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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 17 novembre 2021, n° 21/03462

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Etang Girard (SCI), Duca (SAS), Baguyled (SAS)

Défendeur :

ITM Alimentaire Centre Est (SAS), Domalane (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mr Birolleau

Conseillers :

Mme Chegaray, Mme Bondgrand

T. com. Lyon, prés., du 3 févr. 2021, n°…

3 février 2021

La SCI L'Etang Girard est propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Revel Tourdan (38) dont la société Domalane est locataire aux termes d'un bail commercial.

Alors qu'il avait été convenu du renouvellement du bail commercial venant à expiration le 30 juin 2020, le bailleur a fait signifier le 14 décembre 2019 au locataire un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

La société Domalane a contesté ce congé par acte du 16 mars 2020 devant le tribunal judiciaire de Lyon auquel elle demande notamment de dire que le bail commercial liant les parties est renouvelé à effet du 1er juillet 2020 pour une durée de neuf ans, aux clauses et conditions convenues entre les parties, rappelées et consignées par courriel du bailleur adressé le 5 mars 2019 à son locataire. Cette procédure est actuellement en cours.

La société Domalane qui, jusque-là, exploitait dans les locaux loués un supermarché à l'enseigne Intermarché au terme d'un contrat de franchise conclu en 2005 pour une durée de quinze ans avec la société ITM Entreprises (franchiseur) est passée à compter du 1er février 2020 sous l'enseigne Super U.

La société ITM Entreprises anime un réseau de franchises de supermarché dénommé le groupement des Mousquetaires et est relayée localement par des filiales qui assurent l'approvisionnement et la gestion des relations contractuelles entre le franchisé et le groupement des Mousquetaires, à savoir pour la région Centre Est la société ITM Alimentaire Centre Est.

La société ITM Entreprises est associée de la SCI L'Etang Girard. Lors de l'adhésion de la société Domalane au groupement des Mousquetaires, elle a pris une participation à hauteur d'une action en pleine propriété dans le capital de cette dernière société lui permettant d'assister aux assemblées générales.

M. X est associé majoritaire de la SCI L'Etang Girard. Il est également associé majoritaire des sociétés Duca et Baguyled, exploitant des points de vente sous enseigne Intermarché, concurrentes de la société Domalane, situés à 20/24 km de la société Domalane.

Soupçonnant des actes de concurrence déloyale et de pratiques anticoncurrentielles commis à son préjudice par les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Centre Est de concert avec la SCI L'Etang Girard depuis l'annonce de son passage sous une enseigne concurrente, la société Domalane a, par deux requêtes en date du 21 juillet 2020, sollicité du président du tribunal de commerce de Lyon qu'il ordonne différentes mesures concomitantes, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, au siège de la SCI l'Etang Girard dans le département 38 et dans l'établissement secondaire de la société ITM Alimentaire Centre Est dans le département 01.

Il a été fait droit à ces demandes par deux ordonnances sur requête en date du 23 juillet 2020 (à l'encontre de la société ITM alimentaire Centre Est) et du 29 juillet 2020 (à l'encontre de la SCI L'Etang Girard).

Les opérations de saisie se sont déroulées le 15 septembre 2020 au siège de la SCI L'Etang Girard et à l'établissement de la société ITM Alimentaire Centre Est.

Par deux actes du 9 octobre 2020, la SCI L'Etang Girard et la société ITM Alimentaire Centre Est ont chacune fait assigner en référé-rétractation la société Domalane devant le tribunal de commerce de Lyon. M. X et les sociétés Duca et Baguyled sont volontairement intervenus à l'instance en rétractation.

Par ordonnance de référé contradictoire du 3 février 2021 commune aux deux instances introduites d'une part par la SCI L'Etang Girard, d'autre part par la société ITM Alimentaire Centre Est, le tribunal de commerce de Lyon a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCI L'Etang Girard et la société ITM alimentaire Centre Est,

- débouté la SCI L'Etang Girard et la société ITM alimentaire Centre Est de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

- confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête prononcée le 23 juillet 2020 par le président du tribunal de commerce de Lyon,

- ordonné la levée du séquestre des éléments recueillis dans le cadre des opérations de saisie du 15 septembre 2020,

- ordonné que l'huissier instrumentaire effectue, avant toute remise, un tri des éléments saisis afin de voir transmis à la société Domalane les seuls documents dont la saisie a été spécialement autorisée par l'ordonnance du 23 juillet 2020, à l'exclusion de tous documents comptables, financiers et de tous courriers d'avocats,

- ordonné la remise par l'huissier instrumentaire à la société Domalane de la copie des éléments saisis au cours des opérations de constat tels qu'ainsi définis,

- jugé qu'il n'y a pas lieu d'octroyer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

Suivant déclaration du 19 février 2021, la SCI L'Etang Girard, M. X, la SAS Duca et la SAS Baguyled ont interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance, au contradictoire de la SAS Domalane et de la SAS ITM Alimentaire Centre Est.

