Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-14.839
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
FHB (Selarl), Le Thenney (SA), Procureur général près la cour d'appel de Caen
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme de Cabarrus
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 septembre 2018) et les productions, la société anonyme Le Thenney a été mise en redressement judiciaire par jugement du 17 décembre 2014, les sociétés FHB et [] étant désignées en qualité d'administrateur et mandataire judiciaires. Mme C, veuve B (Mme B), alors associée de la société Le Thenney, a formé tierce-opposition à l'arrêt rendu par une cour d'appel le 30 novembre 2017, ayant adopté le plan de redressement de cette société « dans les termes de la proposition élaborée par M. G. »
2. Le 5 mars 2018, l'assemblée générale de la société Le Thenney a, conformément à ce plan de redressement, décidé la réduction du capital à zéro et l'augmentation de capital réservée à M. G, qui est ainsi devenu seul actionnaire de la société.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mme B fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce-opposition, alors « que la représentation des associés par le représentant légal de la société est limitée aux hypothèses où l'atteinte aux droits ou au patrimoine des associés n'est que la conséquence indirecte de l'atteinte aux droits ou au patrimoine de la société ; que l'atteinte à la qualité même d'actionnaire s'analyse en atteinte directe aux droits ou au patrimoine de l'associé ; qu'en décidant que Mme B avait été représentée, s'agissant de la perte de sa qualité d'associé et de son droit préférentiel de souscription, par le représentant légal, quand ces deux points s'analysaient en atteinte directe à ses droits, les juges du fond ont violé l'article 583 du code de procédure civile ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 583 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ce texte que si l'associé est, en principe, représenté, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce-opposition contre un jugement auquel celle-ci a été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre.
5. Pour déclarer irrecevable la tierce-opposition formée par Mme B, l'arrêt retient que les moyens qu'elle invoque ont tous été soulevés par la société Le Thenney dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 30 novembre 2017 et que, s'ils concernent uniquement les actionnaires, ce sont des moyens qui leur sont communs à tous et qui ont été soutenus et défendus en tant que tels par la société Le Thenney, qui les représentait. Il en déduit que, Mme B n'étant pas seule à pouvoir les invoquer, il ne s'agit pas de moyens propres au sens des dispositions de l'article 583 du code de procédure civile.
6. En statuant ainsi, alors que Mme B prétendait que le plan de redressement adopté par l'arrêt du 30 novembre 2017 portait atteinte à sa qualité d'associée et à son droit préférentiel de souscription, de sorte qu'elle invoquait un moyen qui lui était propre, peu important que chacun des autres associés ait disposé d'un droit préférentiel de souscription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. G de sa demande en paiement par Mme C, veuve B de la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.