Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 16 janvier 2013, n° 11-27.101

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Rapporteur :

Mme Guillaudier

Avocat général :

M. Petit

Avocats :

Me Spinosi, SCP Boullez, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Nîmes, du 27 oct. 2011

27 octobre 2011

Donne acte à la SCI LM du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X, M. Y, Mme Christine et Carole Z, Mme A, veuve Z, Mme B, veuve Z et M. C, ès qualités ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 octobre 2011), que par actes authentiques du 13 juin 1994, la société Jager chimie France (la société Jager) et la société SICAP ont vendu à la société civile immobilière LM (la SCI) un terrain et des bâtiments ; que les deux actes de vente prévoyaient notamment que la société SICAP, ancienne exploitante du site industriel, demeurait contractuellement tenue de garantir le traitement futur de toute pollution détectée et la remise en état du terrain ; que la société Burgeap a été mandatée par la société SICAP pour procéder à des travaux de remise en état ; qu'un procès-verbal de conformité des travaux réalisés a été établi le 14 janvier 2000 par l'inspecteur des installations classées ; qu'estimant avoir subi un préjudice du fait de la perte de locations pendant quatre années car le terrain était pollué, la SCI a assigné la société SICAP, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Cray Valley, et la société Jager, en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la déclarer mal fondée en ses demandes, alors, selon le moyen :

1°) que l'obligation de délivrance impose au vendeur de livrer un bien conforme aux caractéristiques mentionnées dans l'acte de vente : qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que la SCI LM entendait donner aux terrains une affectation industrielle et commerciale et que l'une des parcelles serait affectée dans un délai de quatre ans à la construction d'un immeuble industriel ; qu'en retenant, pour exonérer le vendeur de tout manquement à une obligation de délivrance, qu'il n'était pas mentionné dans l'acte de vente d'affectation à une mise en location de locaux d'habitation ou à usage de bureaux, notamment dans un délai quelconque, au lieu de rechercher si le manquement du vendeur à son obligation de délivrance ne résultait pas suffisamment de ce que le terrain n'avait donc pas pu recevoir l'affectation prévue à l'origine par son acquéreur dans l'acte de vente en conséquence de la pollution du terrain qui avait fait obstacle à la réalisation des projets de construction prévus dans l'acte de vente, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ;

2°) que caractérise un manquement à l'obligation de délivrance, la livraison d'un bien qui ne présente pas les caractéristiques mentionnées dans l'acte de vente ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré que la SCI LM n'avait pas mesuré toute la portée du risque de pollution, même si elle avait été informée de son existence ; qu'en décidant cependant que la société Jager chimie avait livré un bien conforme à sa description dans l'acte de vente qui mentionnait l'existence d'un risque de pollution, bien que la SCI LM n'en ait pas mesuré l'étendue, ce dont il résultait que le bien livré n'était pas conforme aux prévisions de l'acte de vente, la cour d'appel a violé l'article 1603 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'acquéreur déclarait être parfaitement informé du fait que le terrain avait servi de cadre à l'exploitation par la société SICAP d'une activité de production de résines de synthèse ayant fait l'objet d'une autorisation d'exploiter, qu'en annexe de l'acte de vente se trouvait un tableau de stockage recensant de façon exhaustive les produits chimiques stockés par l'exploitant dans ses installations bâties sur ce terrain et le rapport d'un expert faisant état de l'utilisation de nombreux produits toxiques pouvant avoir pollué le sous-sol et la nappe phréatique exigeant des travaux de recherche et des analyses importantes, et relevé que la SCI LM avait été clairement informée de l'existence d'un risque de pollution, qu'elle avait renoncé expressément à engager la responsabilité du vendeur de ce chef et que la convention des parties avait donc porté sur un terrain comportant un risque de pollution connu de l'acquéreur, la cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire que la délivrance du terrain était conforme à la convention des parties et que la SCI devait être déboutée de ses demandes dirigées contre le vendeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et septième branches :

Vu l'article 34 du décret du 21 septembre 1977, pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976, dans sa rédaction applicable, et l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter la SCI de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société Cray Valley, l'arrêt retient notamment que l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 n'imposait à l'exploitant d'un site industriel soumis à autorisation que d'informer le préfet dans le mois suivant la cessation d'activité et de remettre le site en état sous réserve d'injonctions administratives si tel n'était pas le cas, qu'il n'y a eu aucun manquement de la société SICAP à ses obligations administratives en dehors d'un défaut de délai légal pour respecter cette procédure qui n'a pas été sanctionné par l'administration, que les deux actes de vente stipulaient que la société SICAP demeurait contractuellement tenue de garantir le traitement futur de toute pollution détectée et la remise en état antérieure du terrain sans qu'un délai soit prévu à cet effet et que la SCI ne justifie pas de l'avoir mis en demeure avant le 14 janvier 2000 pour dépolluer le terrain ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 impose à l'exploitant de remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976, sans qu'il y ait lieu à mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à payer des dommages-intérêts à la société Jager :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner la SCI à payer à la société Jager chimie France des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que la présentation fallacieuse des informations acquises au moment de la vente traduit suffisamment une intention de nuire et que la procédure d'appel a nécessité de retarder la dissolution de la société qui était prévue ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une faute commise par la SCI dans l'exercice de son droit d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à payer des dommages-intérêts à la société Cray Valley :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence sur le second moyen en ce qu'il a condamné la SCI à payer à la société Cray Valley la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

Et attendu qu'il n'y pas lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la SCI LM de ses demandes dirigées contre la société Jager chimie France, l'arrêt rendu le 27 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée.