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Décisions

CA Cour Appel de Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 novembre 2021, n° 20/03458

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Selarl JSA (ès qual.), Tematik (Sté)

Défendeur :

Cdiscount (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Roquain, Me Wartel Severac, Me Saffar

T. com. Bordeaux, du 10 janv. 2020, n° 2…

10 janvier 2020

La société Cdiscount qui exploite un site internet destiné aux consommateurs et la société Tématik, ayant une activité interentreprise fournissant notamment des appareils de chauffage et des articles d'ameublement de jardin entretenaient des relations commerciales depuis 2014.

Le gérant de la société Tématik, M. X, avait été salarié de la société Camatel avec laquelle la société CDiscount était en relation d'affaires depuis 2008.

Le 10 février 2015, un accord cadre était signé entre la société Cdiscount et la société Tématik avec effet au 1er janvier 2015 pour la fourniture d'appareils de chauffage et d'ameublement de jardin.

Par courriel du 16 septembre 2015, la société CDiscount informait la société Tématik qu'elle cessait la commercialisation de certains appareils de chauffage et annulait les commandes en cours les concernant, motif pris d'une procédure en contrefaçon initiée notamment par la société Calmatel à l'encontre de la société Tématik.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 novembre 2015, la société CDiscount notifiait à la société Tématik sa décision de mettre un terme à leurs relations commerciales, à l'issue d'un préavis de trois mois.

Par acte extrajudiciaire du 16 janvier 2018, faisant suite à une lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juin 2016, la société CDiscount a fait assigner la société Tématik devant le tribunal de commerce de Bordeaux à l'effet de la voir condamnée à lui payer plusieurs sommes au titre de ristournes de fin d'année ainsi qu'au titre de remboursement qu'elle a dû effectuer auprès de clients du fait des carences de la société Tématik dans le respect de ses obligations concernant le SAV pendant la durée du préavis, outre le paiement de sommes au titre du préjudice du fait de défaut de livraison des marchandises commandées ainsi qu'au titre de plan média.

Par jugement du 10 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué en ces termes :

- « Condamne la société Tématik à payer à la société CDiscount SA la somme de 63 889,99 TTC (soixante trois mille huit cent quatre vingt neuf euros et quatre vingt dix neuf centimes) au titre des ristournes de fin d'année, assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 16 janvier 2018, date de l'assignation,

- Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 16 janvier 2018,

- Condamne la société Tématik à payer à la société CDiscount la somme de 3 538,80 TTC (Trois mille cinq cent trente huit euros et quatre vingt centimes) au titre du SAV,

- Condamne la société Tématik à payer à la société CDiscount la somme de 40,00 (quarante euros) au titre au titre de l'article L 441-6 du code de commerce,

- Ordonne l'exécution provisoire,

- Déboute la société Tématik de l'ensemble de ses demandes,

- Déboute la société CDiscount du surplus de ses demandes,

- Condamne la société Tématik à payer à la société CDISCOUNT SA la somme de 4 000,00 (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société Tématik de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la société Tématik aux depens ».

Par déclaration du 17 février 2020, la société Tématik a interjeté appel de ce jugement.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire a été rejetée par Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel par ordonnance du 4 novembre 2020.

Par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 5 mai 2021, une procédure de liquidation judiciaire de la société Tématik a été ouverte en application de l'article 369 du code de procédure civile.

La société JSA a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juin 2021, Cdiscount a déclaré sa créance.

Vu les dernières conclusions de la société JSA agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Tématik déposées et notifiées le 14 juin 2021, priant la cour d'appel de Paris de :

« Donner acte à la SELARL JSA de sa reprise d'instance en qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK.

En application de l'article 373 du Code de procédure civile, reprendre l'instance en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue.

Recevoir la société JSA es qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK en son appel et l'y déclarer fondée.

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de la société C DISCOUNT au titre du plan média, celle afférente aux dommages intérêts et celle relative à la clause pénale sur R.F.A.

Infirmer le jugement du 10 janvier 2020 en ce qu'il a débouté la société TEMATIK de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

Vu l'article L 442-6, I, 2° du code de commerce,

Dire et juger les stipulations du contrat cadre du 10 février 2015 relatives aux R.F.A. marquées d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Prononcer la nullité de ces stipulations ;

Rejeter la demande de la société C DISCOUNT tendant à obtenir paiement de la somme de 63 889,99 euros au titre des R.F.A. 2015.

