CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 novembre 2021, n° 18/10355
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Aquitaine Distribution Emballages (SARL)
Défendeur :
Magic France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocats :
Me Grappotte Benetreau, Me Boccon Gibod , Me Altmann
Vu le jugement rendu le 30 mars 2018 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui :
- n'a pas reçu M. X et Mme Y en leurs interventions volontaires,
- a débouté la société Aquitaine distribution emballages, M. X et Mme Y de toutes leurs demandes,
- a condamné la société Aquitaine distribution emballages aux entiers dépens et à payer à la société Magic France, à M. Z et à la société W, chacun, la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel relevé par la société Aquitaine distribution emballages, M. X et Mme Y qui demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions notifiées le 22 février 2019, d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de :
sur la brusque rupture des relations commerciales et les actes de concurrence déloyale, au visa de l'article L. 442-6-1 du code de commerce ainsi que des articles 1134 alinéa 3 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme des contrats, de :
- dire que la société W, M. Z et la société Magic France ont engagé leur responsabilité envers la société Aquitaine distribution emballages en participant à la rupture brutale par la société Magic Pack de ses relations commerciales avec celle-ci et en commettant à son préjudice des actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle,
- les condamner in solidum à payer à la société Aquitaine distribution emballage, en réparation de son préjudice, la somme de 565.000 € équivalant à la valeur de son fonds de commerce ou, subsidiairement la somme de 197.750 € équivalant à une perte de marge commerciale sur une année,
sur les pratiques restrictives de concurrence :
- dire que la société Magic France a engagé sa responsabilité envers la société Aquitaine distribution emballages par des pratiques restrictives de concurrence au sens de l'article L. 442-6-1 du code de commerce ainsi que par défaut d'exécution de bonne foi des conventions sur le fondement de l'article 1134 alinéa 3 du code civil,
- en réparation, condamner la société Magic France à payer à la société Aquitaine distribution emballages les sommes suivantes :
648.403 € pour répétition de l'indu au titre des hausses de tarifs pratiquées par la société Magic Pack,
38.000 € au titre de la perte de marge commerciale sur les périodes de rupture d'approvisionnement, 50.000 € au titre de la détérioration des conditions de livraison,
soit au total la somme de 736.403 €,
sur les demandes de Mme Y. et de M. X : en réparation du préjudice qui leur est causé par la disparition du fonds de commerce de la société Aquitaine distribution emballages, consécutif aux agissements de la société Magic France, de la société W et de M. Z, condamner ces derniers in solidum, sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, à verser :
- à M. X : 50.000 €, tous chefs de préjudice confondus,
- à Mme Y : 49.713 € de perte de revenus et 68.500 € de perte de dividendes,
à titre subsidiaire :
- organiser une mesure d'expertise, telle que détaillée dans le dispositif de ses écritures, avec pour objet les pratiques de la société Magic Pack relatives à ses tarifs et évaluer :
le préjudice subi par la société Aquitaine distribution emballages du fait de la hausse de tarifs imposés par la société Magic Pack,
la valeur du fonds de commerce de la société Aquitaine distribution emballages au 31 août 2012,
la perte de marge commerciale de la société Aquitaine distribution emballages sur une durée d'une année à compter du mois de septembre 2012,
- condamner la société Magic France, la société W et M. Z à verser la somme de 100.000 €, à titre provisionnel, en réparation du préjudice subi par la société Aquitaine distribution emballages,
en tout état de cause :
- débouter la société Magic France, la société W emballage et M. Z de toutes leurs demandes,
- les condamner in solidum aux entiers dépens et à payer la somme de 5.000 € à la société Aquitaine distribution emballages sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2018 par la société Magic France qui demande à la cour, au visa des articles L. 442-6 du code de commerce, 1382 et 2224 du code civil ainsi que des articles 122 et 146 du code de procédure civile, de :
à titre principal :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que les demandes formulées par la société Aquitaine distribution emballages n'étaient pas prescrites,
- statuant à nouveau, dire que les demandes de la société Aquitaine distribution emballages sont prescrites,
à titre subsidiaire, si la cour, infirmant le jugement, recevait M. X et Mme Y en leur intervention volontaire :
- dire que leurs demandes sont prescrites,
- juger leurs demandes mal fondées,
- en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs demandes,
en tout état de cause,
- par application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Aquitaine distribution emballages à lui payer la somme de 5.000 €,
condamner M. X et Mme Y, chacun, à lui verser la somme de 1.000 €,
- condamner la société Aquitaine distribution emballages, M. X et Mme Y in solidum aux dépens;
