CA Montpellier, 4e ch., 3 novembre 2021, n° 19/00921
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Agrijou (SAS)
Défendeur :
Europlastic (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
Mme Youl-Pailhes, M. Denjan
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE (ci-après SCEA) a été une exploitation maraîchère constituée de serres tunnels à couverture plastique installée à Perpignan nord-ouest, vendant dans toute l'Europe de la salade frisée type « cheveux d’Ange », produite dans 17 tunnels recouverts de bâches plastiques vendues par la SAS AGRIJOU en septembre 2007, ainsi que dans14 tunnels recouverts de bâches plastiques ARTERRIS.
Les bâches plastifiées vendues par la SAS AGRIJOU ont été garanties 45 mois, et fournies par la SARL EUROPLASTIC qui a acheté de grandes bobines de film plastique fabriqué par la société israélienne GINEGAR, et les a conditionnées aux dimensions souhaitées par la SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE avant de les livrer pliées.
Courant 2010 des dégradations sont apparues, plusieurs serres ayant eu leur couverture détruite, ce qui a été constaté par un procès-verbal de constat d'huissier en date du 19 août 2010.
Selon facture du 20 octobre 2010, la SAS AGRIJOU a commandé de nouvelles bâches auprès de la SARL EUROPLASTIC, livrées à la SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE, laquelle a de nouveau fait constater par un procès-verbal de constat en date du 15 novembre 2013 que les nouvelles bâches étaient endommagées, compromettant la récolte et empêchant la seconde rotation des cultures.
Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 22 janvier 2014, une expertise judiciaire a été confiée à l'expert Bernard M. qui a déposé son rapport le 17 juin 2015.
Par ordonnance de référé en date du 28 octobre 2015, la SAS AGRIJOU a été condamnée à payer à la SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE une provision de 40.000 € à valoir sur ses préjudices.
Par jugement contradictoire en date du 4 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Perpignan a jugé que la responsabilité de la société AGRIJOU est engagée sur le fondement de la garantie légale des défauts cachés de la chose vendue, a jugé que la responsabilité de la société EUROPLASTIC est engagée sur le fondement de la garantie légale des produits défectueux, a condamné la société AGRIJOU à payer à la société TASTY SOUTH OF FRANCE la somme de 40.000 € en réparation de son préjudice matériel, a condamné in solidum les sociétés AGRIJOU et EUROPLASTIC à lui payer les sommes de 7 277,83 € au titre des frais financiers, 22 000 € au titre de la perte de récolte de la première rotation de l'année 2013-2014, 96 000 € au titre des pertes financières jusqu'à la deuxième rotation de l'année 2014-2015, a dit que la provision de 40 000 € versée par la société AGRIJOU devra être déduite des sommes auxquelles elle a été condamnée, a débouté la société TASTY SOUTH OF FRANCE du surplus de ses prétentions au titre des frais financiers, des pertes financières, de la perte de chance de se développer, de l'atteinte au nom et à la réputation, a débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, a condamné in solidum les sociétés AGRIJOU et EUROPLASTIC à payer à la société TASTY SOUTH OF FRANCE la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens en ceux compris les dépens des instances en référé et les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration en date du 6 février 2019, la SAS AGRIJOU a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 juillet 2021, la SAS AGRIJOU demande d'infirmer le jugement entrepris, de ramener à 10 000 € le montant de l'indemnisation de la société TASTY SOUTH OF FRANCE relative au préjudice matériel, de rejeter la demande d'indemnisation du préjudice financier, de rejeter la demande d'indemnisation de la perte des récoltes à venir, d'accueillir l'action récursoire en garantie des vices cachés, de condamner la société EUROPLASTIC à la relever et garantir de toutes les condamnations pouvant intervenir à son encontre sur le fondement de la garantie du vice caché, et subsidiairement sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme et sur la garantie conventionnelle due par le vendeur, dire et juger que la société EUROPLASTIC doit assumer toutes les condamnations de défectuosité du produit litigieux sur le fondement de l'article 1245-5 du code civil, rejeter les appels incidents des sociétés TASTY SOUTH OF FRANCE et EUROPLASTIC, et les condamner à payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise.