Condamner la société C DISCOUNT à rembourser à la société JSA ès qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK la somme de 84 816,52 euros qu'elle lui a payée au titre des R.F.A. 2015.

Défalquer en tout cas de la somme réclamée par C DISCOUNT au titre des R.F.A. 2015 le prélèvement de 26 769,57 euros qu'elle n'a pas pris en compte dans le chiffrage de sa demande.

Condamner la société C DISCOUNT à rembourser à la société JSA es qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK la somme de 34 843,34 euros que celle-ci lui a versée indûment au titre de l'obligation de « respect de colisage ».

Condamner la société C DISCOUNT à payer à la société JSA es qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK la somme de 129 554,52 euros à titre de remboursement de facturations « communication » indues.

La condamner également à payer à la société JSA es qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK, la somme de 45 000 euros facturée et encaissée pour fourniture de « statistiques ».

Condamner la société C DISCOUNT à payer à la société JSA ès qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK, à titre de dommages intérêts :

- la somme de 145 513 euros et subsidiairement celle de 100 000 euros pour annulation abusive de commandes fermes ;

- La somme de 251 401 euros pour rupture brutale de relations commerciales établies.

Condamner la société C DISCOUNT à payer à la société JSA es qualité de mandataire liquidateur de la société TEMATIK une indemnité de procédure de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens ».

Vu les dernières conclusions de la société CDiscount déposées et notifiées le 25 juin 2021, demandant à la cour de :

« Vu l'accord cadre signé entre la société CDISCOUNT et la société TEMATIK le 10 février 2015,

Vu les dispositions des articles 1134, 1153 et 1154 du Code Civil dans son ancienne rédaction, applicable aux relations entre les parties,

Vu l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, dans son ancienne rédaction,

Vu l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, dans son ancienne rédaction,

Sur les ristournes de fin d'année

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le tribunal a jugé que la société TEMATIK était redevable à l'égard de la société CDISCOUNT de la somme de 53.241,66 € HT, soit 63.889,99 € TTC, au titre des ristournes de fin d'année, facturées le 11 avril 2016, et débouté la société TEMATIK de ses demandes de remboursement à ce titre,

INFIRMER le jugement entrepris en ce que le tribunal n'a pas fait droit à la demande de la société CDISCOUNT sur l'application des pénalités de 20 % du montant de la facture et le taux d'intérêts applicable,

Statuant à nouveau, compte tenu de la liquidation judiciaire dont la société TEMATIK fait l'objet,

FIXER la créance de la société CDISCOUNT au passif de la société TEMATIK, à la somme de 53 241,66 HT, soit 63 889,99 € TTC, au titre des ristournes de fin d'année, facturées le 11 avril 2016, outre la somme de 10 648,33 €, ou 10 861,30 € TTC, au titre de la pénalité de retard, à parfaire à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire,

JUGER que le taux d'intérêt applicable est égal à 3 fois le taux d'intérêt légal, commençant à courir à compter du 11 avril 2016, date d'échéance de la facture émise, et s'interrompant à la date d'ouverture de la procédure collective,

DEBOUTER la société TEMATIK de ses demandes de remboursement des ristournes de fin d'année, d'ores et déjà réglées.

En tout état de cause,

Si par impossible la Cour jugeait que les ristournes n'étaient pas dues, et que la société TEMATIK devait être remboursée des sommes payées à ce titre, juger qu'elle formule ses demandes sous deux formes, et que la société CDISCOUNT n'a perçu que 84 816,52 € à ce titre, les 45 000 € et 534 843,34 € réclamés en sus à ce titre étant compris dans les 84 816,52 €.

Sur le plan média

La société TEMATIK ayant validé le plan média qui lui a été proposé par la société CDISCOUNT, le 27 octobre 2015,

INFIRMER le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

FIXER la créance de la société CDISCOUNT au passif de la société TEMATIK à la somme de 15 000 € HT, soit 18 000 € TTC au titre du plan média validé le 25 octobre 2015, facturé le 21 février 2016, outre les pénalités de 20 % du montant de la facture, soit 3 000 € HT, ou 3 600 € TTC, et les intérêts à un taux égal à trois fois le taux d'intérêt légal, à compter du 21 février 2016, date d'échéance de la facture émise, à parfaire.