Suivant déclaration du 18 mars 2021, la société ITM Alimentaire Centre Est a également interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance, au contradictoire de la société Domalane.

Ces deux appels ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du 7 juin 2021.

Dans leurs dernièrs conclusions du 29 septembre 2021, la SCI L'Etang Girard, M. X, la société Duca Intermarché et la société Baguyled demandent à la cour de :

Vu les dispositions légales susvisées,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel initié par M. X et les sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et Baguyled à l'encontre de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 3 février 2021,

- écarter des débats, à défaut d'action en ce sens par la société Domalane, les pièces n° 27 à 32 produites par cette dernière et toute référence dans ses écritures auxdites pièces ainsi qu'aux circonstances de l'exécution des mesures ordonnées par les décisions dont la rétractation est sollicitée, et se référer à cette fin à la pièce 25 communiquée par les concluants,

A tout le moins,

* s'agissant des pièces 27 à 30 et 21, les écarter des débats, à défaut d'action en ce sens par la société Domalane, ainsi que toute référence dans ses écritures auxdites pièces et aux circonstances de l'exécution des mesures ordonnées par les décisions dont la rétractation est sollicitée,

* s'agissant de la pièce 31 (procès-verbal de constat du 15 septembre 2020) : limiter son utilisation à la seule vérification des conditions de notification de la requête et de l'ordonnance, et écarter des débats, à défaut d'action en ce sens par la société Domalane, toute référence à cette pièce sur un autre sujet ainsi qu'aux circonstances de l'exécution des mesures ordonnées par les décisions dont la rétractation est sollicitée,

- prendre acte de l'aveu judiciaire de la société Domalane relativement aux personnes visées par et ayant supporté la mesure in futurum et à l'objet réel de celle-ci,

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 3 février 2021 en toutes ses dispositions, et plus précisément ce qu'elle a :

* rejeté la demande principale en rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 29 juillet 2020 à la demande de la société Domalane,

* écarté la demande subsidiaire en expertise des éléments saisis,

* débouté les concluants de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- rétracter l'ordonnance sur requête de la société Domalane, rendue le 29 juillet 2020, dans toutes ses dispositions,

- annuler les constatations dressées par la SELARL A, huissiers de Justice, le 15 septembre 2020,

- ordonner la restitution de l'intégralité des éléments obtenus par l'huissier de justice ayant exécuté l'ordonnance du 29 juillet 2020, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la destruction de l'ensemble des documents, fichiers et données informatiques saisis, quel qu'en soit le support, et d'en justifier aux concluants sous huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

- se réserver le droit de liquider les différentes astreintes,

- faire interdiction à la société Domalane d'utiliser à quelque fin que ce soit le procès-verbal de constat dressé en application de l'ordonnance rétractée, ainsi que l'un quelconque des documents obtenus dans le cadre des opérations de constat du 15 septembre 2020,

- déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l'exécution de l'ordonnance rétractée,

Subsidiairement,

- nommer tel expert qu'il lui plaira aux frais de la société Domalane avec pour mission :

- de se faire remettre par l'huissier de justice les éléments qu'il entend intégrer à son procès-verbal de constat,

- de transmettre aux seules sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et "Domalane", à l'exclusion de toute autre partie, la copie de ces données et pièces,

- de recueillir les observations des sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et "Domalane" sous la forme d'un mémoire précisant, pour chaque information ou partie des pièces en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires, étant précisé que ledit mémoire demeurera confidentiel et ne sera pas communiqué à la société Domalane ou son conseil,

- de copier sur un support numérique séparé toutes les pièces identifiées par les sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et "Domalane" dans leur mémoire comme étant protégé par le secret des affaires,

- de remettre au conseil de la société Domalane copie des seules données n'ayant pas été identifiées par les sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et "Domalane" dans leur mémoire comme étant protégé par le secret des affaires,

- de remettre à la présente juridiction uniquement, à l'exclusion des parties, son rapport accompagné du mémoire des sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et "Domalane" ainsi que des données séparées sur deux supports numériques distincts :

- l'un comportant les données n'ayant pas été identifiées par les sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et, "Domalane" dans leur mémoire comme étant protégé par le secret des affaires,

- l'autre comportant les données ayant été identifiées par les sociétés SCI L'Etang Girard, Duca et   "Domalane" dans leur mémoire comme étant protégées par le secret des affaires,

- dire et juger que la juridiction sera saisie ensuite du dépôt du rapport de l'expert par la partie la plus diligente,

En tout état de cause,

- rejeter toutes demandes, fins, conclusions contraires,

- condamner la société Domalane à verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- mettre à la charge de la société Domalane l'ensemble des frais liés à l'exécution de la mesure ordonnée, en ce compris les frais exposés par l'huissier de justice ayant exécuté l'ordonnance rétractée,

- condamner la société Domalane aux entiers dépens de première instance, distraits au profit de la SELARL Asta-Vola & Associés, sur son affirmation de droit,

Y ajoutant,

- condamner la société Domalane à verser la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Domalane aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SCP Regnier Bequet M., sur son affirmation de droit.

Dans ses dernières conclusions du 30 septembre 2021, la société ITM Alimentaire Centre Est demande à la cour de :

Vu les articles 145, 493, 496, 875 du code de procédure civile,

- écarter les pièces n° 27 à 32 produites aux débats par l'intimée et ordonner la cancellation des passages y faisant référence dans les écritures déposées par l'intimée,

- réformer l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,

- rétracter l'ordonnance rendue le 23 juillet 2020,

- condamner la société Domalane à payer à la société ITM Alimentaire Centre Est une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Domalane à payer à la société ITM Alimentaire Centre Est une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 29 septembre 2021, la société Domalane demande à la cour de :

Vu l'article 145 du code de procédure civile,

Vu l'article 149 du code de procédure civile,

Vu les articles 493 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 874 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles L. 151-1 et L. 153-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article R. 153-1 du code de commerce,

A titre principal,

- débouter la SCI L'Etang Girard, M. X, la société Duca et la société Baguyled de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- débouter la société ITM Alimentaire Centre Est de ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 3 février 2021,

- donner acte de ce que les séquestres des éléments recueillis dans le cadre des opérations de saisie ont été levés,

- débouter la SCI L'Etang Girard de sa demande de rejet des pièces 27 à 32 de la société Domalane,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande de rejet des pièces formulées par les parties appelantes,

- juger n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°31 communiquée par la société Domalane, à savoir le procès-verbal de constat d'huissier,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour d'appel réformait l'ordonnance en date du 3 février 2021,

- modifier tel qu'il lui plaira la mission allouée à l'huissier de justice par l'ordonnance en date du 29 juillet 2020 conformément à l'article 149 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- condamner solidairement la SCI L'Etang Girard, M. X, la société Duca et la société Baguyled à la somme de 37.622,88 euros correspondant à l'exact coût engagé dans la présente instance, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur le rejet des pièces 27 à 32 produites par la société Domalane :

Il s'agit pour les pièces 27, 28, 29, 30 et 32 d'éléments recueillis au cours de la mesure d'instruction qui ne peuvent servir à justifier le motif légitime et partant la mesure ordonnée dont ils sont issus et qui ne pouvaient en tout état de cause être produites au vu de l'instance en référé-rétractation en cours qui porte précisément sur le droit pour la société Domalane de s'en prévaloir après réintroduction du contradictoire. Ces pièces seront donc écartées des débats et les développements s'y référant dans les conclusions de la société Domalane dépourvus de toute portée.

En revanche, rien n'interdit la communication du procès-verbal de constat des opérations de saisie ayant eu lieu dans les locaux de la SCI L'Etang Girard le 15 septembre 2020, en exécution de l'ordonnance sur requête, qui constitue la pièce 31 de la société Domalane, à titre d'informations sur le déroulement de la mesure, lesquelles peuvent être utiles à la solution du litige. La demande visant à écarter des débats la pièce 31 de la société Domalane et les développements s'y référant dans les écritures des parties sera donc rejetée.

Sur la demande de rétractation des ordonnances sur requête :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.

A l'appui de leur demande de rétractation, les appelants se prévalent de l'incompétence matérielle de la juridiction consulaire ayant fait droit à la requête, de l'existence d'une instance en cours au jour du dépôt de la requête initiée préalablement par la société Domalane devant le tribunal judiciaire de Lyon, de l'absence de signification de la requête et de l'ordonnance sur requête à M. X et aux sociétés Duca et Baguyled subissant la mesure, en violation des dispositions de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile, de l'inexistence de circonstances justifiant de la nécessité de déroger au principe du contradictoire, de l'absence de motif légitime, et de l'illégitimité de la mission confiée à l'huissier.