Au soutien de ses prétentions, la SAS AGRIJOU indique que les bâches ayant rempli leurs fonctions pendant trois ans alors qu'elles avaient été vendues pour une durée de quatre ans, il doit être tenu compte de leur vétusté et un abattement de 75 % doit être opéré sur le montant du coût de la reprise estimé par l'expert à 40 000 €, ce qui fait un montant de 10 000 € et non un remplacement par un matériel neuf comme retenu à tort par le tribunal.
Elle mentionne concernant les annuités 2011 et 2012 du prêt, que la somme de 7 277,83 € fait double emploi avec le poste fourniture de nouvelles bâches.
Concernant l'indemnisation des pertes de récoltes, elle précise que la preuve du préjudice d'exploitation n'est pas rapportée, que la société TASTY a été indemnisée par l'année 2013 de la perte de salades au titre des catastrophes naturelles pour les inondations de mars 2013, que la société a obtenu une provision de 40 000 € payée par AGRIJOU avec en sus le remboursement de ses frais à concurrence de 18 350,48 €, que le préjudice d'exploitation allegué n'est pas démontré postérieurement à la perte de récolte de 2013, que la société AGRIJOU ayant conscience que la production de salade était déficitaire a refusé de rebacher et s'est tournée vers l'élevage des escargots beaucoup plus rémunérateur.
Elle ajoute que la société EUROPLASTIC est tenue de la relever et garantir sur le fondement du vice caché qu'elle ne pouvait déceler n'étant nullement un professionnel des films plastiques.
Subsidiairement, elle signale que la société EUROPLASTIC garantissait elle-même pendant 45 mois le plastique qu'elle revendait à ses clients, alors que les bâches livrées n'ont pas eu la durée de vie annoncée et garantie, ce qui justifie qu'elle doit sa garantie du point de vue conventionnel.
Elle énonce que seule la société EUROPLASTIC peut engager sa responsabilité au titre des produits défectueux car c'est elle qui importe les bâches litigieuses.
Concernant les frais financiers, elle prétend que ceux-ci sont relatifs à une livraison antérieure effectuée en 2007 et n'ont donc rien à voir avec la vente intervenue en 2010.
Elle conteste l'existence de pertes de récolte sur 6 années soit plus de 5 ans après la durée de garantie des bâches livrées, ainsi que l'atteinte au nom de la réputation et la perte de chance.
Elle rappelle être étrangère au choix des bâches livrées dont elle reste le vendeur.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 10 août 2021 la SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE demande d'infirmer le jugement sur le quantum du préjudice, et statuant à nouveau de condamner la SAS AGRIJOU à réparer le préjudice sur le fondement des vices cachés et la non-conformité des bâches vendues à leur usage, à savoir :
Préjudice matériel de 40 000 €
Frais financiers de 15 405,34 €
Perte de récolte de la première rotation 2013-2014 de 2000 €
Perte financière de la deuxième rotation 2013-2014 (32.000 € + 26.800 €) de 58 800 €
Pertes financières des premières et deuxièmes rotations de 2014 à 2019 de 10 x 58 800 €
Réparation de l'atteinte au nom et à la réputation de 10 000 €
Perte de chance de s'étendre et de prospérer de 30 000 €,
ainsi que condamner conjointement avec la société AGRIJOU, la société EUROPLASTIC sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux, à réparer l'entier préjudice subi sous réserve du préjudice matériel constitué par la perte des bâches défectueuses et condamner conjointement et solidairement la SAS AGRIJOU (sic) aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat, et à payer la somme de 6 000' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE indique que selon l'expert le produit vendu par AGRIJOU et EUROPLASTIC n'est pas conforme à sa destination, les agents anti UV s'avérant très sous-dosés, les bâches défectueuses ayant consommé la quasi-totalité des agents protecteurs anti UV alors que les bâches Arterris plus âgées de deux ans en possèdent encore une bonne réserve.
