ADLC, 2 novembre 2021, n° 21-D-25
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’approvisionnement en mélasse à La Réunion
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Hélène Messmer, rapporteure, et l’intervention de Mme Gwenaëlle Nouet, rapporteure générale adjointe, par M. Emmanuel Combe, vice-président, président de séance, Mme Irène Luc et Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidentes
L’Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre, enregistrée le 5 octobre 2017 sous le numéro 17/0208 F, par laquelle la société Réunionnaise du Rhum a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’approvisionnement en mélasse à La Réunion ;
Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-2 ;
Vu la décision de la rapporteure générale ajointe du 29 juillet 2020 disposant que l’affaire fera l’objet d’une décision de l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport ;
Vu les décisions de secret des affaires n° 18-DSA-087 du 22 mars 2018, n° 18-DSA-138 du 16 mai 2018, n° 19-DSA-090 du 8 mars 2019, n° 19-DSA-190 du 24 mai 2019, n° 19-DSA-222 du 24 juin 2019, n° 19-DSA-261 du 15 juillet 2019, n° 19-DSA-404 du 2 septembre 2019, n° 20-DSA-189 du 1er avril 2020, n° 20-DSA-190 du 3 avril 2020, n° 20-DECR-192 du 6 avril 2020, n° 20-DSA-210 du 16 avril 2020, n° 20-DSA-260 du 4 juin 2020, n° 20-DEC-292 du 9 juin 2020, n° 20-DEC-293 du 16 juin 2020, n° 20-DSA-340 du 29 juin 2020, n° 20-DSA-347 du 3 juillet 2020, n° 20-DECR-346 du 3 juillet 2020 ; n° 20-DSA-586 du 19 novembre 2020, n° 21-DEC-042 du 19 janvier 2021 ;
Vu les observations présentées par la société Réunionnaise du Rhum, le groupe Tereos et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré des sociétés du groupe Tereos en date du 14 avril 2021 et de la
société Réunionnaise du Rhum en date du 22 avril 2021 ;
La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, les représentants de la société Réunionnaise du Rhum, et, pour le groupe Tereos, les représentants des sociétés Tereos Océan Indien, Sucrière de La Réunion, Sucrerie de Bois Rouge, et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 7 avril 2021 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Par la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne Tereos Océan Indien (ci-après « TOI »), une filiale du groupe Tereos, pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de l’approvisionnement en mélasse produite à partir de canne à sucre de La Réunion à destination des distilleries locales.
La mélasse est un des coproduits du sucre. Elle est notamment utilisée par les distilleries de La Réunion pour produire du rhum, lequel est appelé rhum traditionnel ou rhum de sucrerie. TOI possède les deux seules sucreries de La Réunion. Elle est à ce titre le seul fournisseur de mélasse produite à partir de canne à sucre locale.
La décision de l’Autorité fait suite à une saisine de la société Réunionnaise du Rhum (ci-après « RDR »), qui possède une des trois distilleries de La Réunion, la distillerie de Savanna (ci-après « DSAV »). Dans sa saisine, RDR dénonce des pratiques de discrimination tarifaire dans la mesure où, s’agissant de la mélasse utilisée pour produire du rhum commercialisé sur le marché local, TOI pratiquerait à son égard des prix très supérieurs à ceux qu’elle pratique à l’égard d’une autre distillerie réunionnaise, Isautier.
Dans sa décision, l’Autorité relève, en premier lieu, que TOI est en monopole sur le marché de la mélasse produite à partir de canne à sucre locale, ingrédient indispensable pour chacune des trois distilleries de l’île, afin qu’elles puissent produire, sous indication géographique contrôlée, le Rhum de La Réunion.
Après une analyse des faits pertinents, l’Autorité a considéré que la différenciation tarifaire soulevée par la saisissante était avérée. Toutefois, l’Autorité a conclu que cette différenciation, dans les circonstances particulières de l’espèce, n’était pas constitutive d’un abus de position dominante dans la mesure où il n’était pas établi qu’elle créait un désavantage dans la concurrence. En effet, l’Autorité a considéré qu’un certain nombre d’éléments indiquaient que la position concurrentielle de DSAV n’était pas affectée par la différenciation tarifaire. L’Autorité a pris en compte notamment le fait que cette distillerie bénéficiait de marges suffisantes pour pouvoir animer la concurrence, et que le groupe auquel elle appartient possède la marque de rhum de La Réunion la plus renommée, le Rhum Charrette, lequel représente plus de 85 % des ventes de rhum traditionnel sur le marché local.
En revanche, l’Autorité a conclu que TOI a abusé de sa position dominante en prévoyant, dans ses contrats d’approvisionnement avec deux des distilleries dont DSAV, des clauses restrictives qui portent atteinte au libre jeu de la concurrence.
La première de ces clauses concerne une indemnité financière de 5 millions d’euros pesant sur la partie qui voudrait dénoncer le contrat, ce alors même que cette dénonciation n’est possible que tous les cinq ans, avec un préavis de trois ans. Le montant de cette indemnité, par son montant, est apparu à même de décourager les distilleries de mettre fin au contrat.
La seconde clause concerne une interdiction de revendre la mélasse localement, interdiction qui constitue une restriction excessive et injustifiée.
L’Autorité a considéré que ces clauses contribuaient à verrouiller le marché et à empêcher les distilleries de renégocier les conditions de leur approvisionnement en mélasse et qu’elles constituaient dès lors un abus de position dominante de la part de TOI.
L’Autorité a en conséquence imposé à TOI, solidairement avec ses deux filiales, Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge, une amende de 750 000 euros, après avoir fait application du plafond légal qui était alors prévu à l’article L. 464-5 du code de commerce pour les procédures simplifiées.
I. Constatations
1. Seront successivement présentés la procédure (A.), le secteur d’activité (B.), les entreprises concernées (C.), leurs relations contractuelles (D.), et les tarifs pratiqués pour l’approvisionnement en mélasse de La Réunion (E.).
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
2. Par lettre enregistrée le 5 octobre 2017, la société Réunionnaise du Rhum (ci-après, « RDR »), en application du II de l’article L. 462-5 du code de commerce, a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’approvisionnement en mélasse à La Réunion.
3. Dans sa saisine, RDR soutient que la société Tereos Océan Indien (ci-après, « TOI ») aurait abusé de sa position dominante sur le marché de l’approvisionnement en mélasse issue de canne à sucre à La Réunion, en opérant une discrimination tarifaire entre sa filiale Distillerie de Savanna, et une autre distillerie dénommée « Isautier ».
4. Par une décision du 29 juillet 2020 prise en application des articles L. 463-3 et R. 463-12 du code de commerce, la rapporteure générale adjointe a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement d’un rapport.
5. Le 29 juillet 2020, les services d’instruction ont adressé une notification de griefs simplifiée à TOI, ainsi qu’à ses filiales Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge (ci-après, les « Sucreries »).
B. LE SECTEUR D’ACTIVITE
1. LA FILIERE DE LA PRODUCTION DU RHUM
6. La culture de la canne à sucre est destinée à la production de sucre par des sucreries. Le processus de production du sucre de canne engendre notamment deux coproduits :
- la bagasse, résidu fibreux de la canne à sucre dont le suc a été extrait ; la bagasse est d’ordinaire brûlée pour produire de l’électricité ;
- la mélasse, un liquide sirupeux de couleur foncée dont la teneur en sucre est élevée.
La mélasse est principalement valorisée grâce à la production d’alcools, en particulier de rhum. Elle peut également être destinée à d’autres utilisations comme la production de levures ou l’alimentation animale.
Figure n° 1 – Produits de la filière Canne-Sucre
Source : Site internet Habiter à la Réunion2
7. Le rhum dit « traditionnel », ou « de sucrerie », est un des principaux alcools produits à partir de la mélasse issue de la canne à sucre. Il se distingue du « rhum de distillerie » ou « rhum agricole », obtenu par fermentation alcoolique et distillation du jus de canne à sucre (également appelé « vésou »), et non de mélasse. Le rhum agricole bénéficie d’une plus grande notoriété que le rhum de sucrerie, et son prix est d’ordinaire plus élevé.
8. Le règlement (CE) n° 110/2008 du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses définit le rhum comme « la boisson spiritueuse obtenue exclusivement par fermentation alcoolique et distillation soit des mélasses ou des sirops provenant de la fabrication du sucre de canne, soit du jus de la canne à sucre lui-même, distillée à moins de 96 % vol, de telle sorte que le produit de la distillation présente, d’une manière perceptible, les caractères organoleptiques spécifiques du rhum »3 . Selon ce même texte, son degré alcoométrique minimal est de 37,5 %.
9. Selon le même règlement, la qualification de rhum « traditionnel » n’est autorisée que pour le rhum produit « par distillation à moins de 90 % vol après fermentation alcoolique de produits alcooligènes exclusivement originaires du lieu de production considéré » 4.
10. Le rhum est fabriqué dans différentes zones de production de canne à sucre dans le monde : les Antilles (notamment Cuba, Porto Rico, Martinique, Guadeloupe, Jamaïque, Barbade et République Dominicaine), les îles de l’Océan Indien (les Mascareignes, avec l’île de La Réunion et l’île Maurice, ainsi qu’à Madagascar), l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud (Guyane et Brésil notamment) 5. Le rhum vendu en France était, en 2017, à environ 80 %, issu des départements et régions d’Outre-Mer (ci-après « DROM »). 6
2. LA FILIERE « CANNE – SUCRE – RHUM » A LA REUNION
11. Sur le territoire de La Réunion, les plantations de canne à sucre représentent plus de la moitié de la surface agricole utile du département 7. En surface agricole utile, elles représentent également, à elles-seules, près de 60 % de la surface totale des exploitations de canne à sucre sur l’ensemble des départements et régions ultramarins. L’île de La Réunion compte actuellement plus de 3 400 exploitations de canne à sucre, ce qui en fait le deuxième bassin des DROM en nombre d’exploitations, derrière la Guadeloupe (4300 exploitations environ)8. La filière de la canne à sucre est à l’origine de 18 000 emplois directs et indirects, soit 9 % de la population active, et près de 13 % des emplois du secteur privé 9.
12. La quasi-totalité de la canne à sucre de La Réunion est achetée par les deux sucreries détenues par TOI sur l’île, à savoir (i) la Sucrière de La Réunion, dite aussi « sucrerie du Gol », située au sud-ouest de l’île, et (ii) la Sucrerie de Bois Rouge, située au nord-est de l’île.
Figure n° 2 – Carte des sucreries et distilleries de La Réunion
Source : Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer (ODEADOM)
13. La mélasse produite par ces deux sucreries est principalement utilisée pour produire du rhum dans les trois distilleries réunionnaises : (i) la distillerie Rivière du Mât (ci-après, « DRM »), située dans le nord-est de l’île, (ii) la distillerie de Savanna (ci-après, « DSAV »), située dans le nord-est de l’île sur le site de la Sucrerie de Bois Rouge, et (iii) la distillerie Isautier, située dans le sud de l’île. Les sucreries vendent également une partie de leur production de mélasse à des coopératives d’éleveurs, et le reste de la production est exporté.
14. Les trois distilleries de La Réunion fabriquent presque exclusivement du rhum à base de mélasse (environ 99,5 %), la part du rhum agricole à La Réunion étant négligeable en volume 10.
3. LE REGIME FISCAL DU RHUM DESTINE A LA CONSOMMATION LOCALE ET DU RHUM VENDU A LA METROPOLE
15. Le rhum de La Réunion bénéficie, comme les rhums issus des autres DROM (Guadeloupe, Martinique et Guyane française), d’une fiscalité dérogatoire par rapport aux autres spiritueux et aux rhums issus de pays tiers. Ce régime dérogatoire vise à préserver la filière « canne – sucre – rhum » des DROM et permet de « compenser lescontraintes spécifiques à ces territoires qui rendent le rhum des DOM moins compétitif sur le marché français face aux pays d’Afrique Caraïbes et Pacifique et aux pays tiers : surcoût de la canne, des intrants et de la main d’œuvre, contraintes réglementaires plus strictes (fabrication, environnement) » 11.
16. Le régime de taxation de droit commun des alcools prévoit une triple imposition, à savoir :
- la TVA (taxe non spécifique aux alcools) ;
- la Cotisation de Sécurité Sociale (taxe spécifique aux alcools), qui porte sur le volume d’alcool pur commercialisé ;
- le droit d’accise (taxe spécifique aux alcools), qui porte également sur le volume d’alcool pur commercialisé. Outre les alcools, cette taxe concerne le commerce de certains produits comme le tabac ou le pétrole. 12
17. Le régime fiscal dérogatoire applicable au rhum des DROM prévoit un droit d’accise réduit. Ce régime, applicable au rhum agricole comme au rhum traditionnel de sucrerie, distingue trois situations selon que le rhum est commercialisé localement ou en France métropolitaine :
- le rhum commercialisé localement (par exemple, le rhum réunionnais commercialisé à La Réunion) bénéficie d’une exonération totale des droits d’accise ;
- le rhum des DROM bénéficie d’un droit d’accise réduit de presque 50 % quand il est commercialisé en France métropolitaine 13 , dans la limite d’un contingent fixé annuellement pour l’ensemble des rhums produits dans les DROM 14. L’aide est accordée au moment de la mise à la consommation en France métropolitaine, via la taxation réduite, et est ainsi répercutée tout au long de la chaîne, du distributeur au distillateur.
§ Depuis le 1er janvier 2021, ce contingent est limité annuellement à 153 000 hectolitres d’alcool pur (« HAP ») et est applicable jusqu’au 31 décembre 2027 15. Le contingent annuel était limité à 120 000 HAP entre 2011 et 2015, et à 144 000 HAP entre 2016 et 2020 16. Pour être éligible à ce taux d’accise réduit, le rhum doit avoir « une teneur en substances volatiles autres que les alcools éthylique et méthylique égale ou supérieure à 225 grammes par hectolitre d’alcool pur et un titre alcoométrique volumique égal ou supérieur à 40%vol»17.
§ Un arrêté fixe la répartition du contingent entre les quatre DROM producteurs 18. Depuis 2018, La Réunion s’est vu attribuer un contingent de 27 353 HAP, de rhum de sucrerie attribué à La Réunion était de 22 905,57 HAP20 et, pour l’année rhum traditionnel de sucrerie exclusivement 19. Avant cette date, le contingent de 2011, il était de 20 615 HAP 21.
§ Un deuxième arrêté procède ensuite à la répartition dans chaque DROM des contingents entre les différentes distilleries 22 . La répartition entre les trois distilleries de La Réunion est la suivante :
Tableau n° 1 – Répartition du contingent entre les distilleries de La Réunion
tous les rhums commercialisés en France métropolitaine au delà du contingent sont soumis à une fiscalité normale.
18. Enfin, le taux de TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion est réduit par rapport à celui de la métropole 23.
19. Le rhum contingenté vendu en France métropolitaine, et davantage encore le rhum réunionnais vendu à La Réunion, bénéficient ainsi d’une fiscalité réduite par rapport aux autres alcools.
C. LES ENTREPRISES CONCERNEES
1. TEREOS OCEAN INDIEN – TOI
20. TOI est une filiale du groupe coopératif Tereos (ci-après, « Tereos »), actif dans la production et la distribution de sucres, d’alcools, d’édulcorants, de glucose et de produits destinés à l’alimentation animale, fabriqués à partir de betteraves, de céréales et de cannes à sucre 24. TOI est une filiale indirecte de Tereos SCA, la société mère du groupe Tereos 25.
21. À La Réunion, TOI exerce des activités de conditionnement et de distribution de sucre à travers la société Eurocanne. Elle est également active dans la production de sucre et de mélasse. En effet, comme indiqué ci-avant (voir paragraphe 12), elle détient les deux seules sucreries de l’île, respectivement exploitées par les sociétés Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge.
22. Au 31 mars 2019, le chiffre d’affaires de TOI s’est élevé à 20,5 millions d’euros intégralement réalisés en France et celui de Tereos, à 4,4 milliards d’euros dont [1,0-2,0] milliard d’euros réalisés en France 26. Le chiffre d’affaires de Sucrerie de Bois Rouge s’est élevé à [25-50] millions d’euros et celui de Sucrière de La Réunion à [50-70] millions d’euros 27.
a) L’acquisition par Tereos du Groupe Quartier Français et la cession de l’activité spiritueuse
23. Avant 2010, Tereos détenait des participations communes dans le capital des deux sucreries de La Réunion avec le Groupe Quartier Français. Tereos détenait également des participations communes avec le Groupe Quartier Français dans la distillerie DSAV. Le Groupe Quartier Français détenait la totalité du capital de la distillerie DRM.
24. En 2010, Tereos a pris le contrôle exclusif du Groupe Quartier Français 28. Cette opération a ainsi entraîné temporairement l’intégration verticale, au sein d’un même groupe, des deux sucreries réunionnaises et des deux principales distilleries de l’île.
Figure n° 3 – Acquisition de Groupe Quartier Français par Tereos
25. En 2011, Tereos a cédé l’activité spiritueuse du Groupe Quartier Français, portée par la société Quartier Français Spiritueux (« QFS »), y compris les distilleries DRM et DSAV, et a conservé uniquement l’activité sucrière du Groupe Quartier Français. L’acquéreur de Quartier Français Spiritueux était la Compagnie Financière Européenne de Prise de Participation (ci-après, « COFEPP »). Cette seconde opération a été autorisée par l’Autorité le 13 décembre 2011 sous réserve de la cession de certains actifs de Quartier Français Spiritueux 29.
Figure n° 4 – Cession de Quartier Français Spiritueux à COFEPP
b) L’activité des sucreries réunionnaises de TOI
26. Pour sa production de sucre à La Réunion, TOI achète de la canne à sucre aux producteurs locaux. Elle vend du sucre produit à partir de cette canne à sucre, ainsi que de la mélasse et de la bagasse.
27. Ses principaux acheteurs de mélasse sont les trois distilleries de l’île, lesquelles représentent l’essentiel des débouchés de mélasse réunionnaise. Les autres débouchés de la mélasse sont, par ordre décroissant d’importance, l’export et l’alimentation animale.
28. Entre 2011 et 2019, TOI a vendu entre [60 000-70 000] et [70 000-80 000] tonnes par an de mélasse issues des sucreries réunionnaises. Les distilleries réunionnaises lui ont acheté entre [30 000-40 000] et [50 000-70 000] tonnes par an. En volume, les distilleries ont représenté entre 50% et 92% de ses ventes annuelles 32.
29. En valeur, les ventes annuelles de TOI entre 2011 et 2019 ont été comprises entre [5-6] et [7-8] millions d’euros. Les ventes annuelles de TOI aux distilleries ont été comprises entre [4-5] et [6-7] millions d’euros. Les distilleries ont représenté entre 68 % et 93 % de ses ventes annuelles 33.
30. La distillerie Isautier se fournit en mélasse quasi-exclusivement auprès de la Sucrière de La Réunion 34. DRM se fournit en mélasse essentiellement auprès de la Sucrière de La Réunion. Depuis 2014, DSAV se fournit en mélasse exclusivement auprès de la Sucrerie du Bois Rouge 35.
31. La qualité et le rendement des mélasses varient selon qu’elles sont produites par la Sucrerie de Bois Rouge ou la Sucrière de La Réunion, en raison de leurs localisations et procédés de fabrication, ainsi qu’il sera développé aux paragraphes 195 à 197 ci-après.
2. COFEPP
32. Le groupe COFEPP, dont le siège est situé à Charenton-le-Pont, est le principal groupe de spiritueux en France. Son activité est structurée autour de différents pôles : Scotch Whisky, Porto/Madère, Rhum, Vins Doux Naturels, Brandy, Calvados et Armagnac, gastronomie et sans Alcool. Il possède différentes marques parmi lesquelles plusieurs marques leaders au niveau national dont les whiskeys Label 5 et Sir Edward’s, la vodka Poliakov, le porto Porto Cruz, les rhums Saint-James et Negrita, et est également actif dans la production de spiritueux vendus sous marque de distributeur (ci-après, « MDD »).
33. En 2016, le groupe COFEPP a réalisé un chiffre d’affaires HT hors droits d’environ 988 millions d’euros, dont 640 millions en France36.
a) L’acquisition de Quartier Français Spiritueux par COFEPP
34. Le 24 janvier 2011, COFEPP a transmis à Tereos une lettre d’offre ferme pour le rachat de Quartier Français Spiritueux37. Cette lettre sollicitait notamment la conclusion, entre TOI et Quartier Français Spiritueux, d’un contrat de fourniture de mélasse d’une durée minimum de 10 ans au moment de la réalisation de l’opération38.
35. Le 3 février 2011, COFEPP et Tereos (via Groupe Quartier Français, société mère de Quartier Français Spiritueux) ont conclu un contrat d’achat et de vente d’actions, relatif à l’acquisition par COFEPP de 100 % du capital et des droits de ventes de QFS39. Ce contrat était accompagné d’un accord complémentaire entre Tereos et COFEPP, signé le même jour et précisant le prix de vente de la mélasse s’appliquant aux distilleries de Quartier Français Spiritueux, DRM et DSAV40.
36. Le 13 décembre 2011, l’Autorité a autorisé COFEPP à racheter Quartier Français Spiritueux sous réserve du respect de certains engagements41. Les actifs de Quartier Français Spiritueux (détenus par sa filiale Quartier Français Spiritueux Outre-Mer – ci-après, « QFSOM ») que COFEPP s’était engagée à céder, comprenaient notamment, pour ce qui est de La Réunion :
- 93,2 % du capital du GIE Rhums Réunion, propriétaire de la marque de rhum Charrette, les 6,8 % restant appartenant au groupe Isautier ;
- la totalité du capital de la distillerie DSAV ;
- l’intégralité du capital de la société d’assemblage et de conditionnement de vins, punchs, rhums et sirops SOGIM, ainsi que ses filiales, les sociétés Réunion Boissons, Chais de France et la Réunionnaise de Cafés42.
37. COFEPP s’était également engagée à « compléter le contingent dont disposera le repreneur de ces actifs en lui cédant un volume de rhum contingenté qui, en s’ajoutant au contingent affecté à la distillerie de Savanna [DSAV], permettra au repreneur de disposer d’un volume total de 8 000 hap », afin de garantir l’approvisionnement en rhum contingenté du repreneur de la marque Charrette43.
38. L’opération d’acquisition de Quartier Français Spiritueux par COFEPP a été réalisée le 3 février 2012. Le même jour, TOI et QFSOM ont conclu un contrat de fourniture de mélasse et de jus de canne reprenant et actualisant les tarifs de la mélasse prévus dans l’accord complémentaire du 3 février 201144.
b) La cession des actifs réunionnais de Quartier Français Spiritueux à RDR
39. Les actifs concernés par les engagements ont été acquis par RDR le 19 décembre 2012 à la suite de la conclusion d’un contrat de cession du 25 octobre 2012 45.
40. Le même jour, COFEPP et RDR ont conclu un protocole d’accord concernant la gestion du contrat d’approvisionnement en mélasse avec TOI, présenté aux paragraphes 81 à 85 ci-après46.
41. Un contrat d’approvisionnement a parallèlement été conclu entre DRM et le GIE Rhums Réunion le 19 décembre 2012, complété par un avenant en date du 22 décembre 2015. Aux termes du contrat du 19 décembre 2012, DRM s’est engagée à fournir pour 10 ans au GIE Rhums Réunion un volume minimal de 7 200 HAP de rhum traditionnel de La Réunion hors contingent vrac par an, ce volume minimal étant automatiquement révisé à la baisse à hauteur de 1 % par an47. Compte tenu de la baisse des volumes de vente du rhum de marque Charrette (ci-après, «Rhum Charrette ») sur le marché réunionnais, rhum commercialisé par le GIE Rhums Réunion, les volumes de vente ont été abaissés dans le cadre de l’avenant du 22 décembre 201548.
c) L’activité de COFEPP à La Réunion
42. COFEPP est active à La Réunion à travers Quartier Français Spiritueux, renommée société Rhumerie du Verso, dans la production et la vente de rhum produit par sa distillerie, DRM49.
43. Le rhum produit par DRM est principalement destiné au GIE Rhums Réunion pour la production de rhum Charrette. Le rhum Charrette représente 50 % de la production et environ 50 % du chiffre d’affaires de DRM50. DRM produit également du rhum vendu sous MDD, ou sous la marque Rivière du Mât (dont la part de marché est résiduelle sur le marché réunionnais), et il fournit en rhum d’autres groupes51.
