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Décisions

Cass. com., 16 juin 2021, n° 19-25.153

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Alpha Petrovision Holding AG (Sté)

Défendeur :

IPSA Holding (SCP), CBF Associés (SCP

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Thouin-Palat et Boucard

Paris, du 6 août 2019

6 août 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 août 2019, n° RG 19/02553), le 9 janvier 2017, la société IPSA Holding a été mise en sauvegarde, la société CBF associés étant désignée administrateur, et la société [K] étant désignée mandataire judiciaire. La société Alpha Petrovision Holding AG (la société APV) a déclaré sa créance qui a été contestée.

2. Un jugement du 2 octobre 2018 a arrêté le plan de sauvegarde de la société IPSA Holding, d'une durée de quatre ans.

3. La société APV a formé tierce opposition à ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société APV fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa tierce opposition, alors :

« 1°) que la fraude consiste en la mise en oeuvre d'une voie de droit dans le but de se soustraire à une obligation légale ; que la société APV avait démontré que l'ouverture de la procédure de sauvegarde avait pour seul but d'échapper au paiement des créances qu'elle détenait, dans la mesure où elle était le créancier quasi unique de la société IPSA Holding à hauteur de 95,02 % du passif total (99,85 % du passif tiers), en vertu de la convention de cession de titres passée entre les deux sociétés, les autres créanciers, à hauteur de 4,98 %, étant dépendants de la société IPSA Holding directement ou indirectement ; que la société APV soutenait que la durée de quatre années du plan prévu pour le règlement des créanciers était supérieure à la durée de vie de fonds de placement dont la clôture permettrait le règlement de ses créances ; qu'en délaissant ce moyen établissant l'intention purement dilatoire de la société IPSA Holding et, partant, l'existence de la fraude quant à la durée du plan obtenue par cette société, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 661-3 du code de commerce, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

2°) qu'il résulte du plan de sauvegarde que la créance de la société APV est née principalement de la mise en oeuvre d'une convention de cession de titres passée entre les deux sociétés et reconnue, pour le principal, par une sentence arbitrale définitive et cette créance représentait 95,02 % du passif total de la société IPSA Holding (99,85 % du passif tiers), ce qui en fait l'unique créancier atteint par l'ouverture de la sauvegarde et l'arrêté du plan, étant observé que les 4,98 % de créances restantes sont détenues par des sociétés liées à la société IPSA Holding ; qu'il en ressort que l'adoption du plan de sauvegarde tend simplement à tenir en échec des dispositions contractuelles contraignantes et à suspendre l'exécution d'une décision de justice définitive, ce qui constitue en soi une fraude ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 661-3 du code de commerce, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

3°) que constitue un moyen propre celui qu'un créancier peut seul présenter et non le mandataire judiciaire censé le représenter ; que tel est le cas du moyen développé par un créancier qui dispose d'un titre de créance représentant la quasi-totalité du passif ; que la société APV était, dans le cadre du plan de sauvegarde arrêté, le seul créancier directement ou indirectement indépendant de la société IPSA Holding ; que la société APV faisait valoir que cette société avait sollicité un plan dont la durée excédait le temps effectivement nécessaire à la mobilisation des sommes dues en exécution des titres de créance ; que, ce faisant, elle présentait un moyen propre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 661-3 du code de commerce ensemble l'article 583 alinéa 2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 661-3 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile que la tierce opposition exercée par un créancier contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur n'est recevable que s'il démontre que ce jugement a été rendu en fraude de ses droits ou s'il fait état d'un moyen propre. Un moyen propre ne peut tendre à la contestation d'un effet inhérent à la procédure, ni être commun à tous les créanciers.

6. Après avoir analysé les deux options prévues par le plan et les obligations contractées par la société débitrice dans son projet, puis relevé que la durée de quatre ans de ce plan était raisonnable au regard des modalités de financement de la société IPSA Holding, l'arrêt retient qu'aucun des éléments invoqués par la société APV n'est de nature à caractériser une fraude rendant sa tierce opposition recevable.

7. Ayant relevé, ensuite, que la créance de la société IPSA Holding représentait plus de 94 % du passif déclaré, puis l'existence d'autres créances, non contestées, déclarées par la filiale, les associés, le conseil juridique et le commissaire aux comptes de la société débitrice, et que le plan ne comportait pas de dispositions spécifiques ou dérogatoires relatives au remboursement de la société APV, l'arrêt retient que les contestations de cette dernière, relatives à la tardiveté et aux modalités du plan, ne suffisent pas à lui conférer un intérêt à agir distinct de celui de la collectivité des créanciers.

8. Par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans délaisser l'argumentation de la société APV relative à l'existence d'une fraude résultant de la durée du plan et de son incidence sur les obligations de la société IPSA Holding à son égard, n'a fait que se conformer aux exigences des textes précités en écartant l'existence d'une fraude ou d'un moyen propre.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.