CA Douai, 1re ch. sect. 2, 30 avril 2008, n° 07/02276
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dutexdor (SARL)
Défendeur :
INPI, Chipie Design (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Froment
Conseillers :
Mme Marchand, Mme Duperrier
Avoués :
SCP Deleforge Franchi, SCP Levasseur-Castille-Levasseur
Avocats :
Me Escande, Me Bizollon
Le 6 juin 2006, la sarl DUTEXDOR DPA a déposé auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle une demande d’enregistrement sous le numéro 06 3432 988 portant sur un signe destiné à distinguer les produits suivants : «vêtements (habillement), sous-vêtements, bonneterie, couches-culottes textiles, chaussures (à d’exclusion de chaussures orthopédiques), bas, chaussettes, chapellerie»;
Le 20 juillet 2006, la société CHIPIE DESIGN a formé opposition à l’enregistrement de cette marque eninvoquant l’antériorité de la marque figurative régulièrement renouvelée, déposée le 23 décembre 1994 sous le numéro 94550 694 portant sur les produits suivants : vêtements, chaussures, chapellerie;
Par décision rendue le 13 mars 2007, le Directeur de l’INPI a reconnu l’opposition numéro 06-2900 partiellement justifiée, en ce qu’elle porte sur les produits suivants : «vêtements (habillement), sous-vêtements, bonneterie, chaussures (à d’exclusion de chaussures orthopédiques), bas, chaussettes, chapellerie» et a rejeté partiellement la demande d’enregistrement numéro 06 3432 988 pour lesproduits précités;
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 12 avril 2007, la société DUTEXDOR a formé un recours contre cette décision tant à l’égard du Directeur de l’INPI que de la société CHIPIE DESIGN, partie ayant formée opposition, procédure enrôlée sous le numéro 07/2276;
Par déclaration rectificative déposée au greffe de la cour le 13 avril 2007, la société DUTEXDOR a précisé l’organe qui la représente légalement, mention omise dans la première déclaration, procédure enregistrée sous le numéro 07/2289;
Dans son mémoire déposé au greffe le 9 mai 2007, la société DUTEXDOR :
- demande à la cour de réformer la décision du 13 mars 2006 du Directeur de l’INPI en ce qu’elle a retenu partiellement fondée l’opposition et rejeté en conséquence la demande d’enregistrement de la marque figurative numéro 06 3432 988,
- requiert du greffe qu’il notifie tant à l’INPI qu’à la société CHIPIE DESIGN l’arrêt à intervenir,
- demande à la cour de mettre les dépens de l’instance à la charge de la société CHIPIE DESIGN avec faculté de recouvrement au profit de la SCP DELEFORGE & FRANCHI, avoués ;
La société DUTEXDOR demande à la cour de confirmer la décision du Directeur de l’INPI en ce qu’il a considéré que les couches-culottes textiles ne sont ni identiques, ni similaires aux vêtements, chaussures et chapellerie;
Elle critique la décision du Directeur de l’INPI en ce qu’il n’a pas caractérisé les éléments constitutifs d’un risque de confusion dans l’esprit du public entre les deux signes, la liste des éléments qui pourraient éventuellement conduire le public à procéder à une simple association entre deux marques par une concordance de leur contenu sémantique étant insuffisant, étant précisé que la description retenue par l’INPI est partiale et incomplète, puisqu’il s’agit d’une part d’un chien blanc en position statique et d’autre part d’un chien noir trottinant de sorte que les deux images sont radicalement différentes même si dans les deux cas, l’objet présenté est un chien vu de profil orienté vers la droite; qu’il existe également des caractéristiques essentielles distinctives ce qui fait ressembler l’un plus proche des animaux en peluche que d’un animal réel alors que le signe de la marque antérieur le range dans la catégorie des chiens «scottish» parfaitement connu du public et utilisé sous forme plus ou moins stylisé comme marque;
Par conclusions déposées les 26 octobre, 9 novembre 2007 et le 3 janvier 2008, la SAS CHIPIE DESIGN demande à la cour de :
- confirmer la décision du Directeur de l’INPI du 13 mars 2007 en ce qu’elle a retenu l’imitation de la marque numéro 94550 694 par le signe dont l’enregistrement est demandé pour désigner « vêtements (habillement), sous-vêtements, bonneterie, chaussures (à d’exclusion de chaussures orthopédiques), bas, chaussettes, chapellerie »,
- sauf en ce qu’elle a considéré que les couches-culottes textiles ne sont ni identiques, ni similaires aux vêtements, chaussures et chapellerie,
- condamner la société DUTEXDOR à lui verser la somme de 5.000,00 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP DL LEVASSEUR A. CASTILLE V. LEVASSEUR, avoués ;
Par écritures reçues au greffe le 6 août 2007 et 26 octobre 2007, le Directeur de l’INPI a fait valoir ses observations et conclu au bien fondé de sa décision; il précise que les observations de la société CHIPIE DESIGN sont irrecevables puisque cette société n’a pas formé de recours contre la décision de l’Institut dans les conditions et délais prévus à peine d’irrecevabilité prononcéed’office par les articles R. 411-20 et R. 411-21 du Code de la propriété intellectuelle, lesquels ne prévoient pas la possibilité de former un recours incident; A toutes fins, il précise que les contestations de la société CHIPIE DESIGN assimilant des couches à des vêtements au motif qu’il s’agit de produit textile ne sont pas sérieuses;
Le Parquet Général auquel la décision a été régulièrement communiquée a visé la procédure sans présenter d’observations;
Sur ce :
1. sur la recevabilité du recours :