- la compétence du tribunal de commerce de Lyon

Il résulte des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile que le juge compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées.

La SCI L'Etang Girard expose qu'au regard des dispositions des articles 1845 alinéa 2 du code civil, L. 721-3 du code de commerce et 875 du code de procédure civile, les sociétés civiles, dont les sociétés civiles immobilières, ne peuvent par principe être attraites devant les juridictions consulaires, seuls les tribunaux judiciaires étant compétents à leur égard en application de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire ; qu'il en est ainsi y compris lorsque l'objet du litige a trait à de prétendues pratiques anti-concurrentielles aux termes de l'article L. 420-7 du code de commerce "...les litiges relatifs à l'application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 sont attribués, selon le cas et sous réserve des règles de partage de compétences entre les ordres de juridiction, aux juridictions civiles et commerciales dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d'Etat".

La société ITM Alimentaire Centre Est se prévaut pour sa part de la clause d'arbitrage figurant à l'article 14 du contrat d'enseigne Intermarché aux termes de laquelle :

"Tous les litiges auxquels le contrat pourra donner lieu, notamment au sujet de sa validité, de son interprétation, de son exécution et de sa résiliation, seront résolus par voie d'arbitrage.

Si les parties s'entendent sur la désignation d'un arbitre unique, elles s'en remettront à l'arbitrage de celui qu'elles auront désigné.

Dans le cas contraire, il sera constitué un tribunal arbitral composé de trois arbitres..."

et dont elle déduit que seule la juridiction arbitrale est compétente pour statuer sur les litiges survenant entre les parties, que ce soit au cours ou à l'expiration du contrat d'enseigne, à l'exclusion des juridictions étatiques.

Aux termes de ses requêtes, la société Domalane se plaint de faits de concurrence déloyale et de pratiques anti-concurrentielles commis à son préjudice par les sociétés ITM Entreprises, ITM Alimentaire Centre Est avec la participation active de la SCI L'Etang Girard. L'action que la société Domalane se propose d'engager sur le fondement des pratiques anti-concurrentielles alléguées relève des juridictions lyonnaises selon les articles R. 420-3 et R. 420-4 du code de commerce. L'action sanctionnant les pratiques anti-concurrentielles comme les actes de concurrence déloyale est une action en responsabilité délictuelle qui, au vu de la généralité des termes de la clause compromissoire susvisée (tous les litiges auxquels le contrat pourra donner lieu...), ne sort pas du champ de ladite clause, contrairement à ce qu'a pu considérer le premier juge. Toutefois, il résulte de l'article 1449 du code de procédure civile que l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire. (...) la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce qui statue sur les mesures d'instruction dans les conditions prévues à l'article 145 et, en cas d'urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d'arbitrage. En l'espèce, un arbitre unique n'a pas été désigné d'un commun accord des parties pas plus qu'à défaut un tribunal arbitral n'a été constitué, de sorte que la société Domalane avait la faculté de saisir le juge des référés sur requête aux fins de mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, a fortiori lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Quant à l'incompétence du juge des requêtes du tribunal de commerce de Lyon dont se prévaut la SCI L'Etang Girard au profit de celui du tribunal judiciaire de Lyon, elle est sans incidence dès lors que la présente cour est juridiction d'appel de ces deux juridictions de première instance en application de l'article R. 420-5 du code de commerce.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société ITM Alimentaire Centre Est et la SCI L'Etang Girard.

- l'existence d'une instance en cours lors du dépôt de la requête

Il est constant que l'existence d'une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d'instruction in futurum que si l'instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête.

En l'espèce, l'instance en cours dont il est fait état par les appelants est l'instance en contestation du congé sans offre de renouvellement initiée le 16 mars 2020 par la société Domalane à l'encontre de sa bailleresse, la SCI L'Etang Girard. Cette instance n'a pas le même objet que l'instance fondée sur les pratiques anti-concurrentielles et en concurrence déloyale que la société Domalane envisage d'engager, le non-renouvellement du bail invoqué par la société Domalane dans le présent litige n'étant qu'un des éléments rendant plausible la commission des actes anti-concurrentiels et de concurrence déloyale reprochés aux appelantset la somme de 500.000 euros réclamée dans l'instance en contestation du congé étant destinée à réparer l'atteinte portée à sa propriété commerciale et à son droit au renouvellement.

