Cass. com., 27 février 1990, n° 88-19.194
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
M. Le Tallec
Avocat général :
M. Curti
Avocats :
SCP Boré et Xavier, SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Editio, ayant droit de la société Les Editions Contemporaines et invoquant le nom commercial " Editions d'Art Lucien X ", a demandé que soit prononcée la nullité de la marque X déposée le 25 novembre 1982 par son président, M. Lucien X, et enregistrée sous le n° 1 219 864 pour désigner des produits et services des classes 9, 16 et 41, notamment les livres et l'activité d'édition ; que M. X a formé une demande reconventionnelle pour contrefaçon de marque et atteinte à son nom patronymique ;.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Attendu que, pour rejeter la demande en nullité de la marque, la cour d'appel énonce qu'il n'existe pas dans la convention du 6 septembre 1945 conclue à Genève entre les fondateurs de la société Les Editions Contemporaines la moindre relation d'un accord de M. Lucien X pour faire un apport de son patronyme en tant que nom commercial sous l'appellation " Editions d'Art Lucien X " ; qu'il n'est produit aucun écrit constatant expressément un accord de M. Lucien X pour faire l'apport de son nom patronymique à titre de nom commercial à la société Editio ; qu'il n'est allégué aucune insertion de ce nom dans les statuts de cette société ; que les faits invoqués par celle-ci sont insuffisants par eux-mêmes pour faire admettre, en l'absence de toute manifestation expresse de volonté de Lucien X, un accord de cette nature ; que l'ensemble des circonstances relevées par l'arrêt rend explicable la tolérance par M. X de l'utilisation de son patronyme sur le " papier commercial " et sur les contrats de la société Editio ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, après avoir relevé que l'acte du 6 septembre 1945 précisait que la société Les Editions Contemporaines, dont la société Editio est ayant droit, avait pour but notamment l'exploitation exclusive des Editions d'Art Lucien X et que la publication en Suisse de la constitution de la société indiquait que M. Lucien X faisait apport de l'exclusivité de l'exploitation des Editions d'Art Lucien X, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, dont il résultait que, par une cession implicite, le patronyme était devenu un signe distinctif qui s'était détaché de la personne physique qui le porte, pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 1er et 3 de la loi du 11 mars 1957 ;
Attendu que pour décider que la société Editio avait pu causer un préjudice à M. X en portant " atteinte au respect de son nom d'auteur ", la cour d'appel a retenu qu'il était l'auteur d'une collection originale dont il avait personnellement choisi le thème, les matières et le mode de présentation des ouvrages, caractérisés, conformément à sa volonté, par la richesse de la documentation, la valeur des commentaires et une illustration remarquable ;
Attendu, qu'en statuant ainsi, alors que, l'édition d'une collection d'ouvrages, présentant un certain nombre de caractéristiques communes, telle que celle dont M. X a conçu l'idée, ne constitue pas en soi la création d'une oeuvre distincte de ces ouvrages eux-mêmes et dont l'éditeur pourrait être considéré comme l'auteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches ou moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.