Sur la demande de remboursement de la société TEMATIK des factures de communication d'ores et déjà réglée pour un montant de 129 554,52 € pour l'année 2015,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le Tribunal a rejeté la demande de la société TEMATIK,

Sur l'exécution du préavis

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le Tribunal a jugé que la société TEMATIK était redevable à l'égard de la société CDISCOUNT de la somme de 3 538,80 € HT au titre du SAV,

REFORMER le jugement entrepris en ce que le Tribunal a rejeté la demande de la société CDISCOUNT à hauteur de 813,20 € HT à ce titre,

FIXER la créance de la société CDISCOUNT au passif de la société TEMATIK à la somme de 4 352 € au titre du préavis

INFIRMER le jugement entrepris en ce que le Tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de la société CDISCOUNT du fait du défaut de livraison des marchandises commandées,

Statuant à nouveau, compte tenu de la liquidation judiciaire dont la société TEMATIK fait l'objet,

FIXER la créance de la société CDISCOUNT au passif de la société TEMATIK à la somme de 4 000 € HT de la réparation du préjudice qu'elle a subi.

Sur les conditions de la rupture des relations entre les parties

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le Tribunal a jugé que les relations entre les parties n'ont pas été suffisantes pour caractériser des relations établies,

A titre subsidiaire,

Les relations entre les parties ayant été rompues en raison du comportement fautif de la société TEMATIK, qui mettait en difficulté la société CDISCOUNT, qui était exposée à des poursuites judiciaires de la société CAMATEL, et la société TEMATIK ayant bénéficié d'un préavis de 3 mois, qu'elle n'a pas exécuté,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le Tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de la société TEMATIK

En tout état de cause,

JUGER que les intérêts sur l'ensemble des condamnations se capitaliseront en application de l'ancien article 1154 du Code Civil, aujourd'hui codifié à l'article 1343-2 du Code civil, jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective, le 5 mai 2021,

FIXER la créance de la société CDISCOUNT au passif de la société TEMATIK au titre des frais de recouvrement fixés l'article L. 441-6 du Code de commerce à la somme de 40 par facture impayée, soit 80.

DEBOUTER la société TEMATIK de l'ensemble de ses demandes,

FIXER la créance de la société CDISCOUNT au passif de la société TEMATIK au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la somme de 12 000

JUGER que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure ».

SUR CE, LA COUR

Sur les remises de fin d'années (« RFA ») concernant l'année 2015

La société Cdiscount fonde sa demande au titre des RFA sur l'accord cadre conclu entre les parties le 10 février 2015 (sa pièce 3) ayant donné lieu à 2 notes de débit des 23 septembre et 20 octobre 2015 (ses pièces 44 et 45) jamais contestées et réglées et sur le solde restant dû au titre de l'année 2015 sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la société Tématik, ayant donné lieu à la note de débit du 11 avril 2016 d'un montant de 63 889,99 TTC (sa pièce 6) demeurée impayée.

Sur la validité des clauses contractuelles

La société Tématik fait valoir que les clauses relatives au versement d'une R.F.A. par le fournisseur au bénéfice d'un distributeur relèvent de l'article L 442-6, I, 2° du Code de commerce sanctionnant le fait de soumettre un partenaire commercial à une obligation créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat. Elle soutient que lorsque le déséquilibre est constaté l'annulation de la clause prévoyant ces obligations dans le contrat cadre doit être prononcée par le tribunal, avec toutes conséquences de droit.

Elle ajoute que l'absence de négociation du contrat, et en particulier des R.F.A., confirme le caractère déséquilibré de la stipulation contractuelle. La société Tématik affirme que l'accord du fournisseur n'a jamais été demandé ou donné, que la société Cdiscount a facturé à sa guise les prestations et que les quelques annotations portées à la main sur le contrat cadre de 2015 n'en ont pas transformé le sens et la portée. De plus, le manque d'observations sur les stipulations contractuelles témoigne que le contrat n'a pas été le fruit de négociations. La société appelante en conclut qu'aucun effort particulier n'était réalisé par le distributeur alors que cet effort légitime le principe de versement d'une R.F.A.

Outre le principe de liberté contractuelle de l'article 1134 du code civil, la société Cdiscount fait valoir qu'il appartient à la société Tématik de démontrer, par un examen concret, la soumission ou la tentative de soumission, l'existence d'un déséquilibre d'une importance telle qu'il pourrait être qualifié de « significatif ».

