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Décisions

CA Rouen, ch. de la proximite, 28 octobre 2021, n° 20/03307

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse Régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher Gros

Conseillers :

Mme Labaye, Mme Germain

Avocats :

Me Tomeh, Me Gray

Juge des contentieux de la protection Di…

25 septembre 2020

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES

La caisse Régionale de Crédit Agricole de Normandie (CRCAM) a consenti le 19 février 2005 à Monsieur et Madame Z deux crédits amortissables, chacun d'un montant de 14 000 ', assortis de 72 mensualités de 240,30 ' chacun et d'un taux d'intérêts contractuel de 7,25 %.

Par ailleurs, Mme Z bénéficiait auprès de la CRCAM d'un plan d'épargne logement (PEL) dont l'échéance était le 4 mai 2018.

Le 26 février 2010, le tribunal de commerce de Dieppe a prononcé la liquidation judiciaire de M. A

Le 4 mars 2010, la banque a mis Mme Z en demeure de payer les sommes restant dues au titre des deux prêts.

Le 27 juillet 2017 la banque a écrit à Mme Z pour l'informer de ce que la liquidation judiciaire de M. Z était clôturée pour insuffisance d'actif et l'a mise en demeure de régler la somme de 13 745,49 € pour le 31 août 2017.

Le 12 février 2018, la CRCAM a demandé à Mme Z d'opter entre la prorogation de son PEL ou l'utilisation des droits acquis.

Le 26 mars 2018, Mme Z a demandé la clôture de son PEL.

La banque a versé les fonds sur le compte de dépôt à vue de Mme Z et prélevé la somme de 4 333,34 € au titre des sommes qui lui restaient dues.

Par acte du 4 avril 2019, Mme Z a fait assigner la CRCAM devant le tribunal judiciaire de Dieppe aux fins de voir, à titre principal, juger que le prélèvement de la somme de 4 333,34 € effectué par la CRCAM sur son compte est dénué de tout fondement légal et dire que la clause du contrat par laquelle l'emprunteur autorise le prêteur à débiter son compte est abusive.

Par jugement contradictoire du 25 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

- débouté Mme Z de l'intégralité de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré l'exécution provisoire sans objet ;

- condamné Mme Z au paiement des dépens de l'instance.

Mme Z a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 octobre 2020.

Vu les conclusions du 16 juin 2021 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de Mme Z qui demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'acte d'appel de Mme Z ;

- déclarer recevable et bien fondé l'ensemble des demandes de Mme A

- débouter la CRCAM de l'ensemble de ses demandes, fin et conclusions.

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu du tribunal judiciaire de Dieppe en date du 25 septembre 2020.

Par conséquent :

- constater que le prélèvement de la somme de 4.333,34 euros effectué par la CRCAM sur le compte de Mme Z est dénué de tout fondement légal ;

- déclarer abusive la clause mentionnée dans l'article 1.2, dite clause de compensation, du contrat du prêt susvisé ;

- déclarer cette clause non écrite ou inopposable à l'égard de Mme Z en sa qualité d'emprunteur consommateur ;

- prendre acte que la CRCAM a causé, par ce prélèvement abusif, un préjudice certain à l'égard de Mme Z ;

- condamner la CRCAM à restituer à Mme Z la somme de 4.333,34 euros sous une astreinte de 100 euros par jour de retard dès la signification de la décision à intervenir ;

- condamner la CRCAM à payer à Mme Z la somme forfaitaire de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts ;

- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner à payer à Mme Z la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du même code pour cause d'appel ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la CRCAM aux entiers dépens, y compris pour cause d'appel.

Vu les conclusions du 12 mars 2021 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la CRCAM qui demande à la cour de :

- déclarer recevable en la forme en son appel Mme Z l'en dire mal fondée, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- condamner Mme Z au paiement de la somme de 2.000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel que la SELARL GRAY SCOLAN, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux-là concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'une clause abusive :

Madame Z soutient que la clause « d'autorisation de prélèvement compensation » prévues aux contrats de prêts présente un caractère abusif.

La banque répond que la réglementation relative au clauses abusives ne s'applique pas aux contrats conclus le 19 février 2005, antérieurement à la recommandation 2005-02 émise par la commission des clauses abusive et l'ordonnance du 14 mars 2016.

Ceci étant exposé :

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2, peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.

Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public »

Ainsi, la circonstance que les contrats soient antérieurs à la recommandation 2005-02 et à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne fait pas obstacle à ce que Mme Z se prévale de l'existence d'une clause abusive.

Les deux prêts souscrits comportent un clause rédigée comme suit : « Autorisation de prélèvement compensation.

L'emprunteur autorise le prêteur à débiter son compte de façon permanente du montant des sommes exigibles.

Il autorise à compenser de plein droit et sans son intervention, toutes sommes qui seront échues en capital et intérêts sur le présent « prêt » ainsi que toutes indemnités, avec les sommes que le prêteur pourrait éventuellement lui devoir à un titre quelconque ».

L'expression « son compte »ne présente pas d'équivoque sur le compte ainsi désigné qui est le compte de dépôt à vue. C'est d'ailleurs ainsi que la clause a été appliquée par la banque qui n'a pas prélevé de sommes du PEL de Mme Z avant qu'elle en demande la clôture et que les sommes de ce compte soient versées sur son compte « courant ». Ainsi, la clause introduit une restriction sur les possibilités de prélèvement et l'emprunteur connaissait dès la signature du contrat les conditions dans lesquelles ce prélèvement pouvait être effectué. Il en résulte que dans ces conditions la clause de prélèvement compensation n'entraîne pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Z de sa demande tendant à voir déclarer cette clause abusive.

Sur le défaut d'avertissement de l'emprunteur :

Madame Z, au visa de l'article L. 312-36 du code de la consommation, soutient qu'elle n'a pas été avisée des risques qu'elle pourrait encourir au titre des article L. 312-39 et L. 312-40 de ce code.

L'article L312-36 du code de la consommation, qui oblige le prêteur a informer l'emprunteur, dès le premier manquement des risques qu'il encourt au titre des articles L. 312-39 et L. 312-40 ainsi que, le cas échéant, au titre de l'article L. 141-3 du code des assurances, est issu des dispositions de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016.

En l'espèce, le premier manquement de l'emprunteur était antérieur à l'entrée en vigueur des disposition de l'article L. 312- 36 du code de la consommation, ainsi qu'il ressort de l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de M. Z dans le courant de l'année 2009. Par voie de conséquence, les dispositions de l'article L. 312-36 du code de la consommation n'étaient pas applicables.

Surabondamment, par lettre de mise en demeure du 4 mars 2010 reçue le 10 mars suivant par Mme Z, la banque l'a mise en demeure de régler l'intégralité des sommes restant dues au titre de chacun des prêts, récapitulées dans un tableau. Le 27 juillet 2017, la banque a adressé à Mme Z une nouvelle lettre de mise en demeure, reçue le 31 juillet suivant, précisant que la somme de 13 745,49 € était due au titre des deux prêts suivant un décompte du 27 juillet 2017.

Ainsi, lorsque le prélèvement a été effectué le 15 mai 2018, Mme Z connaissait l'existence du montant de sa dette auprès de la CRCAM.

Par voie de conséquence, c'est sans commettre de faute que la banque a procédé à ce prélèvement et le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne Mme Z aux dépens en cause d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Z à payer à La caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine, la somme de 1 000 ' au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.