En conséquence, aucune fin de non-recevoir ne saurait prospérer à raison de la procédure initiée préalablement devant le tribunal judiciaire de Lyon et opposant l'intimée à sa bailleresse.

- le respect des dispositions de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 495 du code de procédure civile, 'l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée'.

Il est constant que l'article 495 alinéa 3 qui impose de laisser copie de la requête et de l'ordonnance à la personne à laquelle elle est opposée, ne s'applique qu'à la personne qui supporte l'exécution de la mesure, qu'elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé.

Ainsi lorsque la mesure est exécutée dans les locaux d'une société, c'est à l'entité personne morale qu'est opposée l'ordonnance que la remise de l'ordonnance et de la requête doit être faite, en la personne de son représentant.

Seule l'ordonnance sur requête permet d'identifier la personne qui doit supporter la mesure d'instruction ordonnée.

En l'espèce, aux termes de l'ordonnance sur requête du 29 juillet 2020, l'huissier a été désigné avec mission de se rendre au siège de la SCI L'Etang Girard située [...]. Il en résulte que la SCI L'Etang Girard est la personne à qui l'ordonnance est opposée et à qui par voie de conséquence doit être remise une copie de la requête et de l'ordonnance. Pour sa part, la société ITM Alimentaire Centre Est ne s'est pas prévalue d'une violation des dispositions de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile.

Il n'est pas contesté que la SCI L'Etang Girard a reçu signification de la requête et de l'ordonnance le 15 septembre 2020. Contrairement à ce que soutienent M. X et les sociétés Duca et Baguyled, ceux-ci ne sont pas visés dans l'ordonnance sur requête et ne supportent pas la mesure d'instruction ordonnée, quand bien même l'ordonnance a autorisé l'huissier à accéder à l'ensemble des mots de passe ou code d'accès dont ceux de M. X puisque celui-ci a un bureau et un poste informatique dans les locaux -étant observé à cet égard que l'ordonnance a exclu de la saisie les fichiers portant la mention 'personnel'. Enfin, la circonstance que la société Duca ait son siège social dans les mêmes locaux que la SCI L'Etang Girard ne peut entraîner la nécessité d'avoir à l'informer de la mesure d'instruction qui ne la vise pas.

Le fait que dans des conclusions postérieures devant le juge de la rétractation, la société Domalane ait pu écrire que M. X était personnellement visé par les mesures ordonnées ou que les mesures d'instruction litigieuses ont concerné l'ensemble des sociétés de M. X

 - ce que M. X et les sociétés Duca et Baguyled qualifient d'aveu judiciaire quant au fait que les mesures les ont visées et que copie de la requête et de l'ordonnance aurait dû leur être remise - est sans incidence, dès lors que seule l'ordonnance sur requête permet d'identifier la personne qui doit supporter la mesure d'instruction ordonnée, ainsi qu'il a été rappelé plus haut.

En conséquence, il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article 495 du code de procédure civile et aucune rétractation de l'ordonnance sur requête ne saurait prospérer de ce chef.

- le motif légitime

Le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

L'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu'il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond. Le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité des faits qu'il recherche précisément à établir mais seulement à justifier d'éléments les rendant crédibles.

En l'espèce, il ressort des requêtes et des pièces y annexées qu'aux termes d'un courriel de M. X, associé majoritaire de la SCI L'Etang Girard, adressé à son conseil le 5 mars 2019 et en copie à M. Y : Cher Maître, Après d'âpres négociations avec M. Y Nous avons convenu des éléments suivants pour le bail de la SCI L'Etang Girard. Augmentation de 50 K euros : soit une augmentation de 10 K euros pendant 5 ans à date de renouvellement de bail. Les autres termes du bail ne changeant pas. Veuillez préparer dans ce sens le renouvellement du bail de L'Etang Girard qu'au début de l'année 2019, la SCI L'Etang Girard et la société Domalane ont convenu du renouvellement du bail tant dans son principe que dans ses conditions. Le 14 décembre 2019, la société Domalane dont M. Y est le dirigeant s'est vu signifier un congé sans offre de renouvellement à l'échéance du bail, sans qu'aucune justification à ce revirement n'ait été avancée, mais faisant suite à l'annonce de M. Y à M. X de son intention d'exploiter les locaux donnés à bail sous l'enseigne Super U, M. Y n'ayant pas souhaité renouveler le contrat d'enseigne avec ITM Entreprises. Quand bien même le congé sans offre de renouvellement a été délivré avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction, il n'en demeure pas moins que dans cette hypothèse la société Domalane se retrouvera sans local d'exploitation.