Elle ajoute que la Cour de cassation a depuis de nombreuses années affirmé le principe de réparation intégrale sans appliquer le coefficient de vétusté, et qu'en conséquence le matériel doit être intégralement indemnisé, la perception de 40.000 € ne permettant pas de relancer la production de salades des tunnels non affectés de désordres nécessitant à minima 100 000 €.
Concernant la responsabilité de la société EUROPLASTIC, elle précise qu'il est possible d'agir à la fois contre son vendeur au titre de la garantie des vices cachés et directement à l'encontre du fabricant au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux, le préjudice économique subi étant constitué par les moins-values ou perte de chance engendrées par la mévente des produits défectueux.
Concernant l'absence de peinture des arceaux, elle signale que les bâches ont été livrées sans aucune notice de montage ou d'entretien, aucune faute n'étant relevée par l'expert pour lequel seule est en cause la mauvaise qualité des bâches, dont la seule cause de détérioration demeure la quantité insuffisante d'agent UV.
Elle précise qu'un nouvel endettement a été nécessaire pour renouveler les bâches en 2010, engendrant des frais financiers du montant de 15 405,34 ' et non de 7 277,83 € retenus à tort par le jugement.
Elle ajoute que l'expert a justement évalué les pertes d'exploitation qui sont évolutives compte tenu des délais écoulés, l'exploitation même uniquement dans les tunnels non affectés nécessitant une trésorerie de 103.584 € par année complète de plantation pour pouvoir relancer l'exploitation, dont le manque a empêché le remplacement des bâches à l'issue des 45 mois de garantie, la provision de 40.000 € étant insuffisante pour redémarrer l'exploitation, ce qui a entrainé un préjudice de perte d'exploitation, la période hivernale n'étant pas propice au bâchage des tunnels. Le jugement a donc exclu à tort toute indemnisation concernant la perte d'exploitation au sein des tunnels Arterris, et les sommes perçues au titre des calamités agricoles ne concernent pas le litige relatif aux bâches, alors que l'élevage des escargots n'a constitué qu'une activité complémentaire.
Elle signale enfin que ce sinistre a porté atteinte à sa réputation, ne pouvant honorer sa clientèle qui s'est adressée à d'autres producteurs, l'empêchant de s'étendre et prospérer, ce qui a constitué une perte de chance.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 octobre 2021 la SARL EUROPLASTIC demande d'infirmer le jugement et de débouter la SCEA TASTY SOUTH OF FRANCE et la société AGRIJOU de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre, ainsi que les condamner à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SARL EUROPLASTIC indique que les bâches vendues se sont déchirées à l'été 2013 alors qu'elles devaient tenir jusqu'à l'automne 2014 soit uniquement une usure prématurée des bâches, la SCEA ayant délibérément laissé les bâches en l'état pour solliciter des sommes exorbitantes au titre de prétendues pertes de récolte.
Elle précise que l'emplacement des déchirures se situe le long des fils de fer des tunnels, mal tendus et rouillés sans peinture sur les parties métalliques de la structure en contact avec les bâches, qui ont été fragilisées par l'effet de battage lié aux vents sans protection en début de serres sur les premiers mètres.
Elle ajoute que l'expert concluant que la déchirure prématurée des bâches un an avant son terme étant due à un faible taux d'agent anti-UV lors de leur fabrication par la société GINEGAR, la société EUROPLASTIC ne saurait être tenue pour responsable.
Elle prétend que les traitements au souffre des vignes voisines ont eu pour effet de détruire les agents de protection du film contre les UV.
Elle signale que l'utilisation effective pendant 3 ans sur 4 nécessite d'appliquer un amortissement de 75%, et que seuls 10% de la surface des tunnels étaient déchirés mais que la société TASTY SOUTH OF FRANCE a refusé de bâcher de nouveau prétextant un coût trop élevé de pose, ce qui a entraîné la déchirure des autres bâches, les tunnels se dégradant et le préjudice s'aggravant, alors que les bâches litigieuses auraient dues être remplacées et les parcelles replantées, la perte de récolte ne pouvant être indemnisée au-delà de la garantie de 45 mois s'arrêtant en juin alors que la déchirure prématurée d'une trentaine de bâches est intervenue mi-novembre.
