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Décisions

CA Versailles, 11e ch., 18 novembre 2021, n° 20/00765

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Distribution Casino France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prudhomme

Conseillers :

M. Legris, Mme Meurant

Avocats :

Me Gilles, Me Renaud, Me Dontot, Me Aguerra

Cons. prud'h., Nanterre, du 31 janv. 202…

31 janvier 2020

Le 24 juin 2013, M. X et Mme Y régularisaient avec la SAS Distribution Casino France un contrat de cogérance non salariée de succursale de commerce de détail alimentaire en exécution duquel ils s'étaient vus confier la gestion d'un magasin exploité sous l'enseigne « Petit Casino » à Bois Colombes (92).

Par courrier du 25 novembre 2015, la SAS Distribution Casino France informait M. X et Mme Y de la cessation prochaine de l'exploitation en mode intégré du magasin de Bois Colombes afin de le faire exploiter par le réseau de la franchise du groupe Casino et les interrogeait sur leur souhait de poursuivre la gestion de ce magasin en tant que franchisés.

Par courrier du 10 mars 2016, le groupe Casino notifiait aux requérants la fermeture définitive en exploitation intégrée du magasin de Bois Colombes et leur proposait un reclassement en tant que cogérants mandataires non-salariés dans un magasin « Leader Price express ». Cette proposition était déclinée par M. X et Mme Y le 16 mars 2016.

Deux nouvelles propositions de reclassement étaient faites par le groupe Casino aux intéressés les 15 et 28 avril 2016. Toutes deux étaient également déclinées par les intéressés.

M. X et Mme Y étaient convoqués à un entretien préalable à une éventuelle rupture du contrat de cogérance mandataire non salariée pour le 1er juin 2016.

Le 14 juin 2016, la SAS Distribution Casino France leur notifiait la rupture de leur contrat de cogérance en raison de « l’impossibilité de poursuivre nos relations contractuelles suite au refus des propositions de reclassement dans d'autres succursales que nous vous avons proposées en raison du passage en franchise du fonds de commerce dont vous aviez jusqu'alors la gestion ».

Le 14 juin 2016, M. X et Mme Y saisissaient le conseil de prud'hommes de Nanterre principalement en requalification du contrat de cogérance non salariée en un contrat de travail à durée indéterminée et contester la rupture du contrat.

Vu le jugement du 31 janvier 2020 rendu en formation de départage par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- Ordonné la jonction des affaires enregistrées sous les numéros de RG 16/02240 et 16/02242

- Dit n'y avoir lieu à requalification du contrat de cogérance entre M. X et Mme Y et la SAS Distribution Casino France ;

- Condamné la SAS Distribution Casino France à verser à M. X les sommes suivantes :

- 6 396, 98 € à titre de rappel sur commissions pour la période d'août 2013 à mai 2016 ;

- 639, 70 € au titre des congés payés afférents ;

Ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2016 ;

- Condamné la SAS Distribution Casino France à verser à Mme Y les sommes suivantes :

- 6 517,90 € à titre de rappel sur commissions pour la période d'août 2013 à mai 2016 ;

- 651,80 € au titre des congés payés afférents ;

Ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2016

- Rejeté toutes autres demandes des parties ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS Distribution Casino France à payer à M. X et Mme Y la somme de 600 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS Distribution Casino France aux dépens de l'instance.

Vu l'appel interjeté par M. X et Mme Y le 11 mars 2020.

Vu les conclusions des appelants, M. X et Mme Y, notifiées le 3 septembre 2021 et soutenues à l'audience par leur avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- Réformer le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Nanterre du 31 janvier 2020.

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que M. X et Mme Y ont exercé leurs fonctions sous la subordination juridique et économique de la société Distribution Casino France, en violation des conditions posées par l'article L. 7322-2 du code du travail.

En conséquence,

- Requalifier le contrat de cogérance non salariée de M. X et Mme Y en contrats individuels de travail à durée indéterminée.

- Condamner la société Distribution Casino France à remettre à M. X et Mme Y des documents de fin de contrats (attestation Pôle emploi, certificat de travail) conformes à leur qualification de salariés, dans un délai d'un mois à compter du de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Que la requalification soit prononcée ou non,

- Dire et juger que le licenciement de M. X et Mme Y est sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement que la rupture du contrat de M. X et Mme Y est abusive ;

- Dire et juger qu'en tout état de cause, la société Distribution Casino France a manqué à son obligation de reclassement, de sorte que la rupture du contrat est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- Condamner la société Distribution Casino France à régler à M. X les sommes suivantes, avec intérêts de droits à compter de la demande :

- 20 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour rupture abusive ;