Sur ce,

Le principe de la liberté contractuelle de l'article 1134 ancien du code civil ne fait pas obstacle à ce que le partenaire commercial soit protégé en cas de soumission ou de tentative de soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ainsi qu'il résulte de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019.

S'agissant de la soumission ou tentative de soumission, il appartient à la société Tématik de rapporter la preuve qu'aucune négociation n'a été possible. Or, celle-ci ne le démontre pas.

Au contraire, il résulte de l'accord cadre produit (pièce 3 de Cdiscount) que des négociations ont été possibles puisque certaines dispositions ont fait l'objet de mentions manuscrites de la société Tématik qui a notamment refusé l'indemnité de rupture de stock.

En outre, il est produit un courriel de la société Tématik du 13 janvier 2015 (pièce 49 bis de Cdiscount) en ces termes :

« Nous acceptons l'augmentation des remises diverses.

En revanche, vous comprendrez que nous ne pouvons pas en plus de ces remises supporter une quelconque opération d'euro pièce supplémentaire.(...) » .

Dès lors, faute de démonstration d'une soumission ou d'une tentative de soumission, le liquidateur de la société Tématik est déboutée de sa demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce et le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande de déduction de la somme de 26 769, 57 euros

La société Tématik fait valoir que la somme de 26 769,57 aurait été déduite de son compte dans les livres de la société Cdiscount, et que cette déduction n'aurait pas été prise en considération dans le chiffrage de ses demandes, ce qu'un commerçant peut prouver par la production de ses livres.

Elle ajoute qu'il incombe à Cdiscount de présenter un calcul exhaustif des R.F.A. 2015 qu'elle revendique et d'indiquer sous quelle rubrique elle impute le prélèvement de 26 769,57 euros.

Sur ce, c'est par de justes motifs que le tribunal a rejeté cette demande de la société Tématik fondée sur un tableau figurant sur un papier sans en tête, non certifié par son expert-comptable (sa pièce 12), nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de la société Tématik.

La créance de la société Cdiscount au passif de la société Tématik est fixée à la somme de 53 241,66 euros HT, soit 63 889,99 euros TTC au titre des RFA facturées le 11 avril 2016 calculées en exécution de l'accord cadre, sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la société Tématik sur l'année 2015 de 2 300 969,63 euros HT, soit 3 % en contrepartie du respect du colisage, 1 % en contrepartie de la fourniture de statistiques et 2 % pour l'objectif de chiffre d'affaires réalisé, sous déduction des deux notes de débit réglées.

Le jugement est en revanche infirmé en ce qu'il a rejeté la clause pénale de 20 % du montant des sommes dues, outre intérêt égal à trois fois celui de l'intérêt légal figurant sur les notes de débit (pièces 44, 45, 48 et 49), sauf à réduire la clause pénale au regard de son caractère manifestement excessif à la somme de 1 euro.

Il convient de fixer la créance de la société Cdiscount au passif de la société Tématik à la somme de 63 889,99 euros TTC avec intérêt égal à trois fois celui de l'intérêt légal à compter à compter du 11 avril 2016, date d'échéance de la facture émise, et s'interrompant à la date d'ouverture de la procédure collective, outre 1 euro au titre de la clause pénale.

Il sera ajouté la somme de 40 euros au titre de la facture impayée, conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce.

Sur les sommes dues en conséquence du plan média

La société Tématik soutient qu'il s'agit d'une facturation abusive nonobstant le fait qu'elle ait signé un tel engagement, s'agissant d'une taxe que le distributeur a voulu prélever pour présenter dans son propre catalogue électronique les produits qu'il vend. Elle considère que le vocable « campagne de communication » est trompeur car ce n'est pas un prestataire extérieur qui a diffusé des messages sur divers médias existant mais la société Cdiscount.

Concernant les facturations communications à hauteur de 129 554,52 pour l'année 2015, la société Tématik demande la répétition de cette somme en visant les dispositions de l'article L 442-6, I, 2° et III du Code de commerce. Elle considère que la société Cdiscount n'a apporté aucun compte rendu, prix global ou prix unitaire de ce que lui a coûté la mise en ligne des produits et qu'il y a eu obtention de la part d'un partenaire commercial d'un avantage injustifié, sinon manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.

Mais, s'agissant de la facturation du plan média à hauteur de 18 000 euros TTC (pièce 8), ainsi que le fait valoir l'intimée, la société Tématik a accepté ce plan média en apposant son tampon et la signature de Monsieur X ainsi que le devis de 15 000 HT le 27 octobre 2015 (pièce 9).

Et la société Cdiscount justifie que les produits de la société Tématik ont été mis en valeur sur la plateforme (pièces 46 et 47).

Cette somme est donc due et le jugement est infirmé sur ce point.

Il convient de fixer la créance de la société Cdiscount au passif de la société Tématik à la somme de 18 000 euros TTC avec intérêt égal à trois fois celui de l'intérêt légal à compter du 21 février 2016, date d'échéance de la facture émise, et s'interrompant à la date d'ouverture de la procédure collective, outre 1 euro au titre de la clause pénale, ainsi qu'il a été dit.

Il sera ajouté la somme de 40 euros au titre de la facture impayée conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce.

Pour ces mêmes motifs, la société Tématik est déboutée de sa demande en remboursement de la somme de 129 554,52 euros au titre des opérations de communication qu'elle a acceptées et qui ont été exécutées (pièces Cdiscount 9 à 72) le tableau (pièce Cdiscount 12) qu'elle a établi étant dépourvu de valeur probante.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies en application de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce, l'annulation abusive des commandes et le préavis

La société Tématik se prévaut de la rupture brutale par Cdiscount des relations commerciales établies, sollicitant le versement de dommages intérêts d'un montant de 251 401 euros au titre d'un préavis de 6 mois.

Elle fait valoir que la société Cdiscount a procédé à la résolution extra judiciaire du contrat de vente d'appareils de chauffage en l'absence de manquement grave aux obligations de contrat.

Elle fait état de commandes annulées à hauteur de 145 513 euros.

Elle soutient que la société Cdiscount n'a jamais été induite en erreur quant à l'identité de sa cocontractante et qu'elle s'est montrée incapable de prouver les contrefaçons alléguées.

Elle dit que l'article 3 du contrat cadre d'adhésion selon lequel la simple plainte d'un tiers contre le fournisseur rend les achats passés auprès de lui résiliables et doit être jugé non exécutoire.

Elle ajoute que la société Cdiscount ne peut se prévaloir de la cessation des relations commerciales sans préavis en raison des agissements qu'elle lui impute et en même temps lui accorder un délai de prévenance de trois mois en lui passant des commandes.

Selon elle, le préavis accordé aurait dû être de six mois compte tenu de son état de dépendance économique. Elle estime le comportement de la société CDiscount condamnable en ce que celle-ci se procure désormais directement des radiateurs semblables aux articles qui ont fondé la rupture des relations commerciales, auprès de son ex fournisseur chinois.

La société CDiscount soutient que la rupture des relations commerciales est justifiée par une faute grave de la société Tématik, justifiant une rupture sans préavis. Elle fait valoir que la société Camatel a découvert que son ancien salarié, Monsieur X, avait utilisé ses qualités et fonctions, pour détourner ses commandes au bénéfice de sa société Tématik, que, s'estimant victime d'agissements parasitaires et d'actes de contrefaçons des modèles qu'elle commercialisait ayant fait l'objet de dépôt et pour lesquels elle était titulaire d'une licence, la société Camatel l'a informé engager une procédure à l'encontre de la société Tématik et qu'elle l'estimait impliquée dans les actes incriminés.

Sur ce,

L'article L 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.

Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux.

En l'espèce, le tribunal ne peut être suivi en ce qu'il a estimé que des relations commerciales de 18 mois ne pouvaient être considérées comme établies, alors que les parties qui avaient signé un accord cadre à effet du 1er janvier 2015, entretenaient une relation suivie, présentant un caractère stable et habituel.

En revanche, il résulte des pièces produites (pièces Cdiscount 62 à 64) que la société Cdiscount a été informée le 19 juin 2015 par la société Camatel d'agissements parasitaires et de concurrence déloyale de la société Tématik ainsi que le 6 août 2015 d'un projet d'assignation en contrefaçon et concurrence déloyale de la société Camatel à l'encontre de la société Tématik et du fait qu'elle était considérée comme impliquée.

Conformément à l'article 3 de l'Annexe 1 de l'accord cadre conclu entre les parties, qui dispose :

"(...)

