Cass. com., 24 juin 2008, n° 07-10.756
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Main
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Joint les pourvois n° M 07-10.756, formé par la société Constructions André X, et n° P 07-12.115, formé par M. X, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X, entrepreneur individuel ayant commencé sous son nom de famille une activité de constructeur en 1966, a, en 1971, fondé la société anonyme des Constructions André X (la société), dans laquelle il détenait la majorité des actions, et à laquelle il a donné en location-gérance le fonds auparavant exploité par ses soins ; qu'en 1976, M. X a cédé à la société ce fonds de commerce, comprenant notamment "l'enseigne et le nom commercial Constructions André X, sous lequel ce fonds est connu et exploité" ; qu'en 1979, il a vendu l'ensemble des actions qu'il détenait ; que la société ayant déposé, dès 1979, diverses marques déclinant son nom de famille, puis s'étant transformée en société en nom collectif, avant de revenir au statut de société anonyme et de reprendre à cette occasion la dénomination "André X", M. X l'a assignée, en 2002, en demandant que ces marques soient annulées, et qu'il soit interdit à cette société d'utiliser son nom en tant que dénomination, enseigne ou nom commercial ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par M. X :
Attendu que M. X fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir interdire à la société d'user de son nom de famille en tant que dénomination sociale, enseigne et nom commercial, alors, selon le moyen, que le droit à la dénomination sociale, à l'enseigne et au nom commercial s'éteint par la cessation de son usage ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société, lorsqu'elle s'est transformée le 12 décembre 1983 en société en nom collectif, a adopté la dénomination sociale CIF et Cie SNC, l'article 11 de la loi du 24 juillet 1966 lui interdisant de faire figurer dans cette dénomination le patronyme d'une personne non associée ; qu'en jugeant que la société avait pu, en se transformant à nouveau en société anonyme le 15 janvier 1988, réincorporer dans sa dénomination sociale ce patronyme qu'elle "ne saurait avoir perdu le droit d'utiliser", la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant fondé sa décision sur le maintien de l'autorisation accordée par M. X, le moyen soutenant que la société aurait perdu la faculté d'user du signe contesté, en raison, non point de la caducité de cette autorisation, mais d'un défaut d'usage, est inopérant ;
Sur la recevabilité du moyen unique du pourvoi formé par la société, pris en sa seconde branche, contestée en défense :
Attendu qu'il est prétendu que ce moyen est nouveau ;
Mais attendu que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la notoriété doit s'apprécier par rapport à un large public sur le territoire national ; que le grief, qui n'est pas nouveau, est recevable ;
Et sur ce moyen :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que le consentement donné par un associé fondateur dont le nom est notoirement connu sur l'ensemble du territoire national, à l'insertion de son nom de famille dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait, sans accord de sa part, et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services ;
Attendu que pour prononcer la nullité des marques déposées par la société, l'arrêt retient que notoriété ne doit pas être confondue avec célébrité, que M. X fait justement grief au premier juge d'avoir estimé qu'il ne rapportait pas la preuve d'une notoriété pour ses activités exercées avant 1971, date de création de la société à laquelle il devait céder son fonds par la suite, qu'il résulte en effet des nombreuses pièces versées aux débats que sa notoriété étendue à toute la région Aquitaine et non pas au seul département de la Gironde, était établie bien avant la création en 1971 de la société à laquelle il devait céder son fonds en 1976, autour de sa conception originale de maisons individuelles, au profil adapté aux divers sites de la région, et dont la construction était réalisée dans toutes ses phases, du gros oeuvre à la finition, par la seule entreprise André X, cette originalité ayant établi la notoriété de l'entreprise André X par la qualité de ses constructions et le fait que ses clients n'avaient qu'elle pour interlocuteur dans le cadre de leur opération de construction ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur ce moyen entraîne l'annulation par voie de conséquence des dispositions relatives à l'évaluation du préjudice de M. X ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a reçu M. X en son appel, en ce qu'il a déclaré son action recevable et en ce qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à voir faire interdiction à la société André X d'utiliser son patronyme en tant que dénomination sociale, enseigne, nom commercial ou tout identifiant commercial, l'arrêt rendu le 18 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.