44. DRM est la principale distillerie de La Réunion. En 2017, elle a produit environ 6,2 millions de litres d’alcool pur (ci-après « LAP »)52. En conséquence, DRM est le premier acheteur de mélasse auprès des sucreries de TOI.
45. Entre 2011 et 2017, la production annuelle d’alcool de DRM était comprise entre [4-5] et [7-8] millions de LAP57. La production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local a représenté 8 à 16 % de ces volumes, celle de rhum contingenté 18 à 33 % de ces volumes.
46. Entre 2011 et 2019, DRM a acheté à TOI des volumes annuels de mélasse compris entre [2 000-3 000] et [3 000-4 000] tonnes pour la production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local, entre [5 000-6 000] et [8 000-9 000] tonnes pour la production de rhum traditionnel vendu sur le marché contingenté, et entre [11 000-12 000] et [28 000-29 000] tonnes pour ses autres productions (rhum traditionnel hors contingent, rhum traditionnel exporté, autres alcools)58.
47. En valeur, les achats annuels de mélasse de DRM à TOI entre 2011 et 2019 ont été compris entre [1,0-1,2] et [1,4-1,5] million d’euros pour la production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local, entre [0,6-0,7] et [1,0-1,1] million d’euros pour la production de rhum traditionnel vendu sur le marché contingenté, et entre [0,5-0,6] et [1,5-1,6] million d’euros pour ses autres productions59.
48. Au cours de la période 2011-2019, la part des achats par DRM de mélasse pour la production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local est comprise entre 8 et 15 % du volume total, et entre 31 et 46 % en valeur.
3. LA SOCIETE REUNIONNAISE DU RHUM – RDR
49. RDR a été créée en 2012 dans le but d’acquérir les actifs réunionnais cédés par COFEPP dans le cadre de l’opération de prise de contrôle exclusif de Quartier Français Spiritueux. Elle est détenue par des sociétés actives dans le secteur de la canne à sucre (Adrien Bellier), de la production et distribution de spiritueux (Chatel et Terroir Distillers) et par un fonds d’investissements (Unigrains)60.
50. RDR est active dans la production de rhum au travers de sa filiale DSAV. Elle est également active dans l’embouteillage, la distribution et l’exportation de rhum et de spiritueux au travers du GIE Rhums Réunion. Le GIE Rhums Réunion est le propriétaire de la marque de rhum Charrette. RDR contrôle 93,2 % du capital du GIE Rhums Réunion, les 6,8 % restantsétant détenus par la société Établissements Isautier.
51. En 2018, RDR a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 31,4 millions d’euros, dont 28,6 millions d’euros réalisés en France.
a) L’activité de DSAV
52. DSAV est la deuxième plus grande distillerie de La Réunion. Elle produit et commercialise du rhum traditionnel de sucrerie, du rhum léger destiné à l’export, de l’alcool de canne, du rhum agricole ainsi que d’autres alcools comme de l’alcool neutre. La quasi-totalité de sa production est issue de l’utilisation de mélasse locale, sa production de rhum agricole étant marginale.
53. Depuis 2015, DSAV s’approvisionne uniquement auprès de la Sucrerie de Bois Rouge. En 2019, elle a commercialisé environ [5,0-6,0] millions de litres d’alcool pur.
54. La majeure partie de sa production de rhum est vendue au GIE Rhums Réunion pour être commercialisée sous la marque Charrette.
55. Entre 2011 et 2019, la production annuelle d’alcool de DSAV était comprise entre [2-3] et [6-7] millions de LAP. La production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local a représenté 8 à 17 % de ces volumes, celle de rhum traditionnel commercialisé sur le marché contingenté 11 à 25 % de ces volumes.
56. Entre 2011 et 2019, DSAV a acheté à TOI des volumes annuels de mélasse compris entre [1 000-1 500] et [3 000-3 500] tonnes pour la production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local, entre [1 000-1 500] et [3 500-4 000] tonnes pour la production de rhum traditionnel vendu sur le marché contingenté, et entre [6 500-7 000] et [21 000-22 000] tonnes pour ses autres productions.
57. En valeur, les achats annuels de mélasse de DSAV à TOI entre 2011 et 2019 ont été compris entre [0,4-0,5] et [1,2-1,3] million d’euros pour la production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local, entre [0,1-0,2] et [0,4-0,5] million d’euros pour la production de rhum traditionnel vendu sur le marché contingenté, et entre [0,3-0,4] et [1,1-1,2] million d’euros pour ses autres productions.
58. Au cours de la période 2011-2019, la part des achats par DSAV de mélasse pour la production de rhum traditionnel commercialisé sur le marché local est comprise entre 7 et 17 % en volume, et entre 33 et 53 % en valeur.
b) Le GIE Rhums Réunion
59. Le GIE Rhums Réunion a pour activité l’embouteillage et la distribution du rhum Charrette sur le marché local ainsi qu’à l’exportation, l’importation et la distribution de spiritueux (activité de négoce) ainsi que le stockage de rhum en vrac pour des tiers. Il a été créé en 1972 par les trois distilleries de La Réunion. Elles étaient alors toutes membres du GIE, et elles lui fournissaient l’essentiel de leur production de rhum traditionnel, afin que celui-ci soit commercialisé sous la marque Charrette.
60. La cession des actifs réunionnais par COFEPP à RDR a eu pour effet de faire perdre à DRM son statut de membre du GIE. DRM continue néanmoins de fournir le GIE en rhum traditionnel, conformément à un contrat conclu entre DRM et le GIE Rhums Réunion le 10 décembre 2012. Isautier est toujours membre du GIE, dont il détient 6,8 % du capital, et un de ses fournisseurs en rhum traditionnel.
61. Depuis sa création, le GIE s’approvisionne auprès des trois distilleries de l’île. Il a toujours acheté le rhum blanc aux trois distilleries au même prix quand celui-ci est à destination du marché local64. S’agissant du rhum contingenté, le prix payé à DRM est le même que celui payé à DSAV et Isautier, mais avec un décalage d’un an (sur une année civile, DSAV et Isautier vendent leur rhum traditionnel contingenté au GIE au prix de vente de DRM lors de l'année civile précédente)65.
62. En 2019, le GIE Rhums Réunion s’est approvisionné respectivement à hauteur d’environ 32 %, 61 % et 7 % de ses volumes auprès des distilleries DRM, DSAV et Isautier66.
63. Sur la période 2012-2019, plus de la moitié des volumes de rhum Charrette a été commercialisée sur le marché réunionnais, sur lequel cette marque est la marque leader de rhum68.
64. Le marché métropolitain constitue l’autre débouché principal de la marque Charrette (environ 40 % de ses volumes), devant les exportations (environ 2 % de ses volumes)69.
4. LA SOCIETE DISTILLERIE ISAUTIER
65. La société Distillerie Isautier (ci-après, « Isautier ») est détenue intégralement par la société Établissements Isautier70. Cette dernière, détenue par la famille Isautier, est une holding qui s’articule autour de trois pôles d’activité : l’agriculture, l’immobilier et le rhum71.
66. La société Distillerie Isautier détient la troisième distillerie de La Réunion. Elle s’approvisionne uniquement auprès de la Sucrière de La Réunion. Isautier produit du rhum traditionnel et d’autres alcools72.
67. En 2016, Isautier a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 2,9 millions d’euros, intégralement réalisé en France73.
68. Entre 2011 et 2017, sa production annuelle de rhum traditionnel a atteint [50 000-60 000] à [70 000-80 000] LAP, majoritairement destiné au marché local réunionnais, le rhum contingenté représentant la quasi-totalité du reste de ses ventes.
69. Entre 2011 et 2019, Isautier a acheté à TOI des volumes annuels de mélasse compris entre [2 000-2 500] et [5 000-6 000] tonnes. En valeur, les achats de mélasse par Isautier étaient compris entre [150 000-200 000] et [400 000-450 000] euros.
D. LES RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE LES ENTREPRISES CONCERNEES
1. LE CONTRAT DE FOURNITURE DE MELASSE ET DE JUS DE CANNE DU 3 FEVRIER 2012
a) Le contrat de fourniture conclu le 3 février 2012
70. L’approvisionnement en mélasse des distilleries DSAV et DRM est régi par le contrat précité du 3 février 201276. Ce contrat a été conclu dans le cadre de la cession, le même jour, des actifs de Quartier Français Spiritueux (qui regroupaient l’activité spiritueuse du Groupe Quartier Français) par Tereos à COFEPP. Il a été conclu entre QFSOM, filiale de Quartier Français Spiritueux désormais détenue par COFEPP, et TOI, filiale de Tereos. QFSOM agissait tant en son nom qu’au nom et pour le compte de ses filiales DSAV et DRM. De son côté, TOI agissait tant en son nom qu’au nom et pour le compte de ses filiales Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge77.
71. Ce contrat a été conclu pour une durée de dix ans, prévoyant une application rétroactive des tarifs à compter du 1er janvier 2011. En vertu du deuxième alinéa de l’article 3, il se renouvelle tacitement par période de cinq ans « sauf dénonciation intervenue trois (3) ans avant l’échéance de la première période ou de la période en cours ». Le troisième alinéa du même article prévoit dans ce cas « une indemnité forfaitaire de cinq (5) millions d’euros » pour la partie qui aurait pris l’initiative de ne pas renouveler le contrat78.
72. Aux termes de ce contrat, les distilleries s’engagent à commander à TOI, et TOI s’engage à leur livrer, l’ensemble de leurs besoins en mélasse pour la production de rhum traditionnel de La Réunion pour le marché local et pour les volumes contingentés. Pour les volumes destinés à la production d’alcools ne bénéficiant pas d’un droit d’accise réduit (alcools autres que le rhum traditionnel, volumes de rhum traditionnel commercialisés en métropole hors contingent et à l’export), les distilleries s’engagent à commander au moins [10 000-15 000]tonnes de mélasse par an, avec une option complémentaire de [10 000-15 000] tonnes, volumes que TOI s’engage à livrer79.
73. Il est également précisé, à l’article 4.5 alinéa 3 du contrat, que « [l]’Acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de Mélasse sur le marché réunionnais »80.
74. Le contrat fixe trois tarifs différents pour l’approvisionnement en mélasse, en fonction de la destination des alcools produits, ainsi qu’il sera détaillé ci-après aux paragraphes 87 à 90 : (i) la mélasse servant à la production de rhums traditionnels destinés au marché local ;(ii) la mélasse servant à la production de rhums traditionnels contingentés ; (iii) les autres mélasses81.
75. Le contrat prévoit une clause de révision en cas de modification des contingents et de la fiscalité associée :
- en cas de disparition des avantages fiscaux résultant de la suppression du droit d’accise pour les rhums traditionnels de La Réunion commercialisés à La Réunion, ou en cas de disparition du contingent, les tarifs affectés deviennent caducs et les parties s’engagent à renégocier un nouvel accord tarifaire pour cette mélasse « qui préserve pour (sic) l’équilibre économique relatif du contrat après prise en compte de la
disparition » de la fiscalité privilégiée et du contingent respectivement ;
- en cas de maintien, mais de réduction, des aides conférées aux rhums traditionnels commercialisés localement ou en métropole sous contingent, les parties s’engagent à « réajuster » le prix de la mélasse concernée « en fonction de la modification apportée ». À défaut d’accord, entre les parties, elles s’engagent à désigner un tiers expert pour réajuster ce prix82.
b) L’avenant du 3 octobre 2012
76. Le contrat de fourniture du 3 février 2012 a été amendé le 3 octobre 2012 dans le cadre de la cession par COFEPP de QFSOM à RDR83. L’avenant prévoit ainsi que « l’ensemble des droits et obligations de QFSOM au titre du Contrat sont transférés intégralement à QFS », Quartier Français Spiritueux étant encore contrôlé par COFEPP84. Il prévoit également que « [l]e fait que QFS cède le contrôle de QFSOM à un tiers n’aura aucune conséquence sur le Contrat. QFS (…) continuera d’agir au nom et pour le compte des sociétés Distillerie Rivière du Mât et Distillerie de Savanna, quand bien même cette dernière cesse d’être sous son contrôle direct ou indirect »85. Aux termes de cet avenant, Quartier Français Spiritueux se substitue ainsi à QFSOM en tant qu’acquéreur de la mélasse.
77. En pratique, bien que le contrat confère à Quartier Français Spiritueux le statut d’acquéreur de mélasse et que celle-ci agisse tant en son nom qu’au nom et pour le compte de DSAV et DRM, ces dernières sont en relation directe avec les sucreries qui les fournissent. Chaque distillerie passe commande directement auprès des sucreries, celles-ci facturant directement les distilleries pour les volumes d’achat qui les concernent.
c) L’avenant du 28 avril 2014
78. Le contrat de fourniture du 3 février 2012 a été modifié par un deuxième avenant le 28 avril 201486. Cet avenant visait à « expliciter les modalités de vente en mélasse et de détermination du prix définitif des mélasses afin notamment de prendre en compte les rendements effectifs de chacune des deux distilleries Rivière du Mât et Distillerie de Savanna » après la cession de DSAV à RDR87.
79. Cet avenant a été conclu par TOI et Quartier Français Spiritueux sous sa nouvelle dénomination, Rhumerie du Verso.
80. Il prévoit notamment une modification de l’article 4.5 du contrat initial : « L’avant dernier paragraphe de l’article 4.5 du contrat initial : “L’acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de mélasse sur le marché réunionnais” est supprimé et est remplacé par “L’acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de mélasse sur le marché réunionnais hormis à Distillerie Rivière du Mat et Distillerie de Savannah pour le besoin exclusif de distillation de chacune des distilleries” »88.
2. LE PROTOCOLE D’ACCORD DU 19 DECEMBRE 2012
81. Le 19 décembre 2012, à la suite du rachat de DSAV par RDR, COFEPP et RDR ont conclu un protocole d’accord89 ayant « pour objet de fixer entre [DSAV, DRM] et QFS les conditions de gestion commune, d’application et d’optimisation du Contrat de Fourniture [du 3 février 2012] »90.
82. Dans ce protocole, les parties se sont engagées « à respecter le Contrat de Fourniture [du 3 février 2012] et les modalités fixées par le présent Protocole »91. Le protocole prévoit également : « La volonté des parties étant que le Contrat de Fourniture, complété par le présent protocole, régissent l’ensemble de leurs droits et obligations en matière d’approvisionnement en Produits (…), chacune des parties s’engage à (i) ne pas négocier directement et individuellement avec TOI de conditions particulières en marge du présent Protocole sur les sujets traités par le Contrat de Fourniture ; (…) (iii) ne pas prendre de décision relative au Contrat de Fourniture (y compris toute modification de celui-ci) autrement qu’en accord avec le présent Protocole et, pour toute question qui ne serait pas réglée par celui-ci et qui pourrait impacter les autres Parties, autrement qu’avec leur accord préalable »92.
83. La durée et les conditions de renouvellement de ce protocole sont fondéessur celle du contrat de fourniture de mélasse, le protocole indiquant qu’il « est conclu pour une durée courant de sa date de signature jusqu'au 31 décembre 2020. Il se renouvellera par tacite reconduction par périodes de cinq (5) ans sauf dénonciation intervenue trois (3) ans avant l'échéance de la première période ou de la période en cours adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Par dérogation aux stipulations ci-dessus, le Protocole prendra fin automatiquement à la date de terminaison du Contrat de Fourniture »93.
84. L’article 3.2 du protocole rappelle les dispositions du contrat de fourniture quant à la durée de ce dernier et précise les modalités à suivre en cas de non-renouvellement94.
85. Il est précisé également que « [l]es Acquéreurs [DRM et DSAV] s’engagent pendant la durée du Protocole à ne pas revendre de Produit [mélasse et jus de canne] sur le marché réunionnais »95. Cette clause est très similaire à celle prévue par le contrat de fourniture, dans sa rédaction initiale, qui prévoyait : « L’acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de mélasse sur le marché réunionnais »96.
E. LA TARIFICATION DE L’ACHAT DE MELASSE PAR LES DISTILLERIES
1. LES TARIFS APPLICABLES A DRM ET DSAV
a) Les tarifs applicables à DRM et DSAV avant 2011
86. Antérieurement au contrat du 3 février 2012, DSAV et DRM avaient signé les contrats d’approvisionnement suivants :
- DSAV avait conclu le 18 avril 2001 un contrat d’approvisionnement en mélasse auprès de la Sucrerie de Bois Rouge97. Il prévoyait un prix unique d’achat de la mélasse s’élevant à 480 francs HT (soit 73,18 euros) par tonne98. Ce contrat a été complété par un avenant du 21 novembre 2007 prorogeant de 10 ans la durée du contrat et prévoyant, à compter du 1er janvier 2007, un complément de 7,50 euros par tonne de mélasse
fournie99 ;
- DRM avait conclu le 17 octobre 1997 un contrat d’approvisionnement en mélasse avec la Sucrière de La Réunion100. Il prévoyait deux prix d’achat de la mélasse pour l’année 1997 : un s’élevant à 480 francs HT (soit 73,18 euros) par tonne pour la mélasse à destination du rhum vendu sur le marché local et sur le marché contingenté, prix pouvant être modifié chaque année par accord entre les parties, et un prix provisoire s’élevant à 180 francs HT par tonne (soit 27,44 euros) pour la mélasse destinée à d’autres usages, prix devant faire l’objet d’un ajustement en fin d’année101. Il a été complété par un avenant du 25 octobre 1999102 précisant que le prix de la mélasse pour d’autres usages est fixé « à un montant équivalent à la rémunération qu’aurait pu obtenir le vendeur en cédant sa mélasse à l’exportation, majoré de 30 FF par tonne de mélasse provenant de l’usine du GOL [Sucrière de La Réunion] »103.
b) Les tarifs applicables à DRM et DSAV depuis 2011
87. Les tarifs applicables aux distilleries DSAV et DRM pour leurs achats de mélasse sont prévus par le contrat précité du 3 février 2012. Ce contrat prévoit trois prix d’achat de la mélasse, distincts selon la destination du rhum qu’elle permet de produire :
- 380 euros HT par tonne lorsque la mélasse est destinée à produire du rhum traditionnel destiné au marché local ;
- 120 euros HT par tonne lorsque la mélasse est destinée à produire du rhum traditionnel contingenté ;
- 55 euros HT par tonne pour les autres usages de la mélasse104.
88. Ces tarifs sont « revalorisés annuellement de 2 % à compter du 1er janvier 2015 ».
89. L’article 5.4 de ce contrat prévoit que « [l]e prix de la Mélasse étant fonction de l’utilisation qui en est faite par l’Acquéreur, les livraisons de Mélasses seront facturées mensuellement sur la base d’un prix provisoire qui correspondra au prix moyen pondéré de la tonne calculé sur la base des chiffres d’achat respectifs par catégories de Mélasse additionnés de l’année précédente divisé par le tonnage vendu »105.
90. En 2019, les tarifs actualisés d’achat de la mélasse de DRM et de DSAV s’élevaient à :
- 419,58 euros HT par tonne pour la mélasse servant à produire du rhum destiné au marché local ;
- 132,52 euros HT par tonne pour la mélasse servant à produire du rhum contingenté ;
- 60,75 euros HT par tonne pour les autres utilisations de la mélasse106.
2. LES TARIFS APPLICABLES A LA DISTILLERIE ISAUTIER
91. Isautier s’approvisionne exclusivement en mélasse auprès de la Sucrière de La Réunion107. Cet approvisionnement est régi par deux contrats du 1er juillet 1996108. Ces contrats prévoient un prix d’achat de la mélasse s’élevant à 550 francs HT (soit 83,8 euros) par tonne, avec une revalorisation annuelle de ce prix de 2 francs par tonne (soit 0,30 euro), et une remise de 10 % si les volumes commandés annuellement dépassent 1 500 tonnes109.
92. Isautier s’est ainsi vu appliquer par TOI un tarif unique de la mélasse, quelle qu’en soit la destination. En 2019, il s’élevait à 82,10 euros HT par tonne110.
93. Isautier a indiqué qu’en 2017, TOI lui avait proposé de revoir son prix d’achat pour le porter à 120 euros HT par tonne de mélasse, mais qu’elle avait refusé car « une telle hausse aurait provoqué un ciseau tarifaire et aurait eu des conséquences considérables sur [sa] capacité à [se] maintenir sur le marché »111.
3. CONCLUSION SUR LES TARIFS DE LA MELASSE APPLICABLES AUX TROIS DISTILLERIES REUNIONNAISES
94. Avant 2011, les tarifs applicables aux trois distilleries, s’agissant de la mélasse destinée àproduire du rhum destiné au marché local et du rhum contingenté, étaient tous fixés à un niveau relativement similaire : pour DSAV, 73,18 euros de 2001 à 2007, puis 80,58 euros entre 2007 et 2011 ; pour DRM : 73,18 euros à partir de 1997 ; pour Isautier, 83,80 euros par tonne, avant réévaluation et remises.
95. Depuis le 1er janvier 2011, date à laquelle sont entrés en vigueur de manière rétroactive les tarifs d’achat de la mélasse convenus entre Tereos et COFEPP dans le cadre de la reprise de Quartier Français Spiritueux, les distilleries DSAV et DRM se voient appliquer des conditions d’achat qui dépendent de la destination du rhum : (i) 419,58 euros HT par tonne en 2019 pour la mélasse servant à produire du rhum destiné au marché local ; (ii) 132,52 euros HT par tonne en 2019 pour la mélasse servant à produire du rhum contingenté ; (iii) 60,75 euros HT par tonne en 2019 pour les autres utilisations de la mélasse en 2019. La distillerie Isautier se voit appliquer, quant à elle, un tarif unique de la mélasse s’élevant à 82,10 euros HT par tonne en 2019112.
F. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
96. Au vu des éléments exposés dans la notification de griefs du 29 juillet 2020, les services d’instruction ont notifié les deux griefs suivants :
« GRIEF N° 1 :
Il est fait grief à la société Tereos Océan Indien (SAS déclarée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le n° 310 864 269 et dont le siège social est situé 23 rue Raymond Vergès – Quartier Français 97441 Sainte-Suzanne), en tant qu’auteur et société-mère, ainsi qu’à la société Sucrière de La Réunion (SAS déclarée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le n° 480 034 172 et dont le siège social est situé 23 rue Raymond Vergès Quartier Français 97441 Sainte-Suzanne), en tant qu’auteur, et à la société Sucrerie de Bois Rouge (SAS déclarée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le n° 315 253 922 et dont le siège social est situé 23 Avenue Raymond Vergès Quartier Français 97441 Sainte-Suzanne), en tant qu’auteur, d’avoir abusé de la position dominante qu’elles détiennent sur le marché réunionnais de l’approvisionnement en mélasse destinée à la fabrication de rhum, en appliquant des prix de vente discriminatoires. Cette pratique, qui a débuté le 19 décembre 2012 et est toujours en cours à la date de la présente notification des griefs, est susceptible d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché réunionnais de l’approvisionnement en mélasse destinée à la fabrication de rhum.Elle est prohibée par l’article L. 420-2 du code de commerce.
GRIEF N° 2 :
Il est fait grief à la société Tereos Océan Indien (SAS déclarée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le n° 310 864 269 et dont le siège social est situé 23 rue Raymond Vergès – Quartier Français 97441 Sainte-Suzanne), en tant qu’auteur et société-mère, ainsi qu’à la société Sucrière de La Réunion (SAS déclarée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le n° 480 034 172 et dont le siège social est situé 23 rue Raymond Vergès Quartier Français 97441 Sainte-Suzanne), en tant qu’auteur, et à la société Sucrerie de Bois Rouge (SAS déclarée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le n° 315 253 922 et dont le siège social est situé 23 Avenue Raymond Vergès Quartier Français 97441 Sainte-Suzanne), en tant qu’auteur, d’avoir abusé de la position dominante qu’elles détiennent sur le marché réunionnais de l’approvisionnement en mélasse destinée à la fabrication de rhum, en verrouillant les possibilités de sortie du contrat d’approvisionnement en mélasse et en jus de canne du 3 février 2012 par la mise en place :
- d’une clause prévoyant une indemnité financière de 5 millions d’euros en cas de sortie du contrat ;
- d’une clause prévoyant une limitation de revente de la mélasse acquise sur le marché réunionnais.
