Cass. com., 24 mars 2021, n° 20-13.832
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
M. Lecaroz
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 décembre 2019), la société Mory Ducros a été mise en redressement judiciaire le 26 novembre 2013. Un plan de cession a été arrêté le 6 février 2014, et la liquidation judiciaire prononcée, avec autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 6 mai 2014, prorogée par la suite jusqu'au 6 août 2014, M. G étant désigné liquidateur.
2. Le 6 novembre 2014, le comptable du service des impôts des entreprises de Garges-lès-Gonesse, auquel le liquidateur avait demandé le remboursement d'un crédit de TVA, en a conservé une partie. Le 29 octobre 2015, le liquidateur a reçu deux avis à tiers détenteur portant sur les sommes de 15 967 euros et de 6 322 euros se rapportant à la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2014 par la société Mory Ducros au titre de ses établissements situés à Rennes et à Cesson-Sevigné.
3. M. G, ès qualités, a saisi le tribunal d'une demande de mainlevée des avis à tiers détenteur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le comptable chargé du recouvrement du service des impôts des entreprises de Rennes-Est fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée des avis à tiers détenteur et de dire que les créances fiscales seraient portées sur la liste des créances pour vérification, alors « que l'arrêt ayant constaté que la cotisation foncière des entreprises en cause était une créance d'origine légale, postérieure à l'ouverture de la procédure, liée aux locaux utilisés, la taxe ne pouvait être considérée comme ni utile à la conservation de ces locaux, ni inhérente à la vie de la société ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article L. 622-17 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-17 I du code de commerce :
5. Selon ce texte, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation sont payées à leur échéance. La cotisation foncière des entreprises, calculée à partir de la valeur locative des biens immobiliers soumis à la taxe foncière que les entreprises utilisent pour leur activité professionnelle, constitue, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et est inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture et entre, en conséquence, dans les prévisions du texte susvisé.
6. Pour ordonner la mainlevée des avis à tiers détenteur, l'arrêt relève que le jugement d'ouverture était en date du 26 novembre 2013 et la liquidation judiciaire du 6 février 2014, que la créance au titre de la cotisation foncière des entreprises 2014 pour les immeubles affectés à l'activité professionnelle de la société était née régulièrement le 1er janvier 2014, soit au cours de la période d'observation et que c'était une créance postérieure, mise en recouvrement après l'arrêté du plan de cession et le prononcé de la liquidation judiciaire. L'arrêt retient que cette cotisation est une créance d'origine légale qui n'est pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation, que si elle est liée aux locaux utilisés, elle n'est cependant ni utile à la conservation de ceux-ci ni inhérente à l'activité de la société, et qu'elle n'est pas directement issue d'opérations ou d'actes faits pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation qu'elle n'avait notamment pas servi à financer, et en déduit que le comptable ne peut pas invoquer le caractère « utile » ou « méritant » de ses créances postérieures afin d'échapper à l'arrêt des poursuites individuelles.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.