Par ailleurs, les requêtes font également état de ce qu'à deux reprises, la société ITM Entreprises a fait obstruction à la tenue d'assemblées générales extraordinaires de la société Domalane tendant à adopter les résolutions nécessaires à l'exploitation de son magasin sous enseigne Super U, ainsi qu'en atteste le procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 27 mars 2020, lors de laquelle la société ITM Entreprises a en outre indiqué se réserver l'opportunité de toute action de nature à faire cesser l'exploitation du point de vente sous l'enseigne Super U.

Enfin, les requêtes mentionnent une sentence arbitrale du 10 mars 2017 par laquelle les sociétés ITM Entreprises, ITM Alimentaire Centre Est et ITM Logistique International ont été condamnées à indemniser la société Domalane à hauteur de la somme de 650.000 euros en réparation des manquements contractuels commis au préjudice de la société Domalane et dont il ressort qu'au cours de la procédure arbitrale, les sociétés ITM se sont fermement opposées à la résiliation du contrat d'enseigne demandée par la société Domalane.

Le non-renouvellement du bail commercial par la SCI L'Etang Girard, alors que celui-ci avait été âprement négocié et avait donné lieu à une augmentation de loyer non négligeable, concomitamment à l'annonce par la société Domalane de son changement d'enseigne, et l'usage par la société ITM Entreprises de sa qualité d'actionnaire pour empêcher par tous moyens la société Domalane de quitter le groupement des Mousquetaires afin d'exercer sous l'enseigne concurrente Super U constituent des soupçons plausibles de pratiques anti-concurrentielles et de concurrence déloyale de la part des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Centre Est, cette dernière étant la filiale opérationnelle de la société ITM Entreprises pour la région Centre Est et à ce titre la seule interlocutrice des franchisés Intermarché dans cette région, et ce de concert avec la SCI L'Etang Girard, en dépit des activités distinctes de cette dernière, la perte du bail étant l'élément majeur pour faire pression sur la société Domalane, étant rappelé que M. X, associé majoritaire de la SCI L'Etang Girard, est également adhérent au groupement des Mousquetaires par le biais de ces deux autres sociétés Duca et Baguyled .

Dans ces conditions, la société Domalane justifie d'un motif légitime pour solliciter la mesure d'instruction destinée à établir avant tout procès au fond la preuve des faits litigieux qu'elle soupçonne, tant à l'égard de la SCI L'Etang Girard que de la société ITM Alimentaire Centre Est, cette dernière ne pouvant se retrancher derrière le fait que les griefs de la société Domalane ne concernent que la société ITM Entreprises au vu du contrat d'enseigne, notamment son article 1 qui stipule que 'pour la mise en oeuvre et l'application des présentes (du contrat d'enseigne Intermarché), ITM Entreprises sera amenée à intervenir par l'intermédiaire de ses filiales et sous-filiales. La société d'exploitation l'accepte et s'engage à respecter leurs directives'.

- la dérogation au principe du contradictoire

Le juge doit rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

Les requêtes sont motivées sur ce point par le risque de déperdition des preuves et la nécessité d'agir par surprise eu égard au contexte de "concurrence déloyale et de la collusion entre les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Centre Est d'une part et la SCI L'Etang Girard d'autre part", à la nature et au support des éléments recherchés, "les données étant détenues sur support informatique ou téléphonique, facilement modifiables et escamotables", et au nombre de protagonistes concernés, les uns avertis du fait qu'un huissier de justice s'est vu confier la mission d'identifier des documents et d'en recueillir copie, les autres en supprimeraient toute trace à défaut de concomitance des mesures.

Les ordonnances quant à elles mentionnent le contexte dans lequel s'inscrit la mesure, à savoir les faits de concurrence déloyale, manoeuvres dolosives et pratiques anti-concurrentielles allégués par la requérante et énonce que "la grande majorité des documents recherchés est stockée de façon immatérielle et donc facilement destructible ; qu'enfin, le nombre de personnes impliquées traduit une volonté de dispersion des éléments de preuve, exigeant que les mesures ordonnées soient diligentées simultanément et par surprise pour en assurer l'efficacité ; qu'en conséquence, l'efficacité de cette mesure est conditionnée à l'effet de surprise et qu'il convient dès lors de déroger au principe du contradictoire".