Cette pratique, qui a débuté le 19 décembre 2012 et est toujours en cours à la date de la présente notification des griefs, est susceptible d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché réunionnais de l’approvisionnement en mélasse destinée à la fabrication de rhum.Elle est prohibée par l’article L. 420-2 du code de commerce. »
II. Discussion
97. Seront successivement examinés les arguments de procédure (A.), la question de l’applicabilité du droit de l’Union européenne (B.), la position dominante de TOI (C.), le bien-fondé des griefs (D.), la durée des pratiques (E.), l’imputabilité des pratiques (F.), et enfin les sanctions pécuniaires (G.).
A. SUR LA PROCEDURE
98. TOI invoque le principe non bis in idem pour contester la recevabilité de la saisine de RDR, qui porterait sur les conditions de reprise de DSAV, et en particulier ses contrats d’approvisionnement. TOI soutient, à cet effet, que ces contrats avaient déjà été analysés par l’Autorité dans le cadre de sa mission de contrôle des concentrations, lorsqu’elle s’est prononcée sur la prise de contrôle exclusif de Quartier Français Spiritueux par COFEPP (décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011). L’Autorité s’était notamment prononcée, selon TOI, sur la viabilité et la compétitivité de DSAV. RDR avait, par ailleurs, contacté par la suite l’Autorité et invoqué une violation des engagements pris par COFEPP. Selon RDR, COFEPP n’avait pas respecté son engagement de préserver la viabilité économique, commerciale et concurrentielle des actifs réunionnais jusqu’à leur cession. L’Autorité n’avait pas estimé que les informations transmises justifiaient l’ouverture d’une saisine d’office, sur le fondement du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, pour non-respect d’engagements.
99. D’application générale en matière de sanctions, le principe non bis in idem est consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après, « CEDH »), et reconnu au niveau de l’Union européenne en tant que principe général du droit au rang de droit fondamental de l’Union, conformément à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. La Cour de justice a reconnu que « le principe non bis in idem (…) interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours » 113.
100. Selon la jurisprudence des juridictions de l’Union européenne, l’application du principe non bis in idem requiert l’existence d’une décision préalable statuant sur un comportement, non susceptible de recours, et est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé114. Ces principes ont été constamment repris par la jurisprudence française115.
101. Or, aucune de ces conditions n’est remplie en l’espèce.
102. Pour ce qui est, en premier lieu, de la condition d’identité des faits, TOI soutient que les faits décrits dans la saisine concernent les conditions de reprise de DSAV, lesquelles auraient déjà été analysées par l’Autorité lors de l’acceptation des engagements offerts par COFEPP dans le cadre de la décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, précitée, et lors de l’examen des arguments soulevés par RDR concernant le respect des engagements de COFEPP. En effet, d’après TOI, il ressortirait de ces procédures que l’Autorité aurait déjà examiné les stipulations du contrat d’approvisionnement afin de contrôler, non seulement la viabilité économique, commerciale et concurrentielle de DSAV dans le cadre de sa décision du 13 décembre 2011, mais aussi le maintien de cette viabilité par COFEPP, entre cette date et la cession à RDR des actifs réunionnais, le 19 décembre 2012.
103. Or, les griefs notifiés à la suite de la saisine consistent en des abus de position dominante reprochés aux sociétés, pour avoir, depuis le 19 décembre 2012, appliqué des prix de vente discriminatoires et verrouillé les possibilités de sortie du contrat d’approvisionnement. Ces griefs ne sauraient se confondre avec la question de la viabilité économique, commerciale et concurrentielle de DSAV. Si les griefs notifiés appellent le réexamen des stipulations du contrat d’approvisionnement du 3 février 2012, c’est, d’une part, au regard d’un éventuel traitement discriminatoire par rapport à d’autres partenaires commerciaux et, d’autre part, au regard d’une pratique de verrouillage de marché. La condition d’identité des faits n’est donc pas remplie.
104. Pour ce qui est, en deuxième lieu, de la question de l’unité de contrevenant, il convient de souligner que les procédures invoquées par TOI concernaient des engagements souscrits par COFEPP dans le cadre de la décision n° 11-DCC-187, et le respect par COFEPP de ses engagements entre cette décision et la cession des actifs réunionnais à RDR. Les griefs notifiés concernent, quant à eux, des pratiques attribuées à TOI et à ses filiales, de sorte que la condition de l’unité de contrevenant n’est pas, non plus, remplie.
105. Pour ce qui est, en troisième lieu, de la question de l’unité de l’intérêt juridique protégé, TOI soutient que les deux procédures concernent la viabilité et la compétitivité de DSAV. Or, la précédente procédure concernait un possible manquement de COFEPP à des engagements qu’elle avait pris dans le cadre d’une décision prise au titre du contrôle des concentrations. La présente procédure concerne quant à elle d’éventuels abus de position dominante de la part de TOI. L’intérêt juridique protégé est donc également différent.
106. Enfin et au surplus, la condition de l’existence d’une décision préalable n’est pas davantage remplie. TOI invoque la décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, mais celle-ci portait sur l’opération d’acquisition par COFEPP des actifs de Quartier Français Spiritueux, et non sur l’approvisionnement en mélasse de DSAV, relevant d’ailleurs du contrat conclu postérieurement, le 3 février 2012.
107. TOI invoque également le fait que l’Autorité ne s’est pas saisie d’office du non-respect des engagements pris par COFEPP.
108. Toutefois, le fait que l’Autorité n’ait pas estimé que les informations transmises justifiaient l’ouverture d’une saisine d’office sur le fondement de l’article L. 430-8 du code de commerce ne constitue pas une décision préalable, au sens des conditions d’application du principe non bis in idem. Comme l’a rappelé la Cour de justice, « l’application de ce principe suppose (…) qu’il a été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci a été contrôlée. Ainsi, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction »116. Ainsi, le principe non bis in idem ne trouve à s’appliquer qu’en présence d’une décision se prononçant sur l’existence ou sur l’absence d’une infraction117. Or, en estimant que les informations transmises ne justifiaient pas une saisine d’office pour non-respect d’engagements de concentration, l’Autorité ne s’est prononcée ni sur l’existence ni sur l’absence d’une infraction.
109. De même, le principe non bis in idem est rattaché à l’autorité de la chose jugée. Or, il est constant que le fait de ne pas donner suite à une plainte, de même que le fait pour l’Autorité de ne pas ouvrir une procédure de saisine d’office pour violation d’engagements pris dans le cadre d’un dossier de contrôle des concentrations, n’ont aucune autorité de la chose jugée. Ainsi, au niveau européen, le fait que la Commission ou une autorité nationale de concurrence décide de ne pas donner suite à une plainte ou de classer l’affaire n’empêche nullement une autre autorité nationale ou la Commission de poursuivre les mêmes faits118. De telles décisions ne constituent pas, par elles-mêmes, une « décision préalable » de nature à justifier l’application du principe non bis in idem119.
110. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les arguments de TOI sur la violation du principe non bis in idem doivent être rejetés.
B. SUR L’INAPPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE
1. RAPPEL DES PRINCIPES
111. L’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE ») dispose qu’ « [e]st incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ».
112. Se fondant sur la jurisprudence constante de l’Union et à la lumière des lignes directrices de la Commission européenne relatives à la notion d’affectation du commerce entre États membres120, l’Autorité considère que trois éléments cumulatifs doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges, et le caractère sensible de cette possible affectation.
113. La circonstance que des abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. La Cour de justice a ainsi jugé que « Lorsque le détenteur d’une position dominante barre l’accès au marché à des concurrents, il est indifférent que ce comportement n’ait lieu que sur le territoire d’un seul État membre, dès lors qu’il est susceptible d’avoir des répercussions sur les courants commerciaux et sur la concurrence dans le marché [unique] »121.
114. À cet égard, la Commission considère que « [l]a condition de l’existence d’une affectation du commerce "entre États membres" suppose qu’il doit y avoir une incidence sur les activités économiques transfrontalières impliquant au moins deux États membres. Il n’est cependant pas indispensable que l’accord ou la pratique affectent le commerce entre l’ensemble d’un État membre et l’ensemble d’un autre État membre. En effet, les articles [101] et [102 TFUE] sont également applicables dans des cas concernant une partie d’un État membre, à condition toutefois que l’affectation du commerce soit sensible »122.
115. En outre, la Commission européenne et la Cour de cassation considèrent que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés dans les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »123.
116. Les lignes directrices de la Commission précisent que l’applicabilité du droit de l’Union n’est établie que si l’accord ou la pratique abusive est susceptible de détourner les courants commerciaux entre États membres de leur orientation naturelle probable en l’absence de l’accord ou de la pratique124. Les lignes directrices indiquent également qu’une pratique abusive consistant en une discrimination par les prix entre clients nationaux n’affecte pas le commerce entre États membres125. Ce dernier peut toutefois être affecté à la double condition que les acheteurs poursuivent des activités d’exportation et soient désavantagés par la tarification discriminatoire, ou si cette pratique sert à faire barrage aux importations126. A fortiori, une telle affectation peut également être exclue si l’abus est purement local127.
117. En ce qui concerne le caractère sensible de cette affectation, les lignes directrices de la Commission indiquent que cette notion vise à limiter l’applicabilité du droit de l’Union aux accords et pratiques qui sont susceptibles d’avoir des effets « d’une certaine ampleur »128. En vertu de ce même texte et de la jurisprudence de la Cour de cassation, « [l]’appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l’accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause »129.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
118. Au cas d’espèce, il apparaît que les conditions nécessaires à l’affectation sensible du commerce entre États membres ne sont que partiellement remplies.
119. Les pratiques visées concernent les conditions d’approvisionnement en mélasse des distilleries de La Réunion. Or, comme cela est développé plus en détail infra (voir paragraphes 134 et suivants), ces distilleries ne peuvent, pour la partie la plus essentielle de leurs besoins, utiliser de mélasse produite sur d’autres territoires français ou à l’étranger.
120. La mélasse permet aux distilleries de La Réunion de produire du rhum traditionnel et d’autres alcools, et cette production est commercialisée au niveau local, en France métropolitaine et à l’exportation. Dès lors qu’une partie de cette production est commercialisée dans d’autres États membres, il existe des échanges entre États membres portant sur le produit concerné par la pratique dénoncée et le premier critère est donc rempli.
121. Néanmoins, il apparaît que les pratiques ne sont pas de nature à affecter de façon sensible les échanges entre États membres. Le grief n° 1 vise une pratique de différenciation tarifaire dont l’impact ne concernerait que la commercialisation du rhum traditionnel sur le marché local. Une des deux clauses visées par le grief n°2 ne concerne que la revente de mélasse au niveau local, l’autre étant relative aux conditions de dénonciation du contrat d’approvisionnement. Enfin et surtout, les pratiques sont géographiquement limitées à un territoire local et ultramarin, de sorte qu’elles ne sont pas susceptibles de détourner les courants d’échanges transfrontaliers au sein de l’Union. Le commerce entre États membres ne peut nécessairement pas être affecté de façon sensible.
122. En conséquence, le droit de l’Union n’est pas applicable au cas d’espèce. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par la mise en cause.
C. SUR LA POSITION DOMINANTE DE TOI
123. Il convient de définir le marché pertinent (1.) avant de déterminer si l’entreprise mise en cause est en situation de position dominante (2.).
1. SUR LA DELIMITATION DU MARCHE
a) Les principes applicables
124. L’application de l’article L. 420-2 du code de commerce, qui prohibe les pratiques d’abus de position dominante, requiert, à titre liminaire, que le marché pertinent soit précisément défini. En effet, « la définition adéquate du marché pertinent est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel, puisque, avant d’établir l’existence d’un abus de position dominante, il faut établir l’existence d’une position dominante sur un marché donné, ce qui suppose que ce marché ait été préalablement délimité »130.
125. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause, auxquelles se référent la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationales131, la Commission rappelle qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »132. L’appréciation de la substituabilité se fait généralement du côté de la demande, « facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné », mais elle peut également tenir compte de la substituabilité du côté de l’offre133.
126. Suivant la même approche, l’Autorité estime que « Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (…) Une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil regarde comme substituables, et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »134.
127. Dans sa dimension géographique, le marché est constitué par « le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable »135.
b) Le marché de l’approvisionnement en mélasse
128. TOI soutient que le marché de la mélasse devrait être défini comme un marché de produits unique, incluant des mélasses issues de la canne à sucre, mais aussi celles issues de la betterave à sucre ; de plus, le marché géographique serait de dimension mondiale. Au soutien de sa position, TOI invoque des décisions d’autorisation de concentration prises par le ministre de l’économie136, l’Autorité137, et la Commission européenne138.
129. S’agissant premièrement de la définition du marché en termes de produits, il convient de rappeler que la mélasse est un produit issu du raffinage du sucre, ainsi qu’il résulte des constatations présentées aux paragraphes 6 à 14 ci-dessus. Elle constitue le principal intrant dans la production du rhum traditionnel de sucrerie. Outre la production d’alcool, la mélasse est également utilisée pour la production de levure et l’alimentation animale.
130. À cet égard, il apparaît que les décisions invoquées par TOI, adoptées dans le cadre du contrôle des concentrations, ont toutes laissé ouverte la question de savoir s’il était nécessaire de définir un marché unique de la mélasse, lequel comprendrait notamment les mélasses produites à partir de canne à sucre et les mélasses produites à partir de betteraves à sucre. On peut noter, au surplus, que dans ces décisions la question de la segmentation du marché en fonction de l’origine de la mélasse et de sa destination avait été envisagée. Ainsi, le test de marché dans l’affaire ABF/Azucarera a confirmé que les mélasses produites à partir de canne à sucre et les mélasses produites à partir de betterave à sucre pouvaient, dans une certaine mesure, être substituables pour les éleveurs, mais pas pour les distilleries139.
131. Dans sa pratique contentieuse, le Conseil de la concurrence (ci-après le « Conseil ») a précédemment retenu, dans une décision du 24 octobre 2001, l’existence d’un marché limité à la mélasse issue de la seule canne à sucre cultivée à La Réunion140. Le Conseil a relevé qu’il existait notamment une demande spécifique des producteurs de boissons alcoolisées installés à La Réunion. En effet, ces producteurs étaient tenus d’utiliser de la mélasse locale pour répondre aux préférences des consommateurs locaux, ainsi qu’à la nécessité d’afficher, sur les autres marchés, la provenance de leurs produits. Il a indiqué que « bien que la mélasse de canne à sucre fasse l’objet d’un commerce international et que d’autres produits intermédiaires puissent être utilisés pour fabriquer des punchs ou des liqueurs, il existe une demande spécifique d’alcools issus de mélasse réunionnaise adressée par les fabricants de punchs et liqueurs installés à La Réunion aux distillateurs de ce département »141.
132. S’agissant, deuxièmement, de la définition du marché géographique, les décisions de concentration invoquées par TOI ont laissé la question ouverte, tout en retenant, pour les besoins de l’espèce, une définition européenne ou internationale « compte tenu de l’absence de quotas de production et des flux d’échanges internationaux importants qui caractérisent [la mélasse] »142. L’approvisionnement en mélasse à La Réunion étant caractérisé par l’absence d’importations et par des exportations limitées, un tel raisonnement n’est pas pertinent en l’espèce.
133. Dans la présente affaire, les éléments du dossier confirment qu’il est pertinent de définir un marché de la mélasse réunionnaise à destination des distilleries. En effet, il existe une demande spécifique des distilleries réunionnaises pour un approvisionnement en mélasse issue de canne à sucre cultivée à La Réunion.
134. Tout d’abord, les distilleries sont tenues, pour produire du rhum traditionnel « de la Réunion », d’utiliser de la mélasse de La Réunion. En effet, comme indiqué plus haut, la production de rhum « traditionnel » implique l’utilisation de matières premières « exclusivement originaires du lieu de production considéré »143. En accord avec cette exigence, le rhum traditionnel réunionnais fait l’objet d’une réglementation spécifique en vertu de laquelle un rhum ne peut porter l’indication géographique protégée (ci-après, « IGP ») « Rhum de La Réunion » qu’à la condition qu’il ait été produit à partir du « matériel végétal » issu de La Réunion144. Par conséquent, la mélasse produite à La Réunion n’est pas substituable à la mélasse produite en dehors de La Réunion pour la production de rhum traditionnel de La Réunion. En conséquence, les producteurs de rhum ne peuvent en aucun cas, pour cette production, importer de la mélasse d’autres territoires afin de profiter, par exemple, des évolutions à la baisse du marché mondial ou répondre à des pénuries liées à des évènements météorologiques145.
135. En outre, il ressort des éléments du dossier qu’en pratique les distilleries implantées à La Réunion n’importent pas, ou très exceptionnellement, de mélasse produite sur d’autres territoires, que ce soit pour produire du rhum traditionnel ou d’autres alcools. Ce constat peut être fait depuis au moins 2011.
136. Tereos a indiqué en séance que des importations ont pu avoir lieu avant 2011, à la suite d’épisodes de faibles récoltes sur l’île. Toutefois, les éléments du dossier indiquent que de telles importations ne peuvent qu’être marginales.
137. En effet, pour les distilleries réunionnaises, les importations ne pourraient constituer, tout au plus, qu’une partie insignifiante de leurs besoins. Elles ne peuvent pas, comme rappelé ci-avant, concerner la production de rhum traditionnel de La Réunion, alors que cette production représente, en valeur ajoutée, la partie la plus importante de la production des distilleries. Par exemple, dans le cas de DSAV, le rhum traditionnel protégé sous l’IGP « rhum de La Réunion » compte pour environ [35-40 %] des volumes produits 146 mais représente environ [75-80 %] de son chiffre d’affaires147.
138. De plus, les avantages fiscaux, décrits ci-avant aux paragraphes 15 à 19, ne bénéficient qu’aurhum traditionnel fabriqué à partir de mélasse locale. L’utilisation de mélasses autres que la mélasse de La Réunion ferait perdre aux distilleries cette fiscalité avantageuse. Comme l’indique TOI elle-même148, le marché local est très rentable du fait du différentiel de fiscalité qui y est attaché149, et il est donc peu probable que DSAV renonce à cette indication géographique. La première préoccupation des distilleries est donc de s’approvisionner en mélasse locale, laquelle va leur permettre de produire le rhum traditionnel de La Réunion.
139. S’il est vrai que les distilleries peuvent, en théorie, s’approvisionner en mélasse d’importation pour une partie de leur production qui porte sur des punchs, rhums légers, etc., lesquels représentent environ [60-65] % des volumes produits par DSAV150, en pratique, elles ne le font pas. Au contraire, pour toute cette partie de leurs besoins, elles préfèrent s’approvisionner en mélasse locale, quand bien même les prix de celle-ci sont supérieurs aux cours mondiaux151, ce qui confirme qu’il existe une demande spécifique en mélasse locale de la part des distilleries de La Réunion.
140. Cette demande spécifique des distilleries de La Réunion diffère de celle des autres acheteurs de mélasse. En effet, TOI vend également la mélasse qu’elle produit à La Réunion à des éleveurs présents sur l’île, qui utilisent la mélasse pour l’alimentation animale. L’excédent de la production de mélasse de La Réunion est exporté. Ces autres acheteurs s’approvisionnent à des conditions très différentes de celles applicables aux distilleries, et plus particulièrement à des prix beaucoup moins élevés. Il résulte ainsi de l’instruction que les éleveurs paient la mélasse réunionnaise à un prix moyen inférieur de 12 % à 31 % à celui payé par les distilleries152. Ils n’importent pas non plus de mélasse, en raison de la disponibilité immédiate du produit réunionnais, de la proximité de l’unité de production, des quantités suffisantes disponibles sur l’île et des coûts supplémentaires qu’engendrerait la gestion de stocks de mélasses importées153. La mélasse réunionnaise qui est exportée correspond aux volumes qui, le cas échéant, n’ont pas été vendus sur le marché local. Elle est vendue à un prix moyen inférieur de 48 % et 57 % au prix moyen payé par les distilleries154.
141. Il résulte de ce qui précède qu’il existe une demande spécifique des distilleries pour la mélasse produite à partir de la canne à sucre cultivée à La Réunion.
142. En conclusion, il convient de définir un marché pertinent de la mélasse produite à partir de canne à sucre cultivée à La Réunion à destination des distilleries locales.
2. LA POSITION DOMINANTE DE TOI
143. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « CJUE »), reprise par l’Autorité, la position dominante est définie comme une « position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs »156.
144. L’existence d’une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants157.
145. Parmi ces facteurs, l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative158. Ainsi, il est de jurisprudence constante que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. Selon la jurisprudence de la CJUE, une part de marché de 50 % constitue par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante159.
146. D’autres indices que les parts de marché sont pris en compte dans la détermination de la position dominante. Il y a lieu de mentionner en particulier l’existence de barrières à l’entrée ou de barrières à l’expansion, et la puissance d’achat compensatrice des clients160.
147. En l’espèce, depuis l’acquisition du Groupe Quartier Français en 2010, TOI se trouve en position de monopole sur le marché réunionnais de l’approvisionnement en mélasse de La Réunion destinée aux distilleries. TOI contrôle en effet les deux sucreries de l’île, la Sucrerie de Bois Rouge et la Sucrière de La Réunion, lesquelles achètent la quasi-totalité des récoltes de canne à sucre cultivée à La Réunion. TOI est ainsi le seul fournisseur de mélasse produite à partir de canne à sucre cultivée à La Réunion. TOI détient dès lors 100 % du marché de la mélasse réunionnaise vendue aux distilleries.
148. Cette position de monopole apparaît peu contestable. En effet, la construction d’une nouvelle sucrerie sur l’île apparaît peu probable, dans la mesure où, ainsi que l’a indiqué TOI, la production sucrière est une activité structurellement déficitaire à La Réunion161.
149. De plus, ainsi qu’il est précisé ci-avant au paragraphe 134, les distilleries réunionnaises qui achètent de la mélasse à TOI ne disposent d’aucune source alternative pour leur approvisionnement en mélasse pour la production de rhum traditionnel de sucrerie. En effet, la production de rhum traditionnel avec l’IGP « Rhum de La Réunion » nécessite que la mélasse soit issue de canne à sucre cultivée à La Réunion, et cette production constitue, comme il a été indiqué ci-dessus, l’activité la plus rentable des distilleries. De surcroît, même pour les volumes de mélasse destinés à la production d’autres alcools, les distilleries n’ont procédé à aucune importation de mélasse dans les 10 dernières années.
150. TOI soulève huit arguments principaux visant à contester qu’elle se trouve en position dominante.
151. En premier lieu, TOI relève que la détention des sucreries par un seul opérateur, ainsi que le système de différenciation tarifaire de la mélasse en fonction de la fiscalité applicable au rhum, existe également dans d’autres DROM, sans que cela fasse l’objet d’une remise en cause.
152. Cet argument est inopérant, dès lors que seul l’abus de position dominante est répréhensible, et non la seule détention d’une position dominante. Il n’est par conséquent pas possible d’écarter la position dominante de TOI sur le marché de la mélasse réunionnaise vendue aux distilleries au motif qu’aucune pratique susceptible de constituer un abus de position dominante n’ait été identifiée dans d’autres DROM. De même, l’existence d’un système de différenciation tarifaire de la mélasse en fonction de la fiscalité applicable au rhum dans d’autres territoires que La Réunion ne saurait conduire à écarter en l’espèce la qualification de position dominante.
153. En deuxième lieu, TOI invoque la décision Tereos/Groupe Quartier Français162, dans laquelle l’Autorité aurait reconnu que les conditions économiques d’approvisionnement en canne à sucre à La Réunion ne permettent pas aux sucreries d’exercer une puissance d’achat à l’égard des planteurs.
154. Cet argument est également inopérant, dès lors qu’il ne porte que sur la puissance d’achat en amont des sucreries. En effet, au paragraphe 92 de la décision invoquée par TOI, l’Autorité a constaté que la réglementation européenne, l’accord conclu entre les planteurs et les sucriers pour garantir le maintien de la production (par un système de quotas), et la compensation intégrale de la baisse des prix par un système de subventions et de prix d’achat fixe, « ne permettent pas aux sucreries d’exercer une puissance d’achat à l’égard des planteurs », soit en amont163. Ce constat ne permet de tirer aucune conclusion quant au pouvoir de marché dont TOI pourrait disposer à l’égard des distilleries, situées en aval.
