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Décisions

Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.530

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Paris, du 4 juill. 2012

4 juillet 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Olivier, Philippe et Christian X  (les consorts X) sont propriétaires d'un domaine viticole situé dans les Landes, dénommé Domaine de Jouanda, lequel est géré par la Société civile du domaine de Jouanda qui commercialise un bas-armagnac sous la marque dénominative française « baron X » déposée le 14 mai 2001 et enregistrée sous le n° 31 009 80 pour désigner notamment en classe 33 des boissons alcooliques (à l'exception des bières), appellations armagnac, bas-armagnac, cognac, brandy, floc de Gascogne, vins, autres préparations alcoolisées ; que ceux-ci, ayant eu connaissance, à la fin de l'année 2008, que le groupement foncier des domaines de Saint-Julien-Médoc, qui produit un vin sous la dénomination « château A X », avait procédé au dépôt, le 31 mars 2006, de deux marques verbales françaises « pavillon X » et « les contes X » enregistrées respectivement sous les n° 06 342 0900 et 06 342 0901 pour désigner des produits en classe 33, ont, après une mise en demeure restée infructueuse, fait assigner ce groupement et la société Fermière du château A X en contrefaçon de la marque « baron X » et pour atteinte au nom patronymique « X » ; que ces derniers ont reconventionnellement sollicité l'annulation de la marque « baron X » et la condamnation des consorts X et de la société civile du domaine de Jouanda pour contrefaçon par imitation de la marque « château A X » ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Fermière du château A X et le groupement foncier des domaines de Saint-Julien-Médoc font grief à l'arrêt d'avoir dit que le dépôt et l'usage des marques « pavillon X » et « les contes X » portaient atteinte aux droits des consorts X sur leur nom patronymique, alors, selon le moyen, que les ayants droit d'une personne qui a inséré son patronyme dans un nom de cru ne peuvent, en principe, interdire aux propriétaires de l'exploitation d'utiliser et de déposer à titre de marque, pour les besoins de leur activité commerciale, des dénominations comprenant ce patronyme ; que la cour d'appel a, en l'espèce, constaté que Jean-Marie X de Cére a donné en 1836 au domaine de A le nom de « château A X », que le domaine ainsi nommé a ensuite été vendu en 1866 par un autre membre de la famille X de Cére, à savoir Simon-Charles X, et que la société Fermière du château A X a toujours exploité le premier vin de ce domaine sous la dénomination « château A X » ; qu'il se déduit de ces constatations que le nom de famille « X » a été incorporé à la dénomination de cette exploitation pour devenir un objet de propriété incorporelle autonome et que les consorts X ne peuvent donc s'opposer à l'usage et au dépôt, à titre de marque, par les propriétaires de l'exploitation « château A X », de dénominations comprenant le signe « X » ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la partie du domaine dont Jean-Marie X  était devenu propriétaire a pris, en 1836, le nom de « château A Poyferrré » et que le premier vin de ce domaine a toujours été exploité sous cette dénomination sous laquelle il a été classé en 1855 ; que l'arrêt relève encore que la cession intervenue en 1920 au profit de la société civile des domaines de Saint-Julien-Médoc, aux droits de laquelle vient le groupement foncier des domaines de Saint-Julien-Médoc, portait sur le domaine du « château A X » en ce compris les marques et étampes actuelles du domaine vendu ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que les consorts X n'ont autorisé et cédé le droit d'utiliser à des fins commerciales que le seul usage du patronyme « X » accolé au toponyme « A », la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour écarter le caractère déceptif de la marque « baron X », l'arrêt relève que celle-ci est utilisée pour désigner un bas-armagnac produit dans le département des Landes et protégé par une appellation d'origine contrôlée ; qu'il relève encore que le nom patronymique « X » est celui employé dans la vie courante par les consorts X, propriétaires du domaine produisant le bas-armagnac désigné sous cette marque ; qu'il en déduit que la mention du nom patronymique « X » n'induit pas un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen, qui ne sera pas susceptible de regarder le produit concerné comme provenant du château A X à Saint-Julien dans le Médoc ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la marque « baron X », enregistrée également pour désigner des vins, n'était pas de nature à tromper le public en lui faisant croire à l'existence d'un lien avec le vin classé 2e grand cru de Saint-Julien produit sous la dénomination « château A X », la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que, pour déclarer la société Fermière du château A X et le groupement foncier des domaines de Saint-Julien-Médoc irrecevables à agir en contrefaçon de la marque « château A X » par la marque « baron X », l'arrêt retient que ceux-ci ont toléré pendant plus de cinq ans l'usage de cette marque puisque celle-ci a été déposée le 14 mai 2001 et qu'ils n'ont formé leur demande en contrefaçon qu'en 2009 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser à compter de quelle date la société Fermière du château A X et le groupement foncier des domaines de Saint-Julien-Médoc avaient effectivement eu connaissance de l'usage de la marque « baron X », le seul dépôt de la marque ne constituant pas un acte propre à caractériser la tolérance en connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que le dépôt et l'usage des marques « pavillon X » et « Les Contes X » portaient atteinte aux droits des consorts X sur leur nom patronymique, condamné le groupement foncier des domaines de Saint-Julien-Médoc à leur payer à chacun une certaine somme et fait interdiction sous astreinte à ce groupement et à la société Fermière du château A X d'utiliser à quelque titre que ce soit le patronyme « X » non précédé du terme " A " à titre de marque, de nom commercial ou de nom de domaine, l'arrêt rendu le 4 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.