Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-10.710
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vaissette
Avocats :
SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Bénabent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 octobre 2019), M. [E] et Mme [Y], mariés sous le régime de la séparation de biens, ont, le 24 juillet 1987, acquis en indivision un immeuble situé à [Localité 1].
2. M. [E] a été mis en liquidation judiciaire le 13 mars 2008, Mme [F] étant désignée liquidateur.
3. Le divorce de M. [E] et de Mme [Y] ayant été prononcé par un jugement du 9 septembre 2010 , un arrêt du 14 septembre 2011, rectifié le 14 novembre 2012, infirmant sur ce point le jugement de divorce, a accordé à Mme [Y] une prestation compensatoire en capital de 95 000 euros, sous la forme de l'abandon par M. [E] de sa part indivise dans l'immeuble précité. Le liquidateur n'était pas partie à cette instance.
4. Faisant valoir que les dispositions patrimoniales de cet arrêt étaient inopposables à la procédure collective, le liquidateur a assigné Mme [Y] devant le tribunal de grande instance pour obtenir le partage de l'indivision et, préalablement, la vente aux enchères de l'immeuble indivis.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la procédure collective le transfert de propriété ordonné entre M. [E] et Mme [Y], à titre de prestation compensatoire, par la cour d'appel dans sa décision du 14 septembre 2011, et d'ordonner la vente aux enchères publiques sur licitation de l'immeuble sis à [Localité 1], alors « que le dessaisissement du débiteur soumis à une procédure de liquidation judiciaire ne concernant que l'administration et la disposition de ses biens, celui-ci a qualité pour intenter seul une action en divorce ou y défendre, action attachée à sa personne, qui inclut la fixation de la prestation compensatoire mise à sa charge, sans préjudice de l'exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective l'abandon en pleine propriété d'un bien propre appartenant au débiteur décidé par le juge du divorce à titre de prestation compensatoire, d'une tierce opposition contre cette disposition du jugement de divorce ; qu'en jugeant au contraire que l'action en divorce, même personnelle, en ce qu'elle a des implications financières ne peut échapper à la règle du dessaisissement qui impose que le liquidateur soit appelé en la cause dans la procédure de divorce, à peine de lui voir déclarer inopposable le transfert de propriété décidé par le juge du divorce au titre du paiement de la prestation compensatoire, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9, I, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Mme [F], ès qualités, conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est nouvelle, Mme [Y] n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que M. [E] aurait eu qualité pour défendre à l'action en divorce sur la fixation de la prestation compensatoire, ni qu'il appartenait au liquidateur de former tierce opposition.
7. Cependant, le moyen qui ne se prévaut d'aucun fait qui n'ait été soumis à l'appréciation des juges du fond et constaté par la décision attaquée, est de pur droit.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 641-9, I, du code de commerce :
9. Le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur en liquidation judiciaire, ce dernier a qualité pour intenter seul une action en divorce ou y défendre. Cette action, attachée à sa personne, inclut la fixation de la prestation compensatoire mise à sa charge. Le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure l'abandon, à titre de prestation compensatoire, d'un bien personnel du débiteur marié sous le régime de la séparation des biens qui a été décidé par le juge du divorce, doit exercer une tierce opposition contre cette disposition du jugement de divorce.
10. Pour déclarer inopposable à la liquidation judiciaire de M. [E] le transfert de propriété, ordonné à titre de prestation compensatoire le 14 septembre 2011, et prescrire la vente aux enchères de l'immeuble, l'arrêt retient que les implications financières de l'action en divorce n'échappent pas au dessaisissement et en déduit que le liquidateur aurait dû être appelé à la procédure de divorce.
11. En statuant, ainsi alors qu'il incombait au liquidateur de former tierce opposition au jugement de divorce pour faire déclarer inopposable à la liquidation judiciaire la disposition de ce jugement ayant décidé l'abandon à Mme [Y] de la part de M. [E] dans l'immeuble acquis par eux en indivision, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.