155. En troisième lieu, TOI soutient que les distilleries possèdent une puissance d’achat compensatrice telle qu’elle remet en cause l’existence d’une éventuelle position dominante de sa part. Elle fait valoir que les distilleries représentent une partie significative des débouchés de mélasse pour les deux sucreries de l’île et que de plus DRM et DSAV ont conclu un accord pour négocier ensemble leurs conditions d’approvisionnement en mélasse.
156. Ces arguments doivent être écartés.
157. Tout d’abord, comme la mélasse est un coproduit (à moins forte valeur ajoutée) du sucre, les volumes de mélasse produits par les sucreries de TOI sont le résultat nécessaire de la production de sucre, et ces volumes apparaissent indépendants des débouchés qui lui sont spécifiques. En outre, si les distilleries, prises ensemble, comptent, certes, pour certaines années, jusqu’à 90 % des ventes de mélasse de TOI164, ce dernier est le seul offreur de mélasse pour ces distilleries. Dans cette situation, qui pourrait au mieux s’apparenter à celle d’un « monopole bilatéral » (c’est-à-dire une situation où deux cocontractants se trouvent mutuellement en situation de monopole), il convient d’apprécier le pouvoir de négociation de TOI d’un côté, et des distilleries de l’autre.
158. À cet égard, TOI soutient que DSAV pourrait rompre le contrat d’approvisionnement qui les lie et cesser de lui acheter de la mélasse. TOI prétend que cela le priverait d’un débouché d’autant plus crucial que les sucreries n’auraient, pas de débouché alternatif crédible, les autres distilleries n’ayant pas les capacités pour absorber les volumes en question, et les ventes aux éleveurs et les exportations n’étant pas aussi rentables.
159. Toutefois, TOI ne met pas en avant d’éléments suffisants au soutien de cet argument. Si les ventes aux éleveurs et les exportations ne lui permettent pas d’appliquer des tarifs aussi élevés que pour les distilleries, TOI n’apporte néanmoins aucun élément de nature à démontrer que ces ventes, certes moins avantageuses que les ventes aux distilleries, ne seraient pas pour autant rentables.
160. Il apparaît, réciproquement, que le scénario d’un refus, de la part de l’une des distilleries, d’acheter la mélasse produite par les sucreries de TOI n’est pas crédible. En effet, il n’existe pas d’autres intrants qui leur permettraient de se passer de la mélasse de TOI. TOI relève d’ailleurs dans ses écritures que les différentes clauses du contrat du 3 février 2012 étaient justifiées par la nécessité de garantir aux distilleries des approvisionnements de mélasse sur le long terme, ce qui confirme que la question de la continuité des approvisionnements de la part de TOI était une préoccupation réelle des distilleries165.
161. La menace que les distilleries recourent à des importations n’est pas, par ailleurs, crédible. Un tel changement d’approvisionnement ferait perdre à la distillerie la possibilité de produire du rhum traditionnel, qui plus est sous l’IGP « Rhum de La Réunion ». La distillerie perdrait ainsi le bénéfice de la fiscalité dérogatoire décrite ci avant aux paragraphes 15 à 19, renonçant ainsi à la partie la plus rentable de son activité.
162. Le scénario d’un passage à la production de rhum agricole à la place du rhum traditionnel de sucrerie, mis en avant par TOI, n’est pas davantage convaincant. Produire du rhum agricole implique de produire le rhum directement à partir du jus de canne en s’approvisionnant en canne à sucre directement auprès de planteurs, ce qui permettrait, éventuellement, de « court-circuiter » le producteur de mélasse. Toutefois, ce scénario n’est pas crédible – du moins à grande échelle. Le rhum réunionnais est traditionnellement un rhum de sucrerie. Chacune des trois distilleries de l’île produit un peu de rhum agricole166, mais leurs volumes de production sont négligeables167. La demande pour ce type de rhum est extrêmement limitée, en particulier sur le marché local. De plus, dans la mesure où les planteurs ont déjà un débouché garanti avec les sucreries, l’intérêt pour eux de vendre en direct à grande échelle aux distilleries paraît incertain. Il est enfin peu probable que le passage à la production de rhum agricole soit suffisamment rentable pour une distillerie. Les parties ont, à cet égard, admis en séance que les coûts de production étaient plus élevés pour le rhum agricole que pour le rhum traditionnel de sucrerie. De surcroît, le passage au rhum agricole ferait perdre à la distillerie le bénéfice de la fiscalité dérogatoire, laquelle est, pour La Réunion, réservée au rhum traditionnel. Si TOI prétend que le rhum agricole de La Réunion pourrait obtenir les mêmes dérogations que le rhum agricole des Antilles, cette perspective apparaît toutefois très incertaine, puisque le rhum agricole de La Réunion existe déjà mais ne bénéficie pas de ce statut.
163. Enfin, le fait que DSAV et DRM se soient engagées à négocier collectivement leur approvisionnement en mélasse auprès de TOI n’est pas de nature à leur conférer une puissance d’achat compensatrice suffisante. En vertu du Protocole du 19 décembre 2012, DSAV et DRM se sont engagées à ne pas négocier directement et individuellement avec TOI de conditions particulières d’approvisionnement, et à ne pas prendre de décision relative au contrat de fourniture (y compris toute modification de celui-ci) sans concertation entre elles. Toutefois, il ressort des clauses du contrat du 3 février 2012 que ni DSAV ni DRM ne peuvent facilement mettre fin au contrat pour renégocier les tarifs applicables168. Par ailleurs, l’engagement de DSAV et de DRM de ne pas négocier unilatéralement avec TOI limite également la possibilité de chacune de renégocier individuellement avec TOI.
164. Il apparaît ainsi que les distilleries ne disposent pas d’une puissance d’achat compensatrice suffisante pour priver TOI de sa position dominante sur le marché de la mélasse de La Réunion vendue aux distilleries.
165. En quatrième lieu, l’entreprise TOI prétend qu’elle peut d’autant moins imposer ses tarifs que les possibilités de révision des tarifs prévues par le contrat du 3 février 2012 sont extrêmement encadrées et que le contrat prévoit le recours à un « tiers expert » en cas de désaccord entre les parties.
166. Cet argument doit être écarté. L’article 7 du contrat du 3 février 2012 prévoit en effet la possibilité de réviser les tarifs uniquement en cas de modification du système de contingent pour le rhum traditionnel vendu en métropole ou de modification du système de fiscalité privilégiée prévue pour le rhum traditionnel vendu localement. Toutefois, le fait que TOI ne soit pas en mesure d’augmenter unilatéralement ses prix ne signifie pas que TOI ne dispose pas d’une position dominante, ni a fortiori qu’il n’ait pas été en position dominante au moment de conclure de contrat. Quant au recours à un « tiers expert », il n’est prévu qu’en cas de désaccord dans le cadre d’une révision consécutive à une modification du système de contingent ou de la fiscalité privilégiée dont bénéficie le rhum traditionnel respectivement vendu en métropole et à La Réunion. En tout état de cause, il ressort certes des clauses du contrat du 3 février 2012 invoquées par TOI que cette dernière ne peut pas augmenter unilatéralement ses prix. Toutefois, cela n’exclut pas que les prix aient déjà été fixés à un niveau supra-concurrentiel du fait de la position dominante de TOI. Enfin DSAV et DRM ne peuvent pas davantage renégocier à la baisse les tarifs prévus (sauf modification de la fiscalité).
167. En cinquième lieu, TOI invoque le fait que le groupe RDR est en position dominante sur le marché de la commercialisation du rhum réunionnais consommé localement, et que DSAV (et les distilleries dans leur ensemble) est plus rentable que les sucreries.
168. Cet argument est également inopérant. Comme cela sera développé plus amplement ci-dessous aux paragraphes 225 et 244 à 251, il est vrai que RDR possède non seulement DSAV, mais aussi, via le GIE Rhums Réunion, la marque Charrette, qui est la marque la plus réputée de rhum traditionnel de La Réunion. Les ventes du rhum Charrette comptent pour plus de 85 % des ventes sur le marché réunionnais de la commercialisation de rhum (hors MDD)169. Néanmoins, à supposer même que le GIE Rhums Réunion possède une position dominante en aval sur le marché réunionnais de la commercialisation de rhum (hors MDD), cette position dominante n’est pas de nature à remettre en cause celle détenue par les sucreries en amont sur le marché de la mélasse réunionnaise. De même, il est vrai que DSAV réalise des marges supérieures à celles des sucreries, mais ce seul fait n’est pas de nature à remettre en cause la position dominante de TOI. La concurrence à laquelle DSAV est soumis, les pratiques de tarification internes de DSAV (en particulier lors de la vente de l’alcool pur au GIE Rhums Réunion), ou encore l’élasticité-prix de la demande qui s’adresse à DSAV peuvent, de fait, conduire à des marges plus élevées pour DSAV que pour les sucreries ; pour autant, cela n’exclut pas que les sucreries disposent également d’un pouvoir de marché.
169. En sixième lieu, TOI soulève que DSAV appartient à un groupe verticalement intégré. Cet argument est inopérant puisque quand bien même DSAV et le GIE Rhums Réunion seraient pleinement intégrés en aval, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la position dominante de TOI en amont.
170. En septième lieu, TOI soutient qu’une position dominante ne peut pas être identifiée, compte tenu du manque de rentabilité des sucreries par rapport aux distilleries.
171. Cependant, les résultats présentés par les sucreries concernent leur activité dans leur ensemble. Or, la mélasse ne constitue qu’un coproduit du sucre, et ne représente qu’une faible part de l’activité totale des sucreries. Le fait que les sucreries fassent, sur l’ensemble de leur activité, des pertes n’est donc pas de nature à démontrer que TOI ne serait pas en position dominante sur le marché de l’approvisionnement en mélasse réunionnaise à destination des distilleries, compte tenu des éléments retenus plus haut pour établir cette dernière.
172. Enfin et en huitième lieu, TOI soutient que, si l’une des distilleries cessait d’acheter de la mélasse aux sucreries, ces dernières seraient dans l’obligation de vendre leurs excédents de mélasse à bas prix, dans la mesure où les capacités de stockage seraient insuffisantes.
173. Cet argument apparaît hypothétique. Il est fort peu probable que les distilleries cessent d’acheter de la mélasse, dans la mesure où il s’agit pour elle d’un intrant indispensable pour produire du rhum traditionnel de La Réunion. Du reste, la production de mélasse de TOI dépasse la demande des distilleries, et TOI dispose déjà d’autres débouchés pour cet excédent (éleveurs, exports…). Enfin, TOI ne fournit aucun élément prouvant qu’il ne serait pas possible d’investir dans des capacités de stockage supplémentaires.
174. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que TOI est en position dominante sur le marché de l’approvisionnement de la mélasse produite à partir de canne à sucre cultivée à La Réunion vendue à destination des distilleries locales.
D. SUR LE FOND
175. Seront successivement examinés le grief n° 1 relatif à la discrimination tarifaire (1.) et le grief n° 2 relatif à certaines clauses du contrat d’approvisionnement (2.).
1. SUR LE GRIEF N° 1 RELATIF A LA DISCRIMINATION TARIFAIRE
176. Il est reproché, au titre du grief n° 1, à TOI et aux Sucreries d’avoir, pour l’approvisionnement en mélasse de La Réunion, abusé de leur position dominante envers DSAV en lui appliquant des prix de vente discriminatoires.
177. Après une brève présentation du cadre juridique applicable (a), il conviendra d’examiner si les conditions d’une discrimination tarifaire sont réunies en l’occurrence (b à d).
a) Rappel du cadre juridique
178. Quand elles sont le fait d’une entreprise en position dominante, les pratiques de discrimination sont expressément prohibées par l’article L. 420-2 du code de commerce. Cet article prévoit en effet : « Est prohibée (…) l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en (…) conditions de vente discriminatoires ».
179. Cette interdiction trouve son pendant en droit de l’Union à l’article 102, deuxième alinéa, sous c), du TFUE, lequel précise que les pratiques abusives peuvent notamment consister à « appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ».
180. La jurisprudence, faisant application de ces dispositions, souligne que, si l’existence d’une position dominante n’est pas en soi condamnable, cette situation impose à l’entreprise qui la détient une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée170. Or, selon la Cour de justice, l’interdiction des pratiques discriminatoires quand elles sont le fait d’entreprises en position dominante a précisément pour objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée171.
181. Ainsi que le relève de manière constante l’Autorité, « [l]es pratiques discriminatoires peuvent être restrictives de concurrence lorsqu’elles ont pour objet ou pour effet d’évincer un concurrent du marché (atteinte de premier niveau) mais aussi lorsque des clients de l’entreprise en position dominante se voient désavantagés dans la concurrence sur leur propre marché (atteinte de second niveau) »172.
182. Ainsi, les comportements discriminatoires abusifs peuvent relever de deux situations.
183. La discrimination peut d’abord consister à renforcer de manière artificielle le pouvoir de marché de l’entreprise qui la met en œuvre sur le marché dominé ou sur un autre marché(discrimination de premier niveau). Cette situation peut, par exemple, apparaître lorsqu’une entreprise verticalement intégrée bénéficie d’un accès privilégié à certains intrants qu’elle contrôle en amont et qui sont utiles, voire indispensables, à l’exercice d’une activité aval sur laquelle elle est également présente. Un comportement de ce type relève de la catégorie des abus dits d’éviction, en ce qu’il découle de la stratégie d’une entreprise dominante qui tire parti du pouvoir qu’elle détient sur un marché pour affaiblir, discipliner voire évincer un ou plusieurs de ses concurrents173.
184. La discrimination peut aussi porter atteinte au jeu concurrentiel sans que l’entreprise qui la met en œuvre soit directement partie prenante sur le marché affecté (discrimination de second niveau). Par des différences de traitement injustifiées, l’entreprise en position dominante peut, par exemple, du fait de la position particulière qu’elle occupe à l’égard d’acteurs situés à un autre stade de la production, qu’ils soient ses partenaires, clients ou fournisseurs, avantager ou désavantager de manière artificielle certains de ces acteurs par rapport à d’autres. Comme l’a précisé la Cour de justice, « [l]e comportement commercial de l’entreprise en question ne doit pas fausser a concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c’est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu’ils se livrent entre eux »174. En déséquilibrant les chances des différents offreurs dans la compétition, l’entreprise en position dominante prive le marché et, in fine, les consommateurs des bénéfices de l’exercice d’une concurrence par les mérites. Ce type de comportement relève de la catégorie des abus dits d’exploitation, en ce qu’il procède de la mobilisation d’un pouvoir de marché d’une manière tendant à porter atteinte au bon fonctionnement des marchés, au-delà du seul intérêt de l’entreprise en cause175.
185. En conséquence, selon la jurisprudence de la Cour de justice, une pratique discriminatoire de second niveau constituera un abus de position dominante si elle crée un désavantage dans la concurrence, c’est-à-dire si « elle tend à fausser ce rapport de concurrence » entre les entreprises qui font l’objet de ce traitement discriminatoire176.
186. Ainsi, pour conclure à l’existence d’une pratique discriminatoire abusive de la part d’une entreprise en position dominante, il convient d’examiner tout d’abord si (b.) l’entreprise en position dominante a appliqué des conditions inégales à des prestations équivalentes, et si (c.) cette discrimination a entraîné un désavantage dans la concurrence177. Enfin, il convient d’examiner si (d.) une telle pratique peut être objectivement justifiée178. Ces conditions sont examinées successivement ci-après au regard des circonstances de l’espèce.
b) Application de conditions inégales à des prestations équivalentes
Les principes applicables
187. Un traitement discriminatoire consiste à traiter de manière différente des partenaires commerciaux qui sont dans des situations identiques, ou de manière identique des partenaires commerciaux qui sont dans des situations différentes179. En conséquence, un traitement discriminatoire « consiste, pour un acteur en position dominante, à appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes », étant entendu qu’il reste loisible à un opérateur en position dominante de traiter différemment des partenaires se trouvant dans des situations différentes180.
188. Dans la mesure où c’est le comportement de l’entreprise en position dominante qui est à analyser, l’équivalence de situation entre opérateurs économiques doit s’apprécier au regard de leur situation à l’égard de celle-ci181. Il importe ainsi d’examiner s’ils reçoivent de sa part des prestations équivalentes. Il n’est, en revanche, pas pertinent de comparer la situation respective des opérateurs économiques au moment où ils ont, chacun, contracté avec l’entreprise en position dominante pour recevoir des prestations équivalentes182. Les prestations reçues de l’entreprise en position dominante seront, en revanche, considérées comme différentes quand il résulte de leur nature même des conditions contractuelles différentes, comme par exemple des durées différentes de contrat183.
189. Les conditions appliquées par l’entreprise en position dominante aux prestations équivalentes fournies à chacun de ses partenaires économiques s’apprécient in concreto et en tenant compte des spécificités pertinentes de ces prestations184.
Application au cas d’espèce
Sur l’équivalence de situation
190. TOI soutient que DSAV et Isautier ne sont pas dans une situation équivalente. Elle invoque à cet égard trois arguments. Tout d’abord, elle prétend que DSAV et Isautier ont une structure de coûts différente et appartiennent à des groupes structurés différemment. Elle allègue également que les contrats passés par TOI avec DSAV d’un côté, et avec Isautier de l’autre, ont été conclus à des périodes éloignées et dans des contextes différents. Enfin, TOI affirme que les mélasses qu’elle fournit à DSAV et à Isautier sont de qualité différente.
191. À titre liminaire, il importe de préciser que l’analyse de TOI procède d’une interprétation erronée de la notion de « situation équivalente », telle que définie supra au paragraphe 188. Il ne s’agit pas d’examiner si les opérateurs en question sont dans une situation identique, mais s’ils reçoivent des prestations équivalentes de la part de l’entreprise en position dominante. Dès lors, pour les motifs présentés ci-dessous, les arguments avancés par TOI doivent être écartés
192. Tout d’abord, les différences de structure de coûts et de structure de groupe entre DSAV et Isautier ne sont pas pertinentes puisqu’elles ne sont pas de nature à affecter le type de prestations fournies par TOI. Au surplus, on peut remarquer que, s’il fallait prendre en compte le fait que DSAV achète des volumes plus importants qu’Isautier, cela pourrait justifier des remises de quantité, et donc des prix plus bas applicables à DSAV, et non des prix plus élevés.
193. Le fait que les accords conclus respectivement avec DSAV et Isautier l’aient été à des époques différentes et dans un contexte différent n’est pas davantage pertinent. Le grief notifié concerne les prestations fournies par TOI à compter du 19 décembre 2012. Or, sur toute cette période, TOI a fourni à DSAV et Isautier des prestations équivalentes, nonobstant le fait que les contrats en vigueur aient été négociés à une époque différente.
194. S’agissant des différences de qualité des mélasseslivrées respectivement à DSAV et Isautier, il est attesté que DSAV et Isautier s’approvisionnent presque exclusivement auprès de deux sucreries différentes. DSAV s’approvisionne auprès de la Sucrerie de Bois Rouge, laquelle est située sur le même site que sa distillerie. Isautier s’approvisionne auprès de la Sucrière de La Réunion, située non loin de sa distillerie.
195. Il est également établi que la mélasse produite par la Sucrerie de Bois Rouge est d’une qualité légèrement différente de celle produite par la Sucrière de La Réunion185. Selon COFEPP, Isautier et TOI, le fait que la Sucrière de La Réunion soit localisée au sud-ouest de l’île la contraint à avoir sa campagne sucrière vers la fin de l’année civile, au moment où il fait le plus chaud. Il en résulte que la mélasse produite par la Sucrerie de Bois Rouge est plus riche en sucre186. Cela facilite le processus de distillation et permet d’obtenir de meilleurs rendements pour les distilleries. À cela s’ajoute le fait que la Sucrerie de Bois Rouge emploie un procédé de fabrication différent de celui de la Sucrière de La Réunion187.
196. Il en résulte que DSAV reçoit de la part de TOI une mélasse de qualité supérieure à celle qui est fournie à Isautier. Cette différence de qualité conduit à un meilleur rendement, c’est-à-dire à une production d’alcool en distillerie supérieure par kilogramme de mélasse consommé. Les parties ont avancé des estimations dissemblables de cette différence de rendement :
- selon TOI, la différence est de l’ordre de 15 à 20 %188 ;
- selon RDR, cette différence serait de l’ordre de 10 %189 ;
- selon la société COFEPP, cette différence serait de 10-15 %190 ;
- selon Isautier, cette différence serait de l’ordre de 20 %191.
197. Isautier ajoute que cette différence a également un impact important sur le temps de fermentation et les autres coûts de production : « Cet écart (de rendement) est majeur car au-delà de l’impact sur la mélasse elle-même, il impacte l’ensemble du process qui est plus lent. Ainsi, pour obtenir le même litre de rhum, il faudra 20 % de mélasse de plus mais également 20 % de temps de fermentation et donc de salaire de plus, 20 % de charges générales, etc. »192. En conséquence, TOI soutient que le prix contractuel de la mélasse payé par Isautier sous-estime le prix « réel » de la mélasse qu’il acquiert auprès de la Sucrière de La Réunion.
198. Si cette circonstance peut justifier une certaine différenciation tarifaire, elle ne permet pas pour autant d’en déduire que les prestations ne sont pas équivalentes. À cet égard, la différence de rendement entre les sucreries ne permet pas d’expliquer les différences de prix.En effet, la différence de qualité entre les mélasses produites par chacune des deux sucreries de TOI entraîne une différence de rendement (soit la quantité de mélasse nécessaire pour produire un litre d’alcool pur) qui peut se chiffrer, au vu des estimations rappelées ci-dessus,entre 10 % et 20 %. Or, il est constaté que DSAV paie plus de 4 fois plus cher la mélasse à destination de la production de rhum traditionnel de sucrerie destinée au marché local (voir infra, paragraphes 201 et suivants).
199. Ainsi, cette différence de qualité de la mélasse entre les deux sucreries de TOI et donc de rendement n’est pas suffisante pour remettre en cause le constat selon lequel DSAV et Isautier reçoivent de la part de TOI des prestations équivalentes.
Sur le traitement différencié entre DSAV et Isautier
200. Comme il est exposé aux paragraphes 91 à 93, TOI vend de la mélasse produite à base de canne à sucre cultivée à La Réunion à Isautier à un prix unique de 82,10 €/t (pour l’année 2019), quel qu’en soit l’usage.
201. TOI vend à DSAV de la mélasse au prix de 419,58 €/t (pour 2019) quand celle-ci est destinée à la production de rhum traditionnel de sucrerie destinée au marché local. Ce tarif est de 132,52 €/t pour le marché contingenté, et de 60,75 €/t pour les « autres utilisations »193. Ces « autres utilisations » (69,7 % des volumes achetés en 2019) incluent la production de rhum hors contingent, mais également de rhums légers et autres alcools (principalement pour le marché local).
202. Il en résulte que le tarif appliqué par TOI à DSAV est plus de quatre fois supérieur à celui appliqué à Isautier pour la mélasse destinée à produire du rhum traditionnel pour le marché local.
203. Il est également attesté que TOI n’a pas tenté de renégocier les conditions applicables à la fourniture de mélasse à Isautier entre 2012 et 2017194, ni proposé à DSAV de modifier les tarifs qui lui étaient applicables.
204. Dans ce contexte, TOI soutient que DSAV n’est pas légitime à invoquer un traitement discriminatoire à son encontre et invoque à cet égard plusieurs arguments.
205. À titre liminaire, TOI relève que les tarifs ont été conclus de façon bilatérale et que RDR avait bien connaissance des prix au moment de reprendre les actifs de DSAV.
206. Cet argument est inopérant. En effet, ce ne sont pas les tarifs conclus entre TOI et COFEPP, repris par la suite par DSAV, qui font, en eux-mêmes, l’objet du grief, mais la différence tarifaire entre les tarifs pratiqués par TOI avec Isautier et ceux pratiqués avec DSAV. Pour ce qui est de la supposée connaissance des prix par RDR lors de la reprise des actifs de DSAV, un comportement peut constituer un abus de position dominante quand bien même il aurait fait l’objet d’un contrat avec les partenaires économiques de l’entreprise en position dominante195.