Elle indique que la demande en cause d'appel pour la première fois de l'appel en garantie contre la SARL EUROPLASTIC sur le fondement des vices cachés aurait dû être intentée pour la première fois dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice conformément à l'article 1648 du code civil, et que seul le fabricant GINEGAR devait garantir la tenue des plastiques dans le temps.
L'ordonnance de clôture est en date du 11 août 2021.
L'audience des débats a eu lieu en date du 1er septembre 2021.
SUR CE
SUR LES RESPONSABILITES
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire qui est clair, précis et complet, concernant les bâches vendues par la société AGRIJOU, que les adjuvants servant d'agents protecteurs anti UV insérés dans le plastique au moment de sa fabrication sont insuffisamment dosés pour assurer une bonne protection de la lumière et ainsi assurer une meilleure longévité.
Il n'est pas rapporté par la société EUROPLASTIC que les bâches ont été livrées avec une notice de montage ou d'entretien, aucune faute n'étant relevée par l'expert pour lequel seule est en cause la mauvaise qualité des bâches, dont la détérioration est liée à la quantité insuffisante d'agent UV. Alors même que les bâches Arterris, plus âgées de deux ans, en possèdent encore une bonne réserve, lesquelles ont eu la même orientation au vent et au soleil que les bâches dégradées comme il ressort des pages 25 et 27 du rapport, ce qui suffit à écarter le prétendu lien des dégradations avec les conditions d'exposition, évoqué sans fondement par la société AGRIJOU.
Le défaut caché de la chose vendue par la société AGRIJOU, qui ne peut prétendre se libérer de sa faute en sa qualité de professionnelle de la vente, en allégeant d'autres prétendues causes, au demeurant non établies, et qui en sus ne peuvent l'exonérer de sa propre responsabilité sur le fondement des articles ci-dessus rappelés, ne peut contester avoir vendu les bâches plastiques à la SCEA qui ignorait leur défaut de résistance aux UV, ce qui les a rendues impropres à leur destination pour la couverture des 17 tunnels pendant une durée de 45 mois, non respectée puisque les constatations des dégradations des bâches ne sont pas contestées.
Il apparaît établi que les bâches en plastique vendues par la société AGRIJOU (qui s'est fournie auprès de la société EUROPLASTIC) à la SCEA, se sont dégradées avant le terme de leur durée d'utilisation prévue lors de leur vente, ce qui a nécessité leur remplacement intégral pour permettre la continuité de l'exploitation des tunnels concernés, et donc l'indemnisation de l'intégralité de leur prix sans tenir compte d'une vétusté qui est sans rapport avec la nécessité de les remplacer par un matériau neuf, comme l'a justement précisé le premier juge, qui a valablement retenu la responsabilité de la société AGRIJOU sur le fondement de l'article 1641 ci-dessus rappelé.
De même, si l'action fondée sur le fondement de ce même article n'est pas recevable à l'encontre du fournisseur du plastique à savoir la société EUROPLASTIC car tardive, néanmoins l'action à son encontre fondée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux en application de l'article 1386-18 ancien du même code est parfaitement justifiée.
Le premier juge a justement précisé que la SCEA établit le lien de causalité entre le défaut affectant le film plastique lié à l'insuffisance des agents anti UV insérés dans le plastique, et le dommage consécutif des bâches déchirées et hors d'usage résultant de la dégradation prématurée du film plastique, retenant à bon droit que la responsabilité de la société EUROPLASTIC est engagée du fait du produit défectueux fabriqué par la société GINEGAR sans qu'elle puisse être réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage.
Enfin, il ne peut y avoir lieu à condamner la société EUROPLASTIC à relever et garantir la société AGRIJOU qui a vendu les bâches plastiques des condamnations prononcées à son encontre car cela reviendrait à l'exonérer de toute responsabilité en sa qualité de vendeur professionnel, lequel doit rester tenu de la qualité de ses produits vendus non affectés de vices cachés, obligation dont la société AGRIJOU ne s'est pas libérée. Le premier juge a ainsi à bon droit condamné la seule société AGRIJOU au paiement de la somme de 40 000 € en réparation du préjudice matériel, et in solidum avec la société EUROPLASTIC pour les autres préjudices.
