Cass. com., 7 février 1995, n° 93-12.425
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Créations Hugo Boss (SARL), Hugo Boss AG (SA)
Défendeur :
Big Boss (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Me Jacoupy, Me Guinard
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 octobre 1992),que la société Créations Hugo Boss a déposé les marques Boss, Hugo Boss et Hugo Boss 1924 ;que cette société a assigné pour contrefaçon des marques Boss et Hugo Boss et concurrence déloyale la société Big Boss qui utilise le signe protégé au titre du nom commercial ;que, devant la cour d'appel, la société allemande Hugo Boss AG, qui fabrique les vêtements et articles textiles commercialisés en France par la société Créations Hugo Boss, est intervenue volontairement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Créations Hugo Boss et Hugo Boss AG font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la société Hugo Boss AG en son intervention principale devant la cour d'appel alors, selon le pourvoi, que l'intervention principale en cause d'appel est subordonnée à la seule existence d'un intérêt pour celui qui la forme et d'un lien suffisant avec les prétentions originaires ;
qu'ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait déclarer irrecevable l'intervention principale de la Société Hugo Boss, dont elle relevait qu'elle présentait un intérêt pour son auteur, et qui tendait aux mêmes fins que la demande originaire et procédait des mêmes faits, même si son fondement juridique était différent, a violé les articles 325 et 554 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'intervention de la société Hugo Boss AG tend d'un côté à s'associer aux demandes formées par la société Créations Hugo Boss pour la protection des marques dont celle-ci est titulaire et d'un autre côté pour demander la protection des marques dont elle-même est titulaire pour les avoir déposées à l'Office mondial de la propriété industrielle (OMPI) ;qu'à partir de ces constatations, la cour d'appel, qui a retenu que la société Hugo Boss AG avait un intérêt pour intervenir afin de soutenir l'action tendant à la protection des marques dont sa filiale est titulaire, et qu'elle ne pouvait pas exercer pour la première fois devant la cour d'appel l'action en contrefaçon pour la protection des marques dont elle-même est titulaire et qui sont distinctes des marques déposées en France par la société Créations Hugo Boss, a pu décider que l'intervention de la société Hugo Boss AG était recevable "mais seulement en ce que cette intervention est accessoire et ne tend qu'au soutien des actions en contrefaçon et concurrence déloyale introduites par "la société Créations Hugo Boss" ;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen pris en ses deux branches qui est préalable :
Attendu que les sociétés Créations Hugo Boss et Hugo Boss AG font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en contrefaçon alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en énonçant que le terme Hugo se trouve toujours associé d'une manière ou d'une autre au terme Boss dans les diverses marques déposées tant par la société Créations Hugo Boss que par la société Hugo Boss AG de sorte que lesdites marques évoquent forcément un patronyme ou un pseudonyme, la cour d'appel a dénaturé par omission la marque Boss déposée par la société Créations Hugo Boss dans laquelle le terme Boss figure absolument seul violant l'article 1134 du code civil ;
alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par leurs conclusions d'appel, si le terme Boss, utilisé dans les marques Boss et Hugo Boss, ne constituait pas, en même temps qu'un patronyme (ou un pseudonyme), un anglicisme dont la traduction en français est "patron", et qui conservait son individualité et son pouvoir distinctif dans la dénomination Big Boss, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 422 du code pénal ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la marque Boss, inscrite le 15 décembre 1977 au registre international des marques, comporte à l'intérieur de la lettre O la mention "Créations Hugo Boss Paris" et celle inscrite le 20 novembre 1987 est associée à la mention "Hugo Boss" ;
qu'ainsi, la cour d'appel, à partir de ces constatations et appréciations, n'a pas dénaturé la marque en retenant souverainement, d'un côté, que les marques litigieuses évoquaient un patronyme ou un pseudonyme, et, d'un autre côté, que les marques Boss et Hugo Boss étaient associées par leur titulaire et dans l'esprit de la clientèle ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que l'expression Big Boss, associant deux anglicismes dont l'usage est fréquent pour signifier "grand patron", constitue un ensemble indivisible faisant perdre à l'élément Boss entendu comme patronyme ou pseudonyme son individualité et son pouvoir distinctif et que dans l'expression Hugo Boss l'élément Hugo est au moins aussi caractéristique que l'élément Boss ;
que la cour d'appel, qui en a déduit que l'expression Big Boss ne constituait pas la reproduction de la marque a donc procédé à la recherche prétendument omise ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que les sociétés Créations Hugo Boss et Hugo Boss AG font grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société Créations Hugo Boss pouvait seulement se prévaloir en l'état d'un droit de propriété sur la marque Hugo Boss alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Créations Hugo Boss soulignant que, les actes de contrefaçon s'étant renouvelés tout au long de la procédure, elle était fondée à se prévaloir de ses droits sur la marque Boss au moins pour la période courant du 15 décembre 1987 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, d'autre part, que l'article 563 du nouveau Code de procédure civile autorise les parties à formuler un moyen nouveau en cause d'appel ;
que la cour d'appel a donc violé l'article 563 du nouveau Code de procédure civile) ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a décidé que le nom commercial Big Boss ne constituait ni la contrefaçon ni l'imitation illicite des marques litigieuses, n'avait pas à répondre au moyen inopérant pris de la poursuite des actes de contrefaçon du 15 décembre 1987 à la date de l'arrêt ;d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.