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Décisions

Cass. com., 29 novembre 2011, n° 10-26.848

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Bordeaux, du 13 sept. 2010

13 septembre 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 septembre 2010), que l'Institut coopératif du vin (ICV), titulaire de la marque semi-figurative ICV D 47 déposée le 3 juillet 1990, renouvelée en 2000, enregistrée sous le n° 1 619 158 pour désigner des levures destinées à l'oenologie ainsi que de la marque D 47 déposée le 31 mai 2000 et enregistrée sous le n° 3 031 584 pour désigner les mêmes produits, ayant eu connaissance que la société Predel commercialisait une levure de vinification Maurivin cru blanc en la décrivant dans ses publicités et documents comme équivalente à la levure D47, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à ses marques et aux fins d'obtenir diverses mesures d'interdiction ; que la société Predel a assigné en garantie son fournisseur, la société Beg France ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Predel fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable les marques ICV D 47 et D 47, de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts et d'avoir prononcé des mesures d'interdiction, alors, selon le moyen :

1°) que selon l'article L. 711-2 a) du code de la propriété intellectuelle, sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation usuelle du produit ; que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie au jour du dépôt de celle- ci ; qu'en l'espèce, pour déclarer valable la marque D 47, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la dénomination D 47 n'est ni la désignation générique, ni la désignation nécessaire de la souche de levure isolée par l'Institut coopératif du vin et que son dépôt en tant que marque, même s'il est intervenu dix années après celui de la marque initiale ICV D 47, ne peut être remis en cause puisqu'il constitue une garantie contre les risques de démembrement de la marque primaire manifestement survenus en raison de son succès et de sa notoriété, quand il lui incombait de vérifier, comme l'y invitait la société Predel, si la dénomination D 47 n'était pas devenue, dans le langage professionnel, la désignation usuelle de la souche de levure concernée à la date de dépôt de la marque D 47 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-2, L. 714-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que selon l'article L. 711-2 b) du code de la propriété intellectuelle, « sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit » ; qu'en l'espèce, pour déclarer valables les marques ICV D 47 et D 47, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que les dénominations ICV D 47 et D 47 ne sont ni la désignation générique ni la désignation nécessaire de la souche de levure isolée par l'Institut coopératif du vin et que la société Predel peut donc parfaitement commercialiser ses levures et donner toutes les informations utiles à ses clients sans avoir à contrefaire les marques de l'Institut coopératif du vin, sans vérifier, comme l'y invitait l'exposante, si les dénominations litigieuses ne pouvaient pas servir à désigner les caractéristiques génétiques, encore appelées " profils PCR et ECP ", et les propriétés spécifiques de la souche de levure concernée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-2, L. 714-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le choix de la lettre D et du nombre 47 pour identifier des levures oenologiques revêt un caractère arbitraire et qu'il n'existe aucun lien scientifique entre le signe D 47 et les levures issues d'une souche isolée par l'Institut coopératif du vin dont le nom scientifique, saccharomyce cerevisiae, constitue pour les professionnels le terme d'identification ; qu'il relève encore que, même si certaines revues spécialisées faisaient référence en 1995 et 1997 à la mention D 47 pour désigner cette souche de levure, il n'existe aucune obligation pour un sélectionneur de donner à la souche de levure qu'il isole une seule référence ; qu'il en déduit que la mention D 47 ne constitue pas la désignation de la souche de levure en tant que telle et que la société Predel peut donner toutes informations utiles à ses clients sur les caractéristiques des levures qu'elle commercialise sans avoir à utiliser les dénominations ICV D 47 et D 47 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises et qui n'était pas tenue de suivre la société Predel dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Predel fait grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence d'actes de contrefaçon en faisant usage des dénominations D 47 et ICV D 47, de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts et d'avoir prononcé des mesures d'interdiction, alors, selon le moyen :

1°) que le juge ne peut retenir que des agissements sont constitutifs d'actes de contrefaçon sans caractériser l'existence d'une atteinte portée au droit du propriétaire de la marque ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'actes de contrefaçon par usage des dénominations D 47 et ICV D 47 et condamner la société Predel à indemniser l'Institut coopératif du vin à ce titre, la cour d'appel a affirmé qu'elle avait commis un usage illicite de la marque d'autrui par mention d'une équivalence sans le consentement du propriétaire de cette dernière en opérant dans ses offres de vente une assimilation de la levure qu'elle commercialisait avec celle diffusée sous la marque D 47 pour détourner à son profit la notoriété de ladite marque sans bourse déliée, mais elle n'a caractérisé aucun usage illicite de la marque ICV D 47 ni aucun autre acte de contrefaçon de cette marque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L. 713-2 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que lorsque, pour des produits identiques à ceux désignés dans l'enregistrement, la dénomination arguée de contrefaçon n'est pas identique à la marque au sens de l'article L. 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle, faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments la constituant, le juge doit rechercher s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public au sens de l'article L. 713-3 b) du même code ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Predel à indemniser l'Institut coopératif du vin du fait de la contrefaçon de la marque ICV D 47 , la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'il était établi que la société Predel avait remis à ses clients et dans le cadre de diffusions prospectives des offres de prix présentant systématiquement la levure Maurivin cru blanc comme équivalent à la levure nommément désignée D 47, sans constater qu'il pouvait en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque ICV D 47, ce que contestait l'exposante ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Predel a remis à ses clients des propositions commerciales et des tarifs présentant la levure Maurivin cru blanc comme équivalente à la levure nommément désignée D 47 et ce après qu'elle eut été associée à un accord lui proscrivant l'usage de la marque ICV D 47 ; qu'il en déduit que la société Predel a cherché à tirer profit des investissements exposés pour la diffusion des marques ICV D 47 et D 47et a porté atteinte au caractère distinctif et à l'attractivité de ces deux marques ; que la cour d'appel, qui a fait ressortir qu'il existait une similitude entre les signes ICV D 47 et D 47 et que la société Predel employait le second, dans la vie des affaires, pour présenter des levures, a caractérisé l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur par l'imitation de la marque ICV D 47 ainsi que l'usage illicite de cette marque ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.