- 54 825,83 € bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires calculés sur la base du SMIC, outre la somme de 5 482,58 € au titre des congés payés afférents ;

- 12 114,97 € bruts au titre des rappels de salaires calculés sur la base du SMIC, outre la somme de 1 211,49 € au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Distribution Casino France à régler à Mme Y les sommes suivantes, avec intérêts de droits à compter de la demande :

- 20 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour rupture abusive ;

- 54 825,83 € bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires calculés sur la base du SMIC, outre la somme de 5 482,58 € au titre des congés payés afférents ;

- 16 053 € bruts au titre des rappels de salaires calculés sur la base du SMIC, outre la somme de 1 605,30 € au titre des congés payés afférents ;

- Ordonner à la société Distribution Casino France de communiquer respectivement à M. X et Mme Y des bulletins de paie rectifiés intégrant les heures supplémentaires réalisées, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jours de retard.

- Dire et juger que la société Distribution Casino France n'a pas exécuté le contrat de manière loyale.

- Condamner la société Distribution Casino France à régler à M. X et Mme Y la somme de 10 000 € chacun en réparation de leur préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat.

- Condamner la société Distribution Casino France à régler à M. X et Mme Y la somme de 3 000 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures de l'intimée, la SAS Distribution Casino France, notifiées le 23 septembre 2021 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes suivantes - Pour Mme Y :

- Rappel de commissions pour la période d'août 2013 à mai 2016 : 6 517,90 €

- Congés payés afférents : 651,80 €

- Article 700 du code de procédure civile : 600 €

- Pour M. X :

- Rappel de rémunération sur la base du SMIC : 6 396,98 €

- Congés payés afférents : 639,70 €

- Article 700 du code de procédure civile : 600 €

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence,

- Débouter Mme Y et M. X de l'intégralité de leurs demandes ;

Y ajoutant,

- Les condamner, chacun, au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Dontot, JRF & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 27 septembre 2021.

SUR CE,

Sur la qualification du contrat liant les parties :

M. X et Mme Y demandent à la cour de requalifier le contrat de gérance mandataire non salarié qu'ils ont chacun régularisé avec la SAS Distribution Casino France le 24 juin 2013 pour gérer et exploiter un magasin sous l'enseigne « Petit Casino » à Bois Colombe en contrat de travail salarié au motif que les gérants n'ont pu exercer leurs fonctions de manière indépendante et ont été placés sous la subordination de la SAS Distribution Casino France. Ils invoquent à ce titre : l'absence de liberté pour déterminer les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin, l'obligation de passer les commandes aux dates et selon les volumes fixés par ladite société, les contrôles effectués par le service commercial de la société, l'évaluation régulière des gérants par ses managers commerciaux, les opérations commerciales et les partenariats, les périodes de congés, les méthodes d'entretien du magasin imposés par la société, le contrôle des ventes réalisé par la société, les commandes de matériel obligatoirement passées auprès de la société et le port de la tenue de travail Casino. Ils invoquent de plus l'absence de rémunération proportionnelle au montant des ventes et l'impossibilité pour eux d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer.

La SAS Distribution Casino France répond que les appelants ne démontrent pas que la relation contractuelle entre les parties ne se serait pas inscrite dans le respect du statut des gérants non-salariés des succursales de commerce de détail alimentaire et qu'ils n'auraient pas été libres dans l'exercice personnel de leur activité. Elle affirme qu'ils remplissent les conditions de mise en œuvre de ce statut particulier et concluent que leur allégation d'avoir été soumis à l'autorité hiérarchique ayant le pouvoir de donner des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements éventuels n'est nullement étayée.

Il ressort des dispositions de l'article L. 7322-2 du code du travail issu de la loi du 21 janvier 2008 qu'«est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales de commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail ou lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité. La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ». S'ajoute à ce statut légal l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés du 18 juillet 1963 modifié. Il ressort également de l'article 7322-1 du même code que l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non-salariés des dispositions du livre Ier de la 3ème partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés ainsi que de celles de la 4ème partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord. Encore, les gérants non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaires bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés.

Pour apprécier l'existence d'une relation de travail salarié, celle-ci ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Le juge doit se déterminer en fonction, non pas des clauses du contrat de gérance, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail a été effectivement réalisée.

Le statut dérogatoire, qui relève de celui du mandataire, n'est donc applicable qu'à condition que le gérant :

- soit rémunéré de façon proportionnelle au montant des ventes,

- dispose de la liberté d'embaucher du personnel, de partir en congés et de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité,

- dispose de la liberté d'organiser son propre travail.

Et pour que l'existence d'un contrat de travail soit retenue, la réunion de trois éléments est nécessaire : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération et l'existence d'un lien de subordination se caractérisant pas l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. C'est à la partie qui invoque l'existence d'une relation salariale d'apporter la preuve du contrat de travail.

Tout d'abord, les consorts X et Y affirment que le contrat qu'ils ont signé est un contrat d'adhésion dont la nature même caractérise l'absence de toute liberté pour les gérants non-salariés, puisque ce contrat type qui leur a été demandé de signer est totalement incompatible avec l'indépendance commerciale de leur statut. Il convient dès lors d'examiner les stipulations contractuelles mentionnées au contrat du 24 juin 2013.

Sur la rémunération de M. X et Mme Y : il apparaît que la rémunération des gérants mandataires non-salariés doit prendre la forme d'une commission proportionnelle au montant des ventes qu'ils réalisent ; il ressort de l'accord collectif national précité qu'en cas de cogérance, c'est un forfait de commission qui est versé aux cogérants, réparti en fonction des aménagements convenus entre les parties pour la gestion du magasin qui leur est confié, cette répartition ne pouvant être inférieure à 30% du forfait de commission pour le cogérant percevant le moins, sans que cette rémunération puisse être inférieure au minimum garanti pour une gérance de 2ème catégorie à laquelle appartenait la succursale (gérance normale attachée à des succursales nécessitant l'activité effective de plus d'une personne).

Il apparaît que les consorts X et Y recevaient un bulletin mensuel de commissions calculé à hauteur de 6,20% de l'avance commerciale sur recette, à hauteur de 70% pour M. X et de 30 % pour Mme Y comme demandé par eux à la date de signature du contrat (pièce 5 de la société). Par un avenant du 1er août 2014 (pièce 6 de la société), les consorts X et Y ont demandé à la SAS Distribution Casino France d'inverser ces pourcentages de sorte que M. X perçoive 30 % des commissions dues tandis que Mme Y 70 % et ensuite, par un nouvel avenant du 2 juillet 2015 (pièce 7 de la société), les consorts X et Y sont revenus à la répartition initiale, réclamant 70 % pour M. X et 30 % pour Mme Z

La SAS Distribution Casino France justifie qu'elle procédait à un respect du minimum garanti en allouant ainsi 2380 € mensuels au couple en 2016, même si le chiffre d'affaires produit mensuellement ne permettait pas d'atteindre cette rémunération minimale qui leur était garantie. Ainsi, les parties ont été rémunérées à hauteur de ce qu'elles avaient prévu et que les textes précités exigeaient. La SAS Distribution Casino France a respecté l'obligation de rémunérer ces co gérants par le biais d'une commission proportionnelle au montant des ventes qu'ils réalisaient.

Sur la liberté d'organiser leur propre travail : les consorts X et Y exposent que le contrat leur imposait des horaires de travail en son article 1 qui les obligeait à ouvrir le commerce conformément aux «coutumes locales des commerçants d'alimentation générale et/ou des besoins de la clientèle » (contrat de co gérance, pièce 1) de sorte qu'il n'avaient aucune liberté et versent pour justifier des contrôles opérés par la SAS Distribution Casino France, pièces 57 à 59 et 61 ; ils indiquent en sus que les managers commerciaux étaient chargés d'analyser les horaires et les jours d'ouverture en fonction de la zone de chalandise et produisent la pièce 60 à cet effet consistant en une fiche métier de manager commercial datant de mars 2006 ; cependant, à défaut de rapporter la preuve que ces pièces 57 à 61 sont relatives au contrat les liant à la SAS Distribution Casino France, aucun élément n'en faisant état, la cour ne peut en déduire que les co gérants n'avaient pas la liberté d'organiser leur propre travail, alors que le contrat indiquait que les gérants avaient mandat d'assurer la gestion du magasin «dont ils fixent les plages d'ouverture en tenant compte » (des éléments ci-dessus reproduits) de sorte qu'il appartenait bien aux consorts X et Y seuls de fixer leurs horaires d'ouverture du magasin au public. Ils indiquent que la SAS Distribution Casino France mentionnait sur son site internet les horaires du magasin de Bois Colombes (pièce 24), ce qui ne caractérise aucunement que la société succursaliste ait imposé aux consorts X et Y les dits horaires, ces mentions n'étant faites qu'à titre informatif pour la clientèle.

D'ailleurs, la société verse en pièce 22 un courrier du 14/12/2015 adressé par les consorts X et Y à la SAS Distribution Casino France aux termes duquel «nous vous informons que nous modifions les horaires du magasin suite aux chiffres d'affaires très médiocre lors de ce créneau, lundi au vendredi 8h30 à 13h30 et 15h30 à 20h le samedi de 9h à 20h, veuillez prendre compte ces nouveaux horaires» démontrant qu'ils ont décidé des dits horaires, sans en demander une autorisation quelconque à leur cocontractant, ce qui démontre par là même qu'ils avaient la liberté d'organiser leur propre travail.

Sur la liberté d'embaucher du personnel, de partir en congés et de se faire remplacer à leurs frais et sous leur entière responsabilité : les consorts X et Y exposent que la faiblesse de leur rémunération ne leur permettait ni d'embaucher un salarié, ni de se faire remplacer à leurs frais alors qu'il est nécessaire de justifier qu'ils avaient la possibilité effective d'embaucher leur propre personnel. Ils indiquent que M. X en percevant en 2015 une rémunération nette de 644 € mensuelle et Mme Y une rémunération de 858 € nets ont été placés dans l'impossibilité de s'adjoindre l'aide ou de se faire remplacer pendant leurs absences ou congés.

La SAS Distribution Casino France rappelle qu'il n'est pas nécessaire pour bénéficier du statut que les co gérants aient procédé à l'embauche effective de salariés et rappelle que sur l'année 2015, si M. X était réglé à hauteur de 30 % c'est le résultat de sa demande et ainsi Mme Y percevait 70 % de sorte que leur affirmation de percevoir à eux deux la somme de 1502 € n'est pas exacte, le minimum mensuel garanti étant à l'époque de 2380 € ;

Aussi, et compte tenu des termes du contrat de co gérance, la cour constate que les consorts X et Y avaient parfaitement la possibilité effective d'embaucher du personnel propre, notamment pour les remplacer pendant leurs congés, de sorte que leur contestation n'est pas justifiée.

Sur la liberté d'exercice professionnel, les consorts X et Y affirment qu'ils devaient passer des commandes aux dates et selon les volumes fixés par la SAS Distribution Casino France ; ils produisent en pièce 59 une lettre de M. X, gérant non-salarié, du 26/02/2010 qui décrivait les pressions qu'il disait avoir subies dans les commandes. Néanmoins, à défaut pour les consorts X et Y de justifier qu'ils ont fait l'objet des mêmes pressions, cette pièce ne peut y suffire.

Ils versent une pièce 62 pour affirmer qu'un seuil minimum de commande leur était imposé mais la cour ne peut tirer de cette pièce non remplie une quelconque preuve de leur affirmation.

Ils produisent enfin un message Casino Proximité daté du 28/09/2017 (pièce 87) de sorte que le contrat les liant à la SAS Distribution Casino France ayant été rompu le 14/06/2016, cette pièce ne peut pas plus justifier de leur affirmation.

De même, il n'est pas justifié par la pièce 60 que les consorts X et Y aient fait l'objet de contrôles opérés par les managers commerciaux tels que ressortant de cette pièce dont il n'est toujours pas justifié qu'elle s'appliquait à leur relation contractuelle avec la SAS Distribution Casino France et il n'est pas plus démontré que la fiche de « suivi commercial gérants mandataires non-salariés annuel » de l'année 2013 (ou 2018) (pièce 63) s'applique à eux, à défaut de connaître le nom du gérant concerné.

M. X et Mme Y affirment qu'ils avaient l'obligation de participer à des opérations commerciales imposées par la SAS Distribution Casino France et versent à nouveau la pièce 63 qui ne peut pas plus en justifier pour le même motif que ci-dessus, tandis que les pièces 64 et 65 produites par eux concernent les années 2010 et 2011 alors que le contrat qu'ils ont souscrit l'a été en juin 2013.

Ainsi, les pièces 70 et 71 sont également antérieures à leur entrée en relation professionnelle avec la SAS Distribution Casino France tandis que la pièce 74 ne les concerne pas.

Seul le mailing de février et mars 2014 (pièce 67) et le jeu de juin 2013 peut les concerner, mais la cour relève que les opérations commerciales ou ludiques organisées par le cocontractant ne peuvent être considérées comme une ingérence dans le travail commercial des gérants mais tout au plus comme une aide ou une valorisation de leur activité. Aucune violation de leur liberté n'est démontrée par les pièces ainsi énumérées par eux.

M. X et Mme Y reprochent ensuite à la SAS Distribution Casino France de leur avoir imposé des dates de prise de leurs congés en leur réclamant d'indiquer les dates envisagées en vue de leur validation et disent en justifier par la pièce 86. Néanmoins, cette pièce ne les concerne pas.

Ils affirment que la société validait ou pas leurs souhaits de congés formulés en vertu de la pièce 91. Cette pièce 91 ne justifie pas de cette affirmation.