Dans le cas où Cdiscount ferait l'objet d'actions judiciaires ou de contestations, le Fournisseur s'engage à reprendre à ses frais les produits litigieux et à assurer l'entière responsabilité des conséquences dommageables en découlant.

(...)"

Cdiscount était ainsi fondée à annuler le 16 septembre 2015 la commande en cours des radiateurs litigieux pour la somme de 145 513 HT.

La demande d'indemnisation formée à ce titre par la société Tématik est rejetée.

Par ailleurs, la décision de la société Cdiscount du 12 novembre 2015, de mettre un terme à ses relations commerciales avec la société Tématik à l'issue d'un préavis de trois mois, n'est pas brutale en ce qu'elle est assortie d'un délai de préavis suffisant au regard de la durée de 18 mois des relations commerciales et du temps nécessaire pour trouver d'autres partenaires au vu de nombreux sites de e commerce concurrents, et ce même à admettre la dépendance économique de la société Tématik à l'égard de Cdiscount.

En outre, le préavis a été effectif puisque la société Cdiscount a commandé pour 462 650 euros HT de produits de mobilier de jardin pour la saison 2016, peu important que la société Tématik n'y ait pas donné suite, dès lors qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société Cdiscount à cet égard.

En effet, la société Tématik se borne à faire valoir qu'elle n'est pas responsable de la non exécution de ce préavis donné pour la forme, alors que cette commande était irréalisable, les fournisseurs chinois n'ayant pas accepté d'être payés par lettres de crédit en raison de son déréférencement et ayant exigé des virements avant fabrication et embarquement des marchandises, ce qui exposait la société appelante au risque d'une absence de livraison et à une non conformité des marchandises.

La demande d'indemnisation formée par la société Tematik à ce titre est rejetée et le jugement confirmé de ce chef par substitution de motifs.

La société Cdiscount ne justifie pas davantage d'un préjudice du fait du défaut de livraison des marchandises commandées. La somme de 4 000 euros HT sollicitée à ce titre est rejetée.

S'agissant du Service après-vente, il est établi que la société Tématik qui en avait la charge ne l'a pas assuré au cours du délai de préavis (pièce 56).

Tématik est redevable à l'égard de Cdiscount de la somme de 3 538,80 TTC au titre des avoirs et de la somme de 613,20 'TTC au titre de notes de débit relatives au remboursement des produits à ses clients, du fait de l'absence de suivi de Tématik.

Le surplus de la demande, non justifiée, est rejetée.

Il convient donc de fixer la créance de la société Cdiscount au passif de la société Tématik à la somme de 4 152 euros TTC.

- Sur la capitalisation,

Il convient de dire que les intérêts des sommes dues pour plus d'une année entière se capitaliseront dans les termes de l'article 1154 ancien du code civil jusqu'au 5 mai 2021, date d'ouverture de la procédure collective.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société ISA ès qualités de liquidateur de la société Tématik qui succombe en son appel est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle est condamnée à verser à la société Cdiscount sur ce fondement la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Vu la liquidation judiciaire de la société Tématik,

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Tématik de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE la créance de la société Cdiscount au passif de la société Tématik :

- au titre des remises de fin d'année, à la somme de 63 889,99 euros TTC avec intérêt égal à trois fois celui de l'intérêt légal à compter du 11 avril 2016, date d'échéance de la facture émise, et s'interrompant à la date d'ouverture de la procédure collective, outre 1 euro au titre de la clause pénale,

- au titre du plan média, à la somme de 18 000 euros TTC avec intérêt avec intérêt égal à trois fois celui de l'intérêt légal à compter du 21 février 2016, date d'échéance de la facture émise, et s'interrompant à la date d'ouverture de la procédure collective, outre 1 euro au titre de la clause pénale,

- au titre du SAV dans le cadre du préavis, à la somme de 4 152 euros TTC,

- au titre de l'article L. 441-6 du code de commerce, à la somme de 40 euros par facture impayée, soit 80 euros,

DIT que les intérêts des sommes dues pour plus d'une année entière se capitaliseront dans les termes de l'article 1154 ancien du code civil jusqu'au 5 mai 2021, date d'ouverture de la procédure collective ;

CONDAMNE la société ISA ès qualités de liquidateur de la société Tématik aux dépens et à payer à la société Cdiscount la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.