Vu les dernières conclusions notifiées le 17 mai 2021 par M. Z et par la société W, prise en la personne de son liquidateur amiable M. Z, qui demandent à la cour, au visa des articles 1134 alinéa 3 (ancienne rédaction) et 1382 (ancienne numérotation) du code civil ainsi que de l'article L. 442-6 du code de commerce, de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que les actions de la société Aquitaine distribution emballages, de Mme Y et de "M. Z" n'étaient pas prescrites,
- déclarer prescrite l'action engagée par la société Aquitaine distribution emballages sur le fondement de l'article L. 442-6-2 du code de commerce,
- déclarer prescrite l'action engagée par de Mme Y et M. X sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil,
- en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de la société Aquitaine distribution emballages, de Mme Y et de M. X,
- par application de l'article 700 du code de procédure civile :
condamner la société Aquitaine distribution emballages à verser respectivement à la société W et à M. Z la somme de 10.000 €,
condamner M. X et Mme Y à verser respectivement à la société W et à M. Z la somme de 1.500 €,
- condamner tous succombants aux dépens;
SUR CE, LA COUR
La société Aquitaine distribution emballages, créée en 1995, avait pour activité essentielle la commercialisation de matériels de conditionnement de produits alimentaires, plus précisément de barquettes alimentaires; le capital de cette société est réparti entre trois associés : M. X qui en détient 40 %, Mme Y qui en détient 30 % et M. A, gérant, qui en détient 30 %.
A partir de 2004, la société Aquitaine distribution emballages s'est approvisionnée auprès de la société de droit italien Magic Pack, qui fabrique des emballages alimentaires en polystyrène expansé et appartient au groupe italien Gruppo Happy.
La société Magic France, créée en 2006, est l'agent commercial en France de la société Magic Pack; son gérant est M. B qui était, avant la création de cette société, commercial salarié de la société Magic Pack.
La société Aquitaine distribution emballages a cessé son activité en août 2012.
M. Z, qui avait été embauché par la société Aquitaine distribution emballages le 8 février 2010 a été licencié pour motif économique le 2 avril 2012 ; le 31 août 2012 il a constitué avec une autre associée la société W ayant pour objet l'achat et la vente d'emballages alimentaires, dont des barquettes en polystyrène; cette société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 5 septembre 2012.
Par ordonnance signifiée le 19 mars 2013, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a enjoint à la société Aquitaine distribution emballages de payer la somme de 55.791,71 € à la société Magic Pack; à la suite de l'opposition formée par la société Aquitaine distribution emballages, le tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement du 9 février 2017, a déclaré l'opposition recevable, condamné la société Aquitaine distribution emballages à payer à la société Magic Pack la somme de 55.791,71 € en principal avec intérêts de droit et déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société Aquitaine distribution emballage en paiement de différentes sommes sur le fondement des articles L. 441-6 du code de commerce ainsi que des articles 1134 et 1382 du code civil, pour absence de lien suffisant avec la demande principale.
Par ordonnance de référé du 8 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a rejeté une demande d'expertise de la société Aquitaine distribution emballages fondée sur l'article 145 du code de procédure civile
Le 29 décembre 2016, la société Aquitaine distribution emballages a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux, recherchant la responsabilité :
- de la société Magic France, de la société W et de M. Z pour s'être rendu complices de la rupture brutale des relations commerciales que celle-ci entretenait avec elle, rupture accompagnée de manœuvres déloyales,
- de la société Magic France pour avoir participé aux pratiques restrictives de concurrence mises en œuvre par la société Magic Pack.
M. X et Mme Y sont intervenus volontairement à l'instance pour demander réparation de leurs préjudices.
Le tribunal, par le jugement déféré, après avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. X et de Mme Y, a rejeté toutes les demandes formées à l'encontre de la société Magic France, de la société W et de M. Z.
Au soutien de leurs demandes en appel, la société Aquitaine distribution emballages, M. X et Mme Y ont fait valoir :
- que la société Magic France, la société W et M. Z avaient pris part au processus d'éviction par la société Magic Pack de la société Aquitaine distribution emballages de son réseau de distribution et s'étaient rendu complices de la rupture des relations commerciales à l'initiative de la société Magic Pack,
- que la société Magic France avait participé à la mise en oeuvre des pratiques restrictives de concurrence de la société Magic Pack.
Il est apparu que la société Aquitaine distribution emballages avait relevé appel du jugement rendu le 9 février 2017 par le tribunal de commerce de Bordeaux, instance qui était pendante devant la cour d'appel de Paris, chambre 5-5 sous le numéro RG 17/18816. Or dans le cadre de cette instance, cette société avait formé contre la société Magic Pack une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, recherchant sa responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies, pratiques restrictives de concurrence et défaut d'exécution de bonne foi des conventions.
