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Décisions

Cass. com., 10 novembre 2021, n° 18-16.750

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Automatisme Mesure Contrôle et Conseils (Sarl)

Défendeur :

Berthold France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Darbois

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Gadiou et Chevallier

Aix-en-Provence, 2e ch., du 22 févr. 201…

22 février 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 février 2018), la société Berthold France (la société Berthold) est titulaire de la marque verbale « Gammascan » n° 3 639 719, déposée le 26 mars 2009 à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) pour désigner des produits en classe 9.

2. Le 25 mars 2011, la société Automatisme mesure contrôle et conseils (la société AM2C), qui commercialise des portiques de contrôle de la radioactivité sous la dénomination « Gammascan », a assigné la société Berthold en annulation de la marque « Gammascan » pour dépôt frauduleux et en concurrence déloyale et parasitisme. La société Berthold a formé une demande reconventionnelle en contrefaçon de la marque n° 3 639 719 et, pour la période de 2006 à 2009, en concurrence déloyale. Devant la cour d'appel, la société AM2C a également demandé l'annulation de la marque en cause pour défaut de distinctivité, ainsi que la déchéance des droits de la société Berthold sur cette marque.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société AM2C fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la marque « Gammascan » déposée par la société Berthold à l'INPI le 23 mars 2009 pour les produits de la classe 9 et, en conséquence, de lui interdire sous astreinte d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoindre, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et de la condamner à payer à la société Berthold la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'une marque présente un caractère descriptif lorsqu'elle constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description d'une caractéristique des produits ou services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en se contentant d'affirmer que le signe « Gammascan » ne serait pas la désignation d'une ou des caractéristiques des produits en cause, sans définir le public pertinent ni rechercher, comme elle y était invitée, si, aux yeux de ce dernier, le signe « Gammascan » n'indiquait pas la destination des produits litigieux, à savoir le « scan », c'est-à-dire le contrôle, de rayons gamma, et s'il n'était ainsi pas dépourvu de caractère distinctif au regard des produits en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

5. Il résulte de ce texte que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés et que sont dépourvus de caractère distinctif, notamment, les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service. Le caractère distinctif d'une marque s'apprécie par rapport à chacun des produits ou services visés par l'enregistrement.

6. Pour rejeter la demande d'annulation de la marque verbale « Gammascan » n° 3 639 719 pour défaut de distinctivité et, par conséquent, o condamner la société AM2C pour contrefaçon de cette marque, l'arrêt retient que celle-ci désigne les portiques de détection de la radioactivité sous lesquels passent les véhicules transportant des déchets, mais n'est ni exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle de ces produits ni la désignation d'une ou des caractéristiques de ces derniers.

7. En statuant ainsi, par voie d'affirmation et par rapport à un produit ne figurant pas sur le certificat d'enregistrement de la marque, sans définir le public pertinent ni rechercher si, aux yeux de ce dernier, le signe « Gammascan », composé des éléments « gamma » et « scan », ne pouvait pas servir à désigner la destination des produits visés à l'enregistrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société AM2C fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au prononcé de la déchéance des droits de la société Berthold sur la marque « Gammascan » n° 3 639 719 et, en conséquence, de lui interdire, sous astreinte, d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoindre, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan-fr » et de la condamner à payer à la société Berthold la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que pour échapper à la déchéance de ses droits, le propriétaire de la marque doit justifier d'un usage sérieux de celle-ci pour chacun des produits et services désignés par l'enregistrement, et visés par la demande en déchéance ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la demande en déchéance présentée par la société Automatique mesure contrôle et conseils, que le défaut d'usage de la marque « Gammascan » après son dépôt le 26 mars 2009, allégué par cette société, serait écarté par les courriels échangés entre la société Berthold et M. Khaled du 22 juin au 13 juillet 2011, par les procès-verbaux de constat d'huissier des 15 mars et 4 décembre 2011 sur le site internet de la société Berthold et par des factures pour les années 2010 à 2014, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque « Gammascan » par la société Berthold pour chacun des produits de la classe 9 couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 714-5, alinéa 1 , du code de la propriété intellectuelle, dans sa er rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

9. Aux termes de ce texte, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

10. Pour rejeter la demande de déchéance des droits de la société Berthold sur la marque « Gammascan », l'arrêt retient que le défaut d'usage sérieux allégué par la société AM2C est écarté par les courriels échangés entre la société Berthold et M. Khaled du 22 juin au 13 juillet 2011, les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 15 mars et 14 décembre 2011 sur le site internet de ladite société, établis à la requête de la société AM2C elle-même, et les nombreuses factures émises à l'égard de clients au cours des années 2010 à 2014.

11. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque « Gammascan » par la société Berthold pour chacun des produits de la classe 9 couverts par son enregistrement et visés par la demande de déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La société AM2C fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger que la société Berthold s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme envers elle et ses demandes de dommages-intérêts, de mesures de publication et d'interdiction et, en conséquence, de lui interdire, sous astreinte, d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoindre, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et de la condamner à payer à la société Berthold la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'au soutien de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitisme, la société AM2C incriminait, en particulier, le dépôt, par la société Berthold, de la marque « Gammascan » et l'usage qu'elle en a fait après ce dépôt ; que la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande d'annulation de la marque « Gammascan », qui sera prononcée sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de l'arrêt visés par le présent moyen, et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

14. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il condamne la société AM2C pour contrefaçon de la marque « Gammascan » n° 3 639 719 et en ce qu'il rejette les demandes formées par cette société contre la société Berthold au titre d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme fondées sur le dépôt et l'usage de ce signe.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la marque « Gammascan » déposée par la société Berthold France le 23 mars 2009 pour les produits de la classe 9, déboute la société Automatisme mesure contrôle et conseils de toutes ses autres demandes, interdit à la société Automatisme mesure contrôle et conseils, sous astreinte, d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoint, sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et la condamne à payer à la société Berthold France la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Berthold France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Berthold France et la condamne à payer à la société Automatisme mesure contrôle et conseils la somme de 3 000 euros.