207. TOI soutient par ailleurs que DSAV est mal fondée à prétendre à l’existence d’un désavantage tarifaire sur le marché local par rapport à Isautier pour la mélasse destinée à la production de rhum traditionnel sur le marché local ou le marché contingenté, alors que DSAV bénéficie de tarifs plus avantageux qu’Isautier pour la mélasse destinée à d’autres usages. DSAV bénéficie en effet, pour ces autres usages, de tarifs calculés sur une base de 55 €/t pour 2011. Une fois actualisé pour 2019, ce tarif s’élève à 60,75 €/t. Il est ainsi inférieur au tarif unique payé par Isautier pour toute la mélasse qu’elle achète, quel qu’en soit l’usage (82,10 €/t pour 2019). TOI souligne que cet avantage tarifaire concédé à DSAV concerne des volumes beaucoup plus importants que les autres tarifs, puisque la mélasse destinée à d’autres usages représente [65-75] % des approvisionnements de DSAV. À titre de comparaison, la mélasse destinée à la production de rhum traditionnel pour le marché local représente [10-15] % des volumes achetés par DSAV.
208. Ces arguments ne sont pas davantage fondés. En effet, l’existence éventuelle d’autres discriminations tarifaires de second niveau ne saurait justifier une première discrimination abusive. En effet, l’existence de ces discriminations supplémentaires ne suffit pas à établir que le comportement de l’entreprise en position dominante ne fausse pas la concurrence. Dans la présente affaire, l’avantage tarifaire en cause concerne l’approvisionnement en mélasse pour la production de rhum traditionnel à destination du marché local. Le fait que DSAV bénéficie de tarifs inférieurs à ceux d’Isautier pour la mélasse destinée à d’autres usages ne saurait conduire à la conclusion d’une absence de discrimination tarifaire concernant l’approvisionnement en mélasse pour la production de rhum traditionnel à destination du marché local.
209. Enfin, TOI soutient que le prix à comparer à celui d’Isautier devrait être, non pas le prix de la mélasse destinée à la production du rhum produit localement par DSAV, mais le prix moyen de la mélasse vendue à DSAV. En effet, selon TOI, même si la fiscalité, et donc les prix de détail du rhum traditionnel dépendent de sa destination (rhum local, contingenté ou « autres utilisations »), il n’existe pas de chaîne de production dédiée à chaque destination de rhum, et la production de rhum pour les trois usages contribue à assurer la rentabilité d’ensemble de la distillerie et à assurer la couverture de ses frais fixes196. Par ailleurs, TOI indique que la facturation aux distilleries est initialement fondée sur un prix moyen et non sur les trois prix par usage, avec un ajustement en fin d’année sur la base des volumes de rhum vendus par destination197.
210. Cet argument doit également être écarté. En effet, le prix moyen utilisé pour la facturation des distilleries ne correspond à aucune réalité économique. Les factures donnent lieu à un ajustement en fonction de la destination finale de la mélasse qui a été utilisée. Le prix moyen n’est utilisé dans le processus de facturation que comme un « prix provisoire ». Ainsi, la mélasse utilisée par DSAV pour produire du rhum traditionnel à destination du marché local sera bien facturée comme telle une fois le « prix définitif » calculé sur la base des volumes de production198. L’utilisation du prix moyen payé par DSAV ne permet pas non plus d’apprécier la manière dont les trois différentiels de prix par rapport aux prix payés par Isautier sont susceptibles d’influer sur le comportement des opérateurs économiques sur chacun des différents segments pertinents relatifs aux différents alcools produits à base de mélasse. En revanche, le fait que le tarif en question ne concerne qu’une partie des volumes achetés à TOI par DSAV est au nombre des circonstances qui pourront être examinées pour l’appréciation d’un éventuel désavantage dans la concurrence.
211. Ainsi, il est établi que DSAV et Isautier reçoivent de la part de TOI des prestations équivalentes, et que, pour ces prestations équivalentes, TOI pratique vis-à-vis de chacune des tarifs différenciés qui sont discriminatoires à l’égard de DSAV.
c) Désavantage dans la concurrence
Les principes applicables
212. Ainsi que cela a été rappelé plus haut au paragraphe 185, pour que le comportement discriminatoire d’une entreprise en position dominante constitue un abus de position dominante, il faut que celui-ci crée un désavantage dans la concurrence au détriment de l’opérateur discriminé. Ainsi un comportement discriminatoire est abusif s’il « tend à fausser ce rapport de concurrence, c’est-à-dire à entraver la position concurrentielle d’une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres »199.
213. La Cour de justice a également eu l’occasion de préciser que « la seule présence d’un désavantage immédiat affectant des opérateurs qui se sont vu infliger des prix supérieurs (…) ne signifie pas pour autant que la concurrence soit faussée ou soit susceptible de l’être »200. Au contraire, « c’est seulement si le comportement de l’entreprise en position dominante tend, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux, que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence peut être considérée comme abusive » (soulignements ajoutés) 201.
214. Afin d’établir l’existence d’une telle distorsion de concurrence, il n’est pas nécessaire de prouver une détérioration effective et quantifiable de la position concurrentielle du partenaire commercial discriminé. L’existence ou l’absence d’un tel désavantage dans la concurrence peut être établie par un examen de l’ensemble des circonstances pertinentes au cas d’espèce202.
215. Il convient donc d’examiner, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, si le comportement discriminatoire « a une influence sur les coûts, sur les bénéfices, ou sur un autre intérêt pertinent d’un ou de plusieurs desdits partenaires de sorte que ce comportement est de nature à affecter ladite position [concurrentielle du partenaire commercial discriminé] » (soulignement ajouté)203.
216. L’impact de la discrimination sur la rentabilité de l’opérateur discriminé peut être un élément pertinent, mais seulement si le manque à gagner affecte sa position concurrentielle. Ainsi, à titre d’illustration, la Cour de justice a précisé qu’une baisse de rentabilité n’était pas susceptible en tant que telle de créer un désavantage dans la concurrence quand elle était limitée204.
217. Dans sa pratique, l’Autorité a appliqué ces mêmes principes. Dans une décision n° 07-D-28 du 13 septembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre sur le port du Havre205, le Conseil de la concurrence avait relevé que la société Sogema avait subi des prix discriminatoires de la part du port autonome du Havre pour l’utilisation de l’outillage public nécessaire pour décharger du charbon dans le port. Ces prix étaient deux fois plus élevés que ceux appliqués à une autre société, la CIPHA. Pour conclure que la pratique discriminatoire créait un désavantage dans la concurrence et était par conséquent contraire à l’article L. 420-2 du code de commerce, le Conseil ne s’était pas contenté de chiffrer la différence tarifaire206. Il avait également examiné son impact sur les contrats de la société Sogema et avait conclu que la différence tarifaire avait « conduit la SOGEMA à voir lui échapper les prestations qu’aurait pu lui confier la CPCU et la société Terval à l’été 2000 (…) et CAPCOL en octobre 2000 pour le déchargement du navire MV/Manna »207.
Application au cas d’espèce
218. La saisissante soutient que la discrimination tarifaire qu’elle subit crée pour elle un désavantage dans la concurrence. Selon elle, ce désavantage concerne à la fois les activités de DSAV en amont sur le marché du rhum en vrac et les activités du GIE Rhums Réunion en aval sur le marché de la commercialisation du rhum aux distributeurs.
219. La saisissante invoque en effet une dégradation des marges de DSAV pour la vente en gros de rhum destiné à la vente au détail à La Réunion. En effet, la mélasse représenterait une part significative des coûts de revient supportés par DSAV pour la production du rhum à destination du marché local208, et le rhum traditionnel à destination du marché local représenterait lui-même une part prépondérante du chiffre d’affaires de DSAV209. Il en résulterait un manque à gagner très important210, lequel affecterait également la position du GIE Rhums Réunion sur le marché aval réunionnais211.
220. Toujours selon la saisissante, cette discrimination l’empêcherait d’offrir des prix compétitifs par rapport à ceux d’Isautier pour la vente de rhum traditionnel sur le marché réunionnais212. Cette pratique aurait entraîné une diminution de sa part de marché au bénéfice d’Isautier sur le marché du rhum traditionnel vendu à La Réunion : la part de marché en volume d’Isautier aurait augmenté de près de 7 points entre 2013 et 2019, tandis que celle du GIE Rhums Réunion aurait diminué sur cette même période de plus de 6 points213.
221. De son côté, TOI soutient que l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce ne permet pas de conclure à un désavantage dans la concurrence. TOI allègue, premièrement, qu’elle n’aurait aucun intérêt à fausser le jeu de la concurrence en aval ou à évincer un de ses clients du marché – et même que cela serait contraire à ses intérêts. Deuxièmement, TOI affirme que le coût de l’intrant n’est en l’espèce pas suffisamment élevé pour créer un désavantage dans la concurrence. Troisièmement, TOI soutient qu’une perte de marge de DSAV ne saurait suffire à établir un désavantage dans la concurrence. Quatrièmement, TOI estime qu’il est manifeste que la différenciation tarifaire n’a eu aucun effet sur la rentabilité de DSAV et que DSAV est parfaitement capable d’aligner ses prix sur ceux d’Isautier malgré la différenciation tarifaire. Cinquièmement, TOI rappelle que DRM pratique des prix inférieurs, tout en payant la mélasse au même prix que DSAV. Enfin, TOI soutient que sur la période concernée, la part de marché de DSAV a augmenté.
222. Il convient de répondre successivement aux arguments soulevés, après avoir formulé une observation liminaire concernant le marché de la commercialisation du rhum.
Observation liminaire
223. Dans sa pratique décisionnelle antérieure, l’Autorité a laissé ouverte la définition du marché concernant la commercialisation du rhum, et notamment la question d’une segmentation entre le rhum contingenté et le rhum non contingenté, ou entre le rhum agricole et le rhum traditionnel214. En ce qui concerne la délimitation géographique, l’Autorité a considéré que le territoire national français constituait un marché géographique pertinent, dans la mesure où le régime contingentaire appliqué au rhum des DOM distingue le territoire français des autres pays de l’Union européenne en termes de produits disponibles215. Elle a parallèlement considéré que « chacun des DOM constitue un marché géographique pertinent pour la commercialisation des rhums sur son territoire » dans la mesure où chacun des départements d’Outre-Mer représente une zone de débouché naturel pour le rhum produit sur son territoire216.
224. En phase avec cette pratique décisionnelle, il convient de rappeler que le rhum produit à La Réunion bénéficie d’un avantage fiscal important quand il est commercialisé localement. Cet avantage fiscal a pour conséquence de rendre le rhum produit localement beaucoup moins cher que ne le serait du rhum importé. Il en résulte que, sur l’île de La Réunion, le rhum de La Réunion n’est pas concurrencé par les rhums produits sur d’autres territoires. La concurrence entre les trois distilleries de La Réunion est donc particulièrement importante pour la commercialisation du rhum traditionnel de La Réunion vendu localement.
225. La commercialisation du rhum traditionnel de La Réunion présente la particularité de se faire à deux niveaux. En amont, les trois distilleries de La Réunion vendent une partie importante de leur production en vrac, en particulier au GIE Rhums Réunion, entité du groupe RDR qui commercialise la marque Charrette. En effet, comme indiqué plus haut aux paragraphes 59à 62, chacune des trois distilleries fournit des volumes de rhum traditionnel au GIE Rhums Réunion. Par ailleurs, en aval, chacune des distilleries vend son propre rhum traditionnel à des distributeurs. Sur ce second niveau, la concurrence concerne principalement la marque Charrette, commercialisée par le GIE Rhums Réunion, le rhum Isautier, et le rhum Rivière du Mât.
226. La discrimination tarifaire pratiquée par TOI a conduit DSAV à réaliser une marge moins importante que si TOI lui avait appliqué le même tarif que celui appliqué à Isautier. Il convient, dès lors, d’apprécier l’importance de ce différentiel de marge, puis d’analyser si ce dernier est de nature à créer pour DSAV un désavantage dans la concurrence, au regard de l’ensemble des circonstances propres à l’espèce.
227. La saisissante a fourni à cet égard deux estimations du différentiel de marge allégué. Selon une première estimation, la saisissante considère que la pratique discriminatoire de TOI a entraîné pour DSAV un manque à gagner de 687 078 euros pour l’année 2016, et 938 148 euros pour l’année 2019217. Selon une seconde estimation, DSAV aurait subi un manque à gagner d’environ 5,7 millions d’euros sur la période 2012 à 2019218, soit en moyenne 712 500 euros par an depuis 2012.
228. Il est toutefois nécessaire de prendre en compte la différence de rendement qui est attestée entre la mélasse produite par la Sucrerie de Bois Rouge et livrée à DSAV et celle produite par la Sucrière de La Réunion et livrée à Isautier. Comme indiqué plus haut aux paragraphes 194 à 197, la mélasse fournie à DSAV serait de qualité supérieure et permettrait un rendement supérieur de l’ordre de 10-20 %. En retenant, à titre conservateur, une différence de rendement de 10 %, le manque à gagner résultant de la discrimination pratiquée par TOI concernant la mélasse utilisée pour produire du rhum traditionnel à destination du marché local s’élèverait à environ 5,5 millions d’euros sur la période 2012-2019, soit environ 690 000 euros par an depuis 2012219.
Effets de la dégradation de la marge de DSAV sur la position concurrentielle de la saisissante
229. Il convient d’examiner si le différentiel de marge résultant du différentiel tarifaire avec Isautier est de nature à affecter la position concurrentielle de DSAV pour la commercialisation du rhum traditionnel à La Réunion.
230. À cet égard, la saisissante soutient que la perte de marge par DSAV l’aurait privée de la possibilité d’investir environ 700 000 euros par an dans la promotion de la marque Charrette par le biais de réductions de prix. Selon elle, si DSAV n’avait pas subi de discrimination tarifaire, le GIE Rhums Réunion aurait pu offrir davantage de promotions pour la vente de rhum Charrette à La Réunion. Elle relève ainsi qu’une marge supplémentaire de 700 000 euros par an lui aurait permis, par exemple, de pratiquer une réduction de 1 euro sur 700 000 bouteilles de rhum blanc d’un litre à 49°, et ce chaque année depuis 2012220. Elle souligne également que le marché réunionnais est essentiellement un marché de ventes promotionnelles. Cette somme supplémentaire, qui aurait pu être investie en actions promotionnelles, lui aurait par conséquent permis de mieux rivaliser avec Isautier pour la vente de rhum sur le marché local. Toujours selon la saisissante, le fait de ne pas pouvoir investir davantage dans la promotion du rhum Charrette a eu pour conséquence une perte de part de marché pour le GIE Rhums Réunion au profit d’Isautier sur le marché local221.
231. Pour apprécier si la discrimination alléguée est effectivement à l’origine d’une distorsion de concurrence, seront successivement présentés les évolutions des parts de marché de DSAV et du GIE Rhums Réunion sur les marchés amont et aval, puis l’effet potentiel de la discrimination alléguée au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce.
Évolution des parts de marché de DSAV sur le marché local « amont »
232. TOI a fourni une estimation des parts de marché de DSAV au niveau de la fourniture de rhum en vrac au niveau local tenant compte (i) des ventes locales de DSAV en dehors du GIE Rhums Réunion (par exemple sous la marque « Savanna ») et (ii) du fait que DSAV n’est qu’un des trois fournisseurs de rhum en vrac au GIE Rhums Réunion pour la commercialisation du rhum Charrette.
233. Ce tableau montre une augmentation de la part des ventes de DSAV de 11,1 points entre 2013 et 2019. Ceci provient du fait, comme le rappelle la saisissante, que DRM et le GIE Rhums Réunion ont signé le 22 décembre 2015 un avenant à leur contrat d’approvisionnement du 19 décembre 2012 qui prévoit une réduction progressive du volume minimal fourni par DRM au GIE. La conclusion de cet avenant a donc entraîné une augmentation corrélative du volume fourni par DSAV au GIE Rhums Réunion223, lesquels font tous deux partie du groupe RDR.
Évolution des parts de marché du GIE Rhums Réunion sur le marché local « aval »
234. Le tableau ci-dessous, tiré d’une étude Ipsos fournie par la saisissante, montre l’évolution des parts de marché sur le marché de la commercialisation de rhum réunionnais à La Réunion :
235. Ce tableau montre que la part de marché du rhum Charrette (commercialisé par le GIE Rhums Réunion) a perdu 5 points entre 2013 et 2015, puis est restée relativement stable sur la période 2015-2019. À l’inverse, la part de marché d’Isautier a gagné 6 points entre 2013 et 2015, puis est restée relativement stable sur 2015-2019.
236. Ce tableau montre également que le GIE Rhums Réunion possède, avec le rhum Charrette,une part de marché à La Réunion de plus de 85 % depuis 2015.
237. La saisissante soutient que la perte de part de marché du GIE Rhums Réunion, qui passe de 91 % en 2013 à 86 % en 2015, est la conséquence de l’impossibilité de réinvestir la marge supplémentaire qui aurait été celle de DSAV en l’absence de la discrimination tarifaire pour riposter à la progression d’Isautier sur le marché.
238. Il convient d’examiner ci-après si cette perte de part de marché au niveau de la commercialisation du rhum au détail peut être regardée comme la conséquence directe de la discrimination tarifaire décrite plus haut sur le marché de la mélasse locale et, plus généralement, si, sur la période examinée, la discrimination tarifaire reprochée avait bien pour effet, potentiel ou réel, d’entraîner une distorsion de concurrence entre, d’une part, DSAV et le GIE Rhums Réunion, et, d’autre part, Isautier.
Conséquences de la discrimination alléguée au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes en l’espèce
239. Premièrement, il ressort de ce qui précède que la perte de part de marché qu’a connue le GIE Rhums Réunion en aval et la croissance de part de marché d’Isautier sont limitées. Les parts de marché du GIE sont ainsi restées supérieures à 85 % sur la période 2013-2019. De telles parts de marché sont d’ailleurs susceptibles d’indiquer une position dominante détenue par la saisissante sur le marché aval de la commercialisation de rhum traditionnel à La Réunion.
240. Du reste, si le rhum Charrette a perdu environ 6 points de parts de marché entre 2013 et 2015 au profit d’Isautier, d’autres facteurs que la discrimination tarifaire pourraient expliquer une telle évolution, comme par exemple le fait, allégué par TOI, qu’Isautier ait, à ce moment, repris en main la distribution de ses produits225, ou le fait que DSAV a intégré en 2013 dans ses tarifs de vente le coût de la taxe d’octroi de mer (ce que faisait Isautier depuis plusieurs années)226.
241. Deuxièmement, il apparaît pertinent, pour apprécier le rôle de la discrimination dans la concurrence entre la saisissante et Isautier, de calculer la part de l’intrant dans le prix de vente sur le marché aval de la commercialisation de rhum traditionnel auprès des distributeurs de La Réunion. C’est, en effet, sur ce marché que la saisissante invoque une distorsion de concurrence. Les relations verticales qui existent entre DSAV et le GIE Rhums Réunion, qui appartiennent au même groupe, justifient également que l’on s’intéresse à la situation au niveau du GIE Rhums Réunion.
242. Or, s’agissant du rhum destiné à être consommé localement, si le prix d’achat de la mélasse représentait environ 25 % du prix de vente pratiqué par DSAV auprès du GIE Rhums Réunion227, il ne représente que 12 % à 15 % du prix de vente par le GIE Rhums Réunion auprès des distributeurs.
243. Troisièmement, pour établir si la discrimination tarifaire subie par la saisissante est susceptible d’entraîner une distorsion de concurrence avec ses concurrents, il doit être tenu compte de son niveau de marge, qui détermine dans quelle mesure la saisissante était en mesure ou non de riposter à la politique tarifaire d’Isautier. DSAV et le GIE Rhums Charrette étant intégrés verticalement, la baisse de marge doit s’apprécier globalement.
244. À cet égard, la saisissante soutient que, en raison du manque à gagner résultant de la discrimination tarifaire, le GIE Rhums Réunion aurait été privé de la possibilité d’offrir des promotions supplémentaires et d’aligner les prix du rhum Charrette sur celui du rhum Isautier.
245. Plus précisément, comme décrit dans la figure n° 7 ci-dessous à partir de données de prix et de coût sur l’année 2019, la saisissante estime qu’en alignant le prix du rhum Charrette (pour une bouteille d’un litre à 49°) sur un prix public après promotion estimé à 6,95 euros pour Isautier, le GIE Rhums Réunion connaîtrait une marge négative (-0,02 euro par bouteille). En revanche, la marge de DSAV, elle, resterait nettement positive, avec une marge brute de 5,47 euros pour une bouteille d’un litre)228.
246. Une simulation analogue pour 2016, également soumise par la saisissante, montre de même qu’un alignement du GIE Rhums Réunion sur un prix promotionnel d’Isautier estimé à 5,95 euros conduirait également à une marge négative pour le GIE (-0,61 euro par bouteille), mais que DSAV conserverait une marge largement positive (+5,34 euros).
247. D’après cette simulation, le prix de cession de DSAV au GIE Rhums Réunion est de 7,06 €/LAP, générant pour DSAV une marge brute de 5,34 €/LAP. Ainsi, pour pouvoir riposter aux prix prétendument faibles d’Isautier, DSAV pourrait réduire son prix de cession au GIE afin que ce dernier puisse répliquer le prix de cession supposé d’Isautier sans faire de perte231. À titre d’illustration, toujours sur la base des données fournies par la saisissante, si le GIE pratiquait le même prix qu’Isautier, il faudrait, pour que la marge du GIE Rhums Réunion soit nulle (et non de -0,61 euro), que la quote-part du rhum acheté à DSAV soit diminuée de 0,61 euro et donc qu’elle s’établisse à 0,99 euro (au lieu de 1,60 euro). Pour une telle quotité, le prix de cession HT de DSAV au GIE doit passer à 4,36 €/LAP232. Or ce prix de cession laisserait à DSAV une marge brute positive de 2,64 euros au LAP233, soit une marge de 60 % (2,64/4,36) du prix de cession (hors octroi de mer) au GIE.
248. Un raisonnement mené en tenant compte des coûts « hors matières » (frais de personnel par exemple) conduit à la même conclusion. En effet, DSAV indique que son coût de revient total, incluant les frais d’entretien et d’entreposage, les taxes et redevances, l’amortissement, les frais de personnel et d’assurances est de 2,193 euros234. Malgré la baisse du prix de DSAV de 7,06 à 4,36 €/LAP, la marge nette demeurerait donc de 49,7 % (2,17/4,36) du prix de cession au GIE.
249. Le même raisonnement vaut pour l’année 2019 et la simulation afférente présentée supra. Par rapport à la simulation de 2016, la diminution de marge que doit concéder DSAV en 2019 est même beaucoup plus faible (et son niveau de marge après diminution de ses prix encore plus élevé) puisque la marge négative du GIE du fait des pratiques de TOI n’est que de 2 centimes d’euros.
250. Dans ce contexte, l’argument de la saisissante selon lequel une offre promotionnelle supplémentaire pour la vente de rhum Charrette conduirait, dans l’état actuel des choses, à une marge brute négative en aval n’est pas vérifié. En effet, la marge nette de DSAV est très élevée, largement supérieure au différentiel de prix du GIE avec Isautier. DSAV ou RDR (i.e. la structure intégrée) aurait donc pu diminuer ses prix pour rivaliser avec le prix « bas » d’Isautier et néanmoins continuer à être largement profitable.
251. Ainsi, compte tenu du niveau de marge élevé de DSAV, la dégradation alléguée de la part de marché du GIE Rhums Réunion sur le marché aval n’est pas la conséquence nécessaire de la discrimination tarifaire subie par DSAV puisque DSAV était en mesure de diminuer ses prix de vente de rhums au GIE Rhums Réunion pour que ce dernier reste compétitif en aval, et ce tout en continuant de réaliser des marges positives et significatives.
252. Quatrièmement, selon la saisissante, la discrimination l’aurait empêchée d’offrir des promotions additionnelles pour la vente de rhum Charrette sur le marché local afin d’aligner les prix du rhum Charrette avec ceux du rhum Isautier, alors même que, selon elle, le marché réunionnais est un marché de promotions235. Néanmoins, les éléments au dossier indiquent qu’il n’est pas certain qu’elle aurait utilisé cette marge supplémentaire à cet effet.
253. Tout d’abord, comme rappelé supra, la saisissante réalise des marges élevées sur le marché local de la vente de rhum traditionnel et elle était donc en mesure, en dépit de la discrimination qu’elle subit de la part de la mise en cause, d’aligner ses prix sur ceux d’Isautier tout en continuant de réaliser des marges positives.