En revanche, il apparaît à la cour que, par la pièce 90 non visée par les consorts, la SAS Distribution Casino France indiquait qu'elle prenait en considération leur demande d'être remplacés pendant leurs jours de congés par un gérant mandataire non salarié intérimaire pour assurer la continuité commerciale du magasin dont la gestion leur était confiée et ainsi, il en découle que la demande qu'ils faisaient auprès de la société était instituée dans le but de leur fournir un remplaçant intérimaire pour qu'ils puissent bénéficier de leurs congés à leurs dates choisies par eux et non pas pour les contrôler ou contester les dates proposées comme indiqué dans leurs écritures.

S'agissant du reproche de contrôle des ventes, les consorts X et Y versent les pièces 73 à 75 qui constituent un « logs de clôture, logiciel visual leader » dont la compréhension pour la cour n'est pas explicitée, ainsi que des communiqués et courriels émanant de la société. Celle-ci devant établir leur fiche de rémunération, il n'est pas sans raison que la SAS Distribution Casino France demandait à ses gérants non-salariés de communiquer leurs chiffres d'affaires à des dates et heures précises fondées sur leurs chiffres d'affaires mensuels, sans que cela ne soit une atteinte à leur liberté de gérer leur succursale.

En ce qui concerne les méthodes d'entretien du magasin imposées par la SAS Distribution Casino France, les consorts X et Y versent en pièces 76 et 77 une brochure émanant de la société sur «les bonnes pratiques en matière d'hygiène et qualité» et des «instructions de nettoyage et de désinfection des matériels et locaux», ce qui n'établit pas qu'il en résultait un travail supplémentaire pour eux comme reproché dans leurs conclusions, cet entretien devant naturellement être réalisé par le gérant dans son établissement accueillant du public et des denrées alimentaires et aucune sanction n'étant mentionnée en cas de non-respect éventuel, alors qu'il n'est pas justifié que la SAS Distribution Casino France vérifiait ou sanctionnait la méconnaissance de ces éléments.

En ce qui concerne l'obligation reprochée de devoir commander du matériel auprès de l'économat de la SAS Distribution Casino France dont les coûts étaient fixés par la société, les consorts X et Y versent la pièce 78 qui date du 2012, à une époque où ils n’avaient pas signé le contrat litigieux, de sorte qu'ils ne justifient pas d'un lien de subordination à ce titre.

Enfin, sur l'obligation du port de la tenue de travail Casino, ils n'en justifient pas plus par la production de la pièce 63 dont rien ne démontre que ce suivi les concerne comme indiqué ci-dessus et par la pièce 88 qui remonte à 2012, également à une époque où ils n’avaient pas signé le contrat litigieux.

Aussi, les consorts X et Y ne démontrent pas les sujétions qui leur ont fait perdre leur autonomie de gestion et leur liberté d'exercice de leur activité professionnelle et ainsi, la cour ne peut requalifier leur contrat de cogérance non salariée en contrats individuels de travail à durée indéterminée et confirme de ce chef le jugement entrepris.

Sur les rappels de salaire :

Les consorts X et Y exposent qu'ils auraient dû percevoir chacun une rémunération égale au SMIC, le respect de ce salaire minimum étant d'ordre public et l'article L. 7322-1 du code du travail imposant le respect de tous les avantages accordés par la législation sociale, de manière non limitative, de sorte qu'ils demandent la condamnation de la SAS Distribution Casino France à leur verser la somme de 12 114,97 € pour M. X et celle de 16 053 € pour Mme Z

La SAS Distribution Casino France répond que compte tenu de la liberté dont jouissaient les gérants dans l'organisation de leur travail, ils ne justifient pas qu'ils aient travaillé chacun à temps plein, les heures d'ouverture et fermeture du magasin permettant tout au plus de connaître l'amplitude journalière de travail sans justifier d'un travail effectif de chacun d'eux. Elle estime qu'il convient de regarder, en fonction de la commission globale perçue par eux, s'ils ont été remplis de leurs droits et affirme qu'en leur ayant versé la somme globale garantie de 2 340 € en 2013, de 2 365 € en 2014 puis de 2 380 € en 2015 et 2016, elle a respecté ses obligations et demande à la cour de débouter les gérants de leurs réclamations et d'infirmer de ce chef le jugement entrepris.

