'étant formellement partie au « Contrat service Z Piscines », a rédigé seule les termes de cette convention, qui constitue en fait un contrat d'adhésion, proposé par la société Z Groupe en sa qualité de franchiseur.

M. X demande que la société Z Groupe soit condamnée à lui payer 8 972,40 euros pour la remise en état de la piscine, 9 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et 1 500 euros au titre de son préjudice moral.

La SAS Z Groupe demande à la cour de confirmer le jugement. Elle conteste devoir la garantie décennale, au motif qu'elle n'est pas le fabricant de l'escalier, qui a été produit par la société Version Composite, et que ni la marque de la société Z Groupe ni un quelconque autre signe distinctif de cette société ne figure sur l'escalier. Elle conteste aussi toute responsabilité de droit commun, en faisant valoir qu'elle s'est limitée à fournir le matériel, et qu'elle n'a aucun lien contractuel avec M. X. À titre subsidiaire, elle demande à être garantie de toute condamnation par la compagnie AXA France, en sa qualité d'assureur du fabricant la société Version Composite.

La compagnie AXA France conclut elle aussi à la confirmation du jugement. Elle relève que le contrat d'assurance qu'elle a conclu avec la société Version Composite excluait toute garantie pour les dommages de nature décennale.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2021.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées les 1er janvier, 14 mai et 14 août 2020.

Motifs de la décision :

Ainsi que le fait valoir la SAS Z Groupe, il n'existe pas de lien contractuel direct entre elle-même et M. X, qui n'a contracté qu'avec la SARL Y, en la forme du bon de commande du 29 novembre 2006 pour la livraison et l'installation de la piscine, et du « Contrat service Z Piscines » conclu le même jour. La SAS Z Groupe n'est donc pas un constructeur de l'ouvrage tenu à la responsabilité décennale, au sens des articles 1792 et 1792-1 1° du code civil.

M. X invoque l'article 1792-4 du même code, qui dispose que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré. Est assimilé à un fabricant, pour l'application de cet article, celui qui a présenté comme son oeuvre un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement en faisant figurer sur lui son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif.

La SAS Z Groupe a elle-même livré la piscine et ses accessoires, ainsi qu'elle l'admet, et comme le confirme la facture qu'elle a émise le 24 mai 2007 au nom de la société Y, en précisant que la livraison avait été faite « chez Z Vichy », au nom de M. X (pièce n° 4 produite par M. X).

Le bon de commande signé de M. X le 29 novembre 2006, et le « Contrat service Z Piscines », qui précise « Nous choisissons chaque matériel que nous commercialisons avec le plus grand soin », portent l'un et l'autre la marque « Z Piscines - La vie en bleu », marque qui se retrouve, avec les mêmes caractères typographiques, sur les documents à en-tête de la SAS Z Groupe, tels que les lettres que cette société a envoyées à M. X le 3 juillet et le 10 octobre 2013, en réponse aux réclamations qu'il lui avait adressées (pièce n°6 produite par l'appelant).

Cependant la mention de la marque sur les seuls documents ne saurait suppléer son absence sur l'ouvrage ou sur la partie d'ouvrage elle-même, seule prévue par la loi : l'expert ne fait pas état d'une quelconque marque apposée sur le bassin ou sur l'escalier, et les photographies insérées dans son rapport n'en comportent pas non plus ; la SAS Z Groupe n'a jamais reconnu être le fabricant du matériel, et a déclaré à l'expert que sa société « n'a qu'un seul sous-traitant pour ses escaliers : la société Version Composite » ; bien que l'expert n'ait pas pu vérifier que le bassin posé dans la propriété de M. X avait été produit par la société Version Composite, faute pour la SAS Z Groupe de lui avoir présenté de facture d'achat explicite, la preuve n'est pas établie, en tout cas, que cette dernière société l'ait fabriqué elle-même.

Dès lors et en l'absence de mention de la marque « Z Piscines » sur le matériel lui-même, la SAS Z Groupe ne peut être considérée comme constructeur, par application de l'article 1792-4 du code civil.

Cette société n'est pas non plus un constructeur au sens l'article 1792-1 2° : toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire : elle s'est limitée à fournir la matériel à la SARL Y, qui l'a mis en oeuvre et installé, sans qu'il y ait de contrat de sous-traitance entre ces deux sociétés.

M. X n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité décennale de la SAS Z Groupe.

M. X invoque à titre subsidiaire la responsabilité contractuelle de cette société, par l'effet des garanties figurant au « Contrat service Z Piscines » : il expose que la SAS Z Groupe, bien qu'elle ne soit pas partie à ce contrat, l'a en réalité proposé elle-même, qu'elle y a fait figurer la marque « Z Piscines » qui lui appartient, et que la SARL Y était son mandataire.

Cependant la réalité d'un mandat conclu entre les deux sociétés n'apparaît nullement établie, leurs relations, malgré les réticences de la SAS Z Groupe sur ce point, apparaissant davantage être celles d'un contrat de franchise ; en toute hypothèse seule la SARL Y s'est engagée envers M. X dans les termes du « Contrat service Z Piscines », et seule cette société était tenue aux garanties prévues à ce contrat, malgré la mention de la marque « Z Piscines » ; dès lors M. X n'est pas non plus fondé à invoquer ce contrat, à l'encontre de la SAS Z Groupe.

Il n'apparaît pas que l'action de M. X contre cette société puisse prospérer sur un autre fondement, pouvant être soulevé d'office par la cour.

Le tribunal a rejeté à bon droit les demandes de M. X, le jugement déféré doit être confirmé.

Il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chacune des parties la charge des frais d'instance irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement déféré ;

Condamne M. X aux dépens de l'appel, et accorde à la SCP Chateau et à la SCP Huguet-Barge-Caiserman-Fuzet, avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.