Par arrêt du 5 février 2020, la cour a ordonné le sursis à statuer dans la présente instance jusqu'à l'arrêt à intervenir dans le dossier RG 17/18816 sur l'appel à l'encontre du jugement du 9 février 2017.
Statuant sur l'appel de ce jugement, la cour, par arrêt du 12 mars 2020, l'a confirmé en toutes ses dispositions ; la responsabilité éventuelle de la société Magic Pack n'a donc pas été examinée.
Sur l'intervention volontaire de Mme Y. et de M. X :
Le tribunal, par le jugement déféré, a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Mme Y. et de M. X au motif qu'ils ne prouvaient pas subir un préjudice distinct de celui de la société Aquitaine distribution emballages.
Pour conclure à la confirmation de ce chef, la société Magic France allègue que leurs demandes indemnitaires portent sur les mêmes éléments que ceux développés par la société Aquitaine distribution emballages et que, en leur qualité d'associés, ils ne prouvent aucun préjudice distinct.
Mais il ressort des conclusions :
- que Mme Y. demande la somme de 49.173 € pour perte de revenus salariés et 68.060 € pour perte de dividendes,
- que M. X demande la somme de 50.000 €, toutes causes de préjudice confondues, pour préjudice moral, perte de revenus salariés et perte de dividentes.
Chacun d'eux élève donc une prétention à son profit et demande réparation d'un préjudice distinct de celui invoqué par la société Aquitaine distribution emballages pour la perte de valeur de son fonds de commerce et, subsidiairement, pour une perte de marge.
En conséquence, leurs interventions volontaires sont recevables.
Sur les demandes de la société Aquitaine distribution emballages :
Sur les demandes de dommages-intérêts pour pratiques restrictives de concurrence :
La société Aquitaine distribution emballages fait valoir qu'à partir de 2004, elle s'est approvisionnée de façon exclusive auprès de la société Magic Pack et que cette dernière a abusé de sa situation de dépendance économique pour :
- lui imposer des hausses tarifaires en octobre 2004, septembre 2006 et avril-mai 2011 qui ont été appliquées dans un délai ne respectant pas le préavis contractuel et en dépit de ses protestations,
- réduire les délais de paiement, passant ainsi de 60 jours selon facture du 20 juillet 2011 à 30 jours selon facture du 8 août 2011, situation qu'elle a dénoncée par lettre du 29 juin 2011,
- lui imposer une augmentation des quantités minimales d'achat,
- lui imposer la réduction unilatérale et sans préavis de la gamme, ce qu'elle a contesté par lettre du 20 octobre 2006, et refuser de la faire bénéficier de sa nouvelle gamme en dépit de ses demandes répétées de tarif les 6 janvier, 2 février et 10 février 2011,
- avoir modifié les conditions de livraison en recourant à des bétaillères et en livrant des colis souillés de 2006 à 2010, ce qu'elle a dénoncé par lettres des 11 avril 2007, 4 mars 2010 et 2 avril 2010.
Elle lui reproche aussi d'avoir cessé temporairement de l'approvisionner au premier trimestre 2007, pendant un mois à l'été 2011 et pendant un mois et demi en avril 2012.
La société Magic France soulève la prescription de l'action engagée à son encontre pour participation à la mise en oeuvre de pratiques restrictives de concurrence par la société Magic Pack.
M. Z, agissant en son nom personnel et en sa qualité de liquidateur amiable de la société W, invoque la prescrition de l'action engagée :
- sur le fondement de l'article L. 442-6-1 2° du code de commerce selon lequel engage la responsabilité de son auteur le fait par tout producteur ou commerçant de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
- sur le fondement de l'article L. 442-6 1° et 2° du code de commerce, étant observé que les dispositions interdisant les pratiques discriminatoires et l'abus de la relation de dépendance, abrogées par la loi du 4 août 2008, ne peuvent plus recevoir application que les faits en cause soient antérieurs ou postérieurs à cette abrogation.
La société Aquitaine distribution emballages oppose les dispositions de l'article 2234 du code civil aux termes desquelles la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Elle allègue que l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait par rapport à la société Magic Pack constitue un obstacle de force majeure l'ayant empêché d'engager la responsabilité de cette société et de son agent commercial Magic France à raison des pratiques restrictives de concurrence dont elle a fait l'objet.
