Cass. com., 16 juin 2021, n° 20-13.989
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Crédit Lyonnais (SA)
Défendeur :
Pharmacie Defert (SARL), Etude Balincourt (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Riffaud
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Didier et Pinet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 janvier 2020) et les productions, la société Pharmacie Defert ayant été mise en redressement judiciaire le 4 janvier 2017, la société Crédit lyonnais (le Crédit lyonnais) a déclaré une créance privilégiée, représentant les échéances à échoir d'un prêt, les intérêts de retard sur les échéances à échoir au taux de 2,98 % l'an, majoré de trois points, et une indemnité contractuelle de 5 % calculée sur le capital restant dû.
2. Cette déclaration a été contestée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le Crédit lyonnais fait grief à l'arrêt de rejeter la créance au titre des intérêts majorés de la date du jugement jusqu'à parfait paiement, alors « que s'agissant des prêts d'une durée supérieure ou égale à un an, les intérêts de retard font partie des intérêts dont le cours n'est pas arrêté en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire et qui doivent donc être déclarés ; qu'il en va ainsi que ces intérêts de retard portent sur des sommes échues ou sur des sommes à échoir ; qu'en l'espèce, le prêt souscrit par la pharmacie Defert auprès du Crédit lyonnais prévoyait en son article III.6 intitulé "intérêts de retard" que "Toute somme en principal, intérêts, frais et accessoires, non payée au Prêteur à son échéance normale ou anticipée portera de plein droit et sans obligation de mise en demeure préalable intérêts au taux du Prêt majoré de 3 % l'an" ; que sur le fondement de cette clause, le Crédit lyonnais avait mentionné dans sa déclaration de créance après l'indication d'un montant à échoir de 820 887,80 euros, les "intérêts de retard sur les échéances à échoir au taux de 2,98 % l'an + 3 points de la date du jugement jusqu'à parfait paiement" ; que la cour d'appel a jugé, par motifs propres et adoptés, que les intérêts de retard n'avaient pas à être déclarés dès lors qu'ils n'avaient pas commencé à courir en l'absence d'échéance impayée ; qu'en statuant ainsi, cependant que les intérêts de retard devaient être déclarés, quand bien même ils ne portaient pas sur des sommes échues, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24, L. 622-25, L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-25, L. 622-28, L. 631-14 et R. 622-23, 2° du code de commerce :
5. Il résulte de ces textes que l'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts, édictée à l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce en faveur de ceux résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, vise, aux termes même de ce texte, tous intérêts, sans en exclure les intérêts de retard prévus par ces conventions.
6. Pour n'admettre la créance du Crédit lyonnais que pour la somme de 820 887,80 euros à titre privilégié, représentant le montant des échéances à échoir, à l'exclusion des intérêts de retard et de l'indemnité contractuelle de 5 %, l'arrêt retient que le redressement judiciaire n'entraîne pas l'exigibilité anticipée du prêt et que les intérêts de retard prévus à l'article III.6 du contrat sont prévus à la condition que toute somme en principal, intérêts et frais ne soit pas payée à son échéance, normale ou anticipée.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il refuse d'admettre la créance déclarée par la société Crédit lyonnais au titre des intérêts à échoir au taux de 2,98 % l'an majoré de trois points de la date du jugement jusqu'à parfait paiement, l'arrêt rendu le 6 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.