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Décisions

CA Paris, 4e ch., 9 février 2000, n° M20000061

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

COMMUNE DE SAINT-TROPEZ MAIRIE DE SAINT-TROPEZ

Défendeur :

VALAIS PRODUCTION (SA)

CA Paris n° M20000061

9 février 2000

FAITS ET PROCEDURE

La commune de SAINT-TROPEZ est titulaire de la marque dénominative "SAINT- TROPEZ", déposée le 2 mars 1992, enregistrée sous le numéro 92/408.122, pour désigner les produits et services relevant de toutes les classes.

Léo VALAIS est propriétaire des marques suivantes :

- la marque dénominative "LA PIZZA DE SAINT-TROPEZ", déposée le 18 août 1990, renouvelée le 9 juillet 1990, enregistrée sous le numéro 1.602.282, pour désigner des pizzas surgelées,

- la marque semi-figurative "La pizza de ST TROPEZ-VALAIS" déposée en couleurs le 31 août 1994, enregistrée sous le numéro 94/535.085, pour désigner les pizzas surgelées.

Par acte du 18 mai 1992, Léo VALAIS a concédé à la société VALAIS PRODUCTION une licence exclusive d'exploitation de la marque dénominative N 1.602.282.

Estimant que l'apposition de ces marques sur des produits alimentaires tend à les présenter comme étant fabriqués ou rattachés de manière nécessaire au nom géographique, la commune de SAINT-TROPEZ, représentée par son maire en exercice, a par  acte du 24 février 1995, assigné Léo VALAIS et la société VALAIS PRODUCTION devant le tribunal de grande instance de PARIS, aux fins de voir annuler les marques enregistrées sous les numéros 1.602.282 et 94/535.085 et de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 1.000.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 5 septembre 1997, le tribunal a :

- prononcé la nullité de l'enregistrement de la marque "LA PIZZA DE SAINT-TROPEZ", déposée par Léo VALAIS le 18 août 1980, renouvelée le 9 juillet 1990, enregistrée sous le numéro 1.602.282, pour désigner, en classe 30, des pizzas surgelées,

- condamné in solidum Léo VALAIS et la société VALAIS PRODUCTION à payer à la commune de SAINT-TROPEZ la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 12.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- débouté la commune de SAINT-TROPEZ du surplus de sa demande.

- débouté Léo VALAIS et la société VALAIS PRODUCTION de toutes leurs demandes,

- dit qu'en ce qui concerne la nullité de la marque, le jugement, une fois devenu définitif, sera transmis sur réquisition du greffier à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au registre national des marques.

Vu l'appel de cette décision interjeté le 30 octobre 1997 par la commune de SAINT- TROPEZ ;

Vu les conclusions signifiées le 13 décembre 1999 par lesquelles la commune de SAINT- TROPEZ sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de l'enregistrement de la marque N 1.602.282 et sa réformation pour le surplus, en demandant à la cour de :

- prononcer la nullité de la marques semi-figurative déposée le 31 août 1994 sous le numéro 17343,

- faire interdiction à la société VALAIS PRODUCTION et à Léo VALAIS d'user du nom de SAINT-TROPEZ pour désigner des pizzas,

- condamner in solidum la société VALAIS PRODUCTION et Léo VALAIS à lui payer la somme de 1.000.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 4 mai 1998 aux termes desquelles Léo VALAIS et la société VALAIS PRODUCTION, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité de la marque N 1.602.282 et les a condamnés au paiement de la somme de 50.000 F et aux dépens, font valoir que le nom de SAINT-TROPEZ ne constitue pas une indication de provenance et que son utilisation à titre de marque pour désigner des pizzas surgelées n'est pas déceptive et demandent à la cour :

- de constater que la dénominative "La pizza de SAINT-TROPEZ" est valable pour constituer une marque,

- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la commune de SAINT-TROPEZ de sa demande d'annulation de la marque déposée le 31 août 1994,

- en tout état de cause, de condamner la commune de SAINT-TROPEZ à lui payer la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

DECISION

I - SUR LA VALIDITE DES MARQUES N 1.602.282 ET N 94/535.085

Considérant que pour former une marque valable, un nom géographique doit être distinctif et disponible, c'est-à-dire ne doit ni porter atteinte à une appellation d'origine, ni constituer une indication de provenance ;

Que sont interdits les signes de nature à tromper le public sur la provenance géographique du produit ;

Considérant que la dénomination "La PIZZA de SAINT-TROPEZ" ne constitue pas une appellation d'origine protégée par la loi ;

Considérant que si la commune de SAINT-TROPEZ n'est pas réputée pour une activité spécifique de fabrication ou de commercialisation de pizzas, les premiers juges ont relevé à juste titre que la notoriété attachée à ce lieu, sa localisation sur le bassin méditerranéen à l'instar du pays d'origine de ce plat, l'emploi dans la marque de la préposition "de" comme la reproduction dans la marque semi-figurative du clocher de la ville, constituent des circonstances de nature à induire dans l'esprit du public une indication de provenance ;

Que, dès lors cette dénomination, utilisée pour commercialiser des produits sans rapport avec le nom géographique, est trompeuse et ne peut constituer une marque valable ;

II - SUR LES MESURES REPARATRICES

Considérant que la marque N 94/535.085 ayant fait l'objet d'un enregistrement ainsi qu'il ressort de sa publication au B.O.P.I. du 10 mars 1995, il sera fait droit à la demande de nullité de celle-ci ainsi que de la marque N 1.602.282, formée par la commune de SAINT-TROPEZ ;

Considérant que les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice subi par la commune de SAINT-TROPEZ du fait de l'atteinte portée à son nom et à la marque dont elle est titulaire, par la commercialisation des produits revêtus des marques litigieuses, en lui allouant la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts ;

Qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les limites précisées au dispositif ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à la commune de SAINT-TROPEZ ; qu'il lui sera accordé à ce titre la somme complémentaire de 20.000 F ;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée de ce chef par les intimés ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la commune de SAINT-TROPEZ de sa demande d'annulation de la marque semi-figurative N 94/535.085,

L'infirmant sur ce point et statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'enregistrement de la marque semi-figurative "La pizza de ST TROPEZ-VALAIS", déposée le 31 août 1994, enregistrée sous le numéro 94/535.085 pour désigner de la pizza surgelée, appartenant à Léo VALAIS,

Dit que le présent arrêt sera, de ce chef, transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au registre national des marques,

Y ajoutant,

Interdit à Léo VALAIS et à la société VALAIS PRODUCTION de faire usage du nom géographique "SAINT-TROPEZ" pour désigner des pizzas,

Condamne in solidum Léo VALAIS et la société VALAIS PRODUCTION à payer à la commune de SAINT-TROPEZ la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne in solidum Léo VALAIS et la société VALAIS PRODUCTION aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.