SUR LES DOMMAGES
Selon l'article 1645 du même code, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Et le vendeur professionnel doit réparer l'intégralité du préjudice provoqué par le vice affectant la chose vendue.
Concernant le préjudice matériel, le premier juge l'a valablement fixé au montant de 40 000 € compte tenu de la nécessité du remplacement des bâches par du matériau neuf.
Concernant les frais financiers, le premier juge a justement indiqué que seuls les frais financiers de 7 277,83 € au titre du deuxième prêt contracté auprès du Crédit Agricole pour les bâches installées en 2010 peuvent être concernés par la demande de dédommagement.
Cependant, ces frais font double emploi avec l'indemnisation du remplacement des bâches, puisque liés à l'achat initial des bâches, qui ont été déjà utilisées pendant plusieurs années et partiellement remboursées par le crédit bancaire contracté par la SCEA.
En effet, la SCEA ne peut nullement obtenir ce remboursement dès lors que le remplacement des bâches par du matériel neuf qui l'indemnise de la totalité de leur valeur est sans rapport avec leur mode de financement antérieur.
Le jugement sera donc réformé sur ce poste d'indemnisation qu'il y a lieu de rejeter.
Concernant les pertes de récolte, il convient de signaler que la SCEA ne justifie nullement de la réalité, pas plus que de la nécessité, de l'abandon de la culture des salades dans les serres des 14 tunnels recouverts de bâches plastiques ARTERRIS, qui sont restés en état de fonctionnement, mais n'ont pas été exploités sans raison crédible, ce manquement ne pouvant nullement relever de la responsabilité des sociétés AGRIJOU et EUROPLASTIC seules concernées par les tunnels défectueux.
En effet, aucun lien de causalité certain et direct n'est rapporté entre le défaut des bâches et l'arrêt total de la production de salades par la SCEA, qui se contente d'évoquer des difficultés financières nécessitant des sommes très importantes, mais sans rapport avec la réalité du sinistre objet du litige, alors même qu'il apparaît que ces difficultés financières sont apparues antérieurement à l'année de dégradation des bâches fournies par la société AGRIJOU.
Le premier juge a donc parfaitement limité les indemnisations, par une motivation que la cour fait sienne, aux montants de 22 000 € au titre de la perte de récolte de la première rotation de l'année 2013-2014, et de 96 000 ' au titre des pertes financières liées aux pertes des récoltes jusqu'à la deuxième rotation de l'année 2014-2015, le tout en conformité avec le manque à gagner estimé par l'expert judiciaire concernant les tunnels bâchés AGRIJOU.
De même, le premier juge a valablement débouté des demandes de la SCEA concernant la prétendue perte de chance de s'étendre et de prospérer. En effet l'abstention volontaire de remise en état des installations, à minima à hauteur de l'indemnisation provisoire reçue, a compromis l'activité agricole qui aurait pu se perpétuer notamment dans les serres ARTERRIS restées en état de fonctionnement.
Il en est de même pour la prétendue atteinte au nom et à la réputation alléguée, dont l'existence n'est pas rapportée, et qui en sus a nécessairement été occasionnée par l'arrêt total de la production de salades dans la totalité des serres, dont celles non dégradées, décidée par la société AGRIJOU.
Par conséquent, il conviendra de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés AGRIJOU et EUROPLASTIC à payer la somme de 7 277,83 € au titre des frais financiers.
L'article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens, mais en l'espèce chaque partie étant partiellement défaillante en appel, il conviendra de dire que chacune conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant par arrêt contradictoire,
Dit l'action récursoire de la société AGRIJOU en garantie des vices cachés irrecevable,
Réforme partiellement le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés AGRIJOU et EUROPLASTIC à payer la somme de 7 277,83 € au titre des frais financiers,
Confirme le jugement en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens en appel,
Dit n'y avoir lieu à condamner en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.