254. Ensuite, le GIE Rhums Réunion tend à maintenir des écarts de prix importants et persistants avec la marque Isautier, comme cela ressort notamment des prospectus soumis par la saisissante236, ainsi que des déclarations d’Isautier. Isautier a en effet indiqué que, « [p]our être retenu sur prospectus, Isautier doit pouvoir proposer un prix « net consommateur » plus bas que celui de Charrette pour assurer à la grande distribution un volume de vente suffisamment rémunérateur. (…) Dans l’équilibre actuel du marché, afin d’intéresser la grande distribution et conserver cette part de 10-12 % du marché, le prix de vente de Isautier doit être environ de 0,95 € par bouteille moins cher que Charrette »237. Ainsi, compte tenu du positionnement premium de la marque Charrette, de sa notoriété et de sa part de marché,il apparaît peu vraisemblable qu’à supposer même que l’absence de discrimination se soit traduite par un alignement des prix de la mélasse locale achetée par DSAV sur les prix d’achat d’Isautier, le GIE Rhums Réunion aurait effectivement cherché à aligner les prix du rhum Charrette sur ceux d’Isautier, comme invoqué par la saisissante.
255. Enfin, DSAV indique déjà investir 1,9 million d’euros par an en opérations promotionnelles et le GIE Rhums Réunion dispose d’une part de marché supérieure à 85 %. Aussi, si DSAV engageait des dépenses supplémentaires pour des promotions, l’augmentation des ventes qui en résulterait devrait être mise en balance avec la baisse des marges sur les ventes que le GIE aurait réalisées en tout état de cause. Les éléments au dossier ne permettent pas d’établir qu’il serait rentable pour la saisissante de réinvestir une telle marge supplémentaire en offres promotionnelles pour consolider sa position concurrentielle.
Conclusion sur le désavantage dans la concurrence
256. Il résulte des différents éléments spécifiques au cas d’espèce et décrits ci-dessus que, la discrimination tarifaire en cause n’a pas entravé la position concurrentielle de la saisissante, et ne saurait donc être regardée comme causant une distorsion de concurrence entre la saisissante et Isautier.
d) Justification objective
257. Dans la mesure où il ne ressort pas que la discrimination tarifaire en cause crée un désavantage dans la concurrence, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments des mises en cause selon lesquelles les pratiques seraient objectivement justifiées.
e) Conclusion sur le grief n° 1
258. Pour l’ensemble des raisons qui précèdent et en l’état des éléments présents au dossier, il convient de considérer que la pratique d’abus de position dominante visée par le grief n° 1 n’est pas établie.
2. SUR LE GRIEF N° 2
259. Il est reproché, au titre du grief n° 2, à TOI et aux Sucreries d’avoir verrouillé les possibilités de sortie du contrat d’approvisionnement du 3 février 2012 par la mise en place des deux mécanismes contractuels suivants :
- une indemnité financière réciproque de 5 millions d’euros à payer par la partie qui dénoncerait la reconduction automatique du contrat ; ce dernier est en effet reconductible tacitement par période de 5 ans, après une durée initiale de 10 ans ; pour sortir du contrat, les distilleries doivent, en plus de l’indemnité de 5 millions d’euros, respecter un préavis de 3 ans238 ;
- une interdiction de revente de mélasse pour les distilleries parties au contrat. Cette interdiction de revente était initialement formulée ainsi : « L’acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de mélasse sur le marché réunionnais. »239. Elle a été amendée par l’avenant du 28 avril 2014 et sa formulation
est devenue : « L’acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de mélasse sur le marché réunionnais hormis à Distillerie Rivière du Mât et Distillerie de Savannah pour le besoin exclusif de distillation de chacune des distilleries »240.
260. Après une brève présentation du cadre juridique applicable (a.), il conviendra d’examiner les clauses visées par le présent grief (b.), et de prendre en compte les justifications invoquées par TOI au titre de l’article L. 420-2 du code de commerce (c.).
a) Les principes applicables
261. Comme cela a été rappelé à propos du premier grief, il incombe à une entreprise en position dominante la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par un comportement qui ne relève pas de la seule concurrence par les mérites, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur241.
262. L’article L. 420-2 du code de commerce, comme l’article 102 du TFUE, prohibe les pratiques abusives qui sont susceptibles de porter un préjudice direct aux consommateurs, ainsi que celles qui leur portent un préjudice indirect en portant atteinte au libre jeu de la concurrence242.
263. La notion d’abus est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché où, du fait de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli ou au développement de cette concurrence243. La notion d’abus vise également les comportements par lesquels une entreprise en position dominante utilise les possibilités qui découlent de cette position pour obtenir des avantages de transactions qu’elle n’aurait pas obtenus en cas de concurrence praticable et suffisamment efficace244.
264. Si l’article L. 420-2 du code de commerce, comme l’article 102 du TFUE, mentionne certaines pratiques abusives, ces dernières ne sont citées qu’à titre illustratif et ne constituent pas une liste exhaustive des pratiques susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante245.
265. Afin de déterminer si l’entreprise dominante a abusé de sa position, il est nécessaire d’apprécier l’ensemble des circonstances de fait pertinentes et d’examiner si les pratiques tendent, par exemple, à limiter l’accès au marché de concurrents, ou encore à renforcer la position de l’entreprise dominante, en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites246.
266. La Cour de justice a considéré qu’une pratique mise en œuvre par une entreprise dominante pouvait être abusive et interdite par l’article 102 du TFUE « quels que soient les moyens ou procédés utilisés », dès lors que cette pratique est susceptible d’avoir des effets anticoncurrentiels247. Il résulte de la nature des obligations imposées par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d’adopter des comportements, ou d’accomplir des actes, qui ne seraient pas en eux-mêmes abusifs s’ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes248.
267. S’agissant des effets du comportement de l’entreprise dominante, l’article L. 420-2 du code de commerce, comme l’article 102 du TFUE, interdit les comportements qui tendent à restreindre la concurrence ou sont susceptibles d’avoir un tel effet249. Cet effet anticoncurrentiel ne doit pas avoir un caractère purement hypothétique250, mais il n’est pas nécessaire qu’il se matérialise effectivement251.
268. Conformément à l’article L. 420-4 du code de commerce, il reste possible pour une entreprise en position dominante de fournir une justification objective aux comportements susceptibles d’être interdits par l’article L. 420-2 du même code252. L’alinéa 2 du I de l’article L 420-4 du code de commerce prévoit en effet que les auteurs de ces pratiques « peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d’emplois, et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ».
269. Dans leur pratique décisionnelle et jurisprudence, la Cour de justice et l’Autorité ont eu l’occasion d’examiner un certain nombre de clauses contractuelles qui étaient constitutives d’un abus de position dominante parce qu’elles avaient un effet restrictif de concurrence.
270. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à sa décision n° 00-D-47 du 22 novembre 2000, le Conseil de la concurrence avait notamment à connaître de certaines clauses insérées par EDF dans ses conventions relatives à l’éclairage public. Non seulement EDF avait obtenu des durées de contrat qui étaient excessives par rapport à l’importance des prestations en cause et des investissements concernés, mais de plus, pour certaines conventions, EDF avait obtenu que le contrat soit reconduit tacitement d’année en année, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec préavis de 18 ou de 24 mois. Le Conseil avait considéré que de telles clauses étaient constitutives d’un abus de position dominante dans la mesure où elles « rend[ai]ent plus difficile le recours à un autre prestataire »253.
271. De même, dans sa décision n° 05-D-49 du 28 juillet 2005, le Conseil de la concurrence a conclu que certaines clauses du contrat de location-entretien des machines d’affranchissement postal étaient abusives au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 102 du TFUE. Les contrats en question comprenaient en effet (i) une clause de reconduction tacite pour une durée de quatre ans, (ii) une sortie anticipée du contrat possible uniquement à la date anniversaire du contrat sous réserve du respect d’un délai de préavis pour dénoncer le contrat, et (iii) le versement, à titre de dédommagement forfaitaire en cas de résiliation anticipée, d’une somme égale au montant de la location restant à courir jusqu’à la fin normale du contrat, sur la base du montant annuel. Après examen de ces clauses, le Conseil avait conclu qu’elles opéraient un verrouillage du marché et entravaient la diffusion du progrès technologique, notamment en rendant difficile un démarchage commercial efficace par les concurrents.
272. Enfin, la Cour de justice a eu l’occasion d’examiner des clauses prévues par la société United Brands Company qui interdisaient à ses mûrisseurs de revendre les bananes qu’ils lui achetaient à l’état vert254. La Cour avait estimé que « c’est une restriction à la concurrence que d’obliger le mûrisseur à ne pas revendre les bananes tant qu’il ne les a pas fait mûrir et de réduire les activités dudit mûrisseur avec les seuls détaillants »255. La Cour en avait conclu que cette interdiction, ainsi que l’interdiction de revendre les bananes sans marque, « constituaient indéniablement une exploitation abusive de position dominante, en limitant les débouchés au préjudice des consommateurs et en affectant le commerce entre Étatsmembres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux »256, notamment parce que cette organisation du marché « empêchait [les mûrisseurs] de développer leur pouvoir de négociation vis-à-vis d’UBC »257.
b) Application au cas d’espèce
273. Ainsi qu’il est rappelé ci-avant au paragraphe 259, le grief n° 2 concerne deux clauses du contrat de fourniture du 3 février 2012. Il est reproché à TOI et aux Sucreries d’avoir notamment, par ces clauses, verrouillé les possibilités de sortie du contrat par les distilleries.
274. À titre liminaire, TOI soutient que le grief n° 2 ne peut être retenu sans le grief n° 1, dont il ne ferait que découler.
275. Cet argument doit être écarté. Le grief n° 2 vise des clauses qui ont pour objectif de verrouiller les possibilités de sortie des distilleries du contrat de fourniture du 3 février 2012. Ces clauses ont conduit en pratique à pérenniser le contrat du 3 février 2012 et, dès lors, à empêcher la renégociation des tarifs prévus dans ce contrat. De telles pratiques sont différentes et indépendantes d’une pratique de discrimination tarifaire. En effet, le fait que les tarifs discriminatoires ne soient pas considérés dans le cas d’espèce comme abusifs ne saurait justifier pour autant que TOI restreigne la possibilité de sortir du contrat ou de renégocier les tarifs et, plus généralement, que TOI restreigne de manière excessive le pouvoir de négociation des distilleries à son égard.
Sur la restriction de concurrence
276. Il convient d’examiner successivement les deux clauses visées par le grief, soit l’indemnité de sortie de contrat de 5 millions d’euros, puis l’interdiction de revente de la mélasse sur le marché réunionnais.
Sur l’indemnité de sortie de contrat
277. Comme rappelé ci-avant, le deuxième alinéa de l’article 3 de l’accord du 3 février 2012 stipule que l’indemnité de 5 millions d’euros s’impose à la partie qui souhaite mettre fin au contrat de fourniture conclu le 3 février 2012. Celui-ci est en effet reconductible tacitement par période de 5 ans après une durée initiale de 10 ans. Pour sortir du contrat, les distilleries doivent également dénoncer cette reconduction tacite en respectant un préavis de 3 ans et en payant cette indemnité de 5 millions d’euros.
278. Il apparaît, au regard des circonstances de l’espèce et de la pratique décisionnelle et jurisprudence rappelées plus haut aux paragraphes 269 et suivants, que cette indemnité est, pour les distilleries, excessive, tant en termes de conditions d’application que de proportion. Premièrement, elle s’applique même en cas de respect de la durée relativement longue du préavis (3 ans de préavis pour des périodes de reconduction de 5 ans). Deuxièmement, elle représente entre 1,8 et 3,5 fois la valeur des achats annuels de mélasse de DSAV entre 2011 et 2013 et elle excède la valeur des achats totaux de mélasse de DSAV auprès de TOI sur 3 années consécutives en 2013-2015 ou 2014-2016258. De même, elle représente entre 1,4 et 2,0 fois la valeur des achats annuels de DRM entre 2011 et 2019259.
279. En pratique, de telles modalités de non-reconduction de contrat ne permettent pas à DSAV et DRM de sortir du contrat du 3 février 2012, et celui-ci présente par conséquent à leur égard un caractère quasi perpétuel.
280. Il en résulte que l’indemnité de sortie du contrat restreint de façon excessive les possibilités de renégociation par DSAV et DRM des tarifs d’approvisionnement en mélasse qui sont prévus par le contrat du 3 février 2012.
281. L’ensemble des arguments soulevés par TOI visant à justifier le bien-fondé de l’indemnité de sortie de contrat doivent, par ailleurs, être écartés.
282. Premièrement, TOI soutient que le mécanisme de résiliation du contrat n’empêche pas une révision des tarifs dans la mesure où cette dernière est prévue dans le contrat en cas d’évolution du dispositif d’aides fiscales. Toutefois, la révision des tarifs prévue par les contrats n’est possible que dans cette circonstance très spécifique. Elle est de surcroît limitée à ce qui est nécessaire pour restaurer l’économie du contrat, dans l’hypothèse où ces aides fiscales seraient modifiées ou supprimées. La clause de révision impose ainsi, en cas de disparition des avantages fiscaux résultant de la suppression du droit d’accise pour les rhums traditionnels de La Réunion commercialisés à La Réunion ou en cas de disparition du contingent, que les parties renégocient un nouvel accord tarifaire « qui préserve (…)l’équilibre économique relatif du contrat après prise en compte de la disparition » de la fiscalité privilégiée et du contingent. En cas de simple réduction des aides conférées aux rhums traditionnels commercialisés localement ou en métropole sous contingent, les parties s’engagent à uniquement « réajuster » le prix de la mélasse concernée « en fonction de la modification apportée ». À défaut d’accord entre les parties, elles s’engagent à désigner un tiers expert pour réajuster ce prix260. Ainsi, la possibilité de révision des tarifs prévue dans le contrat du 3 février 2012 est extrêmement limitée dans son champ et ne permet pas aux distilleries de renégocier librement les tarifs, en dehors de ce cas très particulier.
283. Deuxièmement, TOI soutient que RDR a eu l’occasion de négocier le contrat de fourniture de mélasse dans le cadre de la reprise des actifs de la COFEPP. Cependant, peu importe que RDR ait ou non eu l’occasion de négocier ce contrat, dès lors qu’il est de la responsabilité de TOI, en tant qu’entreprise en position dominante, de ne pas lier ses partenaires commerciaux par des clauses contractuelles portant atteinte au libre jeu de la concurrence.
284. Troisièmement, TOI prétend que, en pratique, DSAV n’aurait pas à payer l’indemnité de sortie en cas de dénonciation du contrat, puisque DRM reprendrait vraisemblablement les volumes prévus par le contrat. Toutefois, si le protocole d’accord du 19 décembre 2012 n’empêche pas une reprise par DRM des engagements de volume pris par DSAV, il n’est pas établi que DRM soit incitée à reprendre effectivement de tels volumes. Cela est particulièrement vrai pour les volumes de mélasse destinée à la production de rhum contingenté, puisque le contingent de DRM demeurerait quoi qu’il en soit inchangé. En tout état de cause, le contrat du 3 février 2012 et le protocole du 19 décembre 2012 ne prévoient ni l’un ni l’autre que l’indemnité de sortie de contrat ne serait pas due dans le cas où l’une des deux distilleries s’engagerait à reprendre les volumes de la partie qui dénonce la reconduction du contrat.
285. Quatrièmement, TOI avance que l’indemnité prévue n’est pas disproportionnée puisqu’elle ne représenterait que 15 % du chiffre d’affaires de RDR. Or, le contrat en question ne concernant que la fourniture de mélasse aux distilleries DSAV et DRM, c’est l’activité des distilleries qu’il convient de prendre en compte. Il n’est donc pas justifié de comparer le montant de l’indemnité de sortie du contrat d’approvisionnement de mélasse au chiffre d’affaires total du groupe RDR, le seul élément de comparaison pertinent étant le chiffre d’affaires de DSAV. Or le montant de cette indemnité représente plus du tiers du chiffre d’affaires de DSAV261.
286. Enfin, TOI note que la clause est réciproque, et qu’elle vise à garantir aux distilleries leur approvisionnement en mélasse sur le long terme. La légalité de cette clause en ce qu’elle pèse sur TOI et donne ainsi des garanties aux distilleries pour leur approvisionnement sur le long terme n’est toutefois pas remise en cause. En revanche, TOI ne justifie pas en quoi la recherche d’un tel objectif justifie que l’obligation en question pèse aussi sur les distilleries.
Sur l’interdiction de revente
287. Comme rappelé ci-avant, le troisième alinéa de l’article 4.5 du contrat du 3 février 2012 prévoit que « [l]’Acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de Mélasse sur le marché réunionnais »262. Cet alinéa a été modifié par l’avenant du 28 avril 2014, et sa rédaction est devenue : « L’acquéreur s’engage pendant la durée du contrat à ne pas revendre de mélasse sur le marché réunionnais hormis à Distillerie Rivière du Mat et Distillerie de Savannah pour le besoin exclusif de distillation de chacune des distilleries »263.
288. Il apparaît, au regard des circonstances de l’espèce et de la pratique décisionnelle et jurisprudentielle rappelée plus haut aux paragraphes 270 et suivants, (i) que cette interdiction est excessive et (ii) que l’ensemble des arguments invoqués par TOI doivent être écartés.
289. En effet, l’interdiction faite aux distilleries de revendre de la mélasse sur le marché
réunionnais, sauf entre elles, limite de façon excessive les débouchés potentiels des
distilleries. Elle les contraint particulièrement dans l’hypothèse où elles disposeraient d’un surplus de mélasse – par exemple pendant la période de préavis de trois ans,si elles entendent se désengager de l’approvisionnement en mélasse de TOI.
290. TOI soutient qu’en cas de surplus de mélasse, DSAV pourrait toujours exporter la mélasse ou, depuis l’avenant du 28 avril 2014, revendre ses volumes excédentaires à DRM. Cependant, tout d’abord, si les exportations du surplus de mélasse par les distilleries ne sont pas interdites en tant que telles, il est peu probable qu’elles se réalisent en pratique. En effet, comme indiqué par TOI elle-même264, les exportations entraînent des coûts de transport importants, de nature à les rendre peu compétitives sur les marchés mondiaux. De plus, avant l’avenant du 28 avril 2014, l’interdiction de revente couvrait également les reventes de DSAV à DRM et de DRM à DSAV. Par ailleurs, dans l’hypothèse où DSAV serait confrontée à un surplus de mélasse résultant des engagements de volumes qui pèseraient sur elle pendant le préavis de 3 ans prévu pour dénoncer la reconduction tacite du contrat du 3 février 2012, il n’est pas établi que DRM, qui est tout autant soumise à des engagements de volumes, serait susceptible de reprendre les volumes de DSAV. Plus généralement, en dépit des deux possibilités de revente invoquées par TOI, la clause d’interdiction de reventeexclut la revente de mélasse à Isautier, à une nouvelle distillerie qui entrerait sur le marché ou à d’autres acheteurs réunionnais (par exemple, les éleveurs).
291. TOI soutient, enfin, que les mécanismes prévus par le contrat pour déterminer les volumes à livrer permettent d’éviter un tel surplus de mélasse. TOI fait valoir à cet égard que DSAV serait en mesure d’ajuster les volumes achetés en fonction de ses besoins anticipés. Toutefois, si le contrat de fourniture du 3 février 2012 prévoit que DRM et DSAV s’engagent à commander chaque année des volumes de mélasse en relation avec leurs besoins anticipéspour la production de rhum traditionnel à destination du marché local et du marché contingenté, DRM et DSAV se sont aussi engagées à commander au moins 12 000 tonnes de mélasse par an pour les autres utilisations265. De plus, les distilleries seraient toujours susceptibles d’avoir un surplus de mélasse dans l’hypothèse où elles ne se serviraient pas in fine de l’intégralité de la mélasse acquise initialement pour la production du rhum.
Conclusion sur les clauses visées par le grief n° 2
292. La clause d’indemnisation est susceptible de priver les distilleries de la possibilité effective de mettre fin au contrat de fourniture conclu avec TOI. Ce verrouillage des possibilités de sortie des distilleries conduit à réduire excessivement le pouvoir de négociation dont elles pourraient bénéficier vis-à-vis de TOI. Elle conduit également à assurer que TOI demeure la seule source d’approvisionnement de tout acheteur potentiel de mélasse présent à La Réunion. La clause d’interdiction de revente limite quant à elle de façon excessive les débouchés des distilleries.
293. Ces clauses sont susceptibles d’avoir des effets restrictifs de concurrence, de sorte qu’elles sont contraires à l’interdiction posée aux entreprises en position dominante d’exploiter de façon abusive cette position.
294. Ainsi, il est établi que les pratiques dénoncées au grief n° 2 enfreignent l’article L. 420-2 du code de commerce.
Les arguments de TOI relatifs à l’exemption au titre de l’article L. 420-4 du codede commerce
295. TOI soutient pouvoir bénéficier de l’exemption prévue par l’alinéa 2 du I de l’article L 420-4 du code de commerce.
296. Au soutien de sa position, TOI prétend tout d’abord que les pratiques en question participent de l’équilibre de la filière et de la préservation de l’emploi sur l’île, en permettant de répercuter sur l’amont (les planteurs) une partie des marges perçues par les distilleries DRM et DSAV grâce aux régimes fiscaux privilégiés dont bénéficient les rhums réunionnais, et, ainsi, de ne pas déstabiliser l’équilibre financier précaire des sucreries. TOI prétend ensuite que les pratiques sont proportionnées à l’atteinte de cet objectif, dans la mesure où TOI n’en retire aucun surprofit, comme en attesterait la très faible rentabilité de ses sucreries, comparée à celle, extrêmement forte, des distilleries. TOI prétend en troisième lieu que ces pratiques sont indispensables pour atteindre cet objectif, puisque la disparition des sucreries mettrait en péril toute la filière du rhum. En quatrième lieu, elle affirme que ces pratiques sont bénéfiques pour le consommateur, dès lors qu’elles permettent à Isautier d’animer la concurrence au niveau local, face à la marque Charrette prédominante. Elles permettent en outre de maintenir des coûts de production compétitifs pour les rhums contingentés et exportés, qui font face à la concurrence d’autres alcools.
297. Ces arguments doivent être écartés. En effet, ils visent tous à expliquer la différenciation des tarifs de la mélasse en fonction de la destination du rhum qu’elle permet de produire (marché local, marché contingent, et autres usages), ainsi que le montant des tarifs pratiqués vis-à-vis de DSAV et DRM. En revanche, TOI ne présente aucun argument spécifique qui justifierait l’indemnité de sortie de contrat et la clause d’interdiction de revente décrites au grief n° 2. 298. Ainsi, il apparaît que les conditions pour bénéficier de l’exemption prévue à l’article L. 420-4 du code de commerce ne sont pas remplies et il convient, partant, de conclure que les pratiques dénoncées au grief n° 2 enfreignent l’article L. 420-2 du code de commerce.
E. DUREE DES PRATIQUES
299. Afin de déterminer la durée d’une infraction aux règles du droit de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s’est écoulée entre la date de début des pratiques et la date à laquelle il y a été mis fin266.
300. S’agissant de la date de début d’infraction, l’Autorité constate que les clauses qui sont constitutives de l’abus de position dominante ont été insérées dans le contrat de fourniture du 3 février 2012. La présente décision s’est néanmoins limitée à étudier les effets de ces clauses sur le marché à compter de la réalisation des engagements pris par COFEPP dans le cadre de son acquisition des activités spiritueuses de Quartier Français Spiritueux, soit à compter de la reprise par RDR de DSAV le 19 décembre 2012. À compter de cette date, les clauses en question ont été pleinement applicables à la fois à DRM et à DSAV, et elles sont restées en vigueur sur toute la période considérée.
301. Au regard de ce qui précède, il convient de retenir la date du 19 décembre 2012 comme date de début des pratiques, lesquelles ont perduré à tout le moins jusqu’au 29 juillet 2020, date d’envoi de la notification des griefs.
F. IMPUTABILITE
1. LES PRINCIPES APPLICABLES
302. La notion d’entreprise et les règles d’imputabilité relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l’Union. Bien que l’interprétation qu’en donnent les juridictions de l’Union ne s’impose pas à l’autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu’elles appliquent les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, l’Autorité retient cette interprétation afin d’assurer la cohérence de sa pratique décisionnelle en matière d’imputabilité267.
303. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ainsi que les articles 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises.
304. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise « désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement »268 et qu’elle doit être comprise comme « désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales »269. Cette définition est reprise par les juridictions nationales270.
305. C’est cette entité économique qui doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle271, sur lequel repose le droit de la concurrence de l’Union272.
306. Ainsi, au sein d’un groupe de sociétés, « le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère (…), eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques »273.
307. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale274.
308. Dans cette hypothèse, l’autorité de concurrence sera en mesure « de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché »275.
309. Ainsi, « afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération (…) l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive »276.
310. À cet égard, il n’est pas exigé, pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale, de prouver que la société mère ait été directement impliquée dans les pratiques, ou ait eu connaissance des comportements incriminés. Ainsi que le relève le juge de l’Union, « ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article [101 TFUE] qui permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère »277.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
311. En l’espèce, l’abus de position dominante a été mis en œuvre par TOI et ses filiales Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge.
312. En effet, le contrat de fourniture du 3 février 2012 prévoyant les clauses contractuelles abusives – ainsi que l’avenant du 3 octobre 2012 – a été signé par TOI, agissant tant en son nom propre qu’au nom et pour le compte de ses filiales Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge. Ces dernières ont ensuite mis en œuvre ce contrat en produisant la mélasse et en approvisionnant les distilleries.
313. Il convient donc de mettre en cause ces trois sociétés en leur qualité d’auteures des comportements infractionnels.
314. TOI détenant 100 % du capital des sociétés Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge, il convient également de retenir sa responsabilité en tant que société mère pour les faits commis par ces dernières.
G. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES
315. Seront successivement abordés : les principes relatifs à la détermination des sanctions pécuniaires (1.) ; la détermination du montant de base des sanctions (2.) ; la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (3.) ; les ajustements finaux (4.) ; et la conclusion concernant le montant de la sanction pécuniaire infligée (5.).
1. LES PRINCIPES APPLICABLES A LA DETERMINATION DES SANCTIONS PECUNIAIRES
316. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-2 du code de commerce.
317. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoyait, dans sa version en vigueur au moment de la notification des griefs278, que « [l]es sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ». Le quatrième alinéa du I du même article précise que : « [l]e montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante »279.
318. Par application de l’article L. 463-3 du code de commerce : « Le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence peut décider que l'affaire sera examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport ». Par application de l’article L. 464-5 du code de commerce, en vigueur au moment de la notification des griefs280, l’Autorité, « lorsqu'elle statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3, peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2. Toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs de pratiques prohibées ».
319. En l’espèce, l’Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires applicable en l’occurrence (ci-après, le « communiqué sanctions »)281.
320. Les sociétés mises en cause ont été mises en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d’instruction, d’influer sur la détermination de la sanction pouvant leur être imposée. La présentation de ces différents éléments par les services d’instruction ne préjuge pas de l’appréciation du collège sur les déterminants de la sanction, qui relève de sa seule compétence.
2. SUR LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DES SANCTIONS
321. Comme expliqué aux points 22 et 23 du communiqué sanctions, l’Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l’infraction. La proportion appliquée à cette valeur des ventes est ensuite calculée en fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits et sur l’importance du dommage causé à l’économie.
322. La durée des pratiques constituant un facteur pertinent pour apprécier tant la gravité des faits282, que l’importance du dommage causé à l’économie, elle fera l’objet d’une prise en compte sous ce double angle, selon les modalités décrites dans le communiqué sanctions283.
a) La valeur des ventes
323. En application du point 23 du communiqué sanctions, la pratique décisionnelle de l’Autorité retient comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction, la valeur des ventes réalisées par l’entreprise mise en cause pour les biens ou les services qui sont en relation avec l’infraction.
324. Par ailleurs, le point 33 du communiqué sanctions précise que la valeur des ventes en lien avec l’infraction est déterminée par référence au dernier exercice comptable complet de mise en œuvre des pratiques. Selon le point 36 du même communiqué, l’Autorité utilise la valeur fournie par l’entreprise mise en cause, ou, à défaut, les données dont elle dispose.
325. En l’espèce, la pratique sanctionnée au titre du grief notifié aux entreprises mises en cause concerne le contrat d’approvisionnement de TOI avec DRM et DSAV, et donc les ventes de mélasse réalisées par la Sucrière de La Réunion et la Sucrerie de Bois Rouge auprès de DRM et DSAV. Il y a donc lieu de retenir cette valeur des ventes au cours de l’année 2019 pour calculer le montant de base de la sanction pécuniaire.
326. TOI soutient que la notification des griefs se contredit en ne se limitant pas aux ventes de mélasse destinée à produire du rhum commercialisé localement, alors que, selon elle, seule cette mélasse est concernée par les griefs notifiés. Cet argument doit être écarté. En effet, le grief relatif aux clauses du contrat du 3 février 2012 concerne l’approvisionnement de DSAV et DRM en mélasse, quelles que soient les utilisations que les distilleries en font.
327. Il ressort de ce qui précède que l’assiette sur laquelle sera assise la sanction pécuniaire prononcée s’élève à [CONF] euros284.
b) La gravité des pratiques
328. Comme l’indique le point 26 du communiqué sanctions, lorsque l’Autorité apprécie la gravité de l’infraction, elle tient compte notamment de la nature des pratiques sanctionnées et de la nature des personnes susceptibles d’être affectées.
La nature des pratiques sanctionnées
329. La pratique sanctionnée s’apparente à un abus de position dominante par lequel TOI a obtenu des distilleries qu’elles acceptent des clauses qui les empêchent en pratique de renégocier leurs conditions d’approvisionnement en mélasse.
330. TOI soutient que plusieurs arguments sont de nature à atténuer la gravité des pratiques en cause. Tout d’abord, elle avance que les griefs notifiés concernent des abus d’exploitation, lesquels seraient, par nature, d’une gravité moindre que les abus d’éviction. TOI soutient également qu’aucune stratégie délibérée n’est établie, et qu’il est avéré que les sucreries n’ont tiré aucune surprofit des pratiques notifiées.
331. Dans le cas d’espèce, concernant le premier argument de TOI, il convient de considérer que la pratique sanctionnée au titre du grief n° 2 constitue d’abord un abus d’exploitation et que le dossier ne comporte aucun élément permettant d’étayer un éventuel effet d’éviction résultant du verrouillage de l’accès au marché. Toutefois, la pratique en question revêt malgré tout un degré certain de gravité, et ce d’autant qu’elle a été mise en œuvre par une entreprise en situation de quasi-monopole.
332. Concernant le second argument de TOI, le fait que TOI n’ait pas tiré de surprofit de la pratique sanctionnée, à supposer qu’il soit démontré, est inopérant. En effet, la pratique décisionnelle de l’Autorité, ainsi que la jurisprudence interne considèrent que la circonstance qu’une entreprise n’a pas tiré profit de l’infraction n’est pas de nature à minorer la gravité de cette dernière285.
La nature des personnes susceptibles d’être affectées
333. TOI soutient que la saisissante n’est pas une entreprise « vulnérable » au sens du point 26 du communiqué sanctions puisqu’elle est un groupe fortement intégré, doté d’une expérience indéniable sur le marché du rhum, et dont les actionnaires sont des groupes puissants présents à tous les différents niveaux de la filière. TOI soutient également que les distilleries ne sont pas « particulièrement captives » en l’espèce, et qu’elles disposent d’un véritable contre pouvoir de marché.
334. Concernant le premier argument de TOI, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que l’ensemble des critères visés par le communiqué sanctions soient réunis pour conclure à la gravité d’une pratique286. Dès lors, la circonstance selon laquelle DSAV appartient à un groupe intégré ne suffit pas à écarter au cas d’espèce le caractère de gravité des pratiques en cause.
335. Concernant le second argument de TOI, comme indiqué plus haut dans la section sur la position dominante, les distilleries de La Réunion sont captives des sucreries de TOI pour leur approvisionnement en mélasse produite à partir de canne à sucre de La Réunion, et, dans ces conditions, leur pouvoir de négociation, même en l’absence de pratiques abusives, apparaît limité.
Conclusion sur la gravité des pratiques
336. Au regard de ce qui précède, il convient de constater que la pratique sanctionnée revêt un caractère certain de gravité.
c) L’importance du dommage à l’économie
337. L’Autorité, qui n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l’économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause287.
338. En se fondant sur une jurisprudence établie, l’Autorité tient notamment compte, pour apprécier l’incidence économique de la pratique en cause, de l’ampleur de l’infraction, telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties dans le secteur concerné, de sa durée, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné288. Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre289.
339. Concernant l’ampleur de la pratique, elle a porté sur une part importante du marché de la mélasse à destination des distilleries réunionnaises. En effet, les ventes de mélasse de TOI à DRM et DSAV représentent, au cours de la période 2012-2019, entre 90 et 95 % de ces ventes selon les années et selon qu’elles sont mesurées en valeur ou en volume. De surcroît, sur cette même période, si n’est considéré que le segment de la vente de mélasse destinée au rhum commercialisé sur le marché local, segment sur lequel seules trois distilleries sont en concurrence, les ventes de mélasse de TOI à DRM et DSAV représentent, en volume, entre 50 et 70 % selon les années considérées.
340. Concernant les effets de la pratique, le dommage causé résulte de l’impossibilité dans laquelle sont la saisissante et son concurrent DRM de renégocier leurs tarifs d’approvisionnement en mélasse avec les sucreries et de mettre fin au contrat. Une telle renégociation n’était de surcroît pas à exclure, dès lors que DSAV et DRM étaient informés des tarifs très inférieurs dont bénéficiait Isautier en matière d’approvisionnement en mélasse pour la fabrication de rhum traditionnel à destination du marché local290.
341. Le dommage à l’économie causé par la pratique est en outre aggravé par l’absence de substitut à la mélasse fournie par les sucreries mises en cause291 pour la fabrication de rhum traditionnel à destination du marché local, par les clauses limitant les possibilités pour les distilleries de revendre un surplus de mélasse dont elles n’auraient pas l’utilité sur le marché réunionnais292 et, enfin, par la position importante qu’occupent ces deux distilleries sur le marché.
342. Néanmoins, plusieurs facteurs viennent atténuer le dommage causé à l’économie. Premièrement, si les clauses du contrat incriminées ont également pu limiter l’entrée d’un nouvel opérateur sur le marché de la mélasse, le dossier ne comprend aucun élément factuel en ce sens. En effet, les perspectives d’entrée d’un producteur concurrent de mélasse apparaissent limitées, l’activité sucrière, principal débouché des achats de canne à sucre, étant peu rentable. Deuxièmement, il peut être relevé que, compte tenu de la position dominante qu’occupent les sucreries mais aussi de leur faible rentabilité globale, les marges de négociation des distilleries sont en pratique relativement limitées. Troisièmement, la production de rhum traditionnel pour le marché réunionnais étant une activité très rentable, les clauses limitant la revente de mélasse à des tiers ont vraisemblablement eu peu d’impact sur la situation concurrentielle ou les revenus des distilleries, ces dernières étant vraisemblablement peu enclines à se revendre la mélasse entre elles plutôt qu’utiliser cette même mélasse pour produire du rhum traditionnel. Quatrièmement, les dispositions actuelles du contrat n’ont empêché ni DSAV, ni RDR, ni DRM de conserver un poids très important sur le marché réunionnais du rhum traditionnel. Enfin, s’agissant des activités des distilleries à l’exportation de rhum traditionnel, il est constaté que le prix de la mélasse acquitté par DSAV et DRM pour ces destinations a été inférieur au prix de la mélasse sur le marché mondial, à tout le moins depuis 2015, et que DSAV comme DRM bénéficient pour ces destinations de tarifs très inférieurs à ceux dont elles s’acquittent pour la mélasse destinée à la fabrication de rhum traditionnel à destination du marché local.
343. En définitive, le dommage causé à l’économie par les pratiques est limité.
d) Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte
344. Compte tenu de son appréciation de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie dans le secteur concerné, l’Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée à TOI et aux Sucreries, une proportion de 5 % comme assiette du montant de la sanction pécuniaire.
e) Sur la durée de l’infraction
345. Comme expliqué au point 42 du communiqué sanctions, dans le cas d’infractions qui se sont prolongées plus d’une année, l’Autorité s’est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes. La proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle aux pratiques de chaque entreprise en cause à la valeur de ses ventes pendant l’exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de participation suivantes. Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
346. Dans chaque cas d’espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d’entre elles pendant l’exercice comptable retenu comme référence.
347. Au cas présent, l’infraction constatée a débuté le 19 décembre 2012 et elle s’est prolongée à tout le moins jusqu’à la notification des griefs le 29 juillet 2020.
348. En conséquence, la durée des pratiques commises par TOI est de 7 ans et 7 mois, ce qui entraîne un coefficient multiplicateur de 4,29.
f) Conclusion sur la détermination du montant de base de la sanction
349. Eu égard à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire en proportion des ventes de TOI en relation avec l’infraction, d’une part, et en fonction de la durée de l’infraction, d’autre part, doit être fixé à [1 000 000-1 500 000] euros.
3. SUR L’INDIVIDUALISATION DE LA SANCTION
350. En application de l’article L. 464-2 du code de commerce, les sanctions « sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné ». L’individualisation des éléments déterminant la sanction conduit à traiter pour chacune des entreprises en cause :
- l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes ;
- les autres éléments d’individualisation.
351. TOI soutient que l’Autorité devrait retenir comme circonstance atténuante le fait que les pratiques ont été encouragées par les autorités publiques qui ont mis en place différents niveaux de taxation de la mélasse en fonction de sa destination, afin de garantir l’équilibre de la filière « canne-sucre-rhum » et en particulier le revenu des planteurs. Cet argument doit être écarté dans la mesure où il est sans lien direct avec le second grief, qui porte sur les restrictions contractuelles affectant les conditions de sortie de contrat des distilleries.
352. Il en résulte qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir de circonstances atténuantes ou aggravantes à l’égard de TOI et des Sucreries.
353. De même, aucun élément du dossier ne permet de retenir d’autres éléments d’individualisation de la sanction.
4. SUR LE MONTANT TOTAL DE LA SANCTION ET LES AJUSTEMENTS FINAUX
a) Sur le maximum légal
354. Au vu de l’ensemble des éléments exposés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire serait de [1 000 000-1 500 000] euros.
355. Le chiffre d’affaires mondial hors taxe le plus élevé consolidé par la société mère ultime est de [plus de 4 milliards] d’euros sur la période des pratiques293. Le montant de la sanction indiqué au paragraphe 354 ci-dessus est donc inférieur à 10 % de ce chiffre.
356. Au cas d’espèce, l’article L. 464-5 du code de commerce est applicable, l’Autorité ayant statué selon la procédure simplifiée en vertu d’une décision du rapporteur général du 29 juillet 2020. En application de cette disposition dans sa version alors en vigueur, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques sanctionnées. Le montant de la sanction pécuniaire calculé ci-dessus étant supérieur à ce plafond, il y a lieu de fixer la sanction pécuniaire infligée à TOI et aux Sucreries à 750 000 euros.
b) Sur la situation financière des entreprises en cause
357. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l’Autorité s’est engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive dont les parties invoquent l’existence, selon les modalités pratiques indiquées dans le communiqué sanctions.
358. Il appartient à l’entreprise de justifier l’existence de telles difficultés en s’appuyant sur des preuves fiables, complètes et objectives attestant de leur réalité et de leurs conséquences concrètes sur sa capacité contributive.
359. À ce titre, TOI et les Sucreries ont déposé une demande de capacité contributive le 15 octobre 2020.
360. Toutefois, l’analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l’Autorité à considérer qu’ils n’attestent pas de difficultés financières particulières de nature à les empêcher de s’acquitter de la sanction envisagée.
5. CONCLUSION SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES
361. Eu égard à l’ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d’imposer à TOI et aux Sucreries une sanction pécuniaire d’un montant de 750 000 euros.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que la société Tereos Océan Indien et les sociétés Sucrière de La Réunion et Sucrerie de Bois Rouge, en tant qu’auteures, ainsi que la société Tereos Océan Indien en qualité de société mère de ces deux sociétés, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce.
Article 2 : Une sanction pécuniaire d’un montant de 750 000 euros est infligée solidairement aux sociétés Tereos Océan Indien, Sucrière de La Réunion, et Sucrerie de Bois Rouge.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 https://habiter-la-reunion.re/la-filiere-canne-sucre-a-la-reunion/
3 Règlement (CE) N° 110/2008 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) n° 1576/89 du Conseil, annexe II, paragraphe 1 (JOUE L 39, p. 16).
4 Ibidem
5 Décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Quartier Français Spiritueux par la Compagnie Financière Européenne de Prise de Participation, paragraphe 10.
6 https://www.lsa-conso.fr/le-rhum-etend-ses-territoires,255786.
7 Rapport du Sénat n° 574 du 15 mai 2013, précité, pages 7 et 8.
8 Rapport d’information du Sénat n° 574 du 15 mai 2013, fait au nom de la commission des finances, sur le renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d’outre-mer, par MM. Georges Patient et Eric Doligé, page 7.
9 Rapport d’information du Sénat n° 247 du 10 décembre 2015, fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer sur le « sucre des régions ultrapériphériques en danger : sauver une filière vitale des méfaits d’une politique commerciale dogmatique », par Mme Gisèle Jourda et M. Michel Magras, sénateurs, page 11
10 Voir Rapport du Sénat n° 574 fait au nom de la commission des finances sur la proposition de résolution européenne sur le renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d’outremer, par MM. Georges Patient et Eric Doligé, page 10.
11 Site officiel des douanes françaises, « Fiscalité réduite applicable au rhum des DOM » (https://www.douane.gouv.fr/fiche/fiscalite-reduite-applicable-au-rhum-des-dom).
12 https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/excise-duties-alcohol-tobacco-energy/general-overview_fr.
13 Voir article 403 I du code général des impôts. Au 1er janvier 2021, le tarif par hectolitre d’alcool pur était fixé à 893,80 euros pour le rhum des DROM, contre 1 786,59 euros pour les autres produits.
14 Voir Décision (UE) 2020/1791 du Conseil du 16 novembre 2020 autorisant la France à appliquer, pour certaines taxes indirectes, un taux réduit au rhum « traditionnel » produit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion (JOUE L 402, page 7).
15 Décision (UE) 2020/1791 du Conseil du 16 novembre 2020, précitée, article premier.
16 Décision (UE) 2017/2152 du Conseil du 15 novembre 2017 modifiant la décision n° 189/2014/UE autorisant la France à appliquer un taux réduit concernant certaines taxes indirectes sur le rhum « traditionnel » produit en Guadeloupe, en Guyane française, en Martinique et à la Réunion (JOUE L 304 page 1).
17 Décision (UE) 2020/1791 du Conseil du 16 novembre 2020, précitée, et article 403 I 1° du code général des impôts, précité.
18 Arrêté du 13 juin 2018 portant répartition entre les départements d’outre-mer du contingent d’exportation de rhum traditionnel (JORF 15 juin 2018, texte n° 25). Cet arrêté est aujourd’hui codifié dans l’annexe 4 du code général des impôts, article 52 ter.
19 Arrêté du 13 juin 2018 portant répartition entre les départements d'outre-mer du contingent d'exportation de rhum traditionnel (JORF 15 juin 2018, texte n° 25).
20 Arrêté du 9 octobre 2012 portant répartition entre les départements d'outre-mer du contingent d'exportation de rhum traditionnel.
21 Arrêté du 3 février 2011 portant répartition entre les départements d’outre-mer du contingent d’exportation de rhum traditionnel.
22 Arrêtés du 3 février 2011, du 9 octobre 2012 et du 13 juin 2018 portant répartition entre les distilleries du contingent d’exportation de rhum traditionnel et relatif à la gestion de ce contingent.
23 8,5 % contre 20 % en métropole. Voir l’article 296 du code général des impôts.
24 Cote 913 VC – Cote 2307 VNC.
25 Cote 2383 VC – Cote 2455 VNC.
26 Cote 2002 VC – Cote 2163 VNC.
27 Cote 2461 VC – Cote 3454 VNC
28 Décision n° 10-DCC-51 du 28 mai 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du Groupe Quartier Français par Tereos.
29 Décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, précitée, paragraphes 327 à 355.
30 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
31 Pour l’année 2019, pour les distilleries DRM et DSAV, les chiffres représentent les quantités réelles et chiffres d’affaires réels de la campagne de distillation hors régularisation annuelle.
32 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
33 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
34 Isautier achète également certains volumes de mélasse provenant de la Sucrerie de Bois Rouge. Ces volumes sont distillés pour son compte par DRM pour produire un rhum destiné à la fabrication de liqueurs et qui ne peut pas être vendu comme rhum traditionnel. Voir note en délibéré des sociétés du groupe Tereos du 14 avril 2021.
35 La distillerie DSAV est située sur le même site que la Sucrerie de Bois Rouge.
36 Cote 573.
37 Cotes 1003 à 1007 VC – Cotes 2434 à 2436, 1281, 2437 VNC.
38 Cote 1004 VC – Cote 2435 VNC.
39 Décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, précitée.
40 Cotes 1009 à 1011 VC – Cotes 2438 et 2439 VNC.
41 Décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, précitée
42 Décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, précitée, paragraphe 332.
43 Décision n° 11-DCC-187 du 13 décembre 2011, précitée, paragraphe 333.
44 Cotes 971 à 979 VC – Cotes 2415, 1247, 2416 à 2418, 1251 à 1253 et 2419 VNC.
45 Cotes 597 et 883.
46 Cotes 170 à 176
47 Cotes 182 à 187.
48 Cotes 189 à 191.
49 COFEPP est également active à La Réunion, au travers de la société Mascarin, dans les secteurs (i) de la production de sirops et de chocolats, (ii) du négoce de boissons et de produits agroalimentaires. La société Mascarin exerce aussi une activité de grossiste en sucre.
50 Cotes 575 et 282.
51 Cote 575.
52 Cote 582.
53 Cote 582.
54 DRM produit également du rhum léger et d’autres alcools de canne, qui sont d’ordinaire revendus à des liquoristeries.
55 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
56 Pour l’année 2019, les chiffres représentent les quantités réelles et chiffres d’affaires réels de la campagne de distillation hors régularisation annuelle.
57 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
58 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
59 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
60 Cote 859 VC – Cote 2221 VNC.
61 Cote 2335 VC – Cote 3606 VNC
62 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
63 Pour l’année 2019, les chiffres représentent les quantités réelles et chiffres d’affaires réels de la campagne de distillation hors régularisation annuelle
64 Cote 1538.
65 Cote 1538.
66 Cote 2022.
67 Cotes 874 et 2022.
68 Cote 2019.
69 Cote 2337
70 Cote 1148.
71 Cotes 1148 et 1149 VC – Cote 3644 VNC.
72 Cotes 1531 et 1532 et 1149 VC – Cotes 2313, 2314 et 3644 VNC.
73 Cote 1148.
74 Cote 1152 VC – Cote 1172 VNC.
75 Cotes 1531, 1532, et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
76 Cotes 971 à 979 VC – Cotes 2415, 1247, 2416 à 2418, 1251 à 1253, 2419 VNC.
77 Cote 971 VC – Cote 2415 VNC.
78 Cote 973 VC – Cote 2416 VNC.
79 Cote 973 VC – Cote 2416 VNC.
80 Cote 974 VC – Cote 2417 VNC
81 Cote 974 VC – Cote 2417 VNC.
82 Cote 977 VC – Cote 1252 VNC ; Cote 4001.
83 Cote 980 ; Cotes 981 et 982 VC – Cotes 2420 et 2421 VNC.
84 Cote 981 VC – Cote 2420 VNC.
85 Cote 981 VC – Cote 2420 VNC.
86 Cotes 983 et 984 VC – Cotes 2422 et 2423 VNC
87 Cote 983 VC – Cote 2422 VNC.
88 Cote 983 VC – Cote 2422 VNC.
89 Cotes 170 à 177.
90 Cote 171.
91 Cote 172.
92 Cote 172.
93 Cote 172
94 Cotes 172 et 173.
95 Cote 173.
96 Contrat de Fourniture du 3 février 2012, clause 4.5 (Cote 974 VC – Cote 2417 VNC). Voir ci-dessus paragraphe 73.
97 Cotes 986 à 990 VC – Cotes 2424 à 2428 VNC.
98 Cote 988 VC – Cote 2426 VNC.
99 Cote 991 ; Cote 992 VC – Cote 2429 VNC.
100 Cote 994 ; Cotes 995 et 996 – Cotes 2430 et 2431 VNC.
101 Cote 995 VC – Cote 2430 VNC.
102 Cote 997 VC – Cote 2446 VNC ; Cote 998.
103 Cote 998.
104 Cotes 974 et 975 VC – Cotes 2417 et 2418 VNC. Tous ces tarifs s’entendent « Rendu distillerie » (« DAT » Delivery At Terminal – Incoterm 2010), ce qui signifie notamment que les coûts de transport pèsent sur le vendeur.
