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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 21 octobre 2021, n° 18/10446

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sorequip (SAS)

Défendeur :

CNH Industrial (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Paris, du 28 avr. 2018, n° 20160…

28 avril 2018

Faits et procédure :

La société CNH Industrial France, anciennement New Holland France, est spécialisée dans l'administration d'entreprises et le commerce de gros de matériels agricoles et travaux publics.

La SAS Réunionnaise d'Equipement (ci-après Sorequip), qui vient aux droits de la société Réunion Poids Lourds (ci-après RPL), est basée sur l'île de la Réunion et a pour activité principale la distribution de poids lourds et de véhicules utilitaires de marque DAF dont elle est concessionnaire à la Réunion, ainsi que leur réparation et la vente des pièces de rechange correspondantes.

Accessoirement à cette activité, la société Sorequip assurait la distribution de matériels de chantiers des marques Case Construction et New Holland Construction, produits par la société CNH Industrial France.

La commercialisation des produits de chacune de ces marques a fait l'objet de deux contrats-cadre de distribution en date du 28 février 2011.

Ces contrats venaient compléter un contrat de concession conclu le 18 juin 2008 avec la société RPL, aux droits de laquelle vient la société Sorequip, pour la marque New Holland et un contrat de concession à effet du 1er janvier 2011 pour la marque Case, conclu avec la société Sorequip.

La société RPL se trouvait être distributeur des produits de la marque Case depuis 1997.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 2014, la société CNH Industrial France a informé la société Sorequip que le contrat conclu pour la distribution des matériels de la marque New Holland prendrait fin avec un préavis de douze mois, soit au 3 juin 2015.

Par courrier du 25 juin 2015 remis en mains propres, la société CNH Industrial France a mis fin à la relation commerciale pour la marque Case avec un préavis de six mois.

Par courrier du 26 juin 2015, la société Sorequip a contesté les conditions de cette rupture.

S'estimant victime d'une rupture brutale du contrat de concession conclu pour la distribution des matériels de la marque Case, la société Sorequip a, par acte du 3 août 2016, fait assigner la société CNH Industrial France devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir réparation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, ainsi que l'indemnisation de son préjudice moral, de la perte de son fonds de commerce et le remboursement du stock de pièces détachées des marques Case et New Holland.

En réponse, la société CNH Industrial France a conclu, à titre principal, au rejet de l'intégralité de ces demandes et a formé, à titre subsidiaire, une demande reconventionnelle en réparation du préjudice que lui a causé la société Sorequip en supprimant sans aucun préavis plus de 50 % de ses achats en 2013, puis plus de 80% de ses achats en 2014 et 2015.

Par jugement du 23 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit que la SAS CNH Industrial France ne s'est pas rendue coupable d'une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Débouté la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) de toutes ses demandes en dommages-intérêts ;

Débouté la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) de sa demande en remboursement des stocks ;

Condamné la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) à verser à la SAS CNH Industrial France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Par déclaration du 30 mai 2018, la société Sorequip a interjeté appel de ce jugement en visant la totalité des chefs du jugement critiqués.

Par jugement du 13 mars 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a placé la société Sorequip en liquidation judiciaire et a désigné en qualité de liquidateur judiciaire la SELARL X, prise en la personne de Maître X, lequel est intervenu volontairement à la présente instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 19 avril 2019, la société Sorequip et la SELARL X, représentée par Maître X, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip demandent de :

Vu les articles L. 442-6, I, 5° et D. 442-3 du code de commerce,

Vu les anciens articles 1147, 1134 du code civil applicables au litige,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

Infirmer le jugement attaqué du tribunal de commerce de Paris du 23 avril 2018, en ce qu'il a :

Dit que la SAS CNH Industrial France ne s'est pas rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

Débouté la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) de toutes ses demandes en dommages-intérêts ;

Débouté la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) de sa demande de remboursement des stocks ;

Condamné la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) à verser à la SAS CNH Industrial France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la SAS Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Statuant à nouveau,

A titre principal, juger que la société CNH Industrial France est l'auteur d'une rupture brutale de la relation commerciale établie au préjudice de la société Sorequip ;

A titre subsidiaire, juger que la société CNH Industrial France est l'auteur d'une rupture abusive du contrat de concession au préjudice de la société Sorequip.

En conséquence,

Condamner la société CNH Industrial France à payer à Maître X en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) la somme de 450.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale, sinon à tout le moins abusive, des relations commerciales ;

Condamner la société CNH Industrial France à payer à Maître X en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;

Condamner la société CNH Industrial France à payer à Maître X en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice relatif à la perte de son fonds de commerce ;

Condamner la société CNH Industrial France à payer à Maître X en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) la somme de 62.034,72 euros pour le remboursement du stock de pièces détachées de Case et celle de 51.207,17 euros pour le remboursement du stock de pièces détachées de New Holland ;

Condamner la société CNH Industrial France aux entiers dépens ;

Condamner en outre la société CNH Industrial France à payer la somme de 6.000 euros à Maître X en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeter l'intégralité des demandes reconventionnelles / incidentes de la société CNH Industrial France.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 octobre 2020, la société CNH Industrial France demande de :

Vu l'article L. 442-6-I-5°du code de commerce,

Vu les articles 1134, 1149, 1165 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal :

Dire et juger la société Sorequip prise en la personne de Maître X ès-qualités de liquidateur judiciaire mal fondée en son appel et l'en débouter ;

Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 avril 2018.

Y ajoutant,

Condamner la société Sorequip prise en la personne de Maître X ès-qualités de liquidateur judiciaire à payer à la société CNH Industrial France la somme complémentaire de 5.000 euros HT par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre subsidiaire et dans le cas où la Cour jugerait par impossible la société Sorequip prise en la personne de Maître X ès-qualités de liquidateur judiciaire fondée à invoquer une rupture de relations commerciales établies sans préavis suffisant ou une résiliation prétendument abusive du contrat conclu pour la distribution de la marque Case Construction et plus généralement une quelconque responsabilité de la société CNH Industrial France :

Dire et juger que la société Sorequip a elle-même commis une faute en diminuant de plus de 80% et sans aucun préavis ses commandes à la société CNH Industrial France et que cette faute engage la responsabilité de la société Sorequip par application de l'article L.441-6-I-5° du code de commerce, l'existence d'un cas de force majeure n'étant pas alléguée ;

Dire et juger la société CNH Industrial France recevable et bien fondée à demander réparation du préjudice que lui a causé cette faute ;

Fixer cette réparation à la somme de 442.541,38 euros ;

Ordonner la compensation des créances réciproques ;

Condamner la société Sorequip prise en la personne de Maître X ès-qualités de liquidateur judiciaire à payer à la société CNH Industrial France la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 juin 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes de Maître X en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sorequip

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Me X, ès qualités, fait valoir qu'au regard de l'ancienneté de la relation commerciale, des usages, des circonstances au moment de la notification et de l'exclusivité de fait ayant été accordée à la société Sorequip sur l'île de la Réunion, celle-ci aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois et non de 6 mois lors de la résiliation du contrat par la société CNH Industrial France, les relations commerciales datant d'au moins 18 ans dès lors qu'en 1997, la société Réunion Poids Lourds, aux droits desquels est venue la société Sorequip, distribuait les produits de la marque Case, que quant aux circonstances de la rupture au moment de la notification, Me X, ès qualités, prétend que la société CNH Industrial France n'a tenu compte ni des difficultés liées à l'insularité, s'agissant de produits distribués sur l'île de la Réunion ni du caractère dépendant de la commande publique du secteur du bâtiment et des travaux publics et ne lui a pas proposé de solution de remplacement.

La société CNH Industrial France soutient en réponse que la période de redressement judiciaire de la société Sorequip s'est achevée le 11 janvier 2012 et que cette dernière ne connaissait plus de difficultés particulières en 2013, 2014 ou 2015, que le marché du BTP a connu une hausse en moyenne de 3,7 % sur les années 2014 et 2015 à la Réunion, que la société Sorequip n'avait aucune obligation de s'approvisionner exclusivement auprès d'elle et de ne vendre que des produits de la marque Case ou New Holland. La société CNH Industrial France ajoute en outre que la marque Case ne représentait qu'un volume d'activité marginal pour la société Sorequip, de l'ordre de 1 % du volume de ses achats en 2014 et de 1,3 % en 2015.

L'article L.442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis. Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

La durée de la relation entre les parties fixée à 18 ans par la société Sorequip n'est pas contestée par la société CNH.

Par courrier en date du 25 juin 2015 remis en main propre, la société CNH a mis fin à la relation commerciale à la date du 25 décembre en lui accordant un délai de préavis de six mois en expliquant qu'elle envisageait de restructurer son réseau de distribution et lui rappelait l'absence d'exclusivité des relations commerciales.

La société CNH est l'auteur de la rupture des relations. Si le contrat de distribution signée en 2011 liait les parties pour une durée d'une année, il est également versé aux débats un contrat de concession à durée indéterminée signé le 16 juin 2008 aux termes duquel la société CNH concédait à la société Sorequip le droit de distribuer le matériel de son groupe destiné aux travaux publics. Ce contrat prévoyait qu'il pouvait être résilié en respectant un préavis de 12 mois.