Il est manifeste que la recherche des éléments de preuve vise en l'espèce des instructions, courriers, courriels, télécopies, messages qui ne sont soumis à aucune obligation de conservation et qui peuvent aisément être supprimés ou altérés par des manipulations informatiques.

La nécessité de déroger au principe du contradictoire ressortant de la nature même des faits de concurrence déloyale, pratiques anti-concurrentielles et du contexte de collusion dans lequel ils s'inscrivent apparaît suffisamment justifiée, y compris par renvoi à la requête motivée de manière circonstanciée et aux pièces annexées. La mesure d'instruction a été sollicitée et autorisée au siège de la SCI L'Etang Girard et de la société ITM Alimentaire Centre Est, la concomitance de la recherche des éléments de preuve aux deux sièges sociaux pour garantir l'efficacité de la mesure et éviter toute concertation entre les deux sociétés exigeant de préserver l'effet de surprise.

- la mission confiée à l'huissier et la proportionnalité de la mesure

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnée à l'objectif poursuivi, le juge devant vérifier que la mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

En l'espèce, l'huissier a été autorisée 'à vérifier et prendre copie par tous moyens de recherche utile et notamment par examen de tout support informatique accessible depuis les établissements principal et secondaire de la SCI L'Etant Girard (selon l'ordonnance sur requête du 29 juillet 2020) ou de la société ITM Alimentaire Centre Est (selon l'ordonnance sur requête du 23 juillet 2020) et notamment à partir des messages informatiques, de la présence de tout fichier, donnée, document, correspondance ou élément quelle qu'en soit la forme ou le support, informatique ou autre :

- Appartenant ou se rapportant aux noms DOMALANE, SCI L'ETANG GIRARD, X, Y, STÉPHANE, MARC, SUPER U, U ENSEIGNE, RENOUVELLEMENT, BAIL, CONGÉ, JEAN-CLAUDE D., IMMO MOUSQUETAIRES, B, IEM, IM REVEL TOURDAN, PDV 10206, avec ou sans accent, en minuscule ou en majuscule, au singulier ou au pluriel, avec ou sans apostrophe, espace ou tiret,

- Relatifs à la société Domalane, au non-renouvellement du bail commercial de la SCI L'Étang Girard, à la résiliation du contrat d'enseigne conclu entre la société Domalane et la société ITM Entreprises, aux assemblées générales de la société Domalane, au ralliement de la société Domalane à l'enseigne SUPER U.

L'ordonnance sur requête précise qu'en cas de difficulté dans la sélection et le tri des éléments recherchés, l'huissier est autorisé à prendre copie de l'ensemble des documents, fichiers et correspondances en rapport avec sa mission, voire des disques durs, des répertoires, des éléments de messagerie et autres supports de données, en vue de leur traitement en son étude ou, sous son contrôle, dans les locaux du technicien informatique, à l'exclusion expresse des fichiers portant la mention personnel et avocat. Les données informatiques ainsi recueillis devront être copiées sur des périphériques de stockage en double exemplaire, une copie étant remise au technicien le temps nécessaire à son analyse et à l'établissement de son rapport. Dans cette hypothèse d'examen différé, l'huissier devra consigner la démarche utilisée et décrire les opérations et outils d'investigations adoptés'.

Les appelants font grief aux ordonnances sur requête d'avoir confié à l'huissier de justice une mesure d'investigation générale ainsi qu'une mission d'analyse et de qualification des documents saisis, non légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile, arguant de la généralité des mots clés, de l'absence de croisement entre les mots clés, de l'absence de limite temporelle de recherches, conduisant de manière disproportionnée au regard du but poursuivi à la saisie de quantité de messages ne concernant pas la société Domalane.

Il ressort des ordonnances sur requête - confiant à l'huissier une mission identique - que celles-ci ont défini :

- dans un premier temps, des mots-clés pertinents car en rapport avec les protagonistes (DOMALANE, SCI L'ETANG GIRARD, X, Y, STEPHANE, MARC), l'objet de ce dossier relatif au changement d'enseigne (SUPER U, U ENSEIGNE) et les moyens dénoncés par l'intimé, notamment le refus de renouvellement du bail (RENOUVELLEMENT, BAIL, CONGE), ainsi que d'autres mots clés plus spécifiques au point de vente de l'intermarché de la société Domalane,

- puis dans un second temps, afin de limiter le nombre des éléments saisis à l'aide des mots clés, des thèmes de recherche restreints (non renouvellement du bail, résiliation du contrat d'enseigne Intermarché, ralliement à l'enseigne Super U et assemblées générales de la société Domalane) de nature à circonscrire les éléments recherchés aux faits dénoncés dans la requête.