105 Cote 975 VC – Cote 2418 VNC.
106 Cote 2276.
107 Isautier achète certains volumes de mélasse provenant de la Sucrerie de Bois Rouge. Toutefois, ces volumes sont distillés pour son compte par DRM pour un rhum destiné à la fabrication de liqueurs et ne peut pas être vendu sous forme de rhum traditionnel. Voir l’Annexe 2 de la note en délibéré des sociétés du groupe Tereos du 14 avril 2021.
108 Cotes 1000 et 1001 VC – Cotes 2432 et 2433 VNC ; Cotes 1160 et 1161
109 Cote 1000 VC – Cote 2432 VNC ; Cote 1160.
110 Cote 2276.
111 Cote 1150 VC – Cote 2152 VNC.
112 Cote 2276.
113 Arrêt de la Cour de justice du 15 octobre 2002, C-238/99 P, C-244/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 59.
114 Arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T-343/08, points 80 à 84.
115 Voir, par exemple, décision n° 13-D-20 du 17 décembre 2013 relative à des pratiques mises en œuvre par EDF dans le secteur des services destinés à la production d’électricité photovoltaïque, paragraphes 207 et 208 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate Palmolive, n° 2012/0723.
116 Arrêt de la Cour de justice du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij NV e.a./Commission, C-238/99 P, points 60 et seq.
117 Voir, pour la doctrine, Emil Paulis, Céline Gauer : « Le règlement n° 1/2003 et le principe du ne bis in idem », Concurrences N° 1-2005.
118 Laurence Idot : « Réflexions sur l’application de certains principes et notions du droit pénal en droit des pratiques anticoncurrentielles », Mai 2006 Concurrences, n° 2-2006, art. n° 46440.
119 Voir, dans le même sens, arrêt de la Cour de justice du 10 mars 2005, Miraglia, C-469/03, points 30, 32-35 – à propos de l’application du principe non bis in idem dans le cadre de l’accord de Schengen.
120 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JOCE C 101/81, 27 avril 2004 (ci-après, les « Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce »).
121 Arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 1983, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin/Commission, 322/81, point 103.
122 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, paragraphe 21.
123 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbes e.a., n° 10-25.772, page 6.
124 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce paragraphe 34.
125 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, paragraphe 95.
126 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, paragraphe 95
127 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, paragraphe 99.
128 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, paragraphe 44.
129 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, paragraphe 45 ; arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Chevron Products Company, Total Outre-mer, Total Réunion, Esso SAF, n° V 13-16.745, R 13-16.764, S 13-16.765, Y 13-16.955, page 12.
130 Arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen AG/Commission, T-62/98, point 320. Voir également arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 septembre 2013, Roland Vlaemynck Tisseur, n° 2012/08948.
131 Voir, par exemple, arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2014, SA La Montagne, n° 12/10322.
132 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.
133 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 13.
134 Voir, notamment, décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 220 ; Décision n° 10-D-19 de l’Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 et 159 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 2011, Perrigault, n° 2010/08165.
135 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, précitée, paragraphe 8.
136 Décision C2005-113, Lettre du ministre de l’économie du 18 janvier 2006, aux conseils de la société Tereos, relative à une concentration dans le secteur du sucre ; Décision C2002-89, Union SDA-Union BS/Béghin-Say.
137 Décision de l’Autorité n° 10-DCC-51 du 28 mai 2010, paragraphe 38 ; Décision n° 12-DCC-06 du 20 janvier 2012 relative à l’acquisition du groupe Vermandoise par la société coopérative Cristal Union, paragraphes 36 et 38.
138 Décision de la Commission européenne du 30 mars 2009, COMP/M.5449, ABF/Azucarera, paragraphes 35 à 39.
139 Décision de la Commission européenne du 30 mars 2009, COMP/M.5449, ABF/Azucarera, paragraphe 37.
140 Décision du Conseil de la concurrence n° 01-D-70 du 24 octobre 2001 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la mélasse et du rhum à La Réunion.
141 Décision du Conseil de la concurrence n° 01-D-70 du 24 octobre 2001 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la mélasse et du rhum à La Réunion.
142 Voir, par exemple, décision n° 10-DCC-51, précitée, paragraphe 38.
143 Règlement (CE) N° 110/2008 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) n° 1576/89 du Conseil, annexe II (JOUE L 39, page 16).
144 Voir arrêté du 22 janvier 2015 relatif à l’indication géographique « Rhum de la Réunion » ou « Rhum Réunion » ou « Rhum de Réunion » ou « Rhum de l’île de La Réunion » (JORF 28 janvier 2015, texte n° 31), article premier, et Cahier des charges de l’indication géographique « Rhum de La Réunion » ou « Rhum Réunion » ou « Rhum de Réunion » ou « Rhum de l’île de La Réunion » homologué par l’arrêté du 22 janvier 2015 susvisé.
145 Voir Rapport d’information du Sénat n° 574 du 15 mai 2013, fait au nom de la commission des finances, sur le renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d’outre-mer, par MM. Georges Patient et Eric Doligé, page 15.
146 Cote 2335 VC – Cote 3606 VNC.
147 Cote 2023 VC – Cote 2256 VNC ; Cote 1995 VC – Cote 2246 VNC.
148 Observations en réponse à la notification des griefs, paragraphe 230, cote 4029.
149 Le rhum traditionnel vendu sur le marché local représente [10-20] % des volumes totaux produits par DSAV, mais [40-50] % de son chiffre d’affaires. Cotes 2016 et 2017 VC – Cote 2253 VNC.
150 Cote 2335 VC – Cote 3606 VNC.
151 Cette différence de prix est illustrée par le fait que TOI exporte la mélasse produite à La Réunion à un prix de cinq à dix fois moins élevé que le prix local. Cote 4124 VC – Cote 4747 VNC.
152 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
153 Cote 1677.
154 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
155 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
156 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal BV/Commission, 27/76, point 65 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 59.
157 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal BV/Commission, 27/76, point 72 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 59 (confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2020, n° 18-11.034).
158 Arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, point 90 ; et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T-66/01, points 255 et 256 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 54
159 Arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, point 60 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 54.
160 Arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, points 97 à 104.
161 Cote 1428.
162 Décision n° 10-DCC-51 du 28 mai 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du Groupe Quartier Français par Tereos.
163 Décision n° 10-DCC-51 du 28 mai 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du Groupe Quartier Français par Tereos, paragraphe 92.
164 Voir Tableau 1 ci-dessus.
165 Observations de TOI en réponse à la notification des griefs du 29 juillet 2020, paragraphe 499, cote 4070. Voir plus bas, paragraphe 286.
166 Pour DSAV, voir : http://www.distilleriesavanna.com/?page_id=166. Pour DRM, voir : https://www.rivieredumat.com/rhum/royal-agricole/. Pour Isautier, voir https://www.isautier.com/nosrhums/rhum-blanc-agricole-55/.
167 Dans son rapport précité, le Sénat estime que la part du rhum agricole à La Réunion se limite à 0,5 % de la production.
168 Voir la section relative au grief n° 2 ci-dessous.
169 Cote 2019.
170 Arrêts de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche & Co. AG/Commission, 85/76, point 38 ; du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, point 57 ; du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C-202/07 P, point 105 ; du 17 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera, C-52/09, point 24 ; et du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, point 112 ; décision du Conseil de la concurrence n° 09-D-24 du 28 juillet 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM, paragraphe 207 ; décision de l’Autorité n° 14-D-02 du 20 février 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la presse d’information sportive, paragraphe 208, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel du 15 mai 2015, Les éditions P. Amaury S.A., n° 2014/05554, page 8.
171 Arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia SA, C-525/16, point 24.
172 Décision de l’Autorité n° 09-D-04 du 27 janvier 2009 relative à des saisines de la société les Messageries Lyonnaises de Presse à l’encontre de pratiques mises en œuvre par le groupe des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne dans le secteur de la distribution de la presse, paragraphe 154 ; décision de l’Autorité n° 14-D-06 du 8 juillet 2014 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Cegedim dans le secteur des bases de données d’informations médicales, paragraphe 160, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 septembre 2015, Cegedim e.a., RG n° 2014/17586, et par l’arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2017, Cegedim e.a., n° H 15-25.941.
173 Décision de l’Autorité n° 13-D-07 du 28 février 2013 relative à une saisine de la société E-kanopi, paragraphe 33 ; décision n° 14-D-06 du 8 juillet 2014 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Cegedim dans le secteur des bases de données d’informations médicales, paragraphes 161 et 162.
174 Arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia SA, C-525/16, point 24. Voir également arrêt de la Cour de justice du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, point 143.
175 Décision de l’Autorité n° 13-D-07 du 28 février 2013 relative à une saisine de la société E-kanopi, paragraphes 33 et 34 ; décision n° 14-D-06 du 8 juillet 2014 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Cegedim dans le secteur des bases de données d’informations médicales, paragraphes 163 et 164 ; décision n° 14-D-17 du 20 novembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la réparation navale de grande plaisance en Méditerranée, paragraphes 140 à 144.
176 Arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia SA, C-525/16, point 25. Voir également arrêt de la Cour de justice du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, point 144.
177 Arrêt de la Cour de justice du 11 décembre 2008, Kanal 5, C-52/07, point 44 ; arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia SA, C-525/16, point 25 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 novembre 2008, Compagnie industrielle des pondéreux du Havre, n° 2007/17386, pages 19 et 20.
178 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands, C-27/76, point 184 ; du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, point 69 ; du 11 décembre 2008, Kanal 5, C-52/07, point 47.
179 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 5ème chambre, Section A, du 26 mars 2008, S.A. Edipost e.a., n° 05/24993, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2009, n° 08-15.290.
180 Décision n° 14-D-06 du 8 juillet 2014 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Cegedim dans le secteur des bases de données d’informations médicales, paragraphe 158 ; décision n° 20-D-15 du 27 octobre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de déplacements aériens professionnels, paragraphe 89.
181 Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris, T-128/98, point 206.
182 Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris, T-128/98, points 168 et 169.
183 Voir, par exemple, décision n° 12-D-28 du 20 décembre 2012 relative à une saisine de la Fédération Française de Rugby, paragraphes 57 et 58, dans laquelle l’Autorité a considéré que certaines manifestations dites « réservées », qui nécessitaient la conclusion de conventions de longue durée, n’étaient pas équivalentes aux autres types de manifestations qui pouvaient faire l’objet de négociations contractuelles ponctuelles.
184 Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris, T-128/98, point 213
185 Ce point n’a pas été contesté en séance par la saisissante.
186 Cote 915 VC – Cote 2308 NVC.
187 Cote 915 VC – Cote 2308 NVC.
188 Cote 1858 VC – Cote 2444 VNC ; note en délibéré des sociétés du groupe Tereos du 14 avril 2021, pages 5 et 6.
189 Note en délibéré de la société Réunionnaise du Rhum du 22 avril 2021, pages 2 à 4.
190 Cote 550.
191 Cote 1149 VC – Cote 3644 VNC.
192 Cote 1149 VC – Cote 3644 VNC.
193 Ces prix actualisés sont ceux fournis par TOI (cote 2276).
194 Isautier a indiqué qu’en 2017, TOI lui avait proposé de revoir son prix d’achat pour le porter à 120 euros par tonne de mélasse, mais Isautier avait alors refusé. Cote 1150 VC – Cote 2152 VNC.
195 Arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, point 89.
196 Cote 1861 VC – Cote 1940 VNC.
197 Cote 1861 VC – Cote 1940 VNC.
198 Voir, par exemple, cote 1585.
199 Arrêt de la Cour de justice du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, points 143 et 144 ; du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, C-295/17, point 25.
200 Arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, point 26.
201 Arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, point 27, soulignement ajouté.
202 Arrêt de la Cour de justice du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, point 145 ; du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, C-295/17, points 27 et 28
203 Arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, C-295/17, point 37, soulignement ajouté.
204 « [L]orsque l’incidence d’une différenciation tarifaire sur les coûts supportés par l’opérateur qui s’estime lésé, ou encore sur la rentabilité et les bénéfices de cet opérateur, n’est pas significative, il peut le cas échéant
en être déduit que cette différenciation tarifaire n’est pas susceptible d’avoir un quelconque effet sur la position concurrentielle dudit opérateur », arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, C-295/17, point 34.
205 Décision n° 07-D-28 du 13 septembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre, la Société Havraise de gestion et de transport et la société Havre Manutention, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 novembre 2008, Société Compagnie Industrielle des Pondéreux du Havre, n° 2007/17386.
206 Le désavantage tarifaire avait été chiffré à 237 230 euros par rapport à la CIPHA ; Décision n° 07-D-28, précitée, paragraphe 111.
207 Décision n° 07-D-28, précitée, paragraphe 112.
208 Cote 3910
209 Cote 3911.
210 Cote 3912.
211 Cote 3915.
212 Cote 23.
213 Cote 2019.
214 Décision de l’Autorité n° 11-DCC-187, précitée, paragraphes 9 à 39.
215 Décision de l’Autorité n° 11-DCC-187, précitée, paragraphe 89.
216 Décision de l’Autorité n° 11-DCC-187, précitée, paragraphe 93
217 Cotes 1639, 2021. Dans cette première estimation, la saisissante a appliqué pour l’année 2016 le prix d’achat pour l’année 2017, ainsi qu’un volume arrondi de rhum Charrette commercialisé sur le marché local pour 2016. Après correction, le manque à gagner pour 2016 devrait être ramené à 666 559 euros
218 Cote 3914.
219 Un écart de rendement plus élevé, de 20 % par exemple, conduit à un manque à gagner d’environ 5,4 millions sur la période 2012-2019, soit environ 675 000 euros par an.
220 Observations de RDR sur la notification des griefs du 29 juillet 2020, paragraphe 59, cote 3917.
221 Observations de RDR sur la notification des griefs du 29 juillet 2020, paragraphes 57 à 59, cotes 3916 à 3919.
222 Note en délibéré des sociétés du groupe Tereos du 14 avril 2021.
223 Note en délibéré de la Réunionnaise du Rhum du 21 avril 2021.
224 Cote 2019
225 Cote 4141.
226 En 2009, le rhum a cessé d’être exonéré de la taxe dite d’octroi de mer. Les services des douanes ont néanmoins reproché au GIE Rhums Réunion d’avoir minoré cette taxe entre 2009 et 2013, et elles ont réclamé les sommes manquantes (environ 5 millions d’euros) en 2013. Source :https://www.clicanoo.re/Societe/Article/2013/04/06/Octroi-de-mer-les-douanes-reclament-plus-de-5-millions-deuros-Rhum
227 En 2018, le coût de la mélasse pour produire un LAP destiné au marché local s’élevait, pour DSAV, à 1,77 euro et le prix d’achat du GIE Rhums Réunion auprès de DSAV s’élevait à 722 euros par HAP, soit 7,22 euros par LAP, soit un poids de la mélasse dans le prix de DSAV de 25 %. En 2019, le coût de la mélasse pour produire un LAP destiné au marché local s’élevait à 1,76 euro et le prix d’achat du GIE Rhums Réunion auprès de DSAV s’élevait à 730 euros par HAP, soit 7,30 euros par LAP, soit un poids de la mélasse dans le prix de DSAV de 25 %. Cotes 1537, 2020, et 2339.
228 Cote 2021. Ce tableau a été soumis par la saisissante. Il a été repris en séance sans faire l’objet de contestation de sa part.
229 Cote 2021
230 Cote 1639. Ce tableau a lui aussi été soumis par la saisissante. Il a lui aussi été repris en séance sans faire l’objet de contestation de sa part.
231 La possibilité de renégociation des conditions d’approvisionnement en rhum traditionnel de sucrerie vrac entre le GIE Rhums Réunion et DSAV a été acceptée par la saisissante elle-même (cote 1761).
232 La quote-part est obtenue par le calcul 1,60-0,61=0,99, soit un coût du rhum pour le GIE au LAP de 4,93 euros (=0,99/(49%x41%)) en tenant compte du taux d’alcool de 49° et du mélange Charrette à hauteur de 41 % pur DSAV. Ce coût correspond à un prix de cession de DSAV du GIE HTDT au LAP de 4,36 euros en neutralisant l’octroi de mer de 13% (=4,93/1,13).
233 Soit 4,36-1,72.
234 Cote 906.
235 Voir l’avis de l’Autorité n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer.
236 Annexe 19 de la saisine, cotes 199 à 215.
237 Cote 1510.
238 Article 3 du contrat de fourniture du 3 février 2012, Cote 973 VC – Cote 2416 VNC.
239 Article 4.5 du contrat de fourniture du 3 février 2012, Cote 974 VC – 2417 VNC.
240 Article 4.5 du contrat de fourniture du 3 février 2012, tel que modifié par l’avenant du 28 avril 2014, Cote 983 VC – Cote 2422 VNC.
241 Voir supra, paragraphes 178 à 180.
242 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C-286/13 P, point 125 ; du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C-202/07 P, point 105 ; du 6 octobre 2009 GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, point 63 ; du 17 février 2011, Konkurrensverket/TelioSonera Sverige AB, C-52/09, point 24.
243 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, point 91 ; du 9 novembre 1983, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin/Commission, 322/81, points 57 et 70 ; du 3 juillet 1991, Akzo/Commission, C-62/86, point 69 ; du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, point 66; du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C-202/07 P, point 104 ; du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, point 173 ; du 16 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, C-52/09, point 27.
244 Arrêts de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, point 249 ; du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV4, C-52/07, point 27. Voir également arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 novembre 2019, Sanicorse, n° 18/23992, page 8, confirmé sur ce point par l’arrêt de laCour de cassation du 7 juillet 2021, n° 19-25.586.
245 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice du 18 avril 1975, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, point 26 ; du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, point 173 ; du 16 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, C-52/09, point 26.
246 Voir, en ce sens, arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991, Akzo/Commission, C-62/86, point 70 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2003, Van der Bergh Foods/Commission, point 157 ; décision de la Commission européenne du 2 octobre 2017, Baltic Rail, AT.39813, paragraphes 182 à 201.
247 Voir, en ce sens, arrêt de la Cour de justice du 18 avril 1975, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, points 27 et 29 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T-128/98, point 170.248 Voir, en ce sens, l’arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia NV/Commission, T-111/96, point 139.
249 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C-549/10 P, point 68.
250 Arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2015, Post Danmark A/S/Konkurrencerådet, C-23/14, point 65.
251 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C-457/10 P, points 109 et 111.
252 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-209/10, Post Danmark A/S/Konkurrencerådet, paragraphes 40 et 41
253 Décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-47 du 22 novembre 2000 relative aux pratiques mises en œuvre par EDF et sa filiale Citélum sur le marché de l’éclairage public. Dans le même sens, l’Autorité avait exprimé des préoccupations de concurrence au sujet de la durée de contrats-cadres négociés par TDF pour l’hébergement d’équipements de téléphonie mobile. TDF négociait des contrats pour une durée allant jusqu’à 20 ans et les assortissait de pénalités en cas de résiliation anticipée. À la suite de l’enquête de l’Autorité, TDF s’est engagée à réduire la durée de ses contrats. Voir décision n° 15-D-09 du 4 juin 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’hébergement des équipements de téléphonie mobile.
254 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands Company/Commission, 27/76.
255 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands Company/Commission, 27/76, point 157.
256 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands Company/Commission, 27/76 point 159
257 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands Company/Commission, 27/76, point 160.
258 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
259 Cotes 1531, 1532 et 2384 VC – Cotes 2313, 2314 et 2402 VNC.
260 Cote 977 VC – Cote 1252 VNC ; Cote 4001
261 Cote 15.
262 Cote 974 VC – Cote 2417 VNC.
263 Cote 983 VC – Cote 2422 VNC.
264 Cote 4013 VC – Cote 4641 VNC.
265 Cotes 973 et 974 VC - Cotes 2416 et 2417 VNC.
266 Voir, en ce sens, les arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, point 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, point 138 ; ou encore la décision de l’Autorité n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphes 740 à 742.
267 Voir décisions de l’Autorité n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 597 ; n° 11-D-13 du 5 octobre 2011 relative à des pratiques relevées dans les secteurs des travaux d’électrification et d’installation électrique dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes, paragraphe 352
268 Arrêts de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri A/S e.a. /Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, point 112 ; du 10 janvier 2006, Ministero dell’Economia e delle Finanze/Cassa di Risparmio di Firenze SpA e.a.,. C-222/04, point 107 ; du 11 janvier 2006, Federacion Espanola de Empresas de Tecnologia Sanitaria (FENIN)/Commission, C-205/03 P, point 25 ; du
20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 34. 269 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 55 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg SA e.a., C-201/09 P et C-216/09 P, point 95 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09 P, point 53.
270 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., RG n° 2011/01228, page 18.
271 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 56 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg SA e.a., C-201/09 P et C-216/09 P, point 95 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09 P,
point 53 ; arrêt de la cour d’appel de Paris, 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, page 18.
272 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 52.
273 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 58 ; du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 37 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg SA e.a., C-201/09 P
et C-216/09 P, point 96 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09 P, point 54 ; du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 38 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pages 18 et 19.
274 Arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 60 ; du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 42 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09 P, point 56 ; du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 40 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, page 19.
275 Arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 61 ; du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 40 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg SA e.a., C-201/09 P et C-216/09 P, point 98 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09 P, point 57 ; du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 41 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01288, pages 17 à 23.
276 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 74 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09 P, point 58.277 Arrêts du Tribunal du 27 octobre 2010, Alliance One International, Inc. e.a. /Commission, T-24/05, point 169 ; du 12 décembre 2007, Akzo Nobel NV e.a. /Commission, T-112/05, point 58
278 Le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 a modifié le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce (JORF n° 0121 du 27 mai 2021, texte n° 11). Cette modification n’est toutefois pas applicable en l’espèce. En effet, le deuxième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance a précisé que ces modifications « ne sont applicables qu’aux procédures pour lesquelles des griefs sont notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ».
279 L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 n’a pas modifié cette disposition.
280 Cet article a été abrogé par le 8° du III de l’article 37 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (JORF n° 0293 du 4 décembre 2020, texte n° 2).
281 Le 30 juillet 2021, l’Autorité, tenue de prendre en compte les modifications législatives apportées par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 et de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 a adopté un nouveau communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, lequel abroge et remplace le communiqué du 16 mai 2011. Toutefois, comme indiqué ci-dessus en note 278, les modifications du 3° du I de l’article L. 464-2 n’étant pas applicables en l’espèce, il y a lieu de faire application du communiqué du 16 mai 2011.
282 Voir, en ce sens, arrêts de la Cour de cassation du 28 juin 2003, Domo services maintenance, n° 01-00.528, et du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13.910.
283 Arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge Ciments e.a., n° 10-17.482 et 10-17.791.
284 Cote 2384 VC – Cote 2402 VNC.
285 Décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012, paragraphe 700 ; arrêts de la cour d’appel de Paris du 16 septembre 2012, Raffalli, n° 2009/24813, page 12 ; du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, page 71.
286 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499.
287 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, RG n° 2010/12049, page 5, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, n° 11-22.144, page 5; arrêt de la cour d’appel de Paris du26 janvier 2012, Beauté prestige international, RG n° 2010/23945, page 89.
288 Voir, arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049.
289 Voir, en ce sens, Cour de cassation, 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13.910, page 7
290 Notification des griefs du 29 juillet 2020, paragraphe 271.
291 Notification des griefs du 29 juillet 2020, paragraphe 219.
292 Notification des griefs du 29 juillet 2020, paragraphe 218
293 Cote 2461 VC – Cote 3454 VNC.