La société CNH se plaint de la réduction des commandes par la société Sorequip en faisant valoir que celle-ci est à l'origine de la rupture.

Cependant, si la preuve de cette diminution de commandes est rapportée puisque le chiffre d'affaires pour la vente de matériel entre les deux sociétés s'élevait en 2012 à 644 251 euros et en 2013 à 33 350 € et pour les pièces détachées, ce chiffre d'affaires est passé de 221 060 € en 2012 à 173 594 € en 2013 puis à 106 108 € en 2014 suivant l'attestation de Monsieur Y, contrôleur financier de la société CNH, il sera fait observer que cette dernière n'a adressé aucun courrier à sa cocontractante afin de se plaindre de cette diminution de commandes et qu'elle a mis fin aux relations commerciales de sa propre initiative et pour des motifs de réorganisation, sans mentionner la réduction du flux d'affaires, et sans respecter le délai de préavis contractuel.

Si cette diminution d'activité de la part de la société Sorequip doit être prise en compte dans l'appréciation des modalités de la rupture des relations, elle ne peut en l'espèce avoir pour effet d'inverser les rôles. Il y a lieu de constater qu'en l'espèce l'auteur de la rupture des relations est la société CNH et qu'elle a accordé à la société Sorequip un préavis démontrant ainsi que celle-ci devait bénéficier d'un délai pour réorganiser son entreprise. De plus, aucune obligation en termes de volumes d'achat ne figurait au contrat de concession.

En conséquence, la société CNH devait respecter un délai raisonnable pour permettre à la société Sorequip de retrouver un distributeur.

Aucune exclusivité ne figure au contrat de concession et il ne peut résulter du fait que la société CNH ait indiqué lors de la rupture qu'elle distribuerait désormais ses articles à d'autres revendeurs une exclusivité de principe.

Compte tenu de l'ancienneté de 18 ans de la relation commerciale, et du flux d'affaires, la société CNH devait consentir un préavis de douze mois à la société Sorequip lors de la rupture des relations. Un préavis de six mois a été accordé à cette dernière dont il n'est pas contesté qu'il a été exécuté.

Les relations entre les deux sociétés portaient sur l'achat de matériel de chantier et l'achat de pièces détachées. L'expert-comptable indique qu'une pelle Case a été vendue en 2014 pour un montant de 32 000 € et aucune pelle en 2015. Il résulte de ces éléments qu'à compter de l'année 2015, la société Sorequip a cessé de sa propre initiative de vendre du matériel Case et n'a donc subi aucun préjudice de ce chef.

Il résulte des pièces comptables et de l'attestation comptable en date du 3 mai 2016 versée aux débats que l'activité pièces de rechange du fournisseur Case représentait 40 % du chiffre d'affaires. Il en sera déduit que l'incidence de la rupture sur l'activité atelier a également été de 40 %. L'expert-comptable a évalué le taux de marge sur coûts variables pour l'année 2015 à 23,45 %. Si ce taux de marge porte sur l'activité globale de la société Sorequip, aucun élément ne permet de déterminer qu'il serait inférieur pour l'activité relative à la société Sorequip et la société CNH. Il sera donc retenu pour l'évaluation du préjudice subi.

L'expert-comptable à indiqué que le chiffre d'affaire pièces de rechange s'est élevé à 80 910 € en 2014 et à 102 460 € en 2015 pour le fournisseur NH Case ce qui fait une moyenne annuelle de 91 685 €, l'indemnisation devant porter sur une durée de 6 mois pour tenir compte du préavis de même durée déjà accordé ; il sera appliqué à ce résultat un taux de marge sur taux variable de 23,45 % : 91 685 €/12 mois = 7 640 € X 6 mois = 45 840 € X 23,45 % = 10 749 €

Les pièces comptables produites par la société Sorequip portent sur son chiffre d'affaire global qui pour l'atelier s'établissait à 1 541 520 € en 2014 et à 1 320 040 € en 2015 ; le chiffre d'affaires atelier main-d'oeuvre s'établissait à 750 499 € en 2014 et 652 312 € en 2015 ce qui donne une moyenne annuelle de 701 405 €.

L'incidence de la rupture sur l'activité atelier main-d'œuvre doit être évaluée à 40 % du chiffre d'affaires global multiplié par la marge sur taux variable soit 701 405 € X 40 % = 280 562 € : 12 mois = 23 380 € X 6 mois = 140 280 € X 23,45 % = 32 895 €

Le préjudice subi par la société Sorequip du fait de l'insuffisance de préavis s'élève à la somme de 32 895 € + 10 749 € = 43 644 €

La société CNH devra verser la somme de 43 644 € à Me X, ès qualités, à titre de dommages-intérêts.

Me X, ès qualités, a sollicité l'allocation de la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par la société Sorequip du fait que la société CNH refuse de travailler avec celle-ci. Me X, ès qualités, ne justifie cependant pas de l'existence d'un préjudice moral résultant de l'insuffisance du préavis accordé lors de la rupture des relations commerciales.

Me X, ès qualités, sollicite également la somme de 152 449 € en réparation de son préjudice lié à la perte du fonds de commerce lequel a fait l'objet d'une inscription en 2015 pour dépréciation à hauteur de cette somme. Cette inscription est insuffisante pour justifier que l'insuffisance du préavis serait la cause de cette dépréciation alors même que l'activité s'est poursuivie tout au long de l'année 2015 compte tenu du préavis de six mois accordé et d'un chiffre d'affaires de 13 479 896 € en 2015.

Il sera fait observer que Me X, ès qualités, ne donne aucune explication autre que l'inscription comptable à cette perte du fonds de commerce. Cette demande sera rejetée.

Sur la reprise des stocks

Il résulte du contrat de concession signé entre les parties que si la société Sorequip peut solliciter la reprise par le concédant des pièces détachées lors de la rupture des relations il est précisé que celui-ci n'est pas tenu d'accepter cette reprise. La société CNH répond que la société Sorequip n'établit pas avec certitude la liste et l'état des pièces susceptibles d'être reprises.

En l'espèce, Me X, ès qualités, fait valoir que du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales, la société Sorequip n'a pas été en mesure d'écouler toutes les pièces détachées qu'elle a acquises.

Il est sollicité la reprise des pièces New Holland pour un montant de 51 207,17 € alors que la société Sorequip a bénéficié d'un préavis de 12 mois lors de la rupture des relations, qu'elle a estimé suffisant et qui lui a permis d'écouler le reliquat de pièces détachées dont elle disposait.

Elle réclame également la reprise de pièces de la marque Case pour un montant de 62 034,70 € et produit une liste de pièces détachées restées en sa possession.

Chaque contrat de concession étant différent, la société Sorequip ne peut pas se fonder sur un contrat auquel elle est tiers pour bénéficier d'une reprise des pièces.

La société Sorequip a formé cette demande auprès de la société CNH par courrier du 1er mars 2016. Il était répondu par courrier du 8 juin 2016 que cette demande était rejetée.

Il sera fait observer que la société Sorequip a acheté pour 80 910 € de pièces détachées en 2014 et pour 102 460 € en 2015 alors même que la rupture des relations est intervenue le 30 juin 2015, les relations s'étant poursuivies jusqu'à la fin de l'année 2015. Si les pièces ont pu être achetées antérieurement à l'année 2015, l'impossibilité de vendre ces pièces ou de les utiliser ne peut résulter de la brutalité de la rupture ni même de l'insuffisance de préavis accordé dans la mesure où non seulement, la société Sorequip a bénéficié d'un délai pour revendre ses pièces et il n'est invoqué aucun élément justifiant de l'impossibilité d'utiliser ses pièces postérieurement à la rupture du contrat. De plus, si la reprise de ces pièces pouvait être négociée en l'espèce bien qu'elle ait été refusée, la société Sorequip ne fournit aucun procès-verbal justifiant de l'origine des pièces, de leur valeur et de leur état permettant leur reprise effective. En conséquence cette demande sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société CNH

La société CNH ayant été déclarée responsable de la rupture des relations, sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L.442-6 1 5° du code de commerce sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société CNH succombant dans la présente procédure assumera les dépens de première instance et d'appel et versera à Me X, ès qualités, la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) en remboursement des stocks,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le préavis de six mois accordé à la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) par la société CNH Industrial France lors de la rupture des relations commerciales était insuffisant,

Dit que la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) aurait dû bénéficier d'un préavis de 12 mois,

Condamne la société CNH Industrial France à verser à Me X, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) la somme de 43 644 euros en réparation du préjudice subi du fait l'insuffisance de préavis accordé,

Rejette la demande de dommages-intérêts de Me X, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) au titre de la perte du fonds de commerce,

Rejette la demande de la société CNH Industrial France en versement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

Condamne la société CNH Industrial France à verser à Me X, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Réunionnaise d'Equipement (Sorequip) la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Rejette toute autre demande,

Condamne la société CNH Industrial France aux dépens de première instance et d'appel.