La signature d'un contrat de co gérance entraîne un partage du forfait de commission entre les deux co gérants, en fonction de la répartition que ceux-ci ont demandé à la société succursaliste d'opérer entre eux ; les accords collectifs peuvent déterminer la rémunération minimum garantie des gérants non-salariés des succursales de commerce de détail alimentaire compte tenu de l'importance de la succursale et des modalités d'exploitation de celle-ci. En l'espèce, M. X et Mme Y ont signé avec la société Casino un contrat de gérance normale exigeant la présence de deux co gérants au minimum. En cas de gérance normale, le montant de la rémunération garantie s'entend de la rémunération garantie non à chacun des cogérants mais à l'ensemble des cogérants de sorte que la SAS Distribution Casino France justifie avoir respecté à leur égard le versement des minima garantis pour la gérance de 2ème catégorie, à savoir de 2 340 € en 2013, de 2 365 € en 2014 puis de 2 380 € en 2015 et 2016.

Néanmoins, et nonobstant le respect du versement de la rémunération minimale garantie, il demeure qu'en application de l'article L. 7322-3 du code du travail, la rémunération convenue ne peut jamais être inférieure au SMIC ; or chacun des consorts X et Y a perçu une rémunération inférieure au SMIC à certaines époques d'exécution du contrat. Pour vérifier si un gérant mandataire non salarié a droit à un rappel de salaire au titre du SMIC, il convient donc de rechercher quel a été le nombre d'heures de travail effectif de l'intéressé au cours de chaque mois, puis vérifier si son salaire horaire (taux horaire) correspondant à sa rémunération divisée par le nombre d'heures de travail effectif, est au moins égale au SMIC de sorte que, alors qu'il n'est pas contesté que chacun des deux co gérants travaillait à temps plein, il convient de condamner la SAS Distribution Casino France à leur verser à ce titre la somme justement calculée par les premiers juges que la cour confirme.

Sur les heures supplémentaires :

Les consorts X et Y réclament l'application de l'article L. 3171-4 du code du travail à la relation les ayant liés à la société Casino au motif que les horaires de travail étaient imposés par cette entreprise qui n'hésitait pas à rompre le contrat si les gérants non-salariés ne respectait pas les horaires prévus, et affirme que compte tenu de ce que le magasin de Bois Colombes était classé en gérance catégorie 2, leur présence à tous les deux de manière permanente était nécessaire compte tenu de la charge de travail, ce qui est confirmé par des attestations de clients versées aux débats (pièce 25 à 47). Il affirment qu'en sus, ils assuraient un service de livraison des produits à domicile comme en atteste certains témoins, qu'ils effectuaient la réception des livraisons plusieurs fois par semaine, la mise en place des produits réceptionnés tous les matins à l'ouverture, le contrôle et le retrait des produits périmés, tous les soirs la clôture de la caisse, le comptage des espèces, la préparation des bordereaux de dépôt en banque, la passation des commandes de marchandises, les modifications des prix en rayons, le nettoyage et le rangement du magasin, la consultation de leur messagerie électronique au moins 2 fois par jour pour prendre connaissance des ordres de retraits en cours, qu'ils étaient présents pendant les inventaires effectués par un représentant de la société de sorte que, compte tenu des heures d'ouverture du magasin :

- entre juin 2013 à décembre 2013 du lundi au samedi de 9h à 20 h outre le dimanche de 9h à 13 h

- entre janvier 2014 et décembre 2015, mêmes horaires avec fermeture du magasin le dimanche

- à compter de janvier 2016 jusqu'à juin 2016, du lundi au samedi de 8h30 à 13h30 et de 15h30 à 20h avec fermeture du magasin le dimanche, ils réclament la somme de 54 825,83 € pour chacun d'eux, outre les congés payés afférents.

La SAS Distribution Casino France invoque le contrat signé entre les parties pour affirmer qu'il laissait les gérants non-salariés libres dans l'organisation de l'exercice personnel de leur activité professionnelle en ce qui concerne la répartition des heures de travail entre ouverture et fermeture ; elle indique que la loi fait interdiction à la société succursaliste de « contrôler » la durée de travail d'un gérant mandataire non salarié de sorte que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ne peuvent s'appliquer que dans la mesure des dispositions de l'article L. 7322-2 alinéa 1 du dit code duquel il résulte que le contrat de co gérance ne fixe pas les conditions de travail du gérant non salarié ; aussi, alors que la société Casino ne peut fixer les conditions de travail du gérant non salarié, il ne peut lui être demandé de justifier des horaires effectivement réalisés par ce dernier.

La cour rappelle qu'il ressort de l'article L. 7322-1 du code du travail que les dispositions de ce code bénéficiant aux salariés s'appliquent en principe aux gérants non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaire ; selon ce texte, l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable au profit des gérants non-salariés des dispositions du livre Ier de la 3ème partie du dit code relatives à la durée du travail, aux repos et congés payés et à la sécurité du travail, lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elles et soumises à son accord ; il en résulte que lorsque les conditions d'application en sont réunies, les gérants non-salariés peuvent revendiquer le paiement d'heures supplémentaires et l'application de l'article L. 3171-4 du code du travail.

