Cass. 3e civ., 11 septembre 2013, n° 12-15.425
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 décembre 2011), que la société Oxydes minéraux de Poissy a pris à bail le 1er janvier 1974 un immeuble industriel sur un terrain situé à Poissy ; que ce bail a été renouvelé puis s'est prolongé par tacite reconduction ; que le 23 décembre 2004, elle a sollicité le renouvellement du bail ; que par acte du 15 février 2005 , les consorts X, propriétaires du terrain, ont refusé le renouvellement du bail et proposé de régler l'indemnité d'éviction éventuellement due ; que les consorts X ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 9 mars 2005 , a désigné un expert en vue de la fixation de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation, mission étendue le 9 mai 2007 à la détermination d'une éventuelle pollution du terrain et du coût de dépollution ; que par acte du 6 mars 2007 , la société Oxydes minéraux de Poissy a assigné les consorts X en constatation de la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'occupation et désignation de trois experts pour évaluer l'indemnité d'éviction ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Oxydes minéraux de Poissy fait grief à l'arrêt de fixer à 323 639,41 euros, la somme due au titre de l'obligation de dépollution du site, alors, selon le moyen :
1°) que le bailleur n'est pas créancier de l'obligation administrative de remise en état des installations classées ; que ladite obligation est sans application dans les rapports entre preneur et bailleur ; que dans les rapports nés du bail, seule importe l'obligation de remise en état du preneur tiré du droit commun du contrat de bail, laquelle implique de comparer l'état des biens loués en fin de bail à l'état initial desdits biens ; qu'au cas présent, en estimant que la société Oxymine serait tenue de payer aux consorts X le coût de la dépollution du terrain au seul motif qu'elle en était le dernier exploitant, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 1730 et 1731 du code civil ;
2°) que la stipulation par laquelle le preneur s'engage à se conformer à tous les règlements de police ou de salubrité qui lui seraient imposés par les autorités compétentes ne transfère pas au bailleur la créance de remise en état dont est titulaire l'administration à l'encontre du dernier exploitant mais impose simplement au preneur de respecter son obligation de dépollution à l'égard de l'administration s'il est sollicité par elle à cette fin ; qu'au cas présent, en jugeant qu'aux termes du contrat de bail, le bailleur s'était engagé à se conformer à tous les règlements de police ou de salubrité qui lui seraient imposés par les autorités compétentes et qu'il en résulterait une obligation, pour le preneur, de payer au bailleur le prix de la dépollution du site en tant que dernier exploitant, la cour d'appel a dénaturé le contrat de bail conclu le 30 janvier 1984, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°) que le code de l'environnement fait du dernier exploitant d'une installation classée le débiteur intermédiaire, à l'égard de l'administration, de l'obligation de dépollution et non le débiteur final chargé de la contribution définitive à la dette ; que le dernier exploitant est obligé à la dette mais n'en assume la charge définitive qu'autant qu'il est responsable de la pollution ; qu'au cas présent, en estimant qu'il résulterait des dispositions du code de l'environnement que « la charge de la dépollution d'un site industriel incombe au dernier exploitant », en l'occurrence la société Oxymine, cependant que, à l'égard du bailleur, seule était en cause, non l'obligation à la dette de dépollution, mais la contribution à ladite dette, la cour d'appel a violé l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement ;
4°) que, s'agissant de l'obligation contractuelle de remise en état, la société Oxymine produisait, pour la première fois en cause d'appel, différents éléments attestant de ce que les biens donnés à bail étaient déjà pollués au moment de son entrée dans les lieux ; qu'en condamnant la société Oxymine à payer au bailleur le coût de la dépollution du terrain au seul motif qu'elle en était le dernier exploitant, sans répondre au moyen selon lequel les biens donnés à bail étaient déjà pollués au moment de l'entrée dans les lieux de la société Oxymine, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu, à bon droit, que la dépollution et la remise en état d'un site industriel résultant d'une obligation légale particulière dont la finalité est la protection de l'environnement et de la santé publique incombe au dernier exploitant, et constaté que la société Oxydes minéraux de Poissy, locataire du site depuis le 1er janvier 1974, avait cette qualité, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la dépollution était à la charge de la société Oxydes minéraux de Poissy ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que le point de départ de la prescription de l'action en paiement d'une indemnité d'occupation doit être fixé à la date d'effet du congé avec offre d'indemnité d'éviction ; que par ce motif de pur droit, invoqué par les consorts X et substitué à ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'il n'y n'avait pas de transfert du fonds de commerce et que le bailleur ne rapportait pas la preuve d'une absence de réinstallation à l'avenir du preneur évincé, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans inverser la charge de la preuve et sans se contredire, qu'une indemnité de remploi et une indemnité pour trouble commercial devaient être allouées à la société Oxydes minéraux de Poissy ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la charge de la dépollution incombait à la société Oxydes minéraux de Poissy, que l'expert avait pu retenir une évaluation de l'indemnité d'éviction valorisant le bénéfice moyen des trois dernières années et la comparer aux taux de rentabilité de l'entreprise et que la société Oxydes minéraux de Poissy ne rapportait pas de références susceptibles d'être prises en compte par l'expert, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que le montant de l'indemnité d'éviction devait être fixé à la somme de 1 051 161 euros, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.