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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 28 octobre 2021, n° 18/24348

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mme Trouiller, Mme Arbellot

Avocats :

Me Vanderlynden, Me Beaufils

TI Longjumeau, du 30 août 2018

30 août 2018

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 23 décembre 2016, Mme M I a conclu avec M. K Z un contrat de vente portant sur une moto d'occasion.

Saisi par Mme I d'une demande tendant principalement à obtenir la résolution de la vente et la restitution du prix de vente, le tribunal d'instance de Longjumeau, dans un jugement contradictoire rendu le 30 août 2008, auquel il convient de se référer a notamment :

- ordonné la résolution de la vente ;

- condamné M. Z à payer à Mme I les sommes de 2 500 euros au titre du prix de vente avec capitalisation des intérêts, 108 euros au titre de la carte grise, 218,16 euros au titre des primes d'assurance, 813,20 euros à parfaire de remboursement des mensualités d'assurance outre 700 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance ;

- condamné M. Z à verser à Mme I la somme de 700 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Le tribunal a prononcé la résolution de la vente pour vices cachés au visa des articles 1641 et suivants du code civil dans la mesure où les vices étaient antérieurs à la vente, rendaient impossible l'utilisation normale du véhicule et qu'ils ne pouvaient pas être ignorés par le vendeur au moment de la vente.

Par déclaration d'appel remise le 19 novembre 2018, M. Z a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 24 janvier 2019, l'appelant demande notamment à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 30 août 2018 par le tribunal d'Instance de Longjumeau ;

- ce faisant, de débouter Mme I de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner Mme I à lui régler la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'appelant expose notamment au visa de l'article 1641 du code civil que contrairement à ce qui a été retenu par la décision de première instance, le véhicule n'était pas impropre à l'usage puisque l'intimée a parcouru 166 km en 11 jours après l'achat dudit véhicule.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 juin 2021, l'intimée demande notamment à la cour :

- de la recevoir en son appel incident,

- de confirmer le jugement de première instance, et y ajoutant,

- de condamner M. Z à lui payer en outre les sommes de 1 043,10 euros au titre des primes d'assurance réglées entre août 2018 et mai 2021, outre 25,90 euros par mois à compter de l'échéance de juin 2021 et jusqu'à la reprise de la moto par son ancien propriétaire et l'exécution des condamnations pécuniaires,

- à défaut, de retenir la responsabilité de M. Z pour manquement à son obligation de délivrance conforme, de prononcer la résolution de la vente litigieuse et de le condamner au versement des mêmes sommes ;

- à défaut, d'infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, de condamner M. Z à lui verser les sommes de 3 942,05 euros au titre de la privation de jouissance arrêtée au 31 mai 2021, outre 2,45 euros par jour à compter du 1er juin 2021 jusqu'à reprise de la moto par son ancien propriétaire et l'exécution des condamnations pécuniaires ;

- en tout état de cause, de juger que les condamnations pécuniaires porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation et que les intérêts pour une année seront capitalisés ;

- de condamner M. Z à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

L'intimée expose notamment au visa de l'article 1641 et 1643 du code civil, que plusieurs éléments de sécurité de la moto étaient endommagés rendant sa conduite dangereuse, caractérisant ainsi un vice qui empêche l'usage normal de la chose acquise. Elle ajoute que le vendeur ne pouvait pas ignorer ces vices étant lui-même grand connaisseur en matière de motos.

Pour de plus amples exposés des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'un vice caché

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il appartient à l'acquéreur de démontrer la réalité d'un défaut à la date de la vente litigieuse, sa gravité au regard de l'usage attendu de la chose et son caractère caché.

L'acheteur a le choix aux termes des articles 1644 et 1645 du code civil, de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Dans le cas contraire, il en sera tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que Mme M I a fait l'acquisition le 23 décembre 2016 auprès de M. K Z d'une moto d'occasion de marque KTM DUKE 125 moyennant la somme de 2 500 euros. Ce véhicule au kilométrage de 11 719 kilomètres, avait été mis en circulation le 5 juillet 2012.

Ayant rencontré assez vite des problèmes de frein et de clignotant, Mme I a fait réaliser un diagnostic du véhicule par les établissements E G le 5 janvier 2017 qui estimaient le montant des réparations à 1 248,67 euros, constatant des dysfonctionnements au niveau du voyant, du compteur, de la béquille latérale et du capteur de feu stop. Par suite de ce diagnostic, Mme I justifie avoir adressé un courrier recommandé au vendeur le 11 janvier 2017, lui proposant soit de lui rembourser la somme de 1 100 euros correspondant à la décote du véhicule, soit de considérer la vente nulle et de lui rembourser la somme versée pour l'achat.