Il ressort des éléments de l'espèce qu'il n'est pas justifié que la SAS Distribution Casino France ait imposé des conditions de travail aux consorts X et Y de sorte que le lien de subordination juridique caractérisant l'existence d'un contrat de travail n'est pas rapporté ; et alors qu'il n'est pas démontré par les gérants non-salariés que la SAS Distribution Casino France ait apporté une quelconque réclamation concernant les horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale de Bois Colombes, se contentant de leur demander de se conformer aux «habitudes de la clientèle et aux coutumes locales dans les magasins d'alimentation» tandis qu'elle a seulement diffusé les horaires d'ouverture et de fermeture du commerce sur son site internet tels que décidés par les consorts X et Y sans qu'il ne soit démontré qu'elle ait donné son accord pour une telle amplitude et que lorsque ceux-ci l'ont informée du changement des dits horaires, ils l'ont fait de leur propre chef, sans demander l'autorisation préalable à la société Casino, de sorte qu'il n'est pas justifié que l'accomplissement d'heures de travail et de l'amplitude horaire décidées par les gérants ait jamais été soumis à son accord ; enfin, les consorts X et Y ne rapportent pas la preuve que la société Casino leur avait imposé à titre individuel l'exécution d'horaires de travail déterminés ; en conséquence, les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ne s'appliquent pas à la relation contractuelle et les consorts X et Y seront déboutés de leur demande de paiement d'heures supplémentaires. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat :

Les consorts X et Y demandent la condamnation de la SAS Distribution Casino France à leur verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail ; mais alors que la cour d'appel n'a pas retenu l'existence d'un contrat de travail liant les parties, il convient de les débouter de ce chef de réclamation et de confirmer le jugement de ce chef.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

Les consorts X et Y exposent que puisque les gérants non-salariés bénéficient de toutes les règles applicables aux salariés, notamment celles applicables à la rupture du contrat de travail, la cour doit dire que la rupture du contrat de co gérance non salarié est abusive. Ils demandent à la cour d'apprécier si les règles relatives au licenciement économique ont été respectées par la SAS Distribution Casino France, par la production d'une lettre de licenciement motivée sur les motifs économiques invoqués, l'information et la consultation du comité d'entreprise, l'obligation de recherche de reclassement de sorte qu'en leur absence, ils réclament la condamnation de la SAS Distribution Casino France à leur verser à chacun la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour rupture abusive.

La SAS Distribution Casino France invoque l'article 14 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 qui précise que «la partie qui souhaite mettre fin au contrat de gérance en informera l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception un mois à l'avance. Lorsque la rupture est à l'initiative de l'entreprise, elle sera précédée d'un entretien pour lequel les deux parties pourront se faire accompagner d’une personne de leur choix appartenant à l'entreprise. En ce cas, les gérants mandataires non-salariés comptant deux ans d'ancienneté à la date de la rupture bénéficieront d'un préavis de deux mois. La société pourra, sauf faute justifiant la résiliation immédiate du contrat de gérance, dispenser le gérant mandataire non salarié d'exécuter le préavis prévu ci-dessus en lui versant une indemnité équivalente. Le gérant mandataire non salarié qui estimerait que son contrat de gérance a fait l'objet d'une rupture non fondés sur un motif réel et sérieux ou qui conteste la faute qui lui est reprochée, a toujours la faculté de saisir les tribunaux compétents ». L'article L. 7322-5 du code du travail précise que le tribunal compétent est le conseil de prud'hommes en ce qui concerne les conditions de travail des gérants non-salariés.

Il ressort de la lettre recommandée avec accusé de réception du 25 novembre 2015 que la société Casino a informé les deux gérants de la passation de la succursale qu'ils exploitaient en franchise, dont la gestion leur a été proposée. Il n'apparaît pas des écritures des parties que ceux-ci aient donné leur accord.

Par lettre du 10 mars 2016, la SAS Distribution Casino France a indiqué aux consorts X et Y que «la direction générale a décidé de la fermeture définitive en exploitation intégrée du magasin de Bois Colombes que vous gérez pour notre compte en tant que co gérants mandataires non-salariés depuis le 24 juin 2013 (...). Nous vous proposons un reclassement dans une autre succursale en tant que cogérants mandataires non-salariés à savoir le magasin Leader Price Express de Paris, <adresse>, chiffre d'affaires moyen mensuel de 35 000 €, appartement de fonction ». Les consorts X et Y refusaient cette proposition le 16 mars 2016. Le 15 avril 2016, la SAS Distribution Casino France proposait aux consorts X et Y « un reclassement de cogérants mandataires non-salariés suite à la fermeture prochaine de votre magasin actuel et au refus d'accepter le magasin Leader Price Express de Paris, celui d'Asnières, rue des bourguignons, avec appartement de fonction, CA mensuel moyen de 37 000 € ». Après visite, les consorts X et Y refusaient ce reclassement par lettre du 28 avril 2016. Le même jour, la SAS Distribution Casino France leur faisait une 3ème offre de reclassement pour « le magasin leader Price express de Paris, <adresse>, bénéficiant d'un appartement de fonction, CA mensuel moyen de 34 000 € ». Le 9 mai 2016, les consorts X et Y refusaient cette proposition. Ils étaient convoqués à un entretien préalable à une éventuelle mesure de rupture du contrat de cogérance le 1er juin 2016.