Au vu des thèmes de recherche, il est manifeste que les fichiers comptables, financiers et commerciaux ne font pas partie du périmètre de la saisie autorisée par les ordonnances, préservant ainsi le secret des affaires, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, et que la recherche est de facto implicitement limitée dans le temps, puisque les thématiques du renouvellement ou non du bail et du changement d'enseigne dont il a été question aux assemblées générales n'apparaissent qu'à compter du début de l'année 2019.

Il convient de rappeler que les ordonnances font interdiction à l'huissier d'appréhender les fichiers personnel et avocat, préservant le respect de la vie privée et de la confidentialité des échanges avec les conseils des appelants.

Enfin, la mission confiée à l'huissier de faire le tri ne suppose pas, compte tenu des termes de recherche explicites et circonscrits définis plus haut, que celui-ci ait à apprécier et qualifier juridiquement les pièces appréhendées, de sorte qu'il ne peut être soutenu que l'huissier a été investi d'une mission d'analyse ne lui incombant pas.

Ainsi la mesure ordonnée, utile et proportionnée au regard du but poursuivi, ne s'apparente pas à une mesure d'investigation générale excédant les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile ni ne porte d'atteinte illégitime aux droits des appelants.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance du 3 février 2021 qui n'a pas fait droit aux demandes de rétractation de la SCI L'Etang Girard et de la société ITM Alimentaire Centre Est.

Sur la demande subsidiaire d'expertise relative aux pièces saisies formée par la SCI L'Etang Girard et les sociétés Duca et Baguyled :

Ces sociétés font valoir qu'ont été saisis des documents comptables, financiers, commerciaux leur appartenant, lesquels sont indiscutablement protégés par les dispositions des articles L. 151-1 et suivants du code de commerce issus de la loi du 30 juillet 2018 et qu'elles sont fondées à solliciter la mise en oeuvre des mesures de protection de secret des affaires instituées par les articles L. 153-1 et R. 153-2 et suivants du même code. Elles ajoutent qu'elles sont en l'état dans l'incapacité absolue de se conformer aux exigences de l'article R. 153-3 puisqu'elles ne savent pas quelles pièces saisies seront remises à la société Domalane après le tri opéré par l'huissier. Elles sollicitent une mesure d'expertise aux fins d'examen des pièces que l'huissier entend intégrer à son procès-verbal de constat au regard de la protection du secret des affaires.

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, d'une part il a été fait interdiction à l'huissier aux termes des ordonnances sur requête de saisir les fichiers portant la mention "personnel" et les courriers d'avocat, d'autre part les fichiers comptables, financiers et commerciaux ne font pas partie du périmètre de la saisie autorisée pour les raisons développées plus haut, si bien que l'huissier écartera nécessairement tout fichier qui aurait pu être saisi par erreur avant d'en effectuer la remise à la société Domalane, laquelle ne saurait comporter d'éléments protégés par le secret des affaires au sens de l'article L. 151-1 du code de commerce. En outre, il convient de rappeler, le cas échéant, que la société Domalane a été franchisée Intermarché durant 15 ans jusqu'au mois de février 2020, de sorte que le fonctionnement du groupement Mousquetaires et d'un point de vente Intermarché ne lui est pas inconnu et qu'elle est supposée être déjà au fait de l'ensemble des procédures, taux de marge, accord et savoir-faire qui seraient éventuellement couverts par la protection au titre du secret des affaires.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise qui n'a pas fait droit à la demande d'expertise.

Sur les autres demandes :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

Compte tenu du sens de la présente décision, la société ITM Alimentaire Centre Est sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la désorganisation causée par la mesure de constat injustifiée.

Il convient de condamner in solidum la SCI L'Etang Girard et la société ITM Alimentaire Centre Est, qui succombent, à supporter la charge des dépens d'appel et la seule SCI L'Etang Girard (compte tenu de la formulation de la demande) à verser à la société Domalane la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les pièces 27 à 32, à l'exclusion de la pièce 31, de la société Domalane et dit que les développements s'y référant dans les conclusions de celle-ci sont dépourvus de toute portée,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SCI L'Etang Girard et la société ITM Alimentaire Centre Est aux dépens d'appel,

Condamne la SCI L'Etang Girard à verser à la société Domalane la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

Rejette le surplus des demandes.