Une expertise amiable et contradictoire réalisée à la demande de Mme I et confiée au cabinet Ader par l'assureur protection juridique de celle-ci a été effectuée le 18 avril 2017. Ont été constatés sur le véhicule les différents dommages suivants :

- un faisceau électrique défectueux, le faisceau a été ouvert en partie avant (gaine coupée et présence de L X),

- niveau d'huile dans la fourche non conforme à la contenance initiale (pas d'amortissement),

- bloc compteur, dysfonctionnement de l'affichage à vérifier lors du démontage,

- dimension du pneu arrière non conforme à l'origine (150/60ZR17), dimension relevée : 160/70 ZR17,

- béquille latérale: défaut de fixation.

Le rapport indique qu'après consultation du carnet d'entretien, aucun entretien n'a été effectué hormis la révision des 1 000 kilomètres effectuée par le premier propriétaire de la moto et qu'aucun justificatif d'entretien n'a été communiqué.

Le coût des réparations était estimé à 1 248,67 euros TTC sous réserve de vérification des éléments lors du démontage.

L'unique élément produit par M. Z pour contredire ces éléments est une attestation datée du 8 mars 2018 de M. F C B qui indique avoir essayé le véhicule KTM DUKE 125 appartenant à M. Z au mois de décembre 2016, suite à la mise en vente sur le Boncoin et que ce véhicule fonctionnait très bien pour sa cylindrée. Il ajoute être mécanicien de profession et avoir déjà eu affaire à M. Z auparavant pour l'achat d'une autre moto et qu'il atteste qu'il s'agit de quelqu'un de sérieux, qu'il n'a eu aucun reproche à faire suite à cet achat.

Tant le diagnostic réalisé à la demande de Mme I dans les quelques jours qui ont suivi la vente litigieuse que l'expertise amiable contradictoire produits aux débats suffisent à établir que le véhicule acquis par Mme I le 23 décembre 2016 auprès de M. Z présentait au jour de la vente des vices dont Mme I, profane, n'aurait pu se convaincre. Ces vices compromettent l'usage normal du véhicule s'agissant d'éléments touchant à la sécurité (pneu arrière non conforme, compteur et faisceau électrique défectueux), tant et si bien que Mme I ne l'aurait pas acquis ou ne l'aurait pas acquis au même prix si elle avait connu ces vices au moment de la vente.

L'attestation versée aux débats par M. Y démontre que celui-ci est un habitué de la vente de motos. A ce titre, il ne pouvait ignorer les vices affectant le véhicule au moment de sa vente d'autant qu'il est pour le moins curieux de constater qu'il a revendu la moto à Mme I seulement quelques jours après son achat.

Il s'ensuit que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a ordonné la résolution de la vente et la restitution du prix de vente et des frais de carte grise.

Sur la demande d'indemnisation des préjudices

Eu égard à ce qui précède, aux éléments produits par Mme I, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que M. Z est tenu de réparer le préjudice subi par l'acheteuse fixé de la manière suivante :

- 218,16 euros primes d'assurance et intérêts,

- 813,20 euros mensualités d'assurance à parfaire,

- 700 euros au titre du préjudice de jouissance.

La demande complémentaire au titre de ce préjudice de jouissance sera rejetée comme insuffisamment étayée.

Il convient de dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur les mensualités d'assurance, Mme I justifie que le véhicule est toujours stationné dans son parking et qu'elle continue à verser les primes d'assurance. Il est fait droit à sa demande à ce titre à hauteur de 1 043,10 euros au titre des primes versées entre août 2018 et mai 2021, outre 25,9 euros par mois à compter de l'échéance de juin 2021 et jusqu'à la reprise de la moto par M. A

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, en dernier ressort, contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Condamne M. J Z à payer à Mme M I la somme de 1 043,10 euros au titre des primes d'assurance versées entre août 2018 et mai 2021, outre 25,9 euros par mois à compter de l'échéance de juin 2021 et jusqu'à la reprise de la moto par M. Z,

- Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- Rejette le surplus des demandes,

- Condamne M. J Z aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Sophie Beaufils,

- Condamne M. J Z à payer à Mme M I la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.