Le Directeur de l’INPI admet dans ses écritures que la société DUTEXDOR par sa déclaration rectificative déposée au greffe de la cour le 13 avril 2007 précisant l’organe qui la représente légalement, mention omise dans la première déclaration, a couvert le grief d’irrecevabilité encouru; dans le souci d’une bonne administration de la justice, il convient de joindre cette procédure enregistrée sous le numéro 07/2289 à la précédente ouverte sous le numéro 07/02276;
1. sur la nature des produits :
La procédure d’opposition a abouti à une décision en date du 13 mars 2007 par laquelle le Directeur de l’INPI a reconnu l’opposition partiellement fondée, sauf en ce qui concerne le produit : «couches-culottes textiles»;
Faute d’avoir été contestée par la société CHIPIE DESIGN suivant les modalités prévues aux articles R. 411-20 et R. 411-21 du Code de la propriété intellectuelle, cette décision est définitive sur ce point et les demandes de cette société sont irrecevables, la possibilité d’un recours incident n’étant pas prévue par la loi;
1. sur le signe :
Il n’est pas contesté que le signe déposé par la société DUTEXDOR se distingue du signe déposé antérieurement par la société CHIPIE DESIGN en ce qu’il s’agit de la représentation d’un chien blanc, en position statique ou d’attente, la truffe proéminente en l’air, la tête volumineuse au crâne rebondi dont la taille est équivalente à celle du corps, comportant deux pattes très larges se terminant en arc de cercle, des touffes de poils sur le pourtour du corps et de la tête, un corps court, délimité par un poitrail et un arrière train plats et une ligne de dos et une ligne de ventre courbes, une queue fine levée en forme de croissant, un fin nœud gris à deux boucles et deux pans de lacet placé en travers du cou, de petites oreilles pointues, une barbiche double pointée vers le bas, un 'il et une truffe ronde, alors que le signe déposé antérieurement par la société CHIPIE DESIGN représente un chien noir et se caractérise par une crâne allongé au long museau, les proportions équilibrées de sa tête, son corps et ses membres, un crâne plat et un museau allongé, le poil lissé, un corps allongé délimité par un poitrail et un arrière train rebondis, une ligne de dos rectiligne, un ventre en pointe, les quatre pattes s’élargissant vers le bas disposées symétriquement deux à deux, en V inversé, la queue épaisse levée et tronquée en forme de corne, un collier rouge, un large nœud plat rouge et rose avec un seul pan placé dans le premier tiers du dos et dépassant largement au-dessus du corps, l’absence d’expression due à l’absence d''il, deux oreilles pointues relativement longues, une barbiche simple pointée vers l’avant, ce qui selon la société DUTEXDOR fait ranger l’animal représenté parmi les chiens «scottish» alors que le premier figurerait plutôt une peluche;
La cour constate que nonobstant ces différences, il existe entre les deux signes des ressemblances concrètes puisqu’il s’agit de deux chiens présentés de profil, debout, tournés vers la droite, tête levée, queue dressée, de proportions semblables, pattes courtes, tête volumineuse, oreilles pointues, museau carré et touffe de poils sous le menton, de sorte que même si la race du chien n’est pas déterminable avec précision puisque aucun ne consiste en une représentation réaliste d’un scottish terrier, et même si le second est plus rond que le premier, il se dégage de ses deux signes une correspondance dans la représentation et la symbolique de sorte que les différences sont difficilement repérables pour un consommateur moyen qui garde en mémoire une image imparfaite et une impression globale de la marque, alors d’une part, que le signe figuratif antérieur bénéficie d’une notoriété qui n’est pas contestée et qui est fortement distinctif pour avoir été choisi de façon totalement arbitraire au regard des produits en cause (vêtements, chaussures, bonneterie, chapellerie) à savoir un chien de petite taille présenté de profil avec un ruban formant deux boucles, d’autre part, que ce signe est connu du public pour désigner des vêtements sans être banal eu égard aux autres signes déposés représentant des animaux, au surplus en ce qu’il s’agit de produits strictement identiques, de sorte que les différences entre les deux signes et la différence de couleur sont insuffisantes pour distinguer les deux signes, le second pouvant être interprété comme la déclinaison du premier par la même marque;
La cour rejette le recours formé par la société DUTEXDOR contre la décision du Directeur de l’INPI sous le numéro 06 3432 988;
1. sur les mesures accessoires :
Chacune des parties supportera les frais qu’elle a exposés au titre du présent recours; il n’y a pas lieu d’accueillir les demandes des parties au titre des frais irrépétibles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
Ordonne la jonction de la procédure enregistrée sous le numéro 07/2289 du répertoire général de la cour, à la procédure ouverte sous le numéro 07/02276 du même répertoire,
Déclare recevable le recours formé par la société DUTEXDOR contre la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle du 13 mars 2006 sous le numéro 06 3432 988 statuant sur l’opposition formée par la société CHIPIE DESIGN,
Rejette ce recours,
Déclare irrecevable les demandes de la société CHIPIE DESIGN,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,
Dit que les frais de recours seront supportés par les parties les ayant exposés;
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception par les soins du greffier aux parties et au Directeur de l’INP.