Par lettre du 14 juin 2016, la SAS Distribution Casino France rappelant ces événements et le fait qu'elle avait pris la décision de cesser l'exploitation du magasin Petit Casino de Bois Colombes qu'ils géraient en tant que cogérants mandataires non-salariés depuis le 24 juin 2013 en mode intégré et de le faire exploiter par le réseau de la franchise du Groupe Casino notait que les consorts X et Y avaient refusé tant la poursuite de la gestion de ce magasin en qualité de franchisé du Groupe que les trois propositions de reclassement, au motif de contraintes géographiques. Néanmoins, n'ayant pas de proposition dans le périmètre géographique souhaité par les cogérants et ne pouvant les reclasser dans une autre enseigne que Leader Price express, la société disant être contrainte de rompre le contrat de cogérance mandataire non salarié avec préavis de 2 mois.

Comme mentionné supra, aux termes de l'article L. 7322-1 du code du travail, les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail s'appliquent à la rupture du contrat de gérance non salarié et notamment les articles L. 1233-1 et suivants du code du travail relatifs au licenciement économique. En effet, et contrairement à ce que soutient la société Casino, la rupture poursuivie est la conséquence de sa décision de modifier le mode d'exploitation du magasin dont la gérance a été confiée aux consorts X et Y en exploitation par franchise et n'est nullement inhérent à la personne des co gérants.

Ainsi, par sa lettre de rupture du 14 juin 2016, la SAS Distribution Casino France indiquait qu'elle avait décidé de faire cesser l'exploitation du magasin de Bois Colombes en mode intégré et de le faire exploiter par le réseau de la franchise ; néanmoins, elle ne mentionne nullement un quelconque motif économique, ne parlant pas de suppression ou transformation d'emploi ou de modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, et ne mentionne pas plus la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; cette décision unilatérale de la SAS Distribution Casino France de cesser l'exploitation directe en franchise ne peut en soi constituer un motif valable de licenciement économique, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres reproches portés par les consorts X et Y à la rupture dont ils ont fait l'objet. En conséquence, il convient de dire que la rupture du contrat de cogérance est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Les consorts X et Y affirment avoir subi un préjudice tant moral de financier, Pôle emploi ayant refusé de les prendre en charge en raison de leur statut, et indiquent que ce refus est justifié par la pièce 95 ; néanmoins, cette pièce 95 ne correspond pas à leur affirmation puisqu'elle est constituée de décomptes de rappels de rémunération de chacun des deux co gérants sur les 3 ans de travail.

Compte tenu de cet élément et de ceux connus, leur âge lors de la rupture, leur ancienneté dans l'entreprise et l'absence de toute indication de leur situation personnelle et professionnelle à l'issue de la procédure, la cour fixe à la somme de 9 000 € chacun le montant de l'indemnité destinée à réparer leur préjudice pour cette rupture sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise des documents de fin de contrat :

Il convient de faire droit à la demande des consorts X et Y sur la remise à chacun d'un bulletin de commissions récapitulatif des sommes allouées sans qu'il y ait lieu d'assortir cette obligation de faire d'une astreinte, à défaut d'allégation le justifiant.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de la SAS Distribution Casino France devant le bureau de conciliation. S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la SAS Distribution Casino France ;

La demande formée par les consorts X et Y au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 500 € chacun.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant débouté les consorts X et Y au titre de la rupture du contrat de cogérance

Et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant

Dit sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de cogérance non salarié prononcée le 14 juin 2016 à l'encontre de M. X et de Mme Y

En conséquence, condamne la SAS Distribution Casino France à verser à M. X et à Mme Y chacun la somme de 9 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de cette rupture

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la SAS Distribution Casino France en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

- Déboute M. X et Mme Y du surplus de leurs demandes

- Condamne la SAS Distribution Casino France aux dépens d'appel

- Condamne la SAS Distribution Casino France à payer à M. X et à Mme Y la somme de 1 500 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.