Il convient de rappeler que la société Aquitaine distribution emballages n'a formé de demande de dommages-intérêts pour pratiques restrictives de concurrence qu'à l'encontre de la société Magic France.
La société Aquitaine distribution emballages n'était aucunement tenue de s'approvisionner exclusivement auprès de la société Magic Pack et pouvait s'adresser à d'autres producteurs susceptibles de satisfaire sa propre clientèle. Dès lors elle ne peut valablement prétendre qu'elle se trouvait en situation de dépendance économique. Elle ne justifie d'aucun cas de force majeure, événement imprévisible et irrésistible, qui l'aurait privée de la possibilité d'agir à l'encontre des intimés.
Or elle n'a délivré assignation à l'encontre de la société Magic France que le 29 décembre 2016 ; compte tenu de la prescription quinquennale, son action pour tous les faits antérieurs au 29 décembre 2011 dont elle demande réparation (page 32 de ses conclusions) est prescrite.
En conséquence, sur les faits dénoncés, seule la suspension des livraisons en avril 2012 doit être examinée.
Mais la société Aquitaine distribution emballages ne démontre pas que cette suspension d'une durée d'un mois et demi en avril 2012 serait imputable à la société Magic France et présenterait un caractère fautif, alors qu'il ressort du jugement du 9 février 2007 que des livraisons avaient été suspendues en raison de non-paiement successifs. Sa demande en paiement de la somme de 9.731,25 ' réclamée pour perte de marge pendant cette période est donc mal fondée.
Sur les autres demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de la société Magic France, de la société W et de M. Z :
La société Aquitaine distribution emballages soutient qu'elle a été évincée du réseau de distribution par la société Magic Pack en invoquant la collusion entre cette société, la société Magic France et M. Z
Elle expose en ce sens que la société Magic Pack a rompu la relation commerciale établie sans aucun préavis et que la société Magic France, M. Z et la société W se sont rendu complices de cette rupture.
Elle en veut pour preuve
- que M. Z, son ancien salarié qu'elle avait licencié pour motif économique le 2 avril 2012, a créé la société W immatriculée au RCS le 5 septembre 2012,
- que M. Z est devenu le nouveau distributeur de la société Magic Pack en reprenant sa propre clientèle, la première livraison intervenant dès le 11 septembre 2012,
- que dès le licenciement de M. Z en avril 2012, les livraisons ont été suspendues pendant plusieurs semaines,
- qu'elle avait appris en juillet 2012, de la bouche de M. B, gérant de la société Magic France, que celui-ci avait décidé de la remplacer en qualité de distributeur de Magic Pack,
- qu'elle a dénoncé cette situation par lettre du 10 juillet 2012 (signée par M. X) en exprimant son refus d'être remplacée et en demandant à son fournisseur de prendre clairement position à son égard,
- que par lettre du 17 août 2012, M. B lui a écrit :
" Vous me confirmez l'arrêt définitif de la société ADE pour la dixième fois ; doit-on encore vous croire ? Heureusement que j'ai votre beau-père au téléphone (c'est-à-dire M. A, gérant de la société Aquitaine distributions emballages) qui me l'a confirmé et qui m'a fait part de son désir de faire reprendre l'entrepôt, le stock et le camion ainsi que l'élévateur; nous essayons ensemble de trouver un repreneur, en l'occurrence votre ex-employé, a eu A au téléphone et il semblerait possible qu'un accord puisse être trouvé."
- que cette lettre révèle la mauvaise foi de son auteur et son entente avec M. Z qu'il présente comme son "repreneur",
- que jamais une reprise de son fonds de commerce n'avait été envisagée, mais au contraire une poursuite d'exploitation ainsi qu'il ressort de ses lettres des 3 décembre 2011, 16 décembre 2011 et 10 juillet 2012,
- que M. Z, qui était encore présent dans l'entreprise en avril 2012, ne pouvait ignorer qu'elle n'avait bénéficié d'aucun préavis et qu'en reprenant son activité dès le début du mois de septembre 2012, il a participé personnellement à la brusque rupture des relations commerciales,
- que lors d'une livraison à l'entreprise Sud ouest pêche au premier trimestre 2012, M. Z a déclaré que M. X allait être licencié mais qu'il n' y avait rien à craindre car lui reprenait tout en main,
- que trois attestations de clients, pièces 50, 51 et 52, corroborent l'intention de M. Z de s'emparer de la clientèle de son employeur.
Les faits allégués datant de 2012, aucune prescription n'est acquise.
Il apparaît que la pièce 52, visée par la société Aquitaine distribution emballages, est une lettre adressée le 3 octobre 2012 par M. X à un client pour protester contre les bruits que celui-ci faisait courir sur un dépôt de bilan de la société Aquitaine distribution emballages et contre ses relances indirectes pour des factures qualifiées de dérisoires.
En pièce 50, la société May-Phy atteste seulement avoir affirmé, lors d'une dernière livraison le 29 août 2012, que M. Z avait pris contact "récemment" avec elle, lui déclarant qu'il allait racheter la société Aquitaine distribution emballages et pouvoir livrer des barquettes Magic à sa place.
En pièce 51, M. F atteste, le 3 septembre 2012, avoir été contacté par téléphone deux semaines auparavant par M. Z, se présentant comme repreneur de la société Aquitaine distribution emballages avec l'autorisation de M. A.
Le tribunal a justement rappelé que M. Z n'était pas tenu par une clause de non-concurrence; ayant été licencié en avril 2012 et ayant constitué sa propre société après la cessation d'activité de la société Aquitaine distribution emballages, il pouvait démarcher librement ceux qui avaient été clients de cette société.
La société Aquitaine distribution emballages ne démontre pas qu'il aurait par ses agissements, participé ou contribué à la rupture par la société Magic Pack de leur relation commerciale, ni procédé à des actes de concurrence déloyale.
S'agissant des reproches formulés contre la société Magic France, cette dernière ne peut être tenue pour responsable de la rupture sans préavis de la relation commerciale par la société Magic Pack ; la société Aquitaine distribution emballages ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait agi en collusion avec la société Magic Pack et commis des faits susceptibles d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Les demandes de dommages-intérêts seront donc rejetées.
Sur les demandes de dommages-intérêts de Mme Y. et de M. X :
Au soutien de leurs demandes, Mme Y. et M. X font valoir que, du fait de la disparition du fonds de commerce de la société Aquitaine distribution emballages, imputable aux intimés, ils ont perdu leur source de revenus et de dividendes.
Les intimés leur opposent la prescrition de leur action.
Leur action fondée sur l'article 1382, désormais 1240 du code civil est en effet prescrite :
- dans leurs conclusions du 3 novembre 2017, les appelants ont indiqué : " La collusion entre Magic Pack, son agent commercial Magic France et le dénommé Z apparaît clairement à ADE dans un courrier adressé par Monsieur E (l'agent commercial), à en-tête de la société Magic Pack, en date du 17 août 2012 (pièce 45) dans lequel M. B indique ....".
- Mme Y. et M. X qui avaient ainsi connaissance des faits fondant leurs prétentions dès le 17 août 2012, n'ont formulé leurs demandes pour la première fois que par conclusions devant le tribunal communiquées le 21 septembre 2017, soit plus de cinq ans après.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société Aquitaine distribution emballages, Mme Y. et M. X qui succombent en leurs prétentions, doivent supporter les dépens de première instance et d'appel.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner :
- la société Aquitaine distribution emballages à payer :
à la société Magic France la somme supplémentaire de 2.000 €,
à M. Z, en sa qualité de liquidateur amiable de la société W, la somme de 3.000 €,
à M. Z, la somme de 3.000 €,
- Mme Y. et M. X, chacun, à payer :
à la société Magic France, la somme supplémentaire de 1.000 €,
à M. Z, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société W, la somme de 1.500 €,
à M. Z, la somme de 1.500 €.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les interventions volontaires de Mme Y. et de M. X et rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription ;
Statuant à nouveau,
- déclare recevables les interventions volontaires de Mme Y. et de M. X,
- déclare prescrite l'action de la société Aquitaine distribution emballages en vue d'obtenir des
dommages-intérêts pour pratiques restrictives de concurrence, à l'exception de sa demande fondée sur la suspension des livraisons intervenue pendant un mois et demi en avril 2012,
- déclare prescrite l'action engagée par Mme Y. et M. X ;
Pour le surplus, confirme le jugement en ses autres dispositions ;
Déboute la société Aquitaine distribution emballages, Mme Y. et M. X de toutes leurs demandes ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Aquitaine distribution emballages à payer la somme supplémentaire de 2.000€ à la société Magic France, la somme de 3.000 € à M. Z, agissant en qualité de liquidateur amiable de la société W, et la somme de 3.000 € à M. Z,
- condamne Mme Y. et M. X, chacun, à payer la somme supplémentaire de 1.000 € à la société Magic France, la somme de 1.500 € à M. Z, agissant en qualité de liquidateur amiable de la société W, et la somme de 1.500 € à M. Z ;
Condamne in solidum la société Aquitaine distribution emballages, Mme Y. et M